Physique : des molécules très lumineuses (par Clémentine Wallace)
Transformer une molécule en un phare miniature émettant un intense faisceau lumineux : voilà la prouesse réalisée grâce à un étonnant dispositif nanométrique mis au point par des chercheurs du CNRS et décrit dans un article publié en janvier dans la revue Nano Letters. Cette invention pourrait s’avérer précieuse afin d’améliorer les tests de fluorescence couramment utilisés en biologie moléculaire et en médecine pour détecter la présence de telle ou telle molécule. La technique de fluorescence est fondée sur l’absorption d’une lumière laser par une molécule. En retour, celle-ci réémet un signal dans une longueur d’onde différente qui lui est caractéristique. Ce qui permet donc, en théorie, de la détecter. Mais jusqu’à présent, repérer une molécule unique restait difficile en raison de la très faible quantité de lumière réé mise. « Non seulement l’intensité est basse, mais les molécules émettent dans toutes les directions, il est donc difficile de récupérer un signal », remarque Jérôme Wenger, physicien à l’Institut Fresnel (Unité CNRS/Université Paul-Cézanne/ Centrale Marseille/Université de Provence). L’intensité et la directivité du signal étaient donc les éléments clés pour améliorer la fluorescence. Problème : jusqu’à il y a peu, on ne parvenait pas à agir sur ces deux paramètres en même temps. L’invention de l’équipe de l’Institut Fresnel et de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (Unité CNRS/Université de Strasbourg) relève désormais le défi. Les scientifiques ont élaboré une nano-antenne, ainsi baptisée car elle fonctionne avec la lumière comme une antenne traditionnelle avec les ondes radio. Concrètement, il s’agit d’un film d’or percé d’une ouverture circulaire, elle-même entourée de reliefs en sillons circulaires. « Ces sillons permettent de concentrer plus d’énergie sur la molécule et de contrôler son rayonnement, explique Jérôme Wenger. Et donc de multiplier par au moins 100 l’intensité lumineuse et de l’émettre dans un cône très étroit. » Ces nano-antennes rendraient ainsi possible la détection de molécules individuelles en solution avec des microscopes simples. « Auparavant, on avait besoin de microscopes complexes et encombrants pour détecter le signal d’une molécule. Désormais, une lentille plastique de lecteur de CD-ROM suffit », conclut le physicien.