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Conclusion


Le phénomène partenarial n'est réductible ni à ses manifestations les plus visibles - les conventions faisant l'objet d'une large publicité ou les politiques partenariales multipliant ces conventions -, ni au maniement d'un nouvel instrument de politique publique dont l'efficacité aurait été récemment découverte. Dans les cas étudiés, le phénomène partenarial correspond à un processus systémique de prolifération des activités de gouvernement conventionnelles dans une configuration de politique publique formée de normes sociales propices à ces activités dont la multiplication institutionnalise une relation confinée de négociation entre certaines autorités publiques et certains ressortissants (partenaires), à distance des autres personnes et catégories d'intérêts. La nature confinée de toute négociation et le caractère nécessairement discriminant de toute convention - autre que le mythique "contrat social" - se répercute inéluctablement sur les caractéristique d'un système de gouvernement formé et agissant principalement par des activités de gouvernement conventionnelles.

Les activités gouvernementales conventionnelles (AGC)

L'aspect peut être le plus visible du phénomène partenarial est la prolifération des AGC dont l'étude a permis de préciser certaines caractéristiques et d'en esquisser une classification générale. Le premier niveau de cette classification est celui des genres d'activités gouvernementales. Par opposition aux activités unilatérales relevant du "genre hiérarchique", les AGC relèvent du "genre fiduciaire" incluant l'ensemble des négociations se concluant par un accord entre une autorité au moins et un (ou des) ressortissant(s), sur le contenu d'actions finalisées à réaliser par l'un et/ou l'autre des partenaires ou sur l'inaction de l'un et/ou l'autre. Par rapport à d'autres définitions, celle-ci ouvre sur ces activités une perspective élargie qui présente l'avantage de ne pas exclure a priori certaines d'entre elles pour défaut de formalisation juridique ou parce qu'elles seraient officieuses.

Sur cet ensemble d'activités conventionnelles, un point de vue spécifique a été adopté amenant à porter l'attention sur les relations établies non pas entre les partenaires eux-mêmes (termes de l'échange, conditions de négociation, force contraignante de la convention, etc) mais entre les partenaires et les tiers : le concept de "reconnaissance publique" suggère ainsi de s'interroger sur les informations extériorisées par les premiers sur le déroulement et le contenu des activités de gouvernement auxquelles ils participent.

La théorie élaborée de ce point de vue permet de préciser le deuxième niveau de la classification des AGC en distinguant deux espèces : "officielles" (espèce A) et "officieuses" (espèce B). Chaque espèce a pu, à un troisième niveau, être subdivisée en deux types : AGC "formalisées" en droit (type I) et "exposées" publiquement (type II) relèvent de la première espèce ; les AGC "confidentielles" (type III) et "secrètes" (type IV) de la seconde. Au quatrième niveau de classification, chaque type d'AGC a été subdivisé en trois catégories. Les catégories, ainis numérotées de 1 à 12 regroupent, à un cinquième niveau, des modalités concrètes d'AGC dont la classification n'a pas été subdivisée. Pour ces deux derniers niveaux de classification la distinction des classes implique des nuances assez approximatives et intuitives. On peut espérer qu'une analyse théorique plus approfondie associée à un plus grand nombre d'études de cas permettra de consolider la partie inférieure du tableau de classification.

Cette classification permet d'améliorer la connaissance des AGC et de fonder une interprétation du phénomène partenarial dans ses évolutions les plus récentes.

Les trois dimensions du phénomène partenarial

La formation de ce phénomène requiert que soient réunies deux conditions nécessaires :

1) l'existence d'un régime juridique de "droit non-directif" apparaissant sous la forme de règles optionnelles ou équivoques ou de vides juridiques. Le droit non-directif ouvre, dans chaque cas, l'espace de négociation indispensable hors duquel aucune AGC ne peut se dérouler.

2) l'existence de "normes pro-partenariales" propices à l'instauration de relations négociées entre gouvernants et gouvernés. Il peut s'agir de normes professionnelles orientant le comportement socialement attendu de chacun dans un secteur professionnel ou de normes politiques définissant les arguments efficaces ou en voie de le devenir dans une société pour légitimer l'action gouvernementale.

