Le Cycle de Nibiru T2
Après seulement trois mois, le scénariste Izu (Guillaume Dorison) nous propose déjà de découvrir la conclusion du diptyque sur le cycle de Nibiru. Après avoir découvert les véritables responsables de l’attentat, les vrais enjeux qui sont en jeu et une partie du passé d’Alicia via ses autres « vies » dans la première partie, le récit reprend dans le vif du sujet avec les agissements de Yucub Came et le plan que les résistants de Xibalda ont prévu. L’histoire est donc toujours aussi prenante, en passant de manière soutenue des révélations à l’action. Cependant les différents événements, qu’ils concernent le présent ou le passé, s’enchaînent de manière un peu abrupte et peuvent parfois être déstabilisants. D’autant que l’histoire reste assez complexe. Plaisante, l’aventure tient toutes ses promesses et ce, malgré un final qui peut laisser pantois. Au dessin, Mathieu Moreau use du même talent que lors du tome précédent, avec des graphismes à la fois futuristes et apocalyptiques, mais également inspirés des univers mayas, aztèques ou encore égyptiens. L'atout majeur de ce diptyque demeure un univers particulièrement dynamique peuplé de personnages charismatiques. La conclusion est donc convaincante, même si sa complexité la rend un peu moins accessible que la première partie…
Le troisième testament : Julius T4 : Julius IV
Ce quatrième tome relatant la vie de Julius de Samarie, toujours en préquelle du Troisième Testament, revient sur les événements déroulés en Palestine. En effet, le Sar Ha Sarim reconnu comme être le nouvel élu du peuple Juif quitte ses compagnons, dont Julius, pour mener son armée contre les romains. Ce tome s’articule autour de deux chapitres qui relatent la montée en puissance du Sar Ha Sarim, mais aussi le périple de Julius pour ramener le rouleau. ici en tant que scénariste, Alex Alice apporte cette fois les réponses sur la façon dont les événements se sont déroulés pour le « nouveau messie », Sar Ha Sarim et Julius de Samarie. On assiste à une fiction romanesque, héroïque et emphatique orchestrée dans les règles du cinémascope, pour amener les bases de ce qui va se passer 1300 ans plus tard dans la saga du Troisième Testament. Romanesque, en effet, car c’est une femme qui scelle en quelque sorte le destin de ce nouveau messie. Le mélange entre fiction et personnages authentiques se marie à merveille, avec un réalisme troublant. Il faut dire que le dessin de Timothée Montaigne retranscrit avec un encrage virtuose cette histoire au cœur de la Palestine romaine. Les décors et les mises en scènes sont majestueux et le découpage très maîtrisé. Cette fin de cycle intéressante relance l’ensemble et donne surtout envie de connaitre la suite...
Pepe T3
Avec Pepe, Carlos Gimenez tire un coup de chapeau à un de ses confrères et prédécesseurs. Il dresse certes un portrait particulièrement attachant de Pepe, mais il arrive aussi à retranscrire la poésie qui l'habitait, même s'il avait un caractère de cochon. Pepe, c'était un type ingérable. Un talent pur à l'intelligence totalement intuitive. Un autodidacte de génie, qui dessinait comme nul autre, même s'il refusait d'apprendre de façon académique. Or si la Bande Dessinée lui faisait des ponts d'or, elle l'ennuyait autant qu'elle le nourrissait. En fait, il marchait au contrat et ne bossait que lorsqu'il avait les poches vides, c'est à dire à peu près tout le temps ! Mais s'engager sur du long terme, produire régulièrement, il n'en n'était pas capable. Être redevable d'un travail le faisait paniquer... Si aucun producteur ne pouvait finalement se fier à lui, il faisait en revanche preuve d'une infinie générosité avec son entourage. Il donnait des centaines de dessins à la valeur commerciale inestimable, juste parce qu'il appréciait les gens. Il était capable de donner à un ami tout l'argent qu'il venait d'encaisser. Il était criblé de dettes, mais ne réclamait jamais de créances à ceux qu'il avait dépannés. Oiseau de nuit, il ingurgitait une quantité faramineuse de gin, mais personne ne se souvient l'avoir vu bourré... Carlos Gimenez nous emmène donc dans ses pas, ce qui permet de nous familiariser avec le milieu des dessinateurs de la Barcelone des années franquistes, dans une Espagne où l'homosexualité était plus qu'une tare : un délit passible du bagne. Mais Pepe s'en foutait aussi. Très discret à l'égard de son entourage sur ses relations privées, il n'a pourtant jamais caché à quiconque son orientation sexuelle. Adios señor Pepe, adios maestro !
