Consultation interactive d'images et rŽalitŽ virtuelle
Nous donnons encore un exemple, sans doute Žloquent, pour bien faire sentir les enjeux en termes de connaissance liŽs aux technologies appliquŽes aux domaines de la culture. Il existe dans le monde environ 140 modles de la grande statue chrysŽlŽphantine qui se tenait ˆ l'intŽrieur du ParthŽnon au sicle de PŽricls. Cette AthŽna parthŽnos est ainsi reprŽsentŽe dans diverses matires, terre cuite, cŽramique, bois, marbre, etc (en existe-t-il une seule en or et en ivoire ?). Toutes sont de tailles diffŽrentes allant de 40 cm ˆ 4 m et sont ŽparpillŽes (Žparses pillŽes ?) sur toute la plante. Seuls les espaces virtuels permettraient de confronter ces objets d'Žtude en autorisant des mises ˆ l'Žchelle comparatives et des confrontations textuelles (prudentes). Ainsi sera posŽe la dŽlicate question de la reprŽsentation de l'Ïuvre dans son environnement.
La restitution en images de synthse des diffŽrentes hypothses sur l'aspect du lieu procde alors d'une vŽritable " archŽologie du regard ", comme nous l'avons vu avec la statuette du dieu guerrier gaulois, qui ne peut faire sens que par le jeu des liens, sans nul doute hypertextuels, avec les autres ŽlŽments de connaissance. Un bassin contenant de l'eau Žtait assez probablement disposŽ au pied de la statue. Son r™le optique devient Žvident autant que son r™le d'humidificateur pour conserver l'ivoire sans fendillement. Le rendu de ces matŽriaux mais aussi du jeu de lumire et le point de vue (les cŽlbres corrections optiques des architectes grecs) sont importants pour cet Ždifice qui n'existait pas, ˆ cette Žpoque, sans une riche ornementation polychrome.
L'imagerie 3D scientifique, au service du patrimoine disparu, offre une aide prŽcieuse ˆ l'historien autant qu'au b‰tisseur. La consultation, ˆ des fins de comparaison, d'Žtudes historiques ou artistiques, des bases de donnŽes de tels objets ne peut se faire que dans le cadre d'un musŽe virtuel. Il est alors important de savoir y encha”ner les diffŽrents niveaux de reprŽsentation graphique. De l'image basse rŽsolution, vŽritable vignette, ˆ l'objet 3D avec attributs optiques et rendu scientifique de haute qualitŽ, tous les niveaux de reprŽsentation intermŽdiaires peuvent appara”tre. Animations avec hyperliens dans la sŽquence d'images elle-mme, permettent d'envisager, lors du passage ˆ la requte 3D sur un serveur de bases de donnŽes, de modifier les sources d'Žclairage tant en nature qu'en disposition, en plus du dŽcor virtuel ˆ tŽlŽcharger ou construire soi-mme.
Tous ces savoirs rŽsident dans les domaines de la synthse scientifique des images, de l'analyse et du traitement d'images ainsi qu'en rŽalitŽ virtuelle, prototypage rapide et consultation par rŽseaux tŽlŽmatiques.
Geste, mouvement et capture
Le geste d'excellence, geste artistique mais Žgalement geste d'artisan de mŽtiers rares ou encore geste chirurgical, constitue un champ d'intŽrt qui peut rŽvŽler une foule d'applications souvent ignorŽes bien qu'ayant une longue histoire dans les dŽveloppements collaboratifs laboratoires/industrie. Les expŽriences de pionniers dans ce domaine comme celles menŽes ˆ l'ACROE () n'ont pas reues toute l'attention et tous les moyens que des expŽriences qui pourraient avoir ŽtŽ similaires ˆ l'Žtranger ont pu recevoir.
Les degrŽs de libertŽ du corps humain sont si nombreux qu'il est illusoire de tenter, par le calcul, d'en donner des " solutions uniques " pour chaque problme d'optimisation d'un processus lorsqu'on s'en inspire dans les applications industrielles. Par exemple, la mise en peinture d'une carrosserie par un robot doit Žconomiser tant la matire que l'Žnergie et la durŽe nŽcessaires ˆ l'exŽcution de la t‰che. Inutile, raisonnablement impossible de paramŽtrer ce problme dans une description compltement mŽcaniste. C'est l'observation du geste humain, des postures du corps qui donnent les solutions au problme. La capture du mouvement appara”t alors comme un problme trs naturel ˆ rŽsoudre. L'Žtude du corps et de ses mouvements contribue alors ˆ faire Žvoluer les systmes de capture d'information.
...je trouve que le travail rŽalisŽ par les scientifiques dans le domaine de l'imagerie est paradoxalement plus intŽressant que celui que l'on appelle artistique. Il n'est pourtant pas question d'art ici. Mais le nouveau, c'est que les scientifiques sont en train de comprendre que les concepts, les discours, la rationalitŽ scientifique, les mathŽmatiques ont besoin aujourd'hui de nouvelles dŽmarches. Le vieil antagonisme de l'image et du concept est en train de s'effacer.
Alain Renaud, ibid.
