Submersions fertilisantes comprenant les travaux



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Définitions. Le terrain agricole connu, dans
tous les pays, sous le nom de sol à'alluvion est celui
qui résulte d’un transport de matières limoneuses
essentiellement formées et déposées par les eaux. Il

remonte à des époques plus ou moins anciennes,


existe sous des épaisseurs plus ou moins grandes;
mais ce qui, partout, dislingue cette nature de sols,
c’est leur extrême fertilité.

Les causes en sont faciles à reconnaître. En effet,


ce qui occasionne l’infériorité des terrains, au point
de vue de la production des principales récoltes
usuelles, c’est ou leur trop grande compacité par la
prédominance de l’argile et de l’alumine, ou leur
trop grande légèreté, par suite de l’absence plus ou
moins complète de ces matières et de la prédomi-
nance du sable.

Entre ces deux cas extrêmes se trouvent les nom-


breuses variétés de terres à composition mixte qui,
par cette seule cause, se trouvent dans les meilleures
conditions pour la production agricole. Si parmi
celles-ci les alluvions anciennes ou modernes occu-
pent toujours le premier rang, c’est que la pondéra-
tion entre leurs éléments constitutifs s’y trouve tou-
jours parfaitement établie.

On sait que les meilleures terres arables sont celles


qui, indépendamment de leur richesse en humus,
ou en débris végétaux, présentent, dans leur compo-
sition minérale, un caractère mixte, d’après lequel
l’élément argileux, qui donne la ténacité, et l’élé-
ment sableux qui constitue les terrains légers, en-
trent dans des proportions à peu près égales.

Or les terrains d’alluvion sont, presque sans


exception, dans cette catégorie. Et, de plus, ils sont
toujours riches en détritus organiques et en matières

azotées; ce qui explique parfaitement leur grande


fertilité.

Formés des débris d’une multitude de substances


minérales, existant dans les régions supérieures, ces
terrains sont enrichis en outre des substances meu-
bles, entraînées par les eaux ; plus d’une quantité
notable d’humus ou même d’engrais, provenant de
la dépouille des sols en culture.

L’analyse des terrains d’alluvion les plus célèbres,


par leur fertilité, démontre qu’ils satisfont compléte-
tement à ces diverses conditions.

Ainsi, 100 parties de limon du Nil présentent


47 de sable siliceux pour 32 parties d’alumine, tan-
dis que dans le limon de la Loire, on trouve 32 par-
ties de sable siliceux et 32 de carbonate de chaux
contre 30 parties d’argile.

Les limons de la Durance contiennent une assez


pâle proportion d’argile; mais c’est une circonstance
avantageuse qui donne à ces terres arables une qua-
lité indispensable sous le climat méridional.

Valeur des terrains d’alluvion. — Il est un

fait très-remarquable au point de vue de notre étude :


c’est que dans toutes les contrées dans lesquelles la
situation monétaire n’est pas notablement différente,
ces terrains ont, à profondeur égale, à peu près la
même valeur à l’hectare. Elle est d’ailleurs un maxi-
mum, par rapport à toutes les autres natures du sol.

Les plaines d’alluvion les plus connues en France


parleur fertilité sont : au centre, celles de la Limagne

et celles de la Loire, qui fournissent les riches ré-


coltes de chanvre, dont la production exige essen-
tiellement des terrains à la fois riches et profonds
dans la région septentrionale ; celles du département
du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme, où se
plaisent toutes les cultures industrielles, riches mais
épuisantes, telles que le lin, letabac,les oléifères, etc.;
au Midi les riches plaines de la Provence formées et
constamment accrues par les dépôts du Rhône et
surtout de la Durance.

Or dans ces contrées, bien que trcs-distinctes par


leur climat, si l’on relève les valeurs courantes des
terrains dont il s’agit, on trouve qu’elles peuvent
toutes se ramener à un type à peu près invariable;
en tenant compte des différentes profondeurs.

Dans les grandes vallées, les prix actuels des terres


d’alluvion se tiennent entre les chiffres suivants : de
3.000 fr. à 5.000 fr. l’hectare, au minimum; —
de 10.000 fr. à 12.000 fr. l’hectare, au maximum;
soit en moyenne de 0f,40 à lf, 10 par mètre super-
ficiel.