Wild river : (intégrale)
Wild River, série préalablement sortie en trois tomes entre 2008 et 2011, est à présent disponible en intégrale, enrichie d’un cahier graphique, de cases inédites et surtout d’un épilogue jusqu’alors encore jamais publié. La présentation, avec première et quatrième de couv’ surfacées, est superbe. Ce western épique, réaliste et implacable, bénéficie d’un scénario de haut vol, bien documenté, signé Roger Seiter. Dans l’Amérique du Nord du début du XIXème siècle, depuis la vague de pionniers de 1804, la cohabitation avec les indiens est difficile. Certaines tribus, en pleine révolte rendent coup pour coup à l’envahisseur. Les guerriers rouges ralliés à la cause de Tecumseh, Black Buffalo en tête, massacrent comme ils ont été massacrés, violent les blanches comme les blancs, violent leurs sœurs, leur femmes et leurs filles et remplacent leurs fils perdus par ceux des blancs. Les brutes sont des deux côtés, difficile de prendre vraiment parti dans cette guerre inévitable, à part évidemment pour la famille Frazer, irréprochable à tous niveaux. Dans des décors naturels sauvages, rehaussés de couleurs vives et sobres en même temps, Vincent Wagner nous perd parfois avec des visages inconstants ou trop semblables, notamment chez les cowboys. Le seul bémol, alors que les indiens (et leurs montures) sont superbes de fierté et de détails tribaux. Le cahier graphique en début d’album permet de bien appréhender le contexte de l’époque avant d’entamer la lecture. Un bel exemple de réédition utile par les éditions du Long Bec !
Sables noirs
Indubitablement dû à de bonnes intentions, Sables noirs est un reportage graphique et contemplatif sur un pays oublié de la scène internationale. Oublié certes… mais pas par tout le monde, parce que Bouygues, par exemple, fait des affaires florissantes depuis des années dans ce territoire coincé entre le Kazakhstan, l’Uzbekistan, l’Afghanistan, l’Iran et la mer Caspienne. Ce récit d’un projet inabouti est une sorte de constat d’échec incarné, bien renseigné, mais aussi un peu vide. Vide de l’inertie d’un pays dont le peuple tourne en rond, où seul l’Art non-engagé semble être le symbole de la liberté. Liberté entravée par un immobilisme social issu de l’opacité politique. Le peuple semble résigné sur son sort et laisse aux politiques la latitude nécessaire à l’exercice confortable de leur pouvoir. Tout est surveillé, contrôlé, jusqu’à l’accueil des touristes, qui ne sont pas autorisés à séjourner chez l’habitant. C’est une manière imparable de garder le contrôle et de brider l’envol vers de nouveaux horizons. Souvent, Troubs n’obtient pas de réponses à ses questions. Ses dessins schématisent le pays et son peuple par des scènes livrées au petit bonheur. Comme on dit au Turkménistan, ce sont les silences qu’il faut entendre. Dans ce pays qui n’a d’identité que folklorique et artisanale, où les livres qui circulent sont le Coran et un ouvrage du précédent président, il flotte une atmosphère de nation à l’abandon… triste en 2015, mais finalement assez courant pour les enclaves de ce type.
