Ohchr final report Mission 15-16 December 2014


Chronologie des événements



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Chronologie des événements

  1. Parcours de la caravane avant le 11 novembre

  1. Le 31 octobre 2014, l’ONG Kawtal Yellitare (Agir pour l’Education et le Travail pour le Progrès) soumettait un courrier au Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, l’informant de la tenue, du 7 au 11 novembre, d’une caravane visant à sensibiliser le public sur le droit foncier, l’état civil et l’esclavagisme foncier. Un itinéraire était annexé au courrier, précisant le parcours de la caravane, depuis Boghé (la wilaya de la Brakna) le 7 novembre, à Rosso (wilaya de la Trarza) le 11 novembre, notamment les lieux de passage et les arrêts dans différents villages. Une copie de l’itinéraire avec accusé de réception du Ministère de l’Intérieur aurait également été envoyée aux Walys24 de la Brakna et de la Trarza, aux Hakems25 de Boghé et de Rosso, ainsi qu’aux autorités locales concernées par le passage de la caravane. A l’issue de son parcours, la caravane devait remettre un cahier des charges au Waly de la Trarza à Rosso afin que ce dernier le transmette au Président de la République.

  2. Seule l’ONG Kawtal Yellitare est citée dans le courrier aux autorités en tant qu’organisateur. Mais selon le président de cette ONG, d’autres organisations auraient été invitées à se joindre à l’activité, parmi lesquelles IRA, l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH), la Coordination des organisations des victimes de la répression (COVIRE), le Collectif des orphelins des victimes civiles et militaires (COVICIM), le Mouvement autonome pour le progrès de la Mauritanie (MAPROM), le Collectif des rescapés anciens détenus politiques civils torturés (CRAPOCIDE), le Regroupement des victimes des événements de 1989 (REVE/89) et le Collectif des veuves.

  3. Le 7 novembre 2014, soit le jour du début de la caravane, le Hakem de Boghé a convoqué les responsables de la caravane et leur a remis un courrier du Waly de la wilaya de la Brakna daté du même jour, leur demandant de surseoir à leur activité en attendant que des dispositions soient prises pour la rendre conforme à la loi. Selon différents témoignages, le Hakem de Boghé aurait notamment évoqué le fait que le courrier de Kawtal Yellitare ne mentionnait pas la participation d’autres organisations de la société civile, comme l’un des motifs justifiant sa décision26. Malgré cela, la caravane quittait Boghé dans la matinée.

  4. D’après des témoignages concordants, les responsables de la caravane n’ont reçu aucune information des autorités quant à la suite donnée à leur courrier daté du 31 octobre 2014 avant le 7 novembre. Notifiés de la lettre du Waly de la Brakna datée du 7 novembre leur demandant de surseoir à leur activité, ils ont pu toutefois démarrer la caravane et poursuivre celle-ci à travers les wilayas de la Brakna et de la Trarza sans interruption de la part des autorités jusqu’au 10 novembre. Selon les autorités, les administrations locales n’auraient pas jugé nécessaire d’intervenir lors du passage de la caravane dans les villages car les réunions se seraient déroulées dans des lieux privés.

  5. Le 10 novembre, en fin d’après-midi, le Hakem de Rosso, accompagné de gendarmes, rencontrait les responsables de la caravane à Ch’garaa, dans la wilaya de la Trarza. Il leur a remis une lettre du Waly de la Trarza, datée du 10 novembre, leur interdisant l’activité et le passage dans la ville de Rosso. Le courrier ne comprenait aucun détail quant aux motifs de l’interdiction si ce n’est que l’activité était jugée contraire à la loi. Les membres de la caravane décidaient toutefois de poursuivre leur route vers Rosso le 11 novembre.

  1. L’arrivée de la caravane aux environs de Rosso le 11 novembre

  1. Le 11 novembre au matin, les membres de la caravane quittaient Ch’garaa en direction de Rosso. Composée d’un groupe de 30 à 40 personnes se déplaçant dans deux minibus et cinq véhicules, la caravane a dû s’arrêter à environ trois kilomètres de la ville27 en raison d’un déploiement de forces de l’ordre composé, selon les autorités, de 70 à 80 gendarmes. Selon la gendarmerie, les éléments déployés faisaient partie de l’unité de maintien de l’ordre de la gendarmerie, armés et équipés de boucliers, de matraques et de grenades lacrymogènes.

  2. Toutefois, l’équipe du BHCDH a reçu plusieurs témoignages et informations divergents concernant les corps de forces de l’ordre présents sur les lieux, leur nombre au moment de l’arrivée de la caravane ainsi que leur positionnement au moment de leur intervention.