Si, en regard de ces prix, on tient compte des


profondeurs correspondantes du sol, c’est-à-dire de
la couche d’alluvion proprement dite, on reconnaît
qu’ils sont basés sur un coefficient, à peu près inva-
riable, faisant ressortir le prix de cette terre très-
approximativement à un franc par mètre cube.

Mais il importe de remarquer qu’il s’agit ici


à'alluvions anciennes, pouvant se trouver plus ou
moins appauvries, par une longue succession decultures épuisantes. C’est pourquoi l’on a droit de
compter sur une valeur plus élevée quand il s’agit
d’alluvions artificielles, déposées en couches régu-
lières, de telle épaisseur qu’on le désire; ainsi qu’on
les obtient, avec tant de facilité, par l’opération du
colmatage.

Hors de France, on pourrait citer comme rentrant


complètement dans les mêmes données : 1° les plaines
de la Lombardie (alluvions du Pô); 2° celles de la
Romagne (alluvions du Pô et du Reno) ; sauf toute-
fois une légère réduction, qui s’explique d’ailleurs
par la moindre abondance du numéraire dans ces
contrées.

On pourrait d’ailleurs étendre la même compa-


raison à un grand nombre d’autres plaines, moins
connues ; mais en arrivant toujours à la même
échelle des valeurs.

Une autre vérification de ce chiffre se trouve encore


dans ce qui a lieu pour les opérations de curage des
cours d’eau, qui s’effectuent actuellement sur une
assez grande échelle, avec le concours des ingénieurs.
— Partout où le produit de cette opération, d’abord
déposé sur les berges, est de la terre vaseuse, il est
recherché par les cultivateurs du voisinage, car
ceux-ci trouvent toujours du profit à transporter sur
leurs champs ces terres neuves qui y forment un ex-
cellent amendement.

Les riverains les achètent journellement à un prix


moyen de 0f,70 le mètre cube. Eu supposant une
dépense d’environ 0f,50 pour transport et répandage,on voit que l’agriculture peut acheter, avec profit,
au prix de 1 f,20 par mètre cube, des terres neuves
d’alluvion, dont les bons effets ne sont jamais mis en
question.

Mais les volumes à obtenir de cette manière ne re-


présentent qu’un chiffre microscopique relativement
à la masse énorme d'alluvions artificielles, non moins
fertiles, que l’on peut se procurer par voie de col-
matage.

III. — Puissance des atterrissements.


Richesse exceptionnelle de quelques cours
d'eau.

Il s’agit d’examiner dans ce paragraphe quelle est,


au point de vue du colmatage, la proportion des
dépôts utiles que l’on peut obtenir par le seul effet
des eaux troubles convenablement dérivées, et amé-
nagées sur les terrains à bonifier.

Si l’on croyait pouvoir établir à ce sujet une règle


fixe quelconque, on s’exposerait à la voir réfuter par
une foule d’objections contradictoires, — En effet,
il est certains torrents à forte pente coulant dans un
lit terreux qui après les orages du Midi roulent, en
certains moments, des eaux tellement limoneuses,
qu’on pourrait plutôt les considérer comme de la
boue liquide.

L'Aude, l'Hérault, le Drac, la Vidourbe, la Du-
rance,
etc., sont dans ce cas. Il est possible d’y puiser
à certaines époques de l’année des eaux qui, versées
dans une éprouvette de 1 mètre de hauteur, ylaisseront en dépôt, après un séjour de vingt-quatre
à trente-six heures, jusqu’à dix centimètres de vase
limoneuse.

Mais on concoit que c’est là un fait exceptionnel,


ne pouvant nullement être pris pour base d’une opé-
ration pratique.

Dans la réalité et quand surtout on a à tenir


compte, comme il convient, de la durée de l’écou-
lement, c’est par millimetres et non pas par centimè-
tres
de hauteur que les dépôts doivent être calculés.
Mais même avec cette restriction, on arrive encore
à de magnifiques résultats.

11 existe des cours d’eau torrentiels qui, étant


troubles presque toute l’année, contiennent et peu-
vent déposer, en un temps donné, jusqu’à 30 et
40 millièmes de leur volume de limon , plus ou
moins fertile. C’est avec cette donnée, encore excep-
tionnelle, qu’ont été effectuées en Toscane les pre-
mières grandes opérations de colmatage.

Il n’y a pas en France de cours d’eau considérable


placé dans de telles conditions, et surtout se trou-
vant, en même temps, avoisiné par des terrains in-
fertiles, situés à un niveau inférieur où l’on puisse
trouver une large utilisation de ses limons.

