5 Plan
Ce travail est divisé en trois parties, composées respectivement de trois, quatre et cinq chapitres. Chaque partie est précédée d’un texte introductif, qui présente, outre le contenu de chaque chapitre, les hypothèses principales qui en constituent la structure. De partie en partie, les hypothèses, plutôt que de s’ajouter les unes aux autres, se précisent et s’affinent.
Dans la première partie est défini le cadre conceptuel et méthodologique de cette étude, qui vise à fonder une analyse géographique de l’innovation sociale. Le chapitre 1 pose ainsi l’hypothèse forte selon laquelle le territoire joue un rôle spécifique dans l’apparition de l’innovation, et qu’en retour l’innovation est susceptible de transformer les territoires. L’innovation est ainsi présentée dans le chapitre 2 dans sa relation au territoire, et analysée comme un concept privilégié pour l’analyse des dynamiques territoriales. Le chapitre 3 présente enfin le projet d’acteur, comme outil méthodologique particulièrement pertinent pour l’appréhension des processus de l’innovation.
Dans la deuxième partie sont présentés les terrains de recherche dans le cadre des hypothèses émises dans la première partie. Les chapitres 4 à 6 présentent d’abord le territoire périurbain dans une approche générale et diachronique. Cette présentation resitue l’espace périurbain dans le cadre de son émergence dans les années 1970, et dans l’évolution qui a été la sienne jusqu’à aujourd’hui. L’analyse de la constitution du territoire périurbain d’une part, et celles de ses dynamiques au sein des nouveaux territoires ruraux et urbains d’autre part, permettent de le caractériser comme un territoire susceptible de favoriser l’émergence de l’innovation sociale. Le chapitre 7 vise enfin à montrer que les territoires périurbains de la garrigue nord-montpelliéraine étudiés sont les lieux privilégiés de la mise en œuvre de territorialités inédites et spécifiques.
Dans la troisième partie sont analysés les résultats de la recherche. Elle s’efforce d’identifier la diversité des innovations sociales périurbaines et les conditions de leur émergence. Elle essaye aussi de montrer comment ces innovations participent à la construction des territoires périurbains nord-montpelliérains. Le chapitre 8 présente d’abord le déroulement de l’enquête et l’identification des acteurs. Les chapitres 9, 10 et 11 s’intéressent respectivement aux innovations émergeant dans le cadre des activités personnelles, économiques et territoriales. Enfin, le chapitre 12, qui tient lieu de conclusion pour cette partie, est une mise en perspective des différentes conclusions établies pour chaque type d’activité. Il vise à caractériser les processus de l’innovation périurbaine nord-montpelliéraine en son ensemble, et ceux d’une relation innovation/changement territorial.
partie un
innovations et territoires
« Le précurseur est celui dont on ne sait qu’après qu’il venait avant »
Georges Canguilhem13.
« L’universel, c’est le local moins les murs »
Miguel Torga14.
Introduction. Hypothèses
L’analyse des processus de l’innovation sociale dans les territoires ruraux périurbains nord-montpelliérains s’inscrit d’évidence dans une démarche géographique.
Les mécanismes de la diffusion spatiale de l’innovation sont des processus éminemment géographiques, puisqu’ils se produisent et s’évaluent dans l’espace. La diffusion de l’innovation a ainsi été analysée par des géographes comme l’un des éléments majeurs du changement, et l’une des étapes fortes des processus d’innovation économique, culturelle et sociale. Dès les années 1950, Torsten Hägerstrand, géographe scandinave, a consacré ses recherches à la mise en place d’une théorie de la diffusion spatiale de l’innovation15, qui continue à faire référence aujourd’hui. Plus récemment, les géographes français Thérèse St Julien16 et anglais Richard Morril, Gary Gaile et Grant Thrall17 ont consacré des ouvrages à cette même problématique.
L’analyse des conditions d’apparition de l’innovation est cependant longtemps restée entre les mains des sociologues et des économistes, à la recherche des fondements économiques et sociaux de l’innovation, ignorant le rôle de l’espace18. Le modèle de l’économiste Joseph A. Schumpeter19 propose ainsi la figure de l’entrepreneur, individu isolé déployant énergie et habileté à promouvoir une idée ou une invention, comme principale source de l’innovation économique et technique : il place l’origine de l’innovation entre les mains d’un seul individu. D’autres modèles, défendus par des économistes ou des sociologues, ont remis en cause celui de l’entrepreneur schumpeterien, mettant en avant la complexité du processus, et le rôle des divers contextes sociaux et économiques dans l’émergence de l’innovation.