  3. La gendarmerie de Rosso a déclaré au BHCDH que son effectif était composé de 70 à 80 éléments positionnés entre cinq et sept kilomètres de Rosso. En outre, le Directeur régional de la Sûreté nationale, qui était présent avec les éléments de la police déployés le 11 novembre, a déclaré au BHCDH que l’effectif de la police s’élevait à 10 ou 15 éléments. Ces derniers auraient été déployés à la sortie de la ville à environ deux ou trois kilomètres de l’emplacement où se trouvaient les gendarmes. Selon le Directeur régional de la Sûreté nationale, la police a été déployée en vue d’appuyer la gendarmerie territorialement compétente. Par ailleurs, certains témoins présents sur les lieux ont allégué avoir vu des éléments de la garde nationale, et d’autres ont affirmé que les forces de l’ordre ne se sont déployées qu’après l’arrivée du Président de l’IRA sur les lieux. Selon M. Biram Dah Abeid, ce dernier était en route vers le Sénégal via Rosso lorsqu’il a été informé du fait que la caravane sur l’esclavage foncier devait passer à Rosso. Enfin, le BHCDH a reçu divers témoignages affirmant que les forces de l’ordre étaient initialement une trentaine, rejoints par un groupe de 130 à 150 gendarmes et policiers au moment de l’intervention.

  4. Selon des témoignages concordants des autorités et des participants à la caravane, les responsables de la caravane se seraient, dans un premier temps, entretenus avec la Gendarmerie. Ce dernier leur aurait indiqué avoir reçu l’ordre de ne pas les laisser passer, leur activité ayant été interdite. Le responsable de la gendarmerie leur aurait demandé de remonter dans les véhicules, et ordonné que les personnes en provenance de Boghé retournent dans leur localité et que celles de Nouakchott soient escortées jusqu’à la sortie de la ville. Les responsables de la caravane auraient essayé d’expliquer qu’ils avaient besoin de rentrer à Rosso pour faire le plein d’essence avant de repartir vers Nouakchott et Boghé, mais les autorités s’y seraient opposées.

  5. Les versions divergent sur le moment de l’arrivée du président de l’IRA, ainsi que sur les raisons de sa présence. Selon certaines informations recueillies, son déplacement sur le lieu de passage de la caravane n’avait pour but que d’encourager les militants dans leur activité de sensibilisation sur le droit foncier et l’esclavage alors que d’après certains témoignages, il ne se serait déplacé qu’après avoir été informé que la caravane avait été stoppée par les forces de l’ordre à l’entrée de la ville de Rosso, dans le but de discuter avec les autorités pour trouver une solution.

  6. Le Hakem de Rosso est arrivé sur place et s’est adressé à la foule, réitérant l’interdiction de la caravane et se référant à ce propos à la lettre du Waly de Trarza. Selon des sources concordantes, le Hakem leur a donné un délai de 30 minutes pour se disperser, à défaut de quoi les forces de l’ordre seraient dans l’obligation d’intervenir. Selon les informations recueillies par le BHCDH et corroborées par les forces de l’ordre, le président de l’IRA aurait essayé de discuter avec les autorités présentes, dont le Hakem. Toutefois, aucune solution n’a pu être trouvée.

  7. Suite au départ du Hakem de Rosso, les forces de l’ordre seraient intervenues pour disperser les militants. Le BHCDH a recueilli des versions différentes quant à la chronologie des actions.

  8. Selon la gendarmerie, le délai de 30 minutes aurait été respecté, les gendarmes s’adressant toutes les cinq minutes aux militants afin de leur indiquer le temps restant. Durant le décompte, les membres de la caravane auraient injurié et tenu des propos à caractère raciste envers les forces de l’ordre. La gendarmerie allègue que la foule se serait adressée aux gendarmes d’ethnie afro-mauritanienne en disant : «Voyous d’esclaves, regardez vos chefs sont des Maures. Pourquoi ne vous orientez-vous pas contre eux alors qu’ils vous demandent de vous orienter contre nous ? ». Selon les autorités, le président de l’IRA et celui de l’ONG Kawtal Yellitare auraient encouragé les participants à la caravane à entrer dans la ville de Rosso par la force. D’après d’autres témoignages, Biram Dah Abeid aurait appelé les militants au calme, les incitant à s’asseoir, à ne pas résister en cas d’arrestation et à ne pas faire usage de la violence.

  9. Le BHCDH a reçu des informations faisant état d’une certaine tension entre les forces de l’ordre et les personnes ayant pris part à la caravane. A l’issue du délai, les gendarmes seraient intervenus afin de disperser la foule. Selon le capitaine chargé du commandement de la gendarmerie à Rosso, les manifestants auraient été rejoints par près de 50 personnes vivant dans les alentours. Les gendarmes auraient tenté pendant 15 minutes de simplement repousser les militants et n’auraient eu recours au gaz lacrymogène qu’en raison de la résistance de ces derniers. Les militants auraient repoussé les gendarmes en s’agrippant à leurs jambes. Certains gendarmes seraient tombés au sol.

  10. Le BHCDH a également reçu des allégations selon lesquelles les gendarmes n’auraient attendu que 10 minutes avant de faire usage de gaz lacrymogène. Plusieurs participants à la caravane réfutent la version selon laquelle les gendarmes auraient été la cible d’injures ou de provocations de la part des militants. Selon certains, les gendarmes auraient asséné des coups de matraque à plusieurs militants dans le cadre de leur intervention.

  11. Selon des informations concordantes, les gendarmes ont demandé aux présidents de l’IRA et de Kawtal Yellitare de les suivre en même temps et ensemble. Le vice-président de l’IRA a été arrêté par des éléments de la police avec MM. Dah Ould Boushab, président d’une section locale de l’IRA28, et Khatri Rahel, président du comité de paix29 de l’IRA. Tous les trois ont été conduits au commissariat de police de Rosso où ils auraient passé l’après-midi. Sur ordre du Procureur de la République de Rosso, les trois détenus ont été transférés dans la soirée du commissariat de police vers les locaux de la compagnie de la gendarmerie de Rosso.