En Italie, ces torrents, qu’on pourrait appeler


extra limoneux, sont assez rares. Et les nouvelles
opérations de ce genre que l’on voudrait entre-
prendre dans ce pays auraient pour aliment des
cours d’eau beaucoup moins riches.

Quand cette richesse, restreinte mêmeà 0"‘,002 ou

0m,003, se trouve réunie à un très-fort volume et à
la permanence, presque constante, des eaux troubles,
il y a là une énorme formation d’atterrissements.
Mais ce n’est que dans des cas fort rares que l’on se
trouve avoir en même temps, dans une situation favo-
rable, une étendue suffisante de terrains propres à
les conquérir.

C’est ce qui se remarque sur le cours inférieur du


Pô, dont les eaux sont très-chargées de riches limons;
mais comme il coule encaissé entre les hautes levées
d’un endiguement continu qui va jusqu’à la mer,
c’est seulement dans le temps des plus hautes crues
que l’on pourrait le répandre sur les campagnes voi-
sines ; et cela présenterait alors de grandes difficultés
parce que tout aqueduc, déversoir ou pertuis, ouvert
dans ces digues en terre, y serait un danger perma-
nent auquel il serait imprudent de s’exposer. — En
pareil cas on est donc obligé de renoncer à utiliser
les alluvions par voie de colmatage. Alors la masse
énorme de ces terrains va se déposer aux embou-
chures, en formant d’immenses delta et des lagunes
marécageuses, qui s’étendent continuellement, mais
ne sont point susceptibles de profiter à l’agriculture.

Au contraire quand un cours d’eau, endigué ou


non, coule, avec de fortes pentes, à un niveau supé-
rieur à celui d’une vaste superficie de terrains sté-
riles, on est alors dans les conditions les plus favo-

rables pour obtenir tous les avantages que comporte


ce mode de bonification.

Lorsqu on essaye de se rendre compte du volume

total des limons produits par quelque grand cours
d’eauàrégime torrentiel, dans la région supérieure de
son bassin, on arrive à des chiffres tellement extra-
ordinaires que l’on éprouve une certaine hésitation
à les admettre. Et cependant des preuves matérielles
et incontestables ne permettent pas le moindre doute
à cet égard.

Le comte Mengotti, dont nous avons déjà cité les


intéressantes Reckerches sur les eaux courantes, avait,
calculé, approximativement, le volume annuel des
limons charriés par le cours inférieur du Pô, à son
entrée dans l’Adriatique. Cette recherche l’avait,
conduit à conclure que ce volume était 300 fois plus
considérable que la plus grande des pyramides
d’Egypte. — En dix siècles ce cube représentait
celui de 300.000 pyramides; c’était alors l’équiva-
lent d’une véritable chaîne de montagnes.

On s’explique alors aisément la formation des


immenses delta existant aux débouchés de tous les
grands fleuves et qui s’accroissent sans cesse, en
avançant sur la mer.

Au point de vue qui nous occupe, l’objet le plus


essentiel de ces comparaisons serait de calculer
l’énorme valeur des alluvions fertiles ainsi aban-
données, à la dérive, quand on aurait pu, depuis
des siècles, les conquérir au profit de l’agriculture.

Trois cours d’eau seulement du midi de la France,


l'Isère, la Drôme et surtout la Durance, versent
chaque année, dans le Rhône et à la mer, plus de
36 millions de mètres cubes de limons dont la valeur

agricole, aujourd’hui hors de toute contestation,


représente, pour l’agriculture d’un pays privé d’en-
grais, une perte vraiment immense.

On ne doit donc pas s’étonner de la persistance


avec laquelle les agronomes les plus éminents se sont
accordés à attirer l’attention publique sur un fait
d’une si grande portée.

Cela s’est dit depuis bien longtemps. Les écrits de


Caton et de Columelle en sont la preuve.

Au milieu du xvne siècle, l’illustre auteur d’une


des plus grandes découvertes de la science (1), et
que l’on ne pourra suspecter d’un enthousiasme
irréfléchi, appelé à intervenir dans la question du
dessèchement du Val de Chiana par voie de colma-
tage, disait :

« Ces limons sont plus précieux que les sables d’or


du Pactole! »

Dans les temps modernes, un des plus fervents


défenseurs de nos intérêts agricoles, en déplorant
l’abandon déplus en plus regrettable dans lequel on
laissait les opérations de cette espèce, s’exprimait
ainsi, dans ce langage pittoresque dont il avait si
bien le secret :

« Quand viendra donc le moment de la con-


quête Tandis que les chemins de la dépouille

restent ouverts depuis tant de siècles (2) ! »

Si donc on devait modifier la première opinion,

( I ) E. Torricelli.