Même si d'autres facteurs peuvent intervenir, la première condition rend possible et la seconde favorise le phénomène de prolifération des AGC.

Cette prolifération se traduit concrètement par des processus d'imbrication (une convention engendre, pour sa mise en oeuvre ou pour son effectivité en cas d'inobservation, une autre convention qui elle-même en génère une suivante, etc) et de propagation des AGC (une convention passée entre certains acteurs inspirent chez d'autres acteurs le désir de bénéficier d'un accord équivalent, qui peut à son tour produire le même effet, etc). L'imbrication pérennise le lien conventionnel entre les parties et contribue à façonner dans la durée la perception qu'elless se font de leur relation "normale" : autorités et ressortissants en viennent à se considérer comme des partenaires placés sur un pied de relative égalité. D'autre part, la propagation diffuse le principe de la relation partenariale à d'autres territoires, secteurs, ressortissants et contribue ainsi à étendre le phénomène partenarial dans son ensemble.

La prolifération des AGC a inéluctablement pour effet de renforcer les "distorsions de représentation"1536 éventuellement préexistantes d'une part et le "confinement"1537 des processus décisionnels d'autre part. Cela tient aux caractéristiques de ce genre d'activités de gouvernement : 1) l'AGC ne peut pas être ouverte à tous sur un territoire donné, sans reposer les problèmes d'organisation politique auxquels furent confrontés ceux qui tentèrent de mettre en oeuvre un "contrat social". Par nature discriminante, l'AGC laisse de côté des tiers-exclus et donne aux partenaires une ressource supplémentaire (notamment pour influer sur les décisions) venant s'ajouter à celles qui leur ont permis de participer. Ce privilège renforce l'asymétrie des ressources entre eux et les tiers-exclus. 2) la négociation, dans une AGC, se déroule rarement en public, sous le regard critique et l'action éventuellement réactive des "tiers-exclus". Entamer sur la place publique la négociation d'une convention ayant une portée politique réduirait les marges de manœuvre des négociateurs donc la possibilité d'une réelle négociation. Celle-ci nécessitant un huis-clos au moins relatif, toute AGC s'accompagne d'un effort des partenaires pour confiner leur cercle de délibération.

Du phénomène au système de gouvernement partenarial

L'existence d'un système de gouvernement est apparue en isolant, dans les deux configurations de politique publique étudiées, les traits typiques de relations sociales normales (régulières) entre gouvernants et gouvernés ainsi que les conditions de stabilité de ces relations. L'idéal-type ainsi construit ne prétend nullement décrire le système global de gouvernement d'une société sous tous ces aspects mais seulement un système sectoriel, ce que les américains appellent un "subsystem of government". Dans les deux configurations, en effet, a été observée l'existence d'un tel système organisant les relations entre des acteurs variés qui, selon leurs possibilités d'accès à l'information et de participation aux AGC, se répartissent entre des cercles concentriques de délibération politique. Le système est de forme conique : le nombre de personnes physiques ou morales impliquées se réduit lorsque l'on passe de la base au sommet, du cercle le plus large incluant toute la population d'un territoire aux cercles restreints d'une "coalition de projet" dans un cas et d'une "communauté gouvernante" dans l'autre. Ce système reflète l'institutionnalisation progressive - en deux décennies dans un cas et en plus d'un siècle dans l'autre - de distorsions de représentation et de confinements politiques qui stabilisent les cloisonnements entre partenaires et tiers-exclus, entre cercles centraux et périphériques. Cette structuration des rapports sociaux est apparue étroitement liée à la prolifération des AGC qui forment, pérénisent et organisent les relations entre les partenaires d'activités gouvernementales.

