Thèse pour l’obtention du diplôme de Docteur de l’Université Paris VII spécialité : Géographie


Chapitre 12 Innovations versus changements territoriaux



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Chapitre 12

Innovations versus changements territoriaux.

Le pouvoir des acteurs à l’épreuve des faits.

Les territoires à l’épreuve de l’innovation.


Les trois chapitres précédents nous ont permis de présenter l’ensemble des processus de l’innovation relevant des types d’activités individuelles, économiques et territoriales, tels qu’ils sont observables au sein des territoires ruraux périurbains nord-montpelliérains concernant cette étude.

Ces processus sont liés et interdépendants : activités personnelles, économiques et territoriales participent d’un jeu de territorialités emboîtées. Ces activités engagent des dynamiques de complémentarité/d’opposition/de dépendance entre les innovations de type organisationnel et institutionnel qu’elles produisent, entre les projets individuels et collectifs qui médiatisent cette production.

Ce chapitre se présente comme une mise en perspective des différentes conclusions établies pour chaque type d’activité, afin de caractériser les processus de l’innovation périurbaine en son ensemble, et ceux d’une relation innovation/changement territorial.

Comment s’articulent les divers types d’innovations organisationnelles et institutionnelles et de projets individuels et collectifs avec les trois échelles personnelle, économique, territoriale ? Dans quelle mesure sont-ils à même de produire du territoire, et quels territoires produisent-ils ?

La capacité d’innovation des acteurs est nettement perceptible à l’aune des trois chapitres précédents. Quel est cependant le réel pouvoir de changement des acteurs et l’exacte nature du changement territorial opéré sur la base de leurs actions ?

Toutes les innovations ne changent pas le territoire. Toutes les innovations n’en sont pas moins actrices dans ce même territoire. Ainsi, si ce dernier chapitre vise à construire un système de l’innovation sociale périurbaine, il vise aussi à identifier les éléments dominants d’un système du changement territorial, ainsi que les conséquences de ses dynamiques sur l’innovation d’abord, les territoires ensuite.

L’identification d’un système de l’innovation périurbaine, du poids de ses divers éléments, ainsi que des dynamiques spécifiques qu’il met en oeuvre, permettra d’analyser la production de territoires différenciés, et de saisir le type de dynamiques territoriales en œuvre dans les cantons de Claret et St Martin de Londres.

1 Complexité des processus d’innovation et du changement territorial.

1-1 Complémentarité et dépendance : les destins liés des innovations, des projets et des activités.


Les analyses effectuées pour les deux cantons nous permettent d’identifier les différents processus régissant la dynamique de l’innovation et celle du changement territorial au sein de ces territoires ruraux périurbains.

1-1-1 Tentative d’identification du système de l’innovation périurbaine.


Au travers de leurs activités, personnelles, économiques ou territoriales, les habitants des territoires périurbains conduisent des projets, qui entraînent des innovations. Types d’activités, de projets et d’innovations s’organisent ensemble et tissent des relations multiscalaires : ils constituent les éléments d’un système complexe, qui est la dynamique même de l’action des individus et des groupes dans leurs territoires.

_ Activités personnelles, économiques, territoriales.

En premier lieu, l’habitation des territoires produit trois types d’activités emboîtées qui révèlent un degré croissant d’intimité territoriale et décroissant d’intimité personnelle. De l’action personnelle à l’action territoriale, la réciproque implication de l’acteur dans le territoire s’accroît tandis que décroît la personnalisation des pratiques mises en place. Activités personnelles, économiques et territoriales sont ainsi interdépendantes, les pratiques d’acteurs dans le territoire oeuvrant à différents niveaux d’échelle.



_ Projets individuels et collectifs.

Les projets individuels et collectifs réalisés dans le cadre de ces activités engagent les acteurs de façon différente : le projet collectif accroît la portée du projet, mais réduit également sa liberté d’action. Malgré leur opposition néanmoins, ils ne s’excluent pas, mais se complètent.



_ Innovations organisationnelles et institutionnelles.

Les projets initient des innovations de type organisationnel et institutionnel, inscrites dans une relation d’interdépendance, d’opposition ou de complémentarité. Les innovations organisationnelles trouvent ainsi un appui, un prolongement ou un frein dans les innovations institutionnelles.