Les temps sont revenus o concept et percept vont former une nouvelle alliance. L'Žtude des systmes de perception, notamment visuels, n'est pas nouvelle mais renouvelŽe par l'utilisation de l'informatique graphique et des techniques de vision artificielle nŽcessaires pour piloter des robots devant Žvoluer dans des milieux contaminŽs (pollution chimique, bactŽriologique ou nuclŽaire) ou dans des environnements difficilement accessibles (plantes). Les multisensorialitŽs sont Žgalement ˆ l'Žtude parce que commence ˆ poindre l'idŽe, chez les scientifiques, que l'intelligence humaine n'est pas le seul attribut de l'encŽphale mais serait le fruit d'une interaction complexe entre tous les systmes perceptifs...ce qui est bien souvent une Žvidence pour l'artiste.
Contrairement aux pratiques courantes et limitŽes des ingŽnieurs, cette rŽtro-action dans le champ du conceptuel s'enrichit d'une rŽtro-action dans le champ du sensible, de la perception. Les " machines " du virtuel, tels ces " exo-squelettes " kafkaiens ramnent en fait le procs de crŽation et de simulation ˆ une intelligence rŽpartie o tout le corps est (enfin ?) acteur. L'intellect n'est plus le seul dŽcideur. Cette nouvelle situation, ce nouveau partage obligŽ du pouvoir est en somme une retombŽe, une consŽquence des niveaux de complexitŽ multi-forme de la reprŽsentation, de plus en plus enchevtrŽs (comme le sont, d'ailleurs, les discours sur le virtuel).
Par les nouveaux degrŽs de libertŽ qu'apportent ces " insecticiels "(2), le recours ˆ une mŽdiation corporelle complŽtant les formes discursives de la pensŽe visuelle et s'opposant ˆ l'illisibilitŽ (scripturale) grandissante des documents scientifiques pousse aux pratiques transdisciplinaires. Cette multi-sensorialitŽ s'inscrit donc comme ŽlŽment d'une nouvelle pratique de la connaissance, de la crŽation, o l'image et donc la question toujours posŽe (jamais rŽglŽe !) de la reprŽsentation tiennent un r™le central. Les " insecticiels " placent d'emblŽe l'homme de l'autre c™tŽ du miroir, " derrire " l'Žcran, " dans " l'image et sur la scne. Cette immersion dans le virtuel qui serait alors, pour certains, une soustraction, un retrait, une mise entre parenthses du rŽel est, pour nous, un extraordinaire moyen d'intervention sur le rŽel.
L'approche de Jean-Marc Matos, ingŽnieur de formation et chorŽgraphe, , nous semble originale par plusieurs aspects, dont un, le dŽmarque de beaucoup d'autres projets artistiques. En effet, il inscrit son projet global dans un esprit de partenariat entre artiste, entreprise et Žcole d'ingŽnieurs (l'INSA de Rouen ), s'Žloignant ainsi des formules perverses de mendicitŽ que vient sans cesse rŽnover le mŽcŽnat, comme en tŽmoigne le projet d'Atelier du virtuel conu avec l'auteur de ce texte. Chacun des cinq espaces dŽfinis dans ce projet partage des lieux rŽels et virtuels. Les techniques de capture de forme, image, couleur et mouvement y sont sollicitŽes dans toute leur finesse ; les modles scientifiques pour l'interactivitŽ ou le rendu en images y sont mis ˆ l'Žpreuve Žgalement. L'art vivant en rŽseau et la haute interactivitŽ en temps rŽel de plusieurs danseurs Žvoluant simultanŽment sur scne posent les problmes de capture et de transmission des " bons paramtres ", sur des rŽseaux ˆ dŽbit ŽlevŽs, que l'Atelier du virtuel cherche ˆ explorer.
L'Žtude du geste artistique comprenant le corps dans sa totalitŽ oriente de nouvelles recherches autour des relations entre le corps dans le spectacle vivant et l'image mme rŽtro-conceptuellement envoyŽe ˆ l'artiste (danseur par exemple). Tous ces domaines o le geste en gŽnŽral est ŽtudiŽ et modŽlisŽ trouvent des champs d'application comme la mŽdecine (orthopŽdie, rŽŽducation, prothses), le sport (entra”nement, compŽtition, amŽlioration des Žquipements et des perfermances individuelles), l'ergonomie des systmes (machines complexes, simulateurs), la robotique, l'enseignement (travaux pratiques virtuels, rŽpŽtition d'expŽriences), etc.
Tous ces procŽdŽs, capteurs, modles et machines, loin d'Žcarter l'humain, en dŽvoilent tous les potentiels parce qu'ils sont capables d'en isoler, d'en extraire des caractŽristiques essentielles qui ne sont pas aisŽment visibles dans les pratiques usuelles o le corps est impliquŽ, qu'il s'agisse des disciplines artistiques ou non. Ces ateliers du virtuel seraient, en quelque sorte, des versions contemporaines de ce que furent en leur temps les ateliers d'artistes-ingŽnieurs de la Renaissance.
Les techno-sciences du virtuel forment des leviers extraordinaires pour comprendre et transformer le rŽel. Il devrait tre plus Žvident que se trouvent lˆ des gisements d'emplois et de nouveaux mŽtiers ˆ faire Žmerger ; cela n'est possible qu'en Ïuvrant aux rapprochements des arts, des sciences et des techniques.
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