Marie LaFlamme Tome 2



Yüklə 4,13 Mb.
səhifə6/39
tarix08.01.2019
ölçüsü4,13 Mb.
#92707
1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   39

  • Je la trouve bien fatiguée, reconnut sœur Sainte-Blandine. Et le fait d’avoir été réélue supérieure augmentera sa tâche et ses soucis, mais sœur Saint-Sébastien m’a dit que le frère Bonnemère lui a donné des décoctions d’épine-vinette.

  • D’épine-vinette ? Il y en a ici ?

  • Oui, ma fille.

  • Croyez-vous que ce frère Bonnemère pourrait m’enseigner sa science ? On m’a dit que les Sauvages ont révélé bien des secrets.

    101




    • Le frère Bonnemère ne tient pas bou­tique ! Il prépare ses remèdes à lapothicai- rerie des Jésuites. Bien des colons le sollicitent car il est adroit à purger ou à appliquer les ventouses. Il a l’habitude, il est arrivé ici il y a quinze ans. Mais il sera trop occupé pour vous recevoir.

    • Si j’étais son apprentie ?

    • Oubliez-vous votre condition ? Même si frère Florent le voulait, il ne pourrait vous accepter : vous êtes une femme !

    • Une veuve ! corrigea Marie.

    Sœur Sainte-Blandine posa la main sur l’épaule droite de Marie ; ses doigts, en ser­rant la clavicule, rappelaient les serres d’un aigle.

    • Je ne vous conseille pas d’user de cet argument pour vous faire accepter ; tôt ou tard, on apprendra la vérité en ce qui vous concerne.

    Marie protesta.

    • Mais c’est la seule façon de me faire agréer ! Je dois profiter des connaissances de cet homme ! Je sais déjà rabouter et gratter des plaies comme tous les chirurgiens qui sont ici, je sais aussi préparer nombre de

    102




    médicaments. Mais pour mieux secourir les colons, je dois apprendre l’usage des plantes qui croissent dans ce lieu. Il n’y a pas tant de chirurgiens qui imitent davantage les méde­cins que les barbiers et sachent prescrire les remèdes appropriés pour qu’on refuse mes services. Je puis remettre un membre en place comme préparer de l’algarot. Même si je n’ai pas prêté serment, ni fait mon chef-d’œuvre, j’en ai tant appris chez M. Pernelle, à Paris, que j’aurais assurément pu tenir boutique rue de l’Arbalète ou au jardin du Roi. Avant de devenir chirurgien, puis médecin...

    • Taisez-vous ! Les femmes n’ont pas le droit d’étudier la médecine. Encore moins d’être...

    • En France non, mais ici? Qui me reprocherait de sauver des vies ? Le Roi ne viendra pas me tirer les oreilles et les colons seront mieux soignés si nous sommes plus nombreux à les secourir.

    • Le Roi n’est pas si loin, Marie... Il a même fait savoir qu’il reprenait le contrôle de la colonie. La Compagnie des Cent-Associés est dissoute : le Roi la remplace par la Compagnie des Indes occidentales.

    103


    Marie sourit.

    • Que me chaut que ce soient des asso­ciés ou des Occidentaux qui gèrent des com­pagnies... ils n’auront guère le temps de me chercher querelle parce que je seconde le chirurgien à l’Hôtel-Dieu. Et avec ou sans l’aide du frère Bonnemère, je saurai avant l’automne quelles plantes cueillir, quels sirops obtenir des baies, quelles tisanes pré­parer. Votre supérieure demandera à goûter mes potions.

    Comme toujours, sœur Sainte-Blandine était partagée entre l’envie d’applaudir à la détermination de Marie et celle de la mori­géner, mais l’inquiétude que lui causait la santé de sa supérieure fut plus forte.

    • Vous la trouvez si mal en point ?

    • Sa figure est bien jaune... Etait-elle ainsi quand vous êtes partie ?