La prolifération des AGC cependant n'est que la composante la plus visible de plusieurs élements interdépendants qui constituent ensemble le système de gouvernement partenarial. Celui-ci implique certaines normes sociales : des normes juridiques non-directives, des normes politiques ou professionnelles valorisant le partenariat. Il ne s'agit cependant que de conditions nécessaires et propices au phénomène, non de déterminations strictes de celui-ci : d'autres facteurs peuvent intervenir favorisant la prolifération des AGC ; par exemple, l'existence d'un dilemme politique persistant dans la société ou les caractéristiques des ressortissants directement concernés par une politique publique. Le phénomène implique également un renforcement des distorsions de représentation et du confinement politique. Mais là encore, il convient d'insister sur le sens de la relation qui a été établie : la prolifération des AGC ne saurait être tenue pour la cause principale des distorsions et du confinement. L'un et l'autre préexistent souvent aux activités considérées et semblent liés à des rapports de forces (ex : la place de l'industrie et de ses représentants dans la société industrielle) et des traditions de gouvernement (ex : la conception technocratique de définition de l'intérêt général) qui dépassent le cadre restreint des configurations étudiées. La prolifération des AGC est apparue seulement comme un facteur agissant inéluctablement dans le sens d'un renforcement de ces deux aspects du système.

Ces interdépendances sont apparues notamment sous la forme de processus circulaires : certaines normes juridiques et extra-juridiques propices au partenariat favorisent la prolifération des AGC qui, elles-mêmes, banalisent la relation partenariale ; cette banalisation accentue la diffusion de normes politiques ou professionnelles favorables au système partenarial ; la prépondérance sectorielle des AGC renforce des distorsions de représentation pré-existantes et donne aux partenaires un accès privilégié au processus de production des normes juridiques c'est à dire le moyen de péréniser le droit non-directif propice aux AGC ainsi que l'allocation de ressources publiques à leur bénéfice. Le phénomène donne naissance à ce que M. Crozier et E. Frieberg nomment un "système d'action concret"1538 : "Un ensemble humain structuré qui coordonne les actions de ses participants par des mécanismes de jeux relativement stables et qui maintient sa structure, c'est-à-dire la stabilité de ses jeux et les rapports entre ceux-ci, par des mécanismes de régulation qui constituent d'autres jeux". La notion de système - en ce sens mitoyenne de celle de "structure" - balise les comportements individuels sans en constituer une détermination absolue. Le système de gouvernement partenarial réduit en effet les possibilités d'initiative des partenaires, non pas en ce qui concerne le choix des objectifs substantiels assignés aux AGC, mais en ce qui concerne le choix de la relation établie entre autorité et ressortissants : le principe de la relation partenariale tend à s'imposer. Comme dans tout système d'action concret, cette réduction des choix reste néanmoins partielle : la volonté du ministre cherchant à inscrire dans le droit des intentions réformatrices précises, le zèle du fonctionnaire soucieux de l'égalité des droits et du respect de la norme impersonnelle, la détermination du procureur ou du juge à poursuivre et sanctionner les infractions constatées... restent des comportements possibles mais, dans un tel système, ils deviennent plus difficiles.

Aperçu sur l'étendue d'un genre d'activités gouvernementales

Les discours actuels sur la découverte plus ou moins récente d'un nouvel instrument de politique publique privilégiant la négociation et la souplesse laissaient penser que le phénomène partenarial ne pourrait être observé que dans certaines configurations de politiques publiques, celles des politiques partenariales où prédomine visiblement cette conception de l'art de gouverner. Encore fallait-il, pour que la spécificité de la démarche partenariale puisse être reconnue, comparer celle-ci à une autre manière de gouverner, fondée sur le commandement, la relation hiérarchique et l'utilisation d'un droit directif assorti de contrôles et de sanctions. La seconde partie de cette thèse porte sur des politiques nomocratiques qui pourraient sembler très différentes des précédentes. Cependant, l'analyse approfondie de cette configuration classique et plus vaste que la précédente, montre au contraire une grande continuité du point de vue du "genre" d'activités gouvernementales qui prédominent. Dans cette configuration, le droit, référence identitaire et omniprésente dans les discours, non seulement ne s'oppose pas à la prolifération des AGC mais la rend possible par son caractère non directif (optionnel, équivoque) et l'organise en déléguant le pouvoir d'arbitrage aux autorités déconcentrées. D'autres facteurs interviennent (dilemme politique de l'environnement industriel, normes professionnelles de fonctionnaires-ingénieurs en charge de ces politiques, pénurie de personnel...) qui favorisent la prolifération des AGC. Dans les deux cas, un système de gouvernement partenarial apparaît institutionnalisant des distorsions de représentation et le confinement politique.