Les Nouveaux mystères
Les progrès techniques, les tensions géopolitiques, les mythes anciens, les fantasmes cosmiques ou encore notre monde en crise sont autant de leviers pour alimenter dans les médias, tout autant que dans les échanges verbaux populaires, des théories du complot et autres légendes urbaines. Jack Raynal s’en amuse clairement avec les courtes séquences BD des Nouveaux mystères, qui intègrent régulièrement le mensuel Fluide Glacial, ici réunies en un petit recueil. Le concept est astucieux : puisqu’un simple fait, pourvu qu’il soit célèbre, suffit à générer n’importe quelle dérive d’explication fumeuse, autant en faire des louches et participer de ce brouillage par le prisme de l’humour de second degré. D’ailleurs, Jake Raynal existe-t-il vraiment ? Ou est-il un pseudonyme utilisé par des puissants pour participer de la déliquescence intellectuelle mondiale et ainsi mieux contrôler le monde ? Voyez le genre… Pour info, Raynal existe bel et bien. Nous pouvons l’affirmer car nous l’avons rencontré ! (hé oui, mais nous… sommes-nous réellement ?). Pour la forme, l’auteur utilise strictement des encadrés narratifs, nombreux et chargés, qui se superposent à des illustrations détachées les unes des autres sur le plan séquentiel. A vrai dire, les sujets qu’il empoigne pourraient tout aussi bien être juste rédigés, qu’on n’y perdrait pas grand-chose. D’ailleurs, son dessin encré au réalisme souvent juste ébauché, rehaussé d’une colorisation monochrome, n’est pas le registre le plus accrocheur de son travail. Dans ce recueil, Raynal trie ses historiettes en 4 chapitres : les grands mythes (la théorie de la justice, l’origine de la création, la science quantique…), ce qui concerne notre monde contemporain (l’obsolescence programmée, la dangerosité des frites, la vérité sur la crise, les exoplanètes, le péril des ondes électromagnétiques…), les crimes célèbres (l’affaire Grégory, le masque de fer), les grands complots (les maîtres du monde, le réchauffement climatique, l’apocalypse annoncée tous les 15 ans). Inégaux dans leurs dimensions comiques, mais souvent clairvoyants et/ou déroutants, ces sujets au ton cynique méritent d’être lus au compte-goutte…
Homuncule : Autopsie d'un nobody
N’essayez pas de faire de vilains jeux de mot : Homuncule existe bien dans le dictionnaire. Cela désigne (en gros) un ersatz de sous-homme, dégénéré et néfaste. Car c’est bien à travers ce profil peu héroïque et néanmoins ingénu que Monsieur le chien (c’est le pseudo de cet auteur) se met en scène tout au long des 70 planches de ce recueil. Entre l’humoristique et le semi-réalisme, son dessin est simple et précis, très lisible et coloré. Empereur des loosers, généralement en couple bancale et père de famille plus qu’imparfait, à la recherche d’une philosophie de vie foireuse, projeté dans le fantasme de ses vieux jours, en pleines pratiques honteuses ou dégradantes, en proie à des pulsions navrantes mais jamais tout fait coupables… Monsieur le Chien égrène ici autant de tranches de vie qu’on espère non-autobiographique, que de courtes séquences de 1 à 6 pages. Pour bien enfoncer le clou, il se représente systématiquement avec des effluves nauséabonds venant de ses pieds et des auréoles poisseuses sous les aisselles. L’humour trash, déjanté et le sens de la voix-off au verbe fleuri, ponctueront le lecteur de franches hilarités, sans prévenir, et pas forcément dans la dernière case. L’effet comique fera mouche chez les lecteurs plutôt adultes et revenus de tout.