    Sœur Sainte-Blandine hésita, puis répondit que leur chère Mère était bien lasse à la fin de l’été dernier.

    • J’ai prié pour qu’elle puisse se reposer durant l’hiver, mais sa charge est telle qu elle ne prend aucun instant de répit. Et les soucis que...

    104




    Sœur Sainte-Blandine serra les lèvres, retenant de justesse les reproches quelle aurait formulés à rencontre de Mgr de Laval. D’après sœur Saint-Sébastien, mère Marguerite de Saint-Anastase, qui occu­pait le poste de supérieure avant mère Marie, n’avait pas davantage réussi que cette dernière à convaincre François de Montmorency-Laval que le fait de changer leur règle remettrait en cause le fra­gile équilibre mis au point par Marie de l’incarnation et le père Jérôme Lalemant, après maintes négociations entre les Ursulines de Tours, celles de Paris et les Jésuites.

    Mgr de Laval était en France pour débattre auprès du monarque la question de la vente d’alcool aux Indiens, mais n’en profiterait-il pas pour demander à celui-ci d’intervenir auprès des supérieurs ecclésias­tiques afin qu’ils ordonnent aux Ursulines d’accepter de modifier leur constitution?

    Sœur Sainte-Blandine avait l’air si tour­menté que Marie allait la rassurer quand des bruits de pas attirèrent son attention : le père Lalemant s’avançait dans le corridor. La religieuse s’agenouilla immédiatement

    105




    et força Marie à l’imiter en la tirant par la ceinture. Le père Lalemant les bénit puis leur fit signe de se relever. Il souriait mais son regard ne parvenait pas à dissimuler une grande inquiétude. Avait-il eu de mauvaises nouvelles de France? Venait-il parler de la dissolution de la Société Notre- Dame ? Etait-il préoccupé par la santé de mère Marie Guyart? Ou lui apportait-il des précisions sur le meurtre de l’île d’Or­léans? Sœur Sainte-Blandine en avait entendu parler dix fois depuis son arrivée. Elle n’aimait pas qu’on répète que c’était un Indien qui avait commis le crime; la plupart des colons croyaient que c’était un Iroquois, mais certains prétendaient qu’on ne pouvait pas faire confiance à ceux qui habitaient le fort huron. Si ces derniers apprenaient ce qu’on disait deux, les rela­tions seraient encore plus difficiles. Il fallait pourtant que les Sauvagesses viennent au couvent apprendre le catéchisme ! Elles l’en­seigneraient ensuite à leurs enfants. Elles les feraient baptiser.

    Marie voulut dérider sœur Sainte- Blandine.

    106




    • Votre Mère supérieure n est pas si mal ! Ses yeux sont bien brillants et elle doit être robuste pour avoir survécu à tant de saisons en ce pays. Elle me rappelle ma mère.

    • Votre mère ? fit la religieuse, intriguée par cette confidence.

    • Ma mère travaillait sans relâche, cou­rant du lazaret au port, du port à la forêt, de la forêt à l’hôpital, avec un tel entrain que j’avais peine à la suivre dans ses visites ! Et pourtant, elle semblait si calme. Rien ne pouvait l’affoler. Votre chère mère Marie a le même regard que maman : celui des femmes qui affrontent toutes les tempêtes en fai­sant taire leur tumulte intérieur. Est-il vrai qu elle sait parler la langue des Indiens ?

    Sœur Sainte-Blandine sourit : les compli­ments qu’on adressait à mère Marie la tou­chaient plus que tout et elle était intarissable quand on l’interrogeait à son propos. Elle expliqua gracieusement à Marie que la maî­tresse des Ursulines maîtrisait en effet les dialectes.

    • Elle a rédigé des catéchismes hurons et algonquins et entend l’iroquois. Elle a tous les dons ! Elle peint et elle brode et...

    107


    • Maman aussi brodait.