  12. Le BHCDH a reçu plusieurs informations divergentes sur les circonstances de certaines arrestations. Selon la gendarmerie, M. Brahim Ould Bilal, vice-président de l’IRA aurait réussi à passer au travers du positionnement de la gendarmerie avec d’autres militants et aurait été intercepté par les forces de police positionnées à l’entrée de la ville. D’après d’autres témoignages, le vice-président de l’IRA aurait été initialement arrêté par la gendarmerie avec le président de l’IRA. Il aurait ensuite été tiré hors du véhicule et aurait reçu des coups de matraques avant d’être jeté dans un véhicule de la police puis conduit au commissariat de police dans le même véhicule que MM. Dah Ould Boushab et Khatri Rahel.

  13. Le BHCDH a également recueilli des informations contradictoires concernant les circonstances ayant entraîné l’arrestation de MM. Dah Ould Boushab et Khatri Rahel. Ces derniers seraient montés à l’arrière du véhicule dans lequel se seraient trouvés le président et le vice-président de l’IRA et le président de Kawtal Yellitare. Le vice-président de l’IRA serait sorti du véhicule pour conseiller de descendre à MM. Dah Ould Boushab et Khatri Rahel. Les forces de l’ordre présentes sur place leur auraient également demandé de descendre du véhicule.

  14. D’après des informations transmises au BHCDH, MM. Dah Ould Boushab et Khatri Rahel auraient reçu des coups de matraques de la part de policiers au moment de leur arrestation et de leur transport vers le commissariat de police. L’un d’entre d’eux aurait également reçu des coups de casque sur le front. Le BHCDH a également reçu des allégations selon lesquelles certains détenus ressentent des douleurs causées par des coups de matraques.

  15. Arrivés au commissariat de police, MM. Dah Ould Boushab et Khatri Rahel et le vice-président de l’IRA auraient été déshabillés et n’auraient gardé que leurs sous-vêtements, placés dans une cellule exiguë, et fait l’objet d’injures. D’après les autorités, seul l’un des trois hommes a été menotté au moment de son arrestation.

  16. Ces diverses allégations laissent penser que la police serait intervenue en même temps que la gendarmerie. Selon la gendarmerie, les arrestations faites par la police seraient dues au fait que certains militants avaient pu dépasser le cordon formé par les gendarmes et se seraient rapprochés de l’entrée de la ville de Rosso au niveau de laquelle se trouvaient les éléments de la police.

  17. En outre, d’après la gendarmerie de Rosso, cinq militants de l’IRA, MM. Cheikh Vall Ould Vall, Abidin Ould Salem Ould Matalla, Elhacen Ould Aly, Mohamed Ould Elhoussein Ould Salem et Samba Ould Aly Djagana auraient été arrêtés lors de l’intervention des forces de l’ordre visant à disperser la caravane. Selon la gendarmerie de Rosso, la plupart des participants à la caravane se seraient regroupés et dispersés suite au premier tir de grenades lacrymogènes. Deux participants auraient demandé aux gendarmes de laisser les participants à la caravane se regrouper et s’organiser pour partir alors que les gendarmes préparaient un deuxième tir de grenades lacrymogènes. Les forces de l’ordre auraient acquiescé à cette demande.

  18. MM. Cheikh Ould Vall, Abidin Ould Salem Ould Matalla, Elhacen Ould Aly, Mohamed Ould Elhoussein Ould Salem et Samba Ould Aly Djagana se seraient assis sur le goudron, refusant de quitter les lieux. Des éléments de la gendarmerie seraient intervenus pour les arrêter de force. Selon les informations recueillies, ils auraient reçu des coups de matraques, et auraient été contraints de s’agenouiller sous le soleil entre 30 minutes et deux heures, les mains derrière le dos. Le BHCDH a également recueilli des allégations selon lesquelles les forces de l’ordre auraient retiré leurs chemises à deux participants à la caravane au moment de l’arrestation de ces derniers, les auraient « étranglés30 » avec celles-ci et lesaurait ensuite utilisées pour leur lier les mains derrière le dos.

  19. Par ailleurs, selon la gendarmerie, une femme parmi les participants à la caravane aurait été victime d’un malaise suite au premier tir de gaz lacrymogène. Elle aurait été recueillie par les forces de l’ordre avant d’être évacuée en ambulance. Selon d’autres témoignages, une autre femme et un homme aurait été évacués après s’être évanouis en raison du gaz lacrymogène.



  1. Traitement et conditions de détention des personnes arrêtées dans le cadre de la caravane

  1. Au moment de la mission d’établissement des faits (15 et 16 novembre), huit des 10 personnes arrêtées le 11 novembre 2014 à Rosso étaient placées en détention préventive : MM. Biram Dah Abeid, Brahim Ould Bilal, Khatri Ould Rahel, Cheikh Vall Ould Vall, Abidin Ould Salem Ould Matalla, Elhacen Ould Aly, Mohamed Ould Elhoussein Ould Salem, Samba Ould Aly Djagana. MM. Dah Ould Boushab et Djibi Sow avaient été relâchés sur décision du juge d’instruction et placés sous contrôle judiciaire, payant l’équivalent de 20,000 ouguiyas mauritaniennes au titre de caution. 