Cette observation aurait pu ne révéler qu'une spécificité du secteur des politiques de l'environnement industriel dont relèvent les deux configurations étudiées. La recherche sur l'étendue du phénomène partenarial a été prolongée par des aperçus sur d'autres secteurs de politiques publiques en France. Considérant qu'il serait inconséquent d'induire, à partir de deux cas, des considérations sur l'ensemble du système politico-administratif français, la méthode adoptée à consisté à élargir progressivement le champ de vision sans jamais considérer les résultats ainsi acquis comme valables au-dela du domaine considéré. En ne préssuposant pas la généralité du phénomène étudié on s'oblige à trouver les moyens d'en apprécier l'étendue. L'indicateur retenu a été celui de la prolifération des AGC aperçue à travers les études produites par d'autres chercheurs. Les résultats ainsi obtenus restent précaires, affectés d'une triple incertitude: 1) la prolifération des AGC ne constitue qu'une dimension du phénomène ; les conclusions demandent à être contrôlées en tenant compte des deux autres ; 2) en l'absence de méthode pour quantifier la prolifération des AGC, les observations sont approximatives ; 3) les données produites par d'autres, en fonction d'interrogations spécifiques, sont délicates à utiliser. Sous ces reserves, la bibliographie utilisée laisse penser que le phénomène partenarial n'est pas spécifique au secteur de l'environnement industriel : les AGC semblent proliférer aussi avec les politiques d'orientation de la croissance, les politiques d'équipement et d'aménagement du territoire, les politiques urbaines et politiques de la ville. Elle montre également que le phénomène partenarial n'est pas étranger à l'exercice des prérogatives régaliennes de l'Etat - notamment de la justice et de la police - en particulier quand des entreprises privées ou publiques ou des collectivités territoriales sont concernées.

Cet aperçu sur l'étendue du phénomène en France aurait pu ne faire apparaître qu'une spécificité nationale. Suivant la même démarche et avec les mêmes réserves, la recherche a été prolongée en ce qui concerne les Etats-Unis et la République Fédérale d'Allemagne. De manière à disposer d'un point de comparaison solide avec la France, ces comparaisons ont été limitées aux politiques de l'environnement. Dans ce secteur, les politiques partenariales américaines de "négociation régulatoire", retiennent l'attention de nombreux auteurs. Cependant, les travaux récents montrent qu'elles se heurtent à des résistances très fortes liées au rôle des tribunaux. Les activités gouvernementales explicitement conventionnelles font fréquemment l'objet de recours judiciaires par des tiers qui tentent et souvent obtiennent de les faire annuler. La place du juge dans le système global de gouvernement semble constituer un frein puissant au développement du phénomène partenarial tout au moins dans ses manifestations les plus visibles. Sans préjuger de ce qui pourrait être observé dans d'autres secteurs, l'étude de celui-ci montre un système de gouvernement où les assymétries de ressources entre acteurs apparaissent moins sous la forme de distorsions de représentation que de "déficits de mise en oeuvre" dans les zones où la population est peu apte à faire valoir ses droits auprès des tribunaux. En République Fédérale d'Allemagne, la tradition juridique très formaliste, l'importance de la bureaucratie, le style de politique réglementaire auquel se pays est souvent identifié, la reconnaissance très tardive du contrat administratif semblait rendre improbable le phénomène partenarial. C'est pourtant dans ce pays, que la bibliographie sur ce phénomène est la plus abondante décrivant dans de multiples secteurs une prolifération des AGC de diverses catégories. En outre, la justification politique des AGC a connu dans ce pays un développement important, notamment de la part des fonctionnaires, en liaison avec la formulation du "principe de coopération" qui fait partie des quatre principes orientant officiellement les politiques publiques de protection de l'environnement. Ces observations sur les Etats-Unis et l'Allemagne, montrent que le phénomène n'est ni une dimension inhérente à tout système de gouvernement, ni une particularité de politiques publiques françaises.