(2) A. de Gàsparin. Du plan incliné considéré comme machine agricole.

émise par les savants agronomes, que nous avons
cités dans le chapitre précédent, ce ne serait pas
pour la restreindre, mais plutôt pour l’amplifier.
C’est pourquoi nous concluons :

Que tant qu’on négligera d’effectuer les dériva-
tions pouvant restituer à l’agriculture des limons
précieux, entraînés en masses énormes par les fleuves
et torrents, ce ne sont pas des millions, mais des
milliards qu’on laisse ainsi aller se perdre à la mer.

CHAPITRE III.

RINCIPES DU COLMATAGE.—PROCÉDÉS D’EXÉCUTION.

I. — Principes généraux.

Il est facile de concevoir que d’après la grande
diversité existant dans la situation des rivières ou
torrents, qui sillonnent les diverses contrées du
globe, au point de vue de leurs pentes, de leur débit,
de la quantité des limons, ou autres matériaux,
charriés dans les crues, on ne pourrait établir, sous
le rapport dont il s’agit ici, de règles entièrement
absolues, ou applicables partout.

En outre, les intérêts généralement variés des po-


pulations qui, dans les diverses régions du globe,
habitent le voisinage des grands cours d’eau, doi-
vent aussi influer, d’une manière notable, sur les
dispositions qu’il est possible d’adopter dans telle
ou telle contrée.

On doit donc nécessairement tenir compte d’un


grand nombre de circonstances locales, avant de
pouvoir formuler, d’une manière définitive, les
règles applicables au procédé de bonification dont il
s’agit.

Cependant le problème consistant dans la con-


quête et la meilleure distribution des alluvions est

d’une grande importance. Il comporte l’application


de quelques préceptes généraux, basés à la fois sur
la théorie et l'expérience: préceptes qui, indépen-
damment des circonstances particulières, doivent
toujours être observés.

Il a été dit précédemment que l’opération dési-


gnée ici sous le nom de colmatage, consiste à pro-
voquer, au moyen d’encaissements, préparés à
l’avance, le dépôt des limons fertiles, tenus en sus-
pension dans les eaux troubles d’une rivière, cou-
lant à un niveau supérieur à celui de la surface à
améliorer, par ce moyen.

L’écoulement à l’entrée et à la sortie des bassins


de colmatage, est réglé par des déversoirs, conve-
nablement calculés pour que l’opération produise,
autant que possible, le maximum de son effet utile.

Les digues, chaussées, ou bourrelets, formant les


encaissements, sont également disposés, en raison
des circonstances locales, de manière à ce que la
bonification s’opère avec célérité et économie.

Des précautions nombreuses doivent être obser-


vées dans la pratique du colmatage. Ainsi une des
premières conditions est de donner aux digues des
encaissements susdits une solidité suffisante pour
qu’aucune rupture ne puisse avoir lieu ; car alors
les dommages qui en résulteraient viendraient di-
minuer les avantages généraux à retirer de l’opé-
ration.

Pour donner à celle-ci toute son efficacité, il faut


autant que possible que la majeure partie des af-

fluents du cours d’eau principal se trouve utilisée.


Autrement on s’expose à faire des travaux dispen-
dieux, au moyen desquels on ne parviendra à con-
quérir que le tiers ou le quart des limons dont on
aurait pu diposer.

Des inconvénients graves peuvent d’ailleurs résul-


ter de la manière même dont s’effectue le colmatage,
proprement dit.

C’est-à-dire qu’il peut arriver que, par une dispo-


sition défectueuse des dépôts, certaines portions du
périmètre à bonifier seront effectivement améliorées,
par la raison qu’elles étaient primitivement maré-
cageuses ou sans valeur, mais qu’en même temps
d’autres parties qui étaient cultivables pourront se
trouver, après l’opération, avoir moins de valeur
qu’avant. — C’est ce qui arrive lorsque les dépôts,
mal dirigés, ont pour conséquence de constituer pré-
maturément des atterrissements d’un niveau trop
élevé, sur certains points; ce qui empêche la trans-
mission utile des eaux troubles sur des parties situées
en aval qui en avaient absolument besoin. — Cela
peut arriver soit par le trop grand éloignement des
débouchés de sortie, soit par le trop grand parcours
des affluents, dont les lits s’exhaussent alors, inévi-
tablement, par l’effet même du colmatage, qui pro-
duit alors sou effet d’une manière nuisible, au
détriment des espaces que l’on avait l’intention de
bonifier.