    • Et elle a apaisé tout un chacun quand la terre a tremblé, surenchérit sœur Sainte- Blandine.

    • Quand la terre a tremblé ?

    • Oui, durant mon séjour à Tours. Il semble que le ciel grondait et le sol tressau­tait et que ce fracas était pis qu’une armée de cavaliers aux montures déchaînées. Pis qu’un ouragan lors d’un trajet de mer !

    Marie fit une moue sceptique pour mas­quer sa crainte : est-ce que la terre frémis­sait souvent en ce pays ?

    • Les animaux hurlaient à la mort, poursuivait la religieuse, des granges se sont effondrées, des murs fissurés, des arbres et même des montagnes ont été engloutis dans les entrailles du sol déchiré !

    • Quand cela s’est-il fait ?

    • Entre le Nouvel An et le Carême. J’ai peine à croire que je me recueillais alors dans le calme d’une cellule du couvent de Tours après avoir célébré la naissance de Notre- Seigneur.

    Marie serra les dents ; en janvier 1663, elle se faisait violer par un mari quelle exécrait

    108




    après avoir appris l’exécution de sa mère. Elle n’oublierait jamais ; son âme avait été plus ravagée que la terre de la Nouvelle- France lors du grand tremblement. Elle s’imagina un instant que Geoffroy de Saint- Arnaud tombait dans une de ces crevasses que lui décrivait sœur Sainte-Blandine; enfoncé jusqu’au torse, il tendait les bras vers Marie afin qu’elle le secoure, mais elle le regardait disparaître lentement avec une indicible satisfaction.

    • Mes propos vous font sourire ? s’étonna son interlocutrice. Marie secoua la tête.

    • Non, je me réjouis simplement d’aller à l’Hôtel-Dieu par un temps plus clément. Quel doux climat ! Et que ce ciel est clair ! Il me semble plus bleu qu’en France.

    • Nous avons débarqué avec du retard, mais il y a une compensation ; il fait beau et les moustiques ont disparu. Ces bêtes peu­vent rendre fou ! Elles nous empoisonnent les premières semaines de l’été.

    • Comment ? Quelles bêtes ?

    • Oh ! vous en verrez encore quelques- unes qui vous piqueront sans que vous vous en aperceviez, mais après quelques minutes,

    109


    vous aurez envie de vous gratter comme si vous vous étiez roulée dans des orties.

    • Et comment traite-t-on ces blessures ?

    • Une Huronne nous a montré au cou­vent à frotter les plaies avec du poireau. C est mieux que rien.

    Les yeux de Marie luirent : si elle trouvait une pommade adoucissante pour traiter ces brûlures, elle mériterait la gratitude de tous les habitants de la Nouvelle-France. Elle se demanda si le plantain mêlé au persil ne pourrait pas constituer la base de son cata­plasme. Elle avait hâte d’être piquée par un moustique pour expérimenter son remède. Elle pressa le pas inconsciemment et sœur Sainte-Blandine attrapa la manche de sa robe pour la ralentir.

    • On ne court pas devant la chapelle ! Vous devriez vous recueillir et prier que mère Catherine de Saint-Augustin vous accepte.

    Marie soupira mais ne répliqua pas, de peur que la religieuse ne l’abandonne à son sort. Elle calqua son allure sur la sienne en espérant que sœur Sainte-Blandine n’aurait pas l’envie de prier une fois de plus à la cha­pelle. Elle devait s’y être agenouillée dix fois

    110


    depuis son arrivée au couvent, vingt-quatre heures plus tôt.