Exposition publiques des AGC et légitimation par les AGC

L'étude de cas réalisée en première partie a permis d'observer la mise en valeur d'un principe de gouvernement : négocier avec les différents intérêts "concernés" pour aboutir à des décisions politiques consensuelles. Ce principe partenarial justifie alors la multiplication des AGC. Même tenue en échec cette politique demeura citée en exemple comme un "modèle" du genre. Elle illustre ainsi la diffusion de perceptions sociales et de convictions politiques favorables au gouvernement partenarial. Dans cette configuration, le principe partenarial s'est imposé comme une norme politique permettant aux partenaires d'afficher publiquement les spécificités de leur démarche, d'en vanter les mérites, d'exposer leurs efforts de conciliation, de négociations informelles dégagées des contraintes bureaucratiques, la composition de leur partenariat et l'originalité des conventions passées. A l'inverse, les partenaires des politiques nomocratiques (seconde partie) présentent celles-ci en se référant aux normes juridiques en vigueur. Les fonctionnaires ne se décrivent pas comme partenaires des industriels mais comme des agents de l'Etat chargés de mettre en oeuvre des lois et leurs textes d'application. Certaines normes sociales - le réalisme technologique et économique, la conception éducative de la mission à accomplir - justifient certes à leurs yeux l'établissement d'une relation partenariale avec les entreprises, mais ces normes valent pour le milieu professionnel. Les arrangements trouvés au cas par cas ne font pas l'objet de publicité. Le partenariat passe pour une nécessité technique ou le reflet d'un pragmatisme raisonnable. Et, lorsqu'il est évoqué notamment devant des tiers c'est par référence aux normes juridiques : la démarche éducative des fonctionnaires est censée amener les industriels à intérioser ces normes au point d'y conformer leurs comportements.

La comparaison des deux configurations montre que les normes sociales fondant la relation partenariale ne situent pas au même niveau : la norme politique autorise et incite à en vanter les mérites devant une assistance étendue, en public pourrait-on dire ; la norme professionnelle rend possible la relation partenariale qui demeure néanmoins officieuse. Ce qui change lorsque l'on passe d'une configuration à l'autre, ce n'est donc pas le genre prépondérant des activités gouvernementales mais l'espèce d'activités gouvernementales conventionnelles : la politique nomoocratique donne lieu essentiellement à des AGC officieuses (espèce B) ; la politique partenarial implique un recours fréquent aux AGC officielles (espèce A). L'analyse peut être affinée en prenant en considération les types d'AGC. Celles qui relèvent du type I (AGC formalisées en droit), ne sont pas nouvelles comme l'avait déjà démontré la thèse de J.F. Sestier1539. Certaines modalités seulement sont nouvelles. D'autre part, il paraît peu probable - mais cela devrait être démontré par des données historiques précises - que les AGC officieuses de type III et IV soient nouvelles ; en ce qui concerne le type IV notamment, les accords secrets pour raison d'Etat, ou ceux correspondant à des faits de corruption ne semble pas récents. Dès lors, la nouveauté concerne essentiellement les AGC de type II officielles mais non formalisées en droit. Une hypothèse peut ainsi être déduite de la théorie élaborée pour distinguer les classes d'AGC selon leurs degrés d'exposition publique : les AGC de type II ayant pour caractéristique d'être exposées en public dès lors que des normes politiques le permettent, elles révèlent par la publicité qui leur ait faite l'émergence de telles normes favorables au gouvernement partenarial. Cette observation faite sur des cas français se confirme de manière très nette lorsque l'on aborde les configurations allemandes donnant naissance au "principe de coopération".

La genèse d'une nouvelle formule de gouvernement ?