Un autre genre d’inconvénients, qui s’est mani-


festé fréquemment dans les premières entreprises

faites en Italie, consiste à avoir employé les affluents


à colmater seulement les terrains bas, situés dans
leur voisinage immédiat, sans avoir envisagé l’opé-
ration dans son ensemble, c’est-à-dire sans avoir
bien arrêté à l’avance : l’ordre à suivre pour la ré-
partition des dépôts, le temps nécessaire à leur for-
mation, et surtout la situation dans laquelle sera
laissé le principal cours d’eau alimentaire, une fois
que l’entreprise sera terminée.

La conséquence habituelle de cette incertitude,


sur la marche et les résultats précis de l’opération,
dont le but consiste dans la meilleure distribution
des alluvions, est de faire négliger ou précipiter in-
dûment les travaux d’exploitation et les construc-
tions ; ce qui amène, presque toujours, des contro-
verses, des procès, dont la conséquence la plus
certaine est un retard considérable dans la réalisa-
tion définitive des avantages à attendre de l’entre-
prise.

Quant à l’inconvénient précité, résultant d’une


rupture accidentelle des digues d’enceinte, il peut
résulter : soit de la négligence des agents auxquels
leur surveillance est confiée, soit de trop de pré-
cipitation dans la marche de l’opération, afin d’ar-
river plus vite à un résultat qu’on ne doit obtenir
qu’avec l’aide d’un certain temps, en tenant compte
du régime du cours d’eau que l’on emploie, soit
enfin de ce que, certaines parties de ces digues ont
été assises sur un sol marécageux et sans consistance,
et qu’alors bien que construites avec des dimensions

suffisantes, elles n’ont jamais, dans ce cas, une sta-


bilité suffisante pour résister à l’action des eaux. Au
surplus, il faut reconnaître qu’en cette matière,
bien qu’il soit toujours utile de s’éclairer des lumiè-
res de la théorie, on doit toujours se rattacher aux
données expérimentales et aux règles pratiques,
dont on a pu, depuis plus de deux siècles, constater
l’efficacité dans les entreprises de ce genre, exécu-
tées en Italie.

Une des précautions les plus importantes à pren-


dre en cette matière consiste à bien apprécier les
effets mêmes du colmatage, c’est-à-dire à calculer
les conséquences pouvant résulter, pour le cours
d’eau alimentaire, du rehaussement que l’on aura
opéré en un temps donné, par le dépôt de ses li-
mons, dans une enceinte déterminée.

Alors il est à craindre que le rehaussement qui en


résulte dans le débouché naturel de ce cours d’eau,
n’amène dans son régime, en temps de crue, une
modification notable, pouvant occasionner des dom-
mages dans les contrées environnantes.

Si le colmatage doit avoir lieu sur une basse plaine,


d’un niveau très-inférieur à celui des eaux alimen-
taires et présentant une inclinaison naturelle qui
facilite l’opération, cet exhaussement du débouché
n’est pas à craindre. Mais alors la difficulté consiste
dans l’égale répartition des dépôts ; pour les obtenir,
sur cette surface inclinée, d’une épaisseur uniforme,
sans trop multiplier les digues ou bourrelets trans-
versaux et surtout sans être obligé de recourir à,

des terrassements proprement dits, que l’on doit


toujours avoir pour but d’éviter.

Le cas le plus avantageux est celui où l’on peut


opérer la dérivation des eaux troubles par une sim-
ple prise d’eau, un partiteur, ou même par un dé-
versoir, sans modifier sensiblement le régime des
crues.

Il est essentiel de pouvoir se rendre compte avec


le plus d’exactitude possible du temps que devra du-
rer l'opération dans telle ou telle partie du périmè-
tre ; car autrement il arriveque certains espacesétant
colmatés plus promptement qu’on ne l’avait calculé,
on est obligé d’y tenir les eaux plus longtemps qu’il
ne convenait, fauted’avoir disposé des emplacements
nouveaux pour les recevoir ; c’est alors que la répar-
tition des dépôts tend à devenir inégale, et qu’on
s’expose de plus à voir rompre les digues d’enceinte,
surchargées par une hauteur d’eau plus grande que
celle qui avait été prévue.