La recherche des fondements spatiaux de l’innovation cependant est une préoccupation relativement récente, et s’attache plutôt, elle aussi, à l’analyse de l’innovation économique et technique. Ce travail voudrait participer à une analyse géographique de l’innovation, et tenter d’évaluer et de caractériser le rôle de l’espace dans l’émergence de l’innovation sociale, dans sa diffusion, dans sa nature même.
La première partie vise ainsi à un positionnement théorique et méthodologique, ainsi qu’à la mise en place d’un corpus d’hypothèses, à partir duquel il sera possible d’approcher l’analyse des processus de l’innovation sociale dans les territoires qui concernent cette étude. L’organisation de ces hypothèses correspond à celle des chapitres qui composent cette partie.
1.
Le chapitre 1 pose les bases d’une analyse géographique de l’innovation sociale. Il s’appuie sur l’hypothèse principale selon laquelle le territoire joue un rôle spécifique dans l’apparition de l’innovation ; en retour, l’innovation est susceptible de transformer les territoires. L’émergence de l’innovation sociale et les formes qu’elle prend sont liées à la spécificité du système social dans lequel elles s’inscrivent ainsi qu’à son organisation spatiale.
L’analyse de l’innovation sociale s’effectue ainsi au travers de celle des territoires dans lesquels et par lesquels elle émerge. Les théories géographiques et économiques, qui font le choix d’une problématique centrée sur le rôle de l’espace, invitent ainsi à se pencher sur l'organisation spécifique des territoires, pour comprendre et expliquer l'émergence et la diffusion des innovations.
La prise en compte du rôle de l’espace dans les phénomènes sociaux induit celle de la dimension sociale des territoires. Une analyse de l’innovation est donc toute dépendante de l’identification des acteurs, et du rôle qu’ils jouent dans les systèmes territoriaux. Les concepts de territoire et territorialité permettent de replacer la pratique sociale au cœur du rapport social à l'espace, et partant, au cœur des dynamiques territoriales.
Une analyse géographique de l’innovation sociale s’inscrit ainsi dans une volonté forte d’identifier et d’analyser espaces et acteurs, tout autant que la nature de leur relation.
2.
Le chapitre 2, fort de ces différents positionnements, présente l’innovation sociale comme un concept pertinent pour rendre compte de la dynamique de la société et des territoires ; et, plus encore qu’un outil d’analyse, comme une réalité sociale, qui médiatise la relation des acteurs au territoire.
Cette hypothèse sous-tend plusieurs hypothèses secondaires.
_ Il s’agit d’abord de poser le processus d’innovation sociale comme partie prenante des processus du changement social, inscrit comme révélateur de la capacité d’auto-organisation des acteurs. L’approche systémique permet ainsi de présenter l’innovation comme un mode complexe de résolution des rapports et tensions entre acteurs et systèmes, instrument du changement social détenu par les acteurs. Par le biais de l’innovation, l’acteur modifie les conditions de son inscription sociale et territoriale.
_ Dans ce contexte, la recherche des conditions privilégiées d’émergence et de diffusion de l’innovation, dans une approche systémique, questionne l’organisation des territoires, tout autant que le rôle des acteurs. L’analyse des processus de l’innovation nécessite ainsi de saisir le mécanisme du jeu complexe de la capacité et la volonté d’auto-organisation des acteurs, et de la rationalité et la détermination des divers systèmes. Nous poserons l’hypothèse selon laquelle l’indétermination des acteurs et/ou des systèmes constitue l’une des conditions privilégiées de l’émergence d’une dynamique d’innovation. Un essai d’identification des systèmes territoriaux innovants nous permettra alors de saisir les implications territoriales de ces hypothèses, et de proposer l’hypothèse selon laquelle, les territoires locaux, marginalisés ou métropolisés, outre un contexte favorable à l’émergence de l’innovation, semblent représenter également des possibilités accrues de sa régulation et de sa valorisation.
3.
Le chapitre 3 enfin présente le projet, comme discours et action dotés d’intention, comme concept privilégié pour l’appréhension des dynamiques de l’innovation sociale, et plus encore, comme l’un des vecteurs privilégiés de l’innovation sociale, dans le sens où il constitue véritablement la construction d’un mode de modification de la situation dans laquelle l’individu et/ou le groupe sont engagés.
La démarche de ré-appropriation de l’inscription sociale et territoriale des acteurs par l’innovation passe en effet avant tout par la construction d’une parole, ce que constitue pleinement le projet, qu’il soit individuel ou collectif. En cela, et comme l’innovation, le projet peut véritablement constituer un mode d’appréhension, de pratique, et de changement du territoire par les acteurs.
La recherche d’un lien entre innovation et changement territorial pose la question de l’intentionnalité de l’innovation. Le projet collectif, conjonction concertée d’intérêts divergents, semble, dans cette problématique, posséder un potentiel de changement plus grand.
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