    Longeant la clôture de pieux qui entourait le monastère des Ursulines, Marie se deman­dait si la palissade avait résisté au tremble­ment de terre ou si on lavait construite ensuite, mais elle n’osa pas interroger sœur Sainte-Blandine qui récitait des Ave Maria. Quand celle-ci eut fini ses dévotions, elles étaient arrivées à la grille du couvent où les attendaient les deux élèves qui devaient conduire Marie à l’Hôtel-Dieu. Hormis un événement extraordinaire, sœur Sainte- Blandine ne quitterait plus le couvent. Marie pourrait cependant la visiter au parloir. Elles se dévisagèrent, hésitant à s’étreindre; Marie mit la main de la religieuse sur son front et lui demanda de la bénir. Sœur Sainte- Blandine s’exécuta en lui rappelant qu’elle ne devait jamais oublier qu’on soignait autant les âmes que les corps à l’Hôtel-Dieu.

    • Les Hospitalières vous le diront : leur maison est un lieu de rédemption, et les séjours que font à l’hôpital les malades comme les aides-soignants sont des temps de grâce. Je prierai pour que vous trouviez la paix.

    111




    Sur ces mots, la religieuse s’éloigna sans se retourner. Marie regarda la lourde porte se refermer ; la seule personne qui pouvait l’aider dans ce pays avait disparu. Refusant de s’apitoyer, elle se rapprocha des deux ado­lescentes qui s’étaient discrètement écartées et leur signala qu’elle était prête à les suivre. Elles se dirigèrent d’un bon pas vers la rue tendante des Jésuites aux Ursulines, mais Marie ralentit lorsqu’elle aperçut la palissade protégeant le collège des Jésuites. Elle pro­posa à ses jeunes guides de bifurquer vers la droite et d’aller jusqu’au fort Saint-Louis avant de se rendre à l’hôpital.

    • Etes-vous si pressées de retourner au couvent ? N’avez-vous aucun plaisir à pro­longer cette promenade ? On m’a dit que de la ville haute, par temps clair, on peut voir nettement toute la côte et l’île d’Orléans.

    Marie souriait en espérant que son ton enjoué dissimulait son anxiété : elle n’avait aucune envie de contempler le fleuve et ses environs, elle voulait voir de près le château Saint-Louis. Et le fort des Hurons ! La veille, elle n’avait aperçu que de très loin les Indiens qui étaient descendus au port pour saluer

    112


    l’arrivée de l'Alouette. Elle avait noté comme leurs chevelures noires luisaient et avait comparé leur teint au cuivre qu’elle avait vu fondre chez Guy Chahinian. Instinctivement, elle avait tâté les coupelles d’or et d’argent quelle cachait toujours sur elle, mais l’ins­tant d’après elle s’était efforcée de chasser les souvenirs qui s’imposaient si subitement et si méchamment à son esprit. C’étaient de vains tracas, puisqu’elle, Marie, ne pouvait modi­fier en rien le sort de l’orfèvre. Il valait mieux songer au présent plutôt qu’au passé et sou­rire aux colons et aux Sauvages qui l’exami­naient au quai de Champlain. Elle avait cru lire de la surprise dans le regard des Hurons et aurait aimé vérifier l’effet quelle produi­sait sur eux en les revoyant à leur campe­ment sis près du château.

    Sa curiosité ne devait pas être si aisé­ment assouvie ; les jeunes filles secouèrent la tête vivement : oh, non ! elles n’oseraient pas désobéir à mère Marie et elles mène­raient Marie à l’Hôtel-Dieu par l’itinéraire qu’on leur avait indiqué. Marie insista inu­tilement, car on l’entraîna vers le chemin de l’hôpital.

    113




    Marie oublia vite son échec, surprise par la quiétude de leur promenade : s’il y avait quelque activité aux alentours des rues Sainte-Anne, Saint-Louis et du chemin menant de l’église à l’hôpital, le contraste était cependant notable entre cette partie haute de la ville et celle du port car le peu­plement y était beaucoup moins important. Marie allait en faire la remarque à ses guides quand des cris aigus la firent tressaillir.

    • Ça vient de la Fabrique, dit une des élèves en regardant Marie.

