Le journal du cnrs numéro 228/229 Janvier février 2009 titre : Univers, les mystères des origines


Journée mondiale Où en est la recherche contre le cancer ?



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Journée mondiale Où en est la recherche contre le cancer ?


Le 4 février, aura lieu la Journée mondiale contre le cancer, un fléau qui reste la première cause de décès en France. Mais où en est la recherche ? Des progrès récents aux nouveaux objectifs, en passant par l'organisation de la recherche en France, Urszula Hibner, représentante du CNRS au Conseil d'administration de l'Institut national du cancer, nous livre son état des lieux.

Quels sont les grands progrès récents dans la recherche contre le cancer ?

Urszula Hibner : Ces dernières années, il y a eu trois grands types de progrès contre les cancers – car il existe beaucoup de cancers différents ! – : les avancées dans le domaine de la prévention, celles en matière de dépistage précoce et les progrès dans le traitement. En prévention, par exemple, est apparu en 2006 le vaccin contre le cancer du col de l'utérus, deuxième cause de mortalité féminine par cancer (chaque année dans le monde, près de 230 000 décès)… En diagnostic précoce, on peut citer l'augmentation constante et spectaculaire de la résolution des techniques d'imagerie médicale, comme l'imagerie à résonance magnétique (IRM) deux fois plus efficace que la mammographie pour détecter le cancer du sein, qui touche une femme sur huit… Enfin, concernant les traitements, il y a eu, entre autres, l'apparition des thérapies ciblées, toxiques seulement pour les cellules cancéreuses. C'est le cas du médicament imatinib (nom commercial : Glivec). Grâce aux avancées en prévention et en diagnostic et à celles des traitements, plus d'un cancer sur deux est guéri aujourd'hui en France.

Et les progrès en recherche fondamentale ?

U.H. : Il y a eu ici aussi de nombreuses avancées. Ces dernières ont notamment permis de mieux comprendre les mécanismes moléculaires entraînant l'apparition et le développement des cancers, ainsi que l'action de certaines substances anticancéreuses. Et nombre de ces études ont été menées par des chercheurs du CNRS (lire l'encadré) ! Cruciaux, ces travaux ont déjà permis d'améliorer la prise en charge des patients… Ainsi, on n'aurait jamais pu mettre au point le fameux Glivec si des biologistes de recherche fondamentale n'avaient étudié de près, en éprouvette, le rôle de la protéine kinase Bcr-Abl, responsable de la prolifération de certaines cellules cancéreuses et dont l'activité est bloquée par le précieux médicament.

Quelles découvertes promettent beaucoup pour la médecine de demain ?

U.H. : Il y en a beaucoup. Citons la découverte, il y a quelques années, de l'implication de l'inflammation, une réaction immunitaire spéciale, dans l'initiation des cancers ; les progrès réalisés en génétique pour déterminer les gènes particuliers « allumés » dans certaines tumeurs, qui pourraient bien mener à des traitements « à la carte », ne s'adressant qu'aux patients portant les formes « actives » de ces gènes et non aux autres chez qui ils seraient inefficaces, voire toxiques ; la découverte de certaines cellules souches adultes, capables de s'autorenouveler et de se multiplier, soupçonnées d'être à l'origine des récidives ; la meilleure compréhension de la fonction des « micro-ARN », ces petits éléments génétiques jouant un rôle crucial dans l'apparition des cancers, très étudiés dans un laboratoire CNRS à Strasbourg ; etc. D'une manière générale, les chercheurs du CNRS ont grandement participé à toutes ces avancées. Autre preuve récente : en novembre 2008, une équipe comprenant des chercheurs CNRS et Inserm a montré qu'une anomalie sur un gène codant pour une molécule de l'inflammation pouvait entraîner une tumeur.

Quels sont les principaux objectifs des scientifiques à court et moyen termes ?

U.H. : Notre principal effort vise à poursuivre l'étude des bases moléculaires et génétiques du vivant pour mieux cerner comment survient la dérégulation de la prolifération des cellules provoquant les cancers. C'est là un défi primordial, car c'est sur ces bases qu'il faudra jouer pour mieux traiter les tumeurs. Notamment, nous devons mieux comprendre le rôle, dans la survenue des cancers, des cellules saines et des vaisseaux sanguins en contact avec la tumeur : ce que nous appelons « le micro-environnement de la tumeur ». Sachant que la progression d'une tumeur ne dépend pas que de la masse de cellules qui la forme mais aussi des cellules saines autour. Par exemple, dans mon laboratoire de l'Institut de génétique moléculaire de Montpellier (IGMM) (Institut CNRS / Universités Montpellier 1 et 2), nous étudions l'impact de ce « micro-environnement » dans le cas du cancer du foie. Les études en épigénétique, qui concernent les changements héritables mais réversibles sur l'ADN, sont également très prometteuses, et une nouvelle unité CNRS, « Épigénétique et destin cellulaire », vient d'être créée à Paris. Les chercheurs tentent aussi de mieux cerner un fait surprenant : comment la tumeur change la fonction des cellules impliquées dans nos défenses naturelles, les cellules immunitaires (« lymphocytes », « macrophages », etc.), chargées de détruire les cellules anormales comme les cancéreuses, pour les détourner vers un rôle inverse – permettre le développement de la tumeur. La thérapie basée sur la manipulation de nos cellules immunitaires, l'« immunothérapie », est probablement l'une des pistes majeures à suivre pour la médecine de demain. Des équipes CNRS marseillaises travaillent sur cette dernière piste.