Transposons cette analyse synchronique dans une perspective diachronique. Si la distinction des deux types de politiques publiques - nomocratique et partenarial - conserve un sens, ce pourrait alors être celui d'un processus historique d'officialisation et de valorisation du gouvernement partenarial. La politique nomocratique prend en effet ses racines dans une histoire séculaire qui remonte au début du XIXe siècle1540. Initiée sous une forme embryonnaire dès 1806, renforcée dans ses principes généraux par une législation de 1917, prise en charge depuis la fin des années 1960 par une corps administratif ancien (le Corps des mines), cette politique peut être considérée comme le produit d'une histoire séculaire du rôle de l'Etat dans la sphère économique et sociale. Au contraire, la politique partenariale est initiée au début des années 1980 et relève de l'histoire récente du management public introduisant dans les sphères administratives1541, de nouveaux schémas de pensée qui valorisent, dans l'action et l'organisation, l'efficacité plus que la légalité, la souplesse et le changement plus que le respect des procédures et la stabilité des structures, la négociation et l'action plus que les ordres unilatéraux assortis de sanctions.

En considèrant ces deux types de politiques comme des legs de périodes historiques distinctes, sortes de "fossiles" institutionnels, on en vient à l'idée d'une certaine ancienneté du gouvernement partenarial qui serait seulement reconsidéré au terme d'une mutation en cours dans les systèmes de valeurs et les modes de légitimation politique. L'émergence des politiques partenariales pourrait correspondre ainsi à la montée en puissance d'une nouvelle formule de gouvernement : un ensemble de principes formant une théorie normative du "bon gouvernement" et tendant à légitimer ainsi l'action politique des gouvernants.

Cette hypothèse ouvre un programme de travail assez considérable. Il conviendrait tout d'abord de rechercher des configurations anciennes de politiques publiques (XIXe et début XXe siècle) ayant donné naissance à un système de gouvernement partenarial. En cas de succès, une partie de l'hypothèse serait validée : le système en lui-même ne serait pas nouveau. Il conviendrait ensuite de définir le concept de "formule de gouvernement" en s'inspirant notamment des travaux de Gaetano Mosca (quitte à en délaisser certains aspects). Ce concept devrait, pour être satisfaisant, permettre d'analyser la formule nomocratique en précisant par exemple les articulations entre les principes du gouvernement représentatif1542 (élection réitérée, indépendance des gouvernants, épreuve de la discussion, liberté de l'opinion publique...), les principes de l'Etat de droit1543 (légalité, égalité, recours judiciaire...) et certains principes administratif (hiérarchie, neutralité, contrôle...). De la même façon, il devrait être possible de modéliser la formule partenariale notamment en sollicitant les oeuvres de sociologues et théoriciens contemporains du droit et de l'administration ayant le plus avancé dans la critique de la formule précédente et la recherche d'alternative tendant à instaurer des systèmes partenariaux. Il conviendrait aussi d'identifier les sensibilités politiques susceptibles de soutenir cette formule. Gunther Teubner1544 suggère quelques piste intéressantes en remarquant que sa théorie du "droit réflexif" peut satisfaire des néo-libéraux (le partenariat comme substitut au marché), des sociaux-démocrates (le partenariat comme forme d’autogestion), des écologistes (le partenariat comme modalité de participation) et des néo-conservateurs (le partenariat comme mise en oeuvre du principe de subsidiarité). Les conditions de formulation du "principe de coopération" en Allemagne incitent également à accorder une attention soutenue - pas seulement pour ce pays - aux justifications et suggestions politiquement orientées des fonctionnaires et des conseillers de l'administration publique. De même, l'étude de l'évolution doctrinale des juridications administratives face aux diverses catégories d'AGC devrait permettre de mieux cerner la genèse de la formule partenariale. Enfin, s'il était démontré que les systèmes de gouvernement partenariaux ne sont pas nouveaux mais que la nouveauté tient à leur mise en valeur par une nouvelle formule de gouvernement, la montée en puissance de celle-ci contraindrait à s'interroger sur les enjeux politiques de cette évolution et les termes exactes d'un éventuel choix politique entre les deux horizons de sens. Dans cette perspective à la fois philosophique et historique, le phénomène partenarial reste très largement à découvrir.





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