Quand vous pensiez que j'étais mort
Les planches sont saturées, bruyantes, l’écriture est dense, choisie, le rythme est effréné. D’épais traits noirs encadrent des dessins au lavis, sombres, cauchemardesques. Enfermement traduisant parfaitement celui d’un voyage vécu dans un corps inerte. La lecture des 42 premières pages du témoignage saisissant du coma vécu par Matthieu Blanchin, qu’il aura mis dix ans à traduire, se fait à souffle suspendu. Textes et images, les uns détaillant les sensations, les autres les exprimant par métaphores visuelles, se complètent parfaitement pour dire cette expérience inénarrable, au cœur de l’espace ténu entre la vie et la mort. Ténu pour celui qui n’y voit qu’un seuil ; immense pour celui qui s’y dédouble, se métamorphose en sphère, en poussière, traverse des territoires cosmiques, sombre dans des gouffres sans fond, lévite dans les nuages, ou se fait prendre dans un thriller infernal. Première fascination donc, celle de vivre avec l’auteur cette expérience intérieure phénoménale, puis celle de la confronter au récit de sa femme Isabelle, celui de « l’extérieur », et d’en constater les porosités comme les déformations. Observer la machine inconsciente à l’œuvre. Entre ces deux épisodes, le récit narrant le processus thérapeutique s’étire quelque peu en longueur, et s’inscrit de plus en plus intensément dans un discours spirituel, qui couvre d’une teinte mystique cette aventure hors du commun.
Papier froissé
En pleine résurgence d’une bande dessinée espagnole que les années 90 avaient vue disparaître, il n’est pas anodin que la Maison des Auteurs d’Angoulême ait proposé au jeune Nadar une résidence d’une année. Papier froissé en est le fruit, et si ce premier album est loin de la flamboyance du Moi, Assassin d’Altarriba et Keko, primé cette année par l’ACBD, on peut néanmoins en souligner la force scénaristique. Ce long récit de 400 pages mène avec talent une narration croisée de temporalités et de protagonistes aux histoires éclatées. Tout d’abord mosaïque de personnages rivés à leur solitude, au creux de leurs pertes, leurs silences, leurs frustrations – des papiers froissés – il les lie peu à peu jusqu'à ce que l’un ait un sens pour l’autre. De la souffrance indicible de Javi, au mutisme de Jorge, le mystère est épais mais le puzzle se constitue progressivement : les indices égrenés au fil de la lecture nous emmènent au cœur de leur passé, comblent les failles chronologiques, et nous guident vers l’unité du drame vécu par chacun. La mise en scène, le rythme et le graphisme très fluides, presque cinématographiques, permettent de dévorer sans entrave cette intrigue prenante.
Paola Crusoé T3
Et voilà la fin de l’aventure de la petite Paola et de sa famille, qui vivent une expérience exotique de naufragés inspirée du célèbre roman d’aventure de Daniel Dafoe, à quelques variantes près. Primo, contrairement à Robinson, cela se passe de nos jours, du côté de l’océan indien ; deuxio, la petite Paola n’est pas seule, mais accompagnée d’une famille dont tous les membres sont très attachants ; et tertio, il n’y pas d’anthropophage renommé vendredi. Evidemment, l’aventure est plutôt bon-enfant, car estampillée Tchô !, la collection de Glénat pour les 8-14 ans. Désormais complète et terminée, cette trilogie de Mathilde Domecq convient admirablement à ce public cible, en raison de son dessin simple et coloré, des nombreux périls et rebondissements, ainsi que des relations majoritairement bienveillantes qu’entretiennent les protagonistes entre eux. Or le récit est loin d’être niaiseux pour autant : les adultes peuvent aussi prendre du bon temps de lecture, à condition de faire abstraction de quelques petites invraisemblances (les retours sur l’île…). Ces dernières sont toutefois nécessaires pour accentuer le caractère truculent, touchant et l’empathie. Dans ce dernier volet, vous vous en douterez, tout est bien qui finit bien, après que chacun des membres se soient tous retrouvés séparés les uns des autres.
Oms en série T2
Les univers de Stefan Wul dans leurs versions BD ont très vite convaincu les amateurs de