  1. Dans le cadre de sa mission à Rosso, le BHCDH a rencontré les huit détenus incarcérés à la prison civile de Rosso et les principaux officiers de police et de la gendarmerie responsables de leur garde à vue afin d’évaluer les conditions de détention. L’équipe s’est aussi rendue au commissariat de police de Rosso, à la brigade de la gendarmerie, et à la compagnie de la gendarmerie où les mêmes huit détenus ainsi que les deux personnes placées sous contrôle judiciaire, avaient passé leur garde à vue. Au commissariat de police, le BHCDH s’est entretenu avec deux personnes placées en garde-à-vue suite à leur arrestation, le 12 novembre, en lien avec une manifestation de soutien aux militants de l’IRA.




  1. Le BHCDH a reçu des informations et témoignages concordants selon lesquelles les détenus n’auraient pas fait l’objet de violences physiques à partir du moment où ils sont arrivés à la brigade de la gendarmerie et à la compagnie de la gendarmerie. Toutefois, le BHCDH a pris note d’allégations selon lesquelles certains auraient été injuriés et intimidés pendant l’enquête préliminaire et se seraient vus, dans un cas, refuser l’accès à des soins médicaux. Le BHCDH n’a pas été en mesure de confirmer ou d’infirmer ces allégations.




  1. De plus, le BHCDH a également consulté le registre des détenus au niveau de la brigade de la gendarmerie et s’est aperçu de l’absence de plusieurs rubriques prévues à l’article 59 du Code de procédure pénale parmi lesquelles celles relatives à l’état physique et sanitaire et l’alimentation qui est fournie aux détenus. De même, le registre ne contenait aucune signature des détenus transférés à la prison civile de Rosso.




  1. Sur la base de ses visites, le BHCDH a observé la présence de matelas dans le local de détention et un accès aux toilettes au niveau de la compagnie et de la brigade de la gendarmerie. Les huit détenus dans ces deux lieux de détention ont allégué avoir souffert de l’absence de moustiquaires le premier soir de leur garde à vue. Selon les informations recueillies auprès de différentes sources, les moustiquaires auraient été mises à leur disposition le lendemain de leur arrestation.




  1. Au commissariat de police, le BHCDH a noté au moment de son passage le 16 novembre, que des nattes et de fins matelas étaient à la disposition des détenus sous un hangar, mais aucun matelas n’était installé dans la cellule. Selon des témoignages recueillis, la cellule ne contenait pas de matelas au moment de l’arrivée des premières personnes arrêtées dans le cadre de la caravane le 11 novembre. Les personnes détenues se sont plaintes de la présence d’urine au niveau de la cellule. Lors de sa visite le 16 novembre, le BHCDH a également constaté que la cellule manquait de ventilation et de luminosité. Sous le préau à l’extérieur de la cellule, le BHCDH a noté des menottes attachées sur l’un des poteaux avec des chaînes. Selon les officiers de police sur place, ces menottes sont utilisées pour les détenus qui font preuve d’agressivité.




  1. Concernant leur alimentation, certains détenus ont cité la mauvaise qualité de la nourriture qui leur a été fournie lors du premier jour de leur garde à vue. Selon les informations recueillies, le président de l’IRA a pu recevoir ses plats de l’extérieur.




  1. Concernant le contact avec l’extérieur, le BHCDH a reçu des informations selon lesquelles les autorités ont remis leurs téléphones portables au président de l’IRA et au président de l’ONG Kawtal Yellitaré dès le deuxième jour de leur garde à vue, ces derniers ayant ainsi pu recevoir certains appels. Toutefois, plusieurs autres détenus ont allégué ne pas savoir si leurs familles avaient été prévenues de leur arrestation par les autorités et ont déclaré ne pas avoir eu de contact avec l’extérieur depuis leur arrestation.




  1. De manière générale, la situation des détenus, en particulier au du commissariat de police, ne peut pas être jugée comme satisfaisante au regard de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus31. Cette observation n’est pas spécifique à la situation des détenus sus-mentionnés, mais prévaut pour tous les détenus dans lieux de détention visités à Rosso.



  1. Arrestations en marge des événements de Rosso

  1. Selon des données collectées par le BHCDH, un sit-in aurait été organisé devant le commissariat de police de Rosso. Il aurait duré 20 minutes, avec l’accord des forces de l’ordre. Les participants se seraient ensuite dirigés vers la compagnie de la gendarmerie où le président de l’IRA était en garde à vue. La police serait intervenue pour leur notifier que leur marche était interdite. Selon les informations recueillies par le BHCDH, les forces de l’ordre auraient ordonné aux manifestants de se disperser, aurait ensuite lancé des gaz lacrymogène et fait usage de matraques pour disperser la foule. 

  2. M. Chedad Ould Mohamed, Directeur d’une école primaire et membre de l’IRA, et M. Mohamed Ould Abeid, également membre de l’IRA, ont été arrêtés le 12 novembre 2014 et placés en garde à vue au commissariat de police de Rosso. Selon eux, ils auraient été interpelés alors que la police était en train de disperser un groupe d’une quarantaine de personnes parties du commissariat de police où s’était tenu un premier sit-in en faveur de la libération des personnes arrêtées le 11 novembre 2014 vers la compagnie de la gendarmerie pour y tenir un second sit-in.