Il s’agit d’arriver à l’amélioration de la plus grande


étendue possible du territoire improductif, avec les
ressources dont on dispose. C’est-à-dire qu’en envi-
sageant séparément ses diverses parties, il ne suffi-
rait pas de rendre, successivement, chacune d’elles
cultivable et productive; mais on doit encore con-
sidérer quelle est la situation dans laquelle on les
laisse par rapport au niveau général des campagnes
environnantes.

Ce cas se présente lorsque l’on croit pouvoir uti-


liser séparément, les eaux troubles d’un ou plusieurs

affluents du cours d’eau principal, sans s’êtrepréala-


blement assuré la possibilité de coordonner les ré-
sultats partiels, ainsi obtenus, avec tout l’ensemble de
l’opération.

C’est surtout lorsqu’il s’agit de la bonification à


effectuer par voie de colmatage, sur des marais impro-
ductifs et insalubres, que l’on est souvent déterminé
par la seule perspective des bénéfices immédiats à
retirer de cette amélioration.

Mais alors on doit craindre la détérioration des ter-


rains fertiles situés à l’aval des marais ; par suite de
moyens insuffisants, procurés à l’écoulement des
eaux ayant servi au colmatage.

I1 faut donc connaître, préalablement : 1° la masse


de limons dont il sera possible d’obtenir le dépôt,
dans un temps déterminé, eu égard à la superficie à
améliorer; 2° les méthodes à employer tant pour ac-
célérer ce dépôt et l’effectuer régulièrement que pour
assurer un libre débouché aux eaux claires, à la tra-
versée des terrains inférieurs.

Pour arriver à cet important résultat, on ne doit


pas regarder à entreprendre quelques opérations
préalables ou expérimentales, afin d’éloigner, le plus
possible, les causes d’incertitude qui existent tou-
jours, à un certain degré, dans les opérations de cette
espèce.

En tout état de choses, on doit regarder comme


indispensable d’avoir un nivellement général en plu-
sieurs directions, de toute la superficie à colmater,
de manière que l’on puisse y étudier la meilleure di-

rection du canal alimentaire, ses pentes et son plan


d’eau.

Une fois cette direction adoptée, on dresse un pro-


fil en long et des profils en travers, assez étendus et
assez rapprochés pour que l’on puisse avoir une re-
présentation exacte du relief du sol, et projeter, en
conséquence, les divers ouvrages d’art, ainsi que les
canaux secondaires, que nécessite le mécanisme de
l’opération.

I1 est à remarquer que les plaines d’alluvion les


plus fertiles, formées parla nature, conservent tou-
jours, même dans leur partie inférieure, une cer-
taine inclinaison vers la mer ou vers le fleuve, occu-
pant leur thalweg.

Cette disposition essentielle doit toujours être ob-


servée dans les opérations de colmatage, surtout si
elles comprennent une étude considérable, c’est-à-
dire que l’on doit se préoccuper essentiellement de
l’écoulement des eaux pluviales, à la superficie des
terrains artificiels, qu’il s’agit de constituer.

En effet, si les travaux dont il s’agit aboutissaient


à la création, sur une très-grande étendue, d’un sol
absolument horizontal, on y verrait apparaître bien-
tôt des eaux stagnantes, dont la présence serait in-
compatible avec l’habitation et la culture. Il faudrait
alors recourir, après coup, à des travaux de canali-
sation très-dispendieux.

Il est donc très-important de disposer les choses,


dèsle premier abord, de manière à obtenir, parle fait
même des atterrissements, des plans de pente sur les-quels il n’y ait plus à ouvrir que de simples fossés
d’égouttement.

Quand, à l’aide de nivellements exacts et des au-


tres données préalables qui viennent d’être indiquées,
on est parvenu à connaître le cube total des limons
fertiles dont on a besoin, pour mettre un périmètre
déterminé dans les meilleures conditions voulues, au
point de vue de la salubrité et de la culture, il faut
se rendre compte des moyens dont on peut disposer
pour obtenir le transport et le dépôt naturel de cette
masse, généralement énorme, dont l’emploi se-
rait impossible par tout autre procédé que celui dont
il s’agit.

