Extension
Processus innovateur Intensification
Réduction
Figure - Le mouvement complexe et opposé de l’innovation et du changement territorial.
Ce type de dynamique pose cependant plusieurs questions quant à la validité de mouvements de développement local inscrits sous le seul signe du développement économique. Nous voudrions en évoquer maintenant les conséquences territoriales, qui dépassent le seul cadre des cantons ruraux périurbains nord-montpelliérains de Claret et St Martin de Londres.
2-3 Les conséquences territoriales de la détermination économique de l’innovation périurbaine. 2-3-1 La difficulté d’expression des dynamiques sociales et culturelles.
La spécification de l’innovation et du changement dans le domaine économique, c'est-à-dire la mobilisation de l’ensemble des ressources individuelles, collectives, civiles et institutionnelles, pour le développement d’un territoire économique, produisent un territoire exclusif, au sens de territoire spécialisé et de territoire excluant.
Il est d’abord à supposer que la « qualité382 » des innovations, toutes dirigées dans la même direction, et étroitement imbriquées entre elles dans le cadre du projet territorial dominant, pâtisse de leur élection dans le carré des innovations « utiles ».
Ensuite, la primauté de la dynamique économique et d’un nombre réduit d’activités, comme dans le cas des territoires qui nous concernent, court-circuite les processus de développement économique et d’innovation, ainsi que les processus de développement territorial au sens large.
L’élection, par l’invention de territorialités complémentaires et interdépendantes, d’un nombre réduit d’activités et d’innovations au rang d’éléments territoriaux essentiels réduit la capacité d’un territoire à se produire par ce même biais. Dans le cadre de ces territoires, le territoire économique n’exclut ainsi pas seulement les projets économiques hors projet territorial, mais aussi toute dynamique d’innovation culturelle et sociale, hors du cadre bien compris du folklore et de la production d’images valorisantes pour le territoire.
Ainsi, le développement économique n’est-il pas développement territorial. Il n’assure pas en effet une habitation du territoire, tout comme le renouveau démographique ne correspond pas systématiquement à une revitalisation de la vie locale.
La mise en place d’une vocation territoriale n’est pas la création d’une identité territoriale. Le canton de Claret, pleinement inscrit dans le type de dynamiques qui viennent d’être décrites, est un territoire organisé, économiquement performant, attractif, et fortement valorisé. Son organisation et la dynamique de développement économique le définissent et le différencient nettement des territoires proches de l'agglomération montpelliéraine. Caractérisé principalement par sa vocation viticole et par des projets territoriaux fortement marqués par une opposition à la ville, il est prévenu d’un englobement dans les dynamiques montpelliéraines. Il semble ainsi posséder une identité territoriale : il constitue une catégorie d’espace nettement différencié. Néanmoins, cette identité ne semble être reconnue/reconnaissable que par les personnes extérieures à ce territoire. La prééminence des projets économiques spécifiques, la constitution d’une vitrine territoriale destinée aux consommateurs extérieurs, excluent les initiatives culturelles et sociales d’un processus de diffusion et de généralisation hors de l’agrégation d’innovations isolées. La constitution d’un territoire culturel et social semble ainsi compromise. D’une part, la valorisation des projets culturels et sociaux s’inscrit quasi exclusivement dans le cadre d’une stratégie de développement économique. D’autre part, le territoire s’organise effectivement et institutionnellement autour de l’activité économique comme condition nécessaire et suffisante du développement local.
La difficulté d’émergence de toute initiative culturelle et sociale tend alors à décourager les porteurs de projets, qui, dans le choix de leur installation, vont choisir un territoire plus propice : territoires centre-urbains ou de banlieue, territoires ruraux en déprise, situés « plus loins ». Certains se voient obligés de quitter ces territoires : le cas de l’association GEO-Logis a été évoqué longuement. Son projet se heurtant à des difficultés nettes, liées d’une part à la prééminence des activités de production agricole, d’autre part à son caractère proprement innovant au regard du contenu des projets territoriaux développés par la Communauté des Communes de l’Hortus, l’association quitte la commune de Valflaunès pour investir celle de Villeneuvette, ancienne manufacture royale située à proximité de Clermont-l’Hérault, dans la plaine de l’Hérault.
De façon générale, au sein du canton de Claret, la marge au développement et à l’interaction des innovations culturelles et sociales est réduite. Leur exclusion des dynamiques dominantes du territoire se renforce avec l’amplification du développement économique : la valorisation territoriale opère un processus de sélection accru parmi les projets viables et les acteurs. L’augmentation du prix des terrains et logements est rédhibitoire en tout premier lieu.
2-3-2 Des processus de sélection et d’homogénéisation sociales.
L’habitation des territoires, au sens de Jean-Paul Ferrier, est-elle menacée pour autant ? La vocation nouvelle de ces territoires ne semble pas devoir exclure les dynamiques de l’innovation non-localisée, fortement active et agissante dans ces territoires.
L’insertion des territoires périurbains dans les dynamiques des territoires métropolisés garantit le foisonnement et la diversité d’innovations non-localisées, innovations éminemment urbaines, marquées d’individualisme et de mobilité, émergeant indifféremment dans le cadre de activités personnelles, économiques et territoriales. Elles concourent à accroître l’insertion des territoires périurbains dans les dynamiques de la nouvelle urbanité.
L’ambivalence fondatrice semble ainsi être reconduite par les processus de l’innovation et du changement tels qu’ils apparaissent ici, spécialisant et homogénéisant les territoires dans un même mouvement.
Les territoires subissent une double détermination : ils émergent à la fois comme des nouveaux territoires ruraux performants, et comme des nouveaux territoires urbains. Cette double détermination produit une augmentation des prix des loyers et des terrains, et une raréfaction des logements vacants, dûes à la fois au succès économique déjà évoqué, et à l’élection des territoires comme nouvelles destinations résidentielles pour des urbains multi-territorialisés.
Un processus de sélection sociale se met ainsi en place, qui montre les limites de ce double mouvement, tout autant que l’imbrication des dynamiques localisées et non-localisées. Plus précisément, la gestion de la précarité par l’innovation au sein d’un territoire périurbain est compromise par la valorisation de celui-ci : la vacance du logement se réduit, la valeur des logements, des terrains s’accroît, etc. La valorisation territoriale produit ainsi l’exclusion territoriale des précaires - dans le cadre d’une action localisée ou non - à contrario des entrepreneurs, touristes, et résidents riches ou aisés. Ces derniers sont les porteurs inconditionnels de l’innovation.
Un processus d’invasion/éviction s’opère alors. Il correspond à un processus d’homogénéisation de la composition culturelle et sociale locale. Les individus précaires ont cependant un rôle particulièrement crucial dans la création d’une dynamique culturelle et sociale, en ce que leurs pratiques offrent une alternative au système d’innovation lui-même, ne pouvant s’appuyer sur l’institution, ni prétendre à une valorisation économique importante.
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