  3. A la date du 20 novembre, les deux hommes avaient été placés sous contrôle judiciaire et payé une somme de 20,000 ouguiyas mauritaniennes au titre de caution.

  4. Lors de sa visite au commissariat de police le 16 novembre, le BHCDH a examiné les conditions de détention des deux détenus. Il a constaté un manque d’aération dans la pièce où les détenus sont placés. A partir du 15 novembre, soit la veille de la visite du Bureau, ils ont eu la possibilité de dormir sur des nattes placées sous un hangar, à l’extérieur de toute cellule. Selon les informations recueillies, des moustiquaires et des matelas ont été fournis aux deux détenus trois jours après leur arrestation.

  5. La décision de poser des nattes, d’acheter des matelas et de dormir à l’extérieur de la cellule semble avoir contribué à améliorer les conditions de détention des deux détenus sur le court terme. Toutefois, cette situation reste en-deçà des standards internationaux et ne pourrait servir de solution durable. Par ailleurs, lors de sa visite, le BHCDH a noté la présence de deux détenus dans la cellule du commissariat de police ainsi que sept détenus se présentant comme des mineurs et placés dans un espace entre la cellule et l’extérieur. Aucun d’entre eux n’avait accès à un matelas. L’accès aux soins médicaux constitue également une préoccupation en particulier pour les détenus affectés de maladies chroniques ou nécessitant un suivi régulier.

  1. Fin de la garde à vue des 10 détenus arrêtés le 11 novembre et conditions de détention à la prison civile de Rosso

  1. Le 14 novembre 2014, en fin d’après-midi, MM. Biram Dah Abeid, Brahim Ould Bilal, Dah Ould Boushab, Khatri Ould Rahel, Cheikh Vall Ould Vall, Abidin Ould Salem Ould Matalla, Elhacen Ould Aly, Mohamed Ould Elhoussein Ould Salem, Samba Ould Aly Djagana et Djibi Sow ont comparu devant le Procureur de la République. Ce dernier a demandé l’ouverture d’une instruction et exigé que les 10 gardés à vue soient mis sous mandat de dépôt. Ils ont ensuite été auditionnés par le juge d’instruction.

  2. Selon le Procureur de la République de Rosso, les charges qui pesaient sur sept d’entre eux à la date du 14 novembre sont répertoriés aux articles 101 à 105, 191 à 194 et 204 du Code pénal32 ainsi qu’à l’article 8 de la loi sur les associations33. Elles se rapportent à: a) attroupement non armé pouvant troubler la tranquillité publique ; b) incitation à l’attroupement ; c) insurrection ; d) résistance aux forces de l’ordre ; e) agressions contre les forces de l’ordre dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions ; f) utilisation de la force contre les forces de l’ordre ; g) action dans un mouvement non autorisé. Le président de l’IRA a été inculpé des mêmes charges ainsi que de celle de diriger une association sans autorisation. Le président de l’ONG Kawtal Yellitare et M. Dah Ould Boushab ont été inculpés des charges suivantes : a) attroupement non armé pouvant troubler la tranquillité publique ; b) incitation à l’attroupement ; et c) résistance aux forces de l’ordre.

  3. Selon les informations recueillies par le BHCDH, un avocat également membre du Bureau exécutif de l’IRA était présent lors de la comparution des huit détenus mais n’aurait pas assisté à toutes les auditions devant le juge d’instruction plus tard dans la soirée. Le juge d’instruction a ordonné le transfert de MM. Biram Dah Abeid, Brahim Ould Bilal, Khatri Ould Rahel, Cheikh Ould Vall, Abidin Ould Salem Ould Matalla, Elhacen Ould Aly, Mohamed Ould Elhoussein Ould Salem et Samba Ould Aly Djagana à la prison civile de Rosso.

  4. Le 15 novembre, le BHCDH s’est rendu à la prison civile de Rosso dans l’optique d’observer les conditions de détention et de s’entretenir avec chacun des détenus arrêtés le 11 novembre. Le BHCDH a noté que les cellules de la prison civile de Rosso compteraient en moyenne huit détenus.

  5. Les huit détenus ont passé la nuit du 14 novembre dans une cellule munie d’une toilette et dont la taille serait d’environ 16.5 m² (soit 4.51 mètre sur 3.7 mètre). Au moment de la visite, le BCHDH a noté que ladite cellule contenait six matelas placés les uns contre les autres. A partir du 15 novembre, sur décision du Ministère de la Justice, une deuxième cellule comportant également une toilette, a été aménagée pour accueillir jusqu’à trois détenus34.

  6. Sur la base d’informations recueillies et ses propres observations, le BHCDH a noté que la taille de cette cellule était d’environ 5.2 m² (soit 2.8 mètre sur 1.86 mètre) et pourrait contenir deux matelas placés côté à côté. Le BHCDH a également noté la mise à disposition de tapis, de matelas et de moustiquaires pour les détenus rencontrés

  7. Toutefois, le BHCDH a aussi constaté l’étroitesse des cellules de la prison civile de Rosso compte tenu du fait qu’elles abritent huit détenus dans la plupart des cas. Il a également noté la chaleur régnante dans les cellules et le manque d’aération en raison de la petite taille des fenêtres. Selon plusieurs témoignages, le président de l’IRA aurait rencontré des problèmes de respiration la nuit du 14 novembre mais n’aurait pas reçu d’attention de la part des surveillants de prison.