Le couple antagoniste liberté/déterminisme régit les activités, les projets et les innovations qui composent autant de sous-systèmes. L’action territoriale est ainsi caractérisée par la confrontation de la liberté des acteurs à la détermination imposée par le fonctionnement des systèmes sociaux.

Les relations qui unissent les différents éléments du système mettent en avant cette complexité. Toute action territoriale opère un positionnement au sein de chacun des sous-systèmes, qu’elle met en relation. Le système d’innovation possède ainsi une flexibilité importante et permet l’émergence d’une grande diversité de processus innovants, évoquée et soulignée dans les chapitres précédents.

Figure - Système de l’innovation périurbaine375.

Des régularités apparaissent cependant dans ce système : certaines relations sont particulièrement significatives et récurrentes. L’action est ainsi spécifiée selon le type d’activités, personnelles, économiques et territoriales.

Des dynamiques spécifiques d’innovation sont définies par la mise en exergue de certains des éléments du système global. Jamais les autres éléments du système ne sont cependant exclus, bien qu’ils ne soient pas au cœur des processus régissant l’innovation. Ces dynamiques récurrentes du système rythment et spécifient l’innovation périurbaine.

1-1-2 La dynamique spécifique de l’innovation personnelle.


Dans le cadre de l’activité personnelle, les innovations de type organisationnel relèvent généralement de projets individuels. L’ensemble des innovations produites participent d’un projet personnel, au sein duquel l’individu se positionne comme référence principale. Elles restent pour la plupart inscrites dans ce cadre strict : rare est la mise en place d’innovations institutionnelles, dans une démarche de validation des processus engagés par les innovations organisationnelles.

A la forte personnalisation des pratiques et innovations correspond une faible implication du territoire, en amont comme en aval. Les innovations engagent des processus de valorisation ou de détournement des diverses déterminations territoriales, pour la réalisation des intérêts personnels des acteurs. Le territoire est ainsi un support plus qu’un véritable partenaire à la mise en place de pratiques individualistes. A ce titre, il est davantage investi en tant que territoire métropolisé qu’en tant que territoire local spécifique.



Figure - Dynamique spécifique de l’innovation personnelle.



1-1-3 Dynamique spécifique de l’innovation économique.


Les innovations produites dans le cadre des activités économiques font intervenir deux types de dynamiques co-existantes : la production individuelle d’innovations organisationnelles et celle, plutôt collective, d’innovations institutionnelles. Inscrites dans une relation de dépendance/complémentarité, ces deux dynamiques permettent la mise en place d’un système de valorisation à l’origine de processus de développement local.

Figure - Dynamique spécifique de l’innovation économique.


1-1-4 Dynamique spécifique de l’innovation territoriale.


Les innovations émergeant dans le cadre de l’activité territoriale sont marquées par la domination des dynamiques institutionnelles s’opérant par le biais privilégié des projets collectifs portés par des collectivités territoriales. Les innovations organisationnelles, nombreuses mais le plus souvent cantonnées au statut de projet d’intention, s’effacent devant la suprématie institutionnelle, qui détermine nombre des dynamiques territoriales.

Figure - Dynamique spécifique de l’innovation territoriale.

L’ensemble de ces dynamiques sont liées. Mises en correspondance/complémentarité/opposition, elles définissent un système innovateur périurbain.

Se surimposant à la distinction personnel/économique/territorial qui guide l’organisation de cette partie et notre analyse des processus de l’innovation périurbaine, deux types de relations au territoire périurbain ont été identifiés, que nous avions distingués dans le chapitre 9 par le couple innovations localisées/non-localisées.

_ Les innovations localisées sont fortement liées au territoire local dans sa spécificité. Celle-ci est présente en amont et en aval de l’innovation, de façon toute particulière.

_ Les innovations non-localisées ne sont pas exclusivement liées au territoire local dans sa spécificité376. Elles émergent dans le cadre des territoires plus vastes de la nouvelle urbanité, au sein desquels sont insérés les territoires périurbains.

Ces deux types d’innovation marquent et spécifient le territoire de manière différenciée. Si, de façon générale, les innovations non-localisées tendent à émerger dans le cadre de pratiques personnelles, et les innovations localisées dans le cadre de l’innovation économique et territoriale, les deux types d’innovation sont perceptibles dans chaque type d’activité, oeuvrant ensemble, et parfois perceptibles au sein d’un même projet d’acteur.