Comment est structurée la recherche dans ce secteur en France ?

U.H. : Pour résumer, il y a d'un côté les organismes chargés de réaliser la recherche, comme le CNRS et l'Inserm : le CNRS fait plus de recherche fondamentale alors que l'Inserm mène plus de travaux cliniques (sur les patients). De l'autre côté, il y a les organismes soutenant financièrement la recherche : l'Institut national du cancer (Inca), l'Agence nationale de la recherche (ANR), la Ligue nationale contre le cancer (LNCC), et l'Association de recherche contre le cancer (Arc). Lancé en mai 2005 et placé sous la tutelle des ministères de la Santé et de la Recherche, l'Inca a pour vocation – entre autres – d'harmoniser l'effort de recherche sur le cancer en proposant et en finançant des actions de recherche interdisciplinaires ; il dépense 30 millions d'euros par an pour ces actions. Notamment, l'Inca cofinance avec le CNRS et l'Inserm des projets de recherche promouvant la création de jeunes équipes de chercheurs : les « Actions thématiques et incitatives sur programmes et équipes » ou « Atip » pour le CNRS ; et les « projets Avenir » de l'Inserm. Établissement public créé en janvier 2007, l'ANR, elle, a pour objectif d'accroître le nombre de projets de recherche, venant de toute la communauté scientifique, financés après mise en concurrence et évaluation par les pairs. L'Arc et la Ligue, enfin, allouent à la recherche des fonds provenant entièrement de donateurs privés.

Quelques mots sur le Plan cancer ?

U.H. : Ce plan a été lancé en 2003 pour améliorer la prévention, le dépistage, le traitement et la recherche. Il a eu plusieurs effets positifs. Du point de vue des patients, il a donné lieu à des tentatives afin de favoriser l'égalité de tous à l'accès aux soins. Leur prise en charge et leur information ont été déjà améliorées. Pour ce qui est de la recherche, ce Plan est d'une part une source importante de financement ; d'autre part, il a rendu possible une meilleure organisation des efforts entre les différents acteurs de la lutte contre le cancer (CNRS, Inserm, hôpitaux et centres de lutte contre le cancer). Grâce à lui, les scientifiques de la recherche fondamentale commencent à s'ouvrir à des contacts avec les cliniciens ; bien sûr, la communication entre ces deux mondes n'est pas encore parfaite, mais il y a de plus en plus de passerelles. Les chercheurs apprennent auprès des médecins et participent à l'élaboration des thérapies futures. Pour renforcer ce cercle vertueux, il faut une recherche fondamentale libre et de plus haut niveau. C'est là la mission et l'ambition des équipes du CNRS.

Le CNRS en force contre le cancer

Traitement de métaux

Des chimistes et des biologistes du CNRS notamment, ont identifié une nouvelle classe de molécules qui pourraient permettre de concevoir de nouveaux médicaments anticancéreux : les polyoxométallates (POM). Composées principalement de métaux et d'oxygène, ces molécules inhibent de façon très puissante une substance jouant un rôle déterminant dans le contrôle de la prolifération et de la survie des cellules, hyperactivée dans de nombreux cancers : la protéine-kinase CK2. Ces travaux ont été publiés en juillet dans la revue Chemistry and Biology.



Découverte d'un agent double

Une molécule doublement efficace contre le cancer, capable de bloquer la multiplication de cellules cancéreuses, mais aussi la formation de nouveaux vaisseaux sanguins apportant de l'oxygène et des nutriments aux cellules cancéreuses : voilà ce qu'ont développé et testé chez la souris des équipes conduites par trois directeurs de recherche CNRS.


Baptisée HB-19, la fameuse substance interagit avec une protéine nécessaire à la croissance des cellules tumorales et à la formation des vaisseaux sanguins : la nucléoline de surface. Protégés par un brevet CNRS, ces travaux sont parus en juin dans la revue Plos One

Bloquer les métastases

Comment les cellules cancéreuses arrivent-elles à briser les liens qui les relient à la tumeur, avant d'envahir d'autres tissus et de former, ainsi, des métastases ? Grâce à l'intervention de quatre protéines : sec3, sec8, IQGAP1 et Vamp7, ont répondu des chercheurs lors de travaux parus en juin dans The Journal of Cell Biology et dans Current Biology. Ils ont compris le mode d'action des quatre molécules en travaillant sur des cellules de cancer du sein métastasiques. Leur résultat pourrait bien, à terme, permettre de dépister précocement les tumeurs à fort pouvoir invasif ; voire de bloquer la formation de métastases



Un poison contre le cancer

Si l'arsenic est aussi efficace contre la leucémie aiguë promyélocytaire, une forme rare de leucémie, c'est grâce à une molécule particulière : RNF4. C'est ce qu'a démontré une équipe lors de travaux publiés en avril dans Nature Cell Biology et soutenus par la Ligue contre le cancer. RNF4 favorise la dégradation d'un complexe, formé de deux molécules responsables de la leucémie (« PML/RARA »), modifié par l'arsenic. Si ce poison est utilisé en médecine depuis 3 000 ans, son mécanisme d'action est encore mal compris. Voilà de quoi en savoir plus pour développer des traitements mieux adaptés

Propos recueillis par Kheira Bettayeb

Contact Urszula Hibner, urszula.hibner@cnrs-dir.fr



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