    La curiosité fut plus forte que l’obéis­sance : elles coururent jusqu’à la chapelle Champlain. Juste à côté de l’édifice, une vingtaine de personnes s’agitaient en gémis­sant, mais Marie ne comprit leur détresse qu’en s’approchant davantage : elle décou­vrit un corps de femme. Elle avait été égorgée si sauvagement qu’un lambeau de chair seulement retenait la tête au torse. Le corps gonflé par un séjour dans la rivière avait une teinte étrange, et les quelques cheveux qui étaient restés collés au crâne après qu’on eut commencé à le scalper, pénétraient la plaie béante, s’entortillaient

    114




    autour des vertèbres. Marie eut un haut- le-cœur, mais elle continua à regarder le cadavre tout en posant des questions.

    • C est qui ?

    • C’était? dit gravement Eléonore de Grandmaison. On a tué Suzanne Dion cette nuit. Ou hier, peut-être.

    • C’est moi qui l’ai trouvée, dit Michel Dupuis. Avec Antoine. Sur le bord de la rivière. On était allés pêcher. J’aurais mieux aimé attraper autre chose ! Elle flottait sur le ventre. J’en suis encore tout retourné. Pour l’amener ici, ça nous a pris du courage !

    • Elle doit venir de l’île. Comme l’autre qu’on a égorgée au printemps. C’est là que les Iroquois attaquent.

    • Faut avertir le Gouverneur ! décréta Antoine Souci.

    • Il ne fera rien. Il repart pour la France.

    • Elle a peut-être un mari, geignit une femme.

    • Je vais chercher le Gouverneur ! dit Dupuis. Il va m’écouter. C’est moi qui l’ai trouvée !

    Le père Lalemant s’avança alors et chacun s’écarta respectueusement sur son passage.

    115




    Allait-il vomir comme la plupart d entre eux? Ce serait bien la première fois qu'on verrait le Jésuite perdre son calme. Il frémit, se signa et joignit les mains en s’agenouillant auprès de Suzanne Dion. Il essaya de dominer sa nausée pour lui fermer les yeux, mais il lui semblait que mille diables s’échappaient du cou ensanglanté, prêts à lui sauter au visage. Marie se pencha vers la victime et lui passa la main sur la figure. Elle dit ensuite des prières avec le père Lalemant.

    Elle se releva en entendant les témoins parler d’expédition punitive. Elle allait demander au père Lalemant d’empêcher cela quand ses jeunes guides, qui regret­taient maintenant d’avoir enfreint les ordres, la tirèrent par une manche. Elle ne résista pas. Elle ne pouvait plus rien pour Suzanne Dion.

    Malgré ces émotions, Marie fut très impressionnée de constater que le fief de la veuve Couillard était presque aussi vaste que celui de l’Hôtel-Dieu qu’il jouxtait; sans savoir pourquoi, Marie fut ravie de ce voisinage. Les élèves lui montrèrent la haute clôture des Hospitalières.

    116




    • Que Dieu vous garde, dirent-elles à Marie qui ne les entendit pas, sonnant déjà à la porte.

    Une jeune novice l’écouta exposer le but de sa visite et prit la lettre du révérend père Lalemant avec vénération.

    • Suivez-moi ; mère Catherine est encore à l’hôpital ! Elle périra à la besogne !

    « C’est une tradition chez les supérieures de la Nouvelle-France », songea Marie tout en demandant comment les religieuses faisaient face au surpeuplement de leur pavillon.

    • Nous avons traité bien des cas de cours de ventre et autant de scorbut. Quelle épreuve qu’un aussi long trajet de mer ! Comment avez-vous survécu ?

    • En priant, mentit Marie, qui se signa pour appuyer ses dires.

      Yüklə 4,13 Mb.

      Dostları ilə paylaş:
  • 1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   39




    Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©muhaz.org 2024
    rəhbərliyinə müraciət

    gir | qeydiyyatdan keç
        Ana səhifə


    yükləyin