1-2 Les dynamiques motrices du changement territorial. La prévalence de l’activité économique.


Le système de l’action territoriale périurbaine n’est pas neutre. Certains de ses éléments et dynamiques sont prééminents et le déterminent fortement : ils guident les dynamiques motrices du changement produit par l’ensemble des innovations.

En premier lieu, le développement économique semble mobiliser une grande partie des dynamiques et projets d’acteurs au sein des territoires. Ce parti-pris est nettement perceptible, autant dans les discours des acteurs qu’à travers les décisions des collectivités locales. Il oriente la nature des innovations et celle du changement, en les inscrivant dans une problématique de développement local377.

Au-delà même de ce constat, l’activité économique semble prévaloir au sein du système de l’innovation périurbaine, inter-reliant innovations localisées et non-localisées, personnelles et territoriales, pour la production de dynamiques territoriales.

1-2-1 Un système orienté.


L’efficacité territoriale, c’est-à-dire la capacité pour une innovation à produire un changement territorial, semble croître de l’échelle personnelle à l’échelle territoriale, avec l’implication croissante des activités dans le territoire. Conjointement, la liberté d’action et la personnalisation des innovations décroissent et la pression des normes et des pouvoirs augmente.

L’opposition entre l’efficacité territoriale et la liberté d’action des activités personnelles et territoriales est applicable de la même façon aux projets individuels et collectifs, et aux innovations organisationnelles et institutionnelles378. Entre ces deux pôles, l’activité économique fédère l’ensemble de ces dynamiques et stimule les activités personnelles et territoriales.

Personnalisation des innovations

Liberté d’action


Innovation

personnelle

Innovation

économique

Innovation

territoriale

Efficacité territoriale

Force restrictive des normes/pouvoirs

Figure - Positionnement des innovations sur le double axe de l’efficacité territoriale et de la liberté d’action.

L’innovation territoriale a ainsi un pouvoir de changement plus élevé que les deux autres, et ce par définition. Elle émerge en effet au sein de projets qui visent explicitement à une action territoriale. Elle constitue à ce titre un enjeu important et est fortement tributaire des processus d’institutionnalisation. Elle est agie par un ensemble de normes idéologiques, économiques, politiques, sociales, et implique les pouvoirs locaux, dont le rôle est déterminant dans la dynamique territoriale. Cette forte pression des normes et pouvoirs introduit ici un paradoxe en réduisant considérablement les capacités d’innovation et finalement l’efficacité territoriale elle-même.

L’innovation personnelle révèle une liberté d’action plus importante, ce dont témoignent d’une part la forte diversité des innovations émergeant dans ce domaine, d’autre part la forte représentation d’innovations non directement liées à la spécificité territoriale, innovations non-localisées émergeant au sein de ce type particulier de territoires métropolisés. Cette innovation est ainsi liée de façon très forte, voire quasi exclusive, à la réalisation des projets personnels des individus. Elle possède ainsi une efficacité territoriale moindre, agissant uniquement par l’agrégation aléatoire de dynamiques diverses et souvent contradictoires.

De la même façon, l’innovation organisationnelle tend à permettre l’expression de la liberté de l’acteur, tandis que l’innovation institutionnelle joue un rôle de pérennisation et d’amplification pour l’innovation organisationnelle, qu’elle insère dans des dynamiques de changement territorial. Les projets collectifs amplifient et garantissent l’action menée dans le cadre de projets individuels : ils ne peuvent toutefois se construire que sur la base des initiatives individuelles.

L’innovation économique semble occuper une place intéressante, en ce qu’elle engage la plus grande partie des éléments du système de l’action territoriale, et constitue un moteur pour les autres innovations.