  8. Le 15 novembre, les autorités ont informé le BHCDH que des dispositions avaient été prises en vue de réduire la surpopulation carcérale à la prison civile de Rosso et d’améliorer ainsi les conditions de détention. Selon le Ministère de la Justice, des ordres auraient été donnés le 15 novembre pour que plusieurs détenus soient conduits à la prison d’Aleg. Cet établissement pénitentiaire disposant une capacité d’accueil supérieure selon les autorités.



  1. Observations

  1. Suite à sa mission d’établissement des faits réalisée les 15 et 16 novembre 2014, le BHCDH a élaboré une série d’observations sur la base desquelles il a formulé des recommandations à l’intention du Gouvernement de la République Islamique de Mauritanie. Ces recommandations ont pour objet de favoriser la transparence sur les événements de Rosso et de prévenir des violations des droits de l’homme dans des situations similaires.



  1. Observations relatives aux événements précédant le départ de la caravane



  1. Le droit de réunion pacifique et sa limitation

  1. En République Islamique de Mauritanie, le droit de réunion publique est garanti par l’article 10 de la Constitution de 1991 révisée en 2006 et 2012, ainsi qu’en vertu de l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est encadré par la loi du 23 janvier 1973 relative aux réunions publiques35 et son décret d’application36. L’article 2 de la loi dispose que : «[l]es réunions publiques sont libres sous réserve des conditions prescrites par la loi». L’article 3 précise que : « [t]oute réunion publique doit faire l’objet d’une déclaration auprès des autorités administratives habilitées au moins trois jours francs avant la date de la réunion.» La République Islamique de Mauritanie applique donc le principe de la déclaration en vertu duquel toute personne souhaitant organiser une réunion publique doit informer l’autorité administrative. Il s’agit donc d’informer celle-ci et non de solliciter son autorisation.

  2. En vertu du droit international applicable dans le pays, l'exercice de ce droit peut uniquement être limité dans des circonstances particulières et selon des modalités très précises. Toute restriction doit être prévue par la loi et doit être « nécessaire dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d'autrui37 ». Ainsi, toute autorité administrative qui souhaite limiter ou s’opposer à la tenue d’une réunion publique a l’obligation de motiver sa décision en précisant pourquoi cette restriction est nécessaire dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d'autrui.

  3. Les courriers respectifs du Waly de la Brakna et celui de la Trarza interdisant la caravane, sont datés du 7 novembre, ce qui correspond au jour du départ de la caravane, et du 10 novembre soit la veille de sa conclusion. S’il y est clairement ordonné de surseoir à l’activité, les motifs justifiant cette demande et l’interdiction de la caravane sont formulés en des termes trop généraux pour permettre la recherche des voies de recours contre la décision.

  4. Par ailleurs, les autorités ont décidé d’intervenir officiellement la veille du dernier jour de la caravane, soit le 10 novembre, lorsque le Hakem de Rosso est venu notifier les responsables de l’activité de la lettre du Waly de la Trarza, et les avertir qu’en cas de refus de mettre fin à la caravane, les forces de l’ordre seraient habilitées à intervenir. Si le courrier du Waly du Brakna interdit la caravane à partir du 7 novembre, aucune mesure n’a été prise en vue de son exécution avant le 10 novembre et la lettre du Waly de la Trarza. Cette situation révèle un manque de coordination entre les administrations territoriales et traduit une application arbitraire des dispositions de la loi. Il en résulte une entrave au droit de réunion pacifique au regard du cadre légal international et national applicable en Mauritanie.

  5. De plus, il semble que la décision d’interdire l’activité n’ait pas fait l’objet d’un préavis suffisant, privant ainsi les organisateurs de la caravane de la possibilité de faire un recours contre la décision administrative le cas échéant. Ni la loi sur les réunions publiques, ni son décret d’application ne mentionnent de délai clair dans lequel l’autorité administrative saisie doit répondre, le cas échéant, à la déclaration qui lui est soumise. Le décret prévoit uniquement en son article 4 que « le chef de la circonscription administrative qui reçoit la déclaration en délivre un récépissé́ ».

  6. Enfin, si le droit de réunion pacifique n’est pas un droit absolu et peut, dans certains cas spécifiques, faire l’objet de restriction, toute décision administrative qui prévoit ou impose une restriction à cette liberté publique doit être faite par écrit et être clairement motivée dans les limites prévues à l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Par ailleurs, la décision doit pouvoir faire l’objet d’un recours devant la juridiction compétente dans un délai adéquat. Or, la législation mauritanienne manque de précision quant à ces aspects.



  1. La liberté d’association

  1. En Mauritanie, la liberté d’association est également garantie par la Constitution ainsi qu’en vertu de l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La loi sur les associations 64-098 encadre l’exercice de cette liberté publique. Selon cette loi, les associations de personnes ne peuvent se former ou exercer leurs activités qu’après l’obtention d’une autorisation délivrée par le Ministère de l’Intérieur.