Pour cela, il suffit de s’assurer que le cours d’eau


dont la richesse en matières limoneuses a dû être
constatée, peut fournir, sous des pentes suffisantes,
des dérivations susceptibles d’alimenter convenable-
ment les bassins de colmatage dans la zone la plus
élevée du périmètre à améliorer.

On doit connaître le débit moyen ou total de ce


cours d’eau alimentaire, pendant la durée de la cam-
pagne annuelle des opérations.

Quand ces documents préalables ont été exacte-


ment recueillis, on procède à l’opération elle-même,
c’est-à-dire au dépôt artificiel et à la répartition des
terres d’alluvion qui doivent constituer le nouveau
territoire.

Après quoi, il ne s’agit plus que d’établir ou de


compléter les travaux relatifs à l’écoulement des

eaux pluviales, à la viabilité et aux premières con-


structions d’intérêt agricole.

Ces notions générales sont, en grande partie, ex-


traites des mémoires du comte V. Fossombroni, pu-
bliés à Florence et à Bologne, dé 1792 à 1823.

Elles exposent les principes généraux du colma-


tage, tels qu’on avait pu les déduire des observations
faites jusqu’alors dans l’entreprise du val de Chiana.

II, — Opinion d.e M. de Prony.

Dans son ouvrage sur le dessèchement des marais
Pontins situés entre Rome et Naples, M. de Prony
n’a donné que des détails très-sommaires sur le
colmatage. Et cependant cette opération méritait
d’avoir une place plus importante dans son travail,
d’après le parti que l’on aurait pu en tirer, pour le
succès de celte grande entreprise, plusieurs fois
ébauchée, sans jamais avoir donné les résultats que
l’on espérait.

D’après l’autorité que méritent les opinions de


cet illustre ingénieur, nous citerons textuellement
les quelques lignes qu’il a consacrées à ce sujet.

« Il est un cas où l’introduction des eaux troubles


dans la plaine marécageuse peut avoir des résultats
avantageux, c’est celui où le dessèchement peut
s’opérer, en totalité ou en partie, par voie d’atterris-
sement ou de colmate.

« II faut, avant de se déterminer à l’emploi de ce


moyen, s’assurer de la quantité et de la qualité des

matières charriées, pour avoir au moins un aperçu


de la durée de l’exhaussement du sol, et pour savoir
si la couche des matières déposées est propre à être
mise en culture.

« Mais en supposant que d’après le résultat de cet


examen, on doive se décider pour la méthode du col-
matage, il faut toujours éviter, autant qu’on le peut,
de jeter le volume principal des eaux troubles dans
l’intérieur de la pleine marécageuse ; mais chercher
à produire l’effet désiré par des dérivations dont les
eaux, lorsqu’elles sont devenues claires par le dépôt,
aient leur débouché médiat ou immédiat dans un ca-
nal central.

« Ce moyen est très-répandu en Italie, où l’on s’en


est servi depuis longtemps, et où l’on continue d’en
faire usage avec beaucoup de profit.

« Nous nous bornerons à observer que le succès


de l’emploi de la méthode des colmates tient princi-
palement à la promptitude avec laquelle on expulse
du terrain à exhausser les eaux qui y ont été intro-
duites, lorsqu’ayant produit leur effet, elles sont de-
venues claires.

« C’est par la rapidité de cet écoulement qu’on se


procure le double avantage de renouveler, le plus
souvent possible, dans un temps donné, l’arrivée des
eaux troubles sur la surface à colmater, et de réduire
à rien ou à très-peu de chose, le mélange de ces eaux
troubles avec les eaux déjà clarifiées.

« Il est donc manifeste que l’établissement d’un


bon système de colmatage suppose l’exécution préli-

minaire d’un système d’écoulement, et que la réussite


du premier dépend absolument de la perfection du
second ; bien entendu que les eaux alimentaires
satisfont encore à d’autres conditions indispen-
sables.

« D’un autre côté, on concevra aisément que lors-


qu’un système d’écoulement est établi conformément
aux règles de l’arl, rien n’est plus aisé, si on le juge
convenable, que de s’en servir pour faire du colma-
tage , soit sur la surface entière du sol à bonifier,
soit sur quelques parties de cette surface. L’introduc-
tion et l’expulsion des eaux troubles n’exigent que
la construction de quelques ouvrages, faciles et bien
connus, qu'on exécute sans rien changer d’ailleurs
au système des canaux et fosses d’écoulement.

« La couleur foncée que prennent certaines eaux


dans les temps de crue, n’est parfois qu’une indica-
tion trompeuse, et ne peut servir à faire connaître la
proportion de limon qu’elles charrient. Car une
teinte jaune ou rougeâtre très-prononcée peut être
produite par des terres ocreuses, qui ne donnent pas
sensiblement de dépôts, parce qu’une très-petite
quantité suffit pour colorer un grand volume
d’eau (1). »

III.— Résumé.

Les détails généraux sur la pratique du colma-
tage, contenus dans les deux paragraphes précé-

dents, sont basés, comme nous l’avons dit, princi-


palement sur l’expérience acquise dans les premières
périodes d’exécution des travaux du même genre
commencés en Italie, il y a plus de deux siècles,
mais dont l’achèvement n’a eu lieu que beaucoup
plus tard.

Ces considérations, un peu abstraites, doivent être


attribuées à l’incertitude qui pouvait exister encore
sur plusieurs points, en présence de résultats non
encore obtenus.

Aujourd’hui la situation est différente. Les deux


belles entreprises d’endiguement et de colmatage,
1° des vallées de l’Arc et de l’Isère (Savoie), 2° de
celles du Var (Alpes-Maritimes) qui étaient com-
mencées depuis une trentaine d’années, par le gou-
vernement sarde, ont été, depuis l’annexion de ces
territoires à la France, achevées avec autant de
célérité que de succès par l’administration fran-
çaise.

C’est dès lors dans ces grands travaux, de date


toute récente, qu’il convient de chercher des notions
pratiques, susceptibles d’application dans des loca-
lités analogues.

I1 y a lieu seulement de remarquer que ces deux


entreprises modernes se trouvent, pour l’ensemble
des travaux, dans une situation assez différente de
celle des premières bonifications du même genre
antérieurement exécutées en Toscane.

Là on n’avait pour but que le dessèchement, par


colmatage, de vastes marais insalubres dans lesquelson a dérivé des eaux limoneuses, d’une richesse
exceptionnelle, mais prises à une certaine distance.

Dans les opérations de l’Isère et du Var, l’endigue-


ment était l’objet principal et le colmatage l’acces-
soire. Cette dernière bonification ne devait d’ailleurs
s’effectuer : pour l'Isère que sur deux zones latérales,
et pour le Var, sur une seule zone, situées immédia-
tement derrière les digues insubmersibles, con-
struites dans le but d’encaisser, d’une manière défi-
nitive, dans un lit de largeur invariable, même en
temps des plus grandes crues, les eaux torrentielles
qui dévastaient ces vallées.

Dans ces deux localités, les travaux différaient


notablement de ceux qu’on a eu à exécuter en Ita-
lie, et auxquels se rapportent les préceptes géné-
raux donnés dans les paragraphes précédents.

Pour le cas d’un vaste marais, n’avant habituel-


lement que des pentes nulles ou insensibles, les
eaux limoneuses sont fournies par un canal d'amenée
ayant sa prise à une certaine distance, et qui les
verse dans les bassins de colmatage, en franchissant
un mur de chute ou un déversoir. Dans l’intérieur
du périmètre à bonifier, on est obligé d’effectuer
certaines manœuvres, pour l’évacuation périodique
des eaux, quand elles sont dépouillées de leur li-
mon.

Lorsqu’il ne s’agit que de colmater les zones la-


térales, comprises derrière un endiguement insub-
mersible, les choses se passent autrement. Il n’y
a plus de canal d’amenée; les prises d’eau sont ré-

parties de distance en distance dans l’endiguement


lui-même, en ayant soin de les établir suffisamment
en amont des bassins. Mais ce qui différencie surtout
les deux modes d’opération relatifs à ces situations
diverses, c’est que, dans le cas d’un endiguement,
les zones longitudinales conservant généralement les
mêmes pentes que celles de la vallée, les bas-
sins fonctionnent d’eux-mêmes, par décantation de
l’un dans l’autre. Et généralement, au troisième bas-
sin, les eaux limoneuses sont assez dépouillées pour
pouvoir être rejetées, à titre de colature, dans la par-
tie d’aval du cours-d’eau alimentaire, par des pertuis
d’écoulement, ayant leurs vannes placées à l’inverse
de celles des prises d’eau.

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