Elle met en jeu les dynamiques spécifiques de l’innovation personnelle et territoriale, qu’elle réunit et met en complémentarité. Elle opère ainsi une mise en relation de l’efficacité territoriale et de la liberté d’action. Les dynamiques de type économique/collectif/institutionnel et économique/individuel/organisationnel se complètent. L’émergence d’une dynamique d’innovation organisationnelle s’appuie sur les initiatives individuelles, et le principe de l’émulation et de la concurrence qui s’instaure entre elle. Elle permet et nécessite pour sa pérennisation et sa validation la production d’institutions, mises en place à partir de l’expérience partagée et réévaluée dans le cadre d’un projet collectif. Les institutions, certes marquées par une référence à une norme au développement économique dans des territoires ruraux, émergent ainsi à partir des volontés individuelles et collectives des acteurs, dans une véritable dynamique d’auto-détermination.

En outre, les dynamiques de type territorial/collectif/institutionnel et personnel/individuel/organisationnel qui dominent les processus de l’innovation territoriale et personnelle agissent comme des supports aux dynamiques dominantes de l’innovation économique. Celles-ci semblent ainsi guidées par l’innovation personnelle en amont, et l’innovation territoriale en aval. Permettant la mise en relation étroite des dynamiques individuelles et collectives, organisationnelles et institutionnelles, elles créent ainsi un véritable système d’initiation et de soutien à l’innovation et concentrent l’essentiel du changement territorial produit dans le cadre de l’innovation.

Ainsi, l’innovation territoriale, qui programme et systématise les processus du changement, possède une action paradoxalement moins importante sur le territoire que l’innovation économique, qui se construit à partir des initiatives des acteurs. L’innovation territoriale joue cependant un rôle crucial dans la stimulation, la validation et l’amplification des mouvements initiés par l’innovation économique. Les dynamiques territoriales guident ainsi l’essentiel des processus de pérennisation et d’orientation de la nature de l’action territoriale et de l’innovation périurbaine.

A l’opposé, la diversité des innovations personnelles garantissent une dynamique d’auto-organisation. Ces innovations deviennent actrices dans les processus du changement territorial, réinvesties dans le développement d’une activité économique locale.

L’imbrication des activités et la complémentarité des types de projets et des types d’innovations permettent l’émergence d’un système de changement territorial à mi-chemin entre auto-détermination des acteurs et détermination des systèmes. Le pouvoir des acteurs ne produit pas à lui seul le changement ni l’innovation ; l’imposition d’une orientation territoriale via les institutions non plus. Ni bottom-up, ni up-bottom, le changement des territoires se construit dans un aller-retour entre individuel et collectif, organisationnel et institutionnel, économique, personnel et territorial379.

Ainsi, le changement territorial au travers du cas des deux cantons étudiés ne semble pas s’opérer par la simple agrégation des innovations individuelles, quel que soit leur domaine d’action, ni par l’imposition d’une orientation territoriale via des projets-innovations institutionnels. Les activités économiques, et les dynamiques spécifiques qu’elles mettent en jeu guident l’essentiel de la dynamique d’innovation territoriale périurbaine et les processus du changement territorial.

1-2-2 Le changement discret des territoires.


La prédominance des innovations économiques et le rôle déterminant de la complémentarité entre projets individuels et collectifs, innovations organisationnelles et institutionnelles, dans les processus du changement territorial périurbain ne doivent pas nous faire ignorer ou sous-estimer le rôle effectif de l’ensemble des innovations oeuvrant dans ces territoires.

Les innovations personnelles peinent en effet à mettre en place un système d’innovation fortement intégré, mettant en dépendance et complémentarité projets individuels et collectifs, innovations organisationnelles et institutionnelles. L’innovation personnelle opère par touches légères, éphémères et dispersées. Sa diffusion est le fruit de l’agrégation lente d’un ensemble d’innovations, qui forment des noyaux, des directions, des tendances pour les sociétés périurbaines, et leur mode d’habitation des territoires.

L’innovation territoriale opère à l’inverse de ces dynamiques : le changement territorial est imposé, surimposé aux dynamiques locales par des projets qui ne se construisent pas toujours sur leur base. La forte inspiration normative de ces projets, et le caractère faiblement innovant qui en découle, sont pourtant agissants sur le territoire : les institutions produisent une vision/image globale du territoire qui oriente les dynamiques locales, et leur gestion par les collectivités locales.

La prévalence d’une dynamique ou d’un élément agit sur l’ensemble du système et des autres dynamiques. Ainsi la prééminence de la dynamique de l’innovation économique détermine fortement le système de l’innovation et du changement territorial périurbain, et leur évolution.



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