  2. A l’heure actuelle, l’IRA n’est pas considérée comme une association reconnue au sens des dispositions de la loi sur les associations. Elle ne dispose pas en effet de l’autorisation requise bien qu’elle en ait faite la demande auprès du Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation en 2010. L’administration ou la participation aux activités d’une association fonctionnant sans autorisation fait partie des charges retenues contre huit des 12 personnes arrêtées en lien avec l’incident de Rosso. Cette situation semble également sous-tendre la décision de fermer le siège de l’IRA à Nouakchott.

  3. Or, le BHCDH a constaté que jusqu’à présent, cette association a pu mener ses activités dans la capitale et dans les wilayas sans se voir directement opposer le fait qu’elle ne possède pas d’existence légale. Cette situation a pu être interprétée comme, au minimum, une certaine tolérance à l’égard de l’IRA.

  4. Sans préjuger de la légalité de la décision des autorités envers l’IRA, le moment choisi pour porter ces charges à l’encontre du président de cette association et de ses adhérents, pourrait être interprétée comme une application arbitraire de la législation sur les associations. Par ailleurs, dans l’hypothèse où l’IRA a soumis une demande d’autorisation en bonne et due forme, il appartient aux autorités d’y répondre en motivant leur décision. Un silence de l’administration ou un refus d’autorisation injustifié au sens des conditions prévues à l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, pourrait être considéré comme une entrave à l’exercice de la liberté d’association.

  5. En outre, si la liberté d’association n’est pas absolue, le droit international encadre strictement les circonstances dans lesquelles elle peut être limitée. L’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques fixe les modalités et les causes susceptibles de justifier toute restriction à la liberté d’association. Cette dernière doit être strictement encadrée par la loi et être nécessaire dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d'autrui.

  6. Les conditions de retrait de l’autorisation prévues dans la loi sur les associations de 1964 sont formulées en des termes généraux laissant la porte ouverte à une interprétation arbitraire de ces dispositions. Or, toute décision d’interdire une association doit répondre aux exigences posées par le droit international et notamment celles relatives aux motifs de limitations de la liberté d’association



  1. La dispersion de la caravane et l’intervention des forces de l’ordre

  1. Qu’il s’agisse de réunions publiques légales ou de rassemblements illégaux, les standards internationaux, tels que les Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois38, disposent que les responsables de l'application des lois doivent s'efforcer de disperser les rassemblements non violents sans recourir à la force39. Lorsque son usage s’avère indispensable, ils doivent limiter l'emploi de la force au minimum nécessaire. Les paragraphes trois et quatre de l’article 101 du Code pénal relatif aux attroupements encadrent les circonstances et modalités selon lesquelles les forces de l’ordre peuvent faire usage de la force40.

  2. Dans le cadre de sa mission d’établissement des faits, le BHCDH a reçu plusieurs témoignages concordants selon lesquels les forces de l’ordre auraient fait usage de leurs matraques au moment de la dispersion de la caravane. Toutefois, le BHCDH n’a pas reçu d’informations suffisantes pour déterminer si les forces de l’ordre ont fait un usage excessif de la force lors de la dispersion des participants à la caravane. De même, il n’a pas reçu suffisamment d’informations corroborées selon lesquelles les participants à la caravane se seraient montrés violents lors de l’intervention des forces de l’ordre.

  3. Le Bureau souhaite rappeler que même lorsque l’usage légitime de la force est nécessaire, les standards internationaux41 imposent que les responsables de l'application des lois: a) en usent avec modération et que leur action soit proportionnelle à la gravité de l'infraction et à l'objectif légitime à atteindre; b) qu’ils s'efforcent de ne causer que le minimum de dommages et d'atteintes à l'intégrité physique et de respecter et de préserver la vie humaine; c) qu’ils veillent à ce qu'une assistance et des secours médicaux soient fournis aussi rapidement que possible à toute personne blessée ou autrement affectée; et d) qu’ils veillent à ce que la famille ou des proches de la personne blessée ou autrement affectée soient avertis le plus rapidement possible.

  4. De plus, lors de ses entretiens avec les autorités, le BHCDH a constaté un manque de clarté au sein de la gendarmerie et de la police quant au corps responsable et à la chaîne de commandement à respecter au cours de l’intervention. La divergence a trait au fait de savoir si chaque corps est resté sous les ordres de sa propre hiérarchie ou si les éléments de la police étaient placés sous les ordres de la gendarmerie, leur présence ayant pour objectif de soutenir l’action des gendarmes.

  5. L’absence d’une chaîne de commandement claire connue de toutes les forces de l’ordre tend à favoriser des abus notamment lorsque l’usage de la force est requis. Ceci peut également favoriser l’impunité en cas d’un usage de la force qui ne serait ni nécessaire ni proportionné par son auteur. Toute intervention de maintien de l’ordre doit être strictement réglementée en précisant le rôle de chaque corps et les sanctions disciplinaires et pénales encourues par tout auteur de violence illégitime.



