Travaux épidémiologiques
Epidemiological evidence on health risks of cellular telephones
Rothman KJ. Lancet, 2000, 356 : 1837-1840
Rédacteur en chef de la revue Epidemiology et célèbre épidémiologiste, K Rothman fait le point, pour le Lancet, de l’état des connaissances épidémiologiques sur les risques associés aux RF. Dans une courte introduction, il rappelle certains traits distinctifs de l’exposition aux RF, par rapport aux champs électromagnétiques de très basse fréquence (CEM TBF), domaine qui a fait l’objet de très nombreux travaux épidémiologiques : l’exposition est, tout au moins pour les usagers du téléphone, localisée et concerne des tissus bien identifiés, elle a crû considérablement sur la période récente, survient par courtes périodes (les appels), et peut faire l’objet de mesures indirectes (par les facturations) ou d’estimations directes (les DAS), toutes conditions qui devraient rendre le travail des épidémiologistes plus aisé que dans le cas des CEM TBF. Cependant, le recul est trop court pour donner des réponses définitives pour certains effets éventuellement différés, d’autant que les technologies ont évolué sur la période récente.
La revue traite en premier lieu du cancer. Les travaux relatifs aux RF liées aux antennes de radio ou de télévision, ou encore à certains environnements professionnels (radar, branche industrielle de l’électronique…) – 11 articles sont discutés - sont instructives mais de faible valeur pour la téléphonie mobile ; l’exposition au voisinage de stations de base pose, pour K Rothman, « de formidables problèmes » de méthode et il attend peu de résultats concluants de telles études, compte tenu de l’interférence de très nombreux facteurs. Trois études concernant les mobiles sont présentées – dont l’une de l’auteur de l’article – et sont considérées comme non conclusives (des doutes sont exprimés sur l’interprétation des résultats de l’étude de Hardell). Les résultats de 3 autres études sont attendus, dont deux à court terme (études cas témoins achevées) et la dernière dans plusieurs années (le projet Interphone du CIRC).
L’effet le plus manifestement établi par l’épidémiologie (3 articles présentés) est le risque d’accident lors de la conduite automobile, avec des excès de risque de plus de 100 %.
La conclusion de l’auteur est qu’il est trop tôt pour prononcer un verdict sur les risques associés aux téléphones mobiles, notamment sur le cancer. Mais K Rothman, se fondant sur les ordres de grandeur des risques envisagés (pour le cancer du cerveau) ou démontrés (pour les accidents), estime que même si la démonstration devait en être faite, le nombre de cas attendus serait en tout état de cause bien supérieur pour le risque accidentel.
Radiofrequency exposure and mortality from cancer of the brain and lymphatic/hematopoietic sustems.
Morgan RW, Kelsh MA, Zhao K, Exuzides KA, Heringer S, Negrete W. Epidemiology, 2000, 11 : 118-127
Une cohorte professionnelle a été suivie de 1976 à 1996, au sein de l’entreprise Motorola, où la probabilité d’encourir une exposition aux RF est plus forte que dans la population générale ; les RF en jeu sont relatives au procès de fabrication d’appareils de télécommunication, et ne sont pas propres à la téléphonie mobile. Cette cohorte totalise, avec 195 775 travailleurs et 2,7 millions de personnes-ans d’observation, la plus grande série disponible à ce jour pour l’étude des RF sur la mortalité. La variable sanitaire étudiée est la mortalité, selon la cause de décès, avec une attention particulière portée au cancer du cerveau, aux lymphomes et leucémies, parmi 14 causes de décès par cancer. Une analyse détaillée de l’histoire professionnelle des agents, grâce aux registres de l’entreprise, a permis de les catégoriser selon le niveau de leur exposition (nulle -c’est à dire égale à la population générale-, faible, modérée et forte) et sa durée; une étude de validation de la matrice emploi-exposition construite pour l’étude a été réalisée, avec comparaison du classement ainsi opéré à des mesures sur site. Deux systèmes de comparaison de la mortalité ont été adoptés : externe, avec la population générale des 4 Etats américains où sont implantés la majorité des établissements de l’étude (calcul de SMR), et interne, la plus valide, par contraste des catégories d’exposition au sein-même de la cohorte. L’analyse statistique, très élaborée, a permis de prendre en compte différentes latences et l’ancienneté de la présence dans l’entreprise.
Au total, ni les comparaison externes (un fort ‘effet du travailleurs sain’ est observé, avec un SMR ‘tous décès’ de 0,66 [IC95%=0,64-0,67)], ni les comparaisons internes (que ce soit selon le niveau, la durée, les modalités - valeur usuelle, maximum ou cumulée -, l’ancienneté, et la latence de l’exposition) ne suggèrent un rôle de l’exposition aux RF, notamment pour les 3 causes de décès qui ont initié l’étude.
Si cette étude n’apporte aucun argument en faveur d’un risque lié à l’exposition professionnelle aux RF dans cette population, les auteurs soulignent la proportion de personnes classées ‘moyennement ou fortement’ exposées, qui est modeste (environ 9 %), le faible nombre de sujets décédés (3,2 %), et l’âge relativement jeune du personnel de Motorola, ce qui ne permet pas d’exclure, selon eux, que des effets puissent se produire sur le long terme.
Dans un éditorial de la même revue32, RD Owen, le chef de la Radiation Branch de la FDA des Etats-Unis, se félicite de ce travail, qualifié de ‘commencement’, en rappelant qu’il n’est pas possible, en l’état actuel, d’extrapoler des données d’une gamme de RF à une autre, ni de prédire la présence ou l’absence d’effets à long terme. Il insiste sur le besoin de nouvelles recherches, avec une attention spéciale aux conditions d’estimation des exposition, tant en matière d’expérimentation que dans le cadre d’études épidémiologiques.
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