  1. Le traitement des participants à la caravane au moment de leur arrestation et pendant les gardes à vue

  1. Dans le cadre de sa mission, le BHCDH a reçu plusieurs allégations de diverses sources selon lesquelles les personnes gardées à vue auraient été victimes de torture et de mauvais traitements perpétrés par les forces de police et de la gendarmerie. Ces actes se seraient déroulés au moment de l’arrestation et lors du transport vers les lieux de détention. Or, la torture est strictement interdite en vertu de la Constitution de Mauritanie.

  2. Lors de ses observations, le BHCDH n’a pas constaté d’éléments constitutifs de torture au sens de la Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants42; qui fait partie du cadre légal applicable dans la République Islamique de Mauritanie.

  3. Le BHCDH n’a pas constaté de plaies ouvertes ou visibles à l’œil nu sur les personnes détenues rencontrées au moment de sa visite les 15 et 16 novembre, soit respectivement quatre et cinq jours après la dispersion de la caravane sur l’esclavage foncier. Toutefois, il importe de souligner que les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants peuvent prendre différentes formes et ne sont pas limités aux seuls aspects physiques. Ainsi, le Bureau n’a pu obtenir suffisamment d’informations crédibles afin d’apprécier la véracité des allégations et reste préoccupé par les allégations évoquées.

  4. Certaines mesures pourraient contribuer à prévenir de telles situations et à protéger le droit à la liberté et à la sécurité de la personne tel que garanti à l’article 9 du PIDCP applicable en Mauritanie. Dans son observation générale n°35 relative à cet article 9, le Comité des Droits de l’Homme rappelle, entre autres, que tout détenu doit avoir un accès rapide et régulier à un personnel médical indépendant et à un avocat43. Ce faisant, il fait également référence au principe 24 de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement44 en vertu duquel : « Toute personne détenue ou emprisonnée se verra offrir un examen médical approprié dans un délai aussi bref que possible après son entrée dans le lieu de détention ou d'emprisonnement; par la suite, elle bénéficiera de soins et traitements médicaux chaque fois que le besoin s'en fera sentir. Ces soins et traitements seront gratuits. » Cet aspect se retrouve également dans le code de procédure pénale mauritanien45 qui dispose que: « Lorsqu’elle a été́ amenée devant le magistrat compétent, toute personne gardée à vue a le droit d’être examinée médicalement, sur sa demande ou à la requête d’un membre de sa famille. » De même, il importe de connaître l’état physique et sanitaire de toute personne arrêtée dès le début de son placement en garde à vue. Le code de procédure pénale prévoit d’ailleurs que ces informations soient consignées dans un registre paraphé et coté dans tout lieu de détention46. Lors de la consultation dudit registre au niveau de la brigade de la gendarmerie de Rosso, le BHCDH a noté l’absence de plusieurs rubriques importantes, notamment les mentions relatives à l’état de santé des détenus. Tous les détenus devraient être informés de leur droit à être examiné par un médecin, ce droit devant être garanti dès le début de la garde à vue.



  1. Traitement et conditions de détention à la prison civile de Rosso

  1. Lors de son passage à la prison civile à Rosso, le BHCDH a également évalué les conditions de détention des huit personnes placées sous mandat de dépôt en lien avec l’incident de Rosso. Le Bureau a porté une attention particulière sur les locaux de détention, l’accès aux soins de santé, à l’eau et à l’assainissement ainsi qu’à l’alimentation.

  2. Selon les informations reçues et des témoignages concordants, et compte tenu des standards internationaux47 relatifs aux conditions de détention, le BHCDH a constaté que le traitement et les conditions de détention de ces détenus se sont sensiblement améliorés entre le 14 et le 15 novembre. Les détenus ont été répartis dans deux cellules distinctes aménagées avec des tapis neufs à partir du 15 novembre, en application d’une décision du Ministre de la Justice. Chaque cellule disposait de toilettes. Néanmoins, le BHCDH a noté que plusieurs détenus ne semblaient pas avoir un accès direct à l’eau potable, plusieurs d’entre eux étant venus se ravitailler en eau potable dans la cellule la plus exiguë.

  3. Par ailleurs, les locaux de détention à la prison civile de Rosso, notamment la taille des cellules et leur aération, ne semblent pas atteindre les minima fixés par les standards internationaux48. Lors de sa visite, le BHCDH a constaté que la taille des cellules était inadéquate pour accueillir huit détenus. 



  1. Recommandations

  1. Les observations de BHCDH à l’issue de sa mission d’établissement des faits ont permis de dégager deux grands axes sur lesquels le Gouvernement de la République Islamique de Mauritanie devrait concentrer ses efforts pour prévenir des violations des droits de l’homme dans les situations similaires. Il faut noter, d’une part,  la nécessité d’une révision en profondeur du cadre législatif et règlementaire relatif au droit de réunion et de manifestation pacifiques et à la liberté d’association; d’autre part, celle d’amélioration des conditions de détention. Des recommandations similaires ont été formulées à la Mauritanie par les organes de traité ainsi qu’au titre de l’examen périodique universel.

  2. Il est impératif d’engager les organisations de la société civile et la Commission nationale des Droits de l’Homme dans ce processus et de solliciter leur concours dans la recherche de solutions sur ces thématiques.

  3. Le BHCDH se tient prêt à apporter son concours et son expertise technique dans la mise en œuvre de ces recommandations.



    1. Respect et protection du droit de réunion pacifique et de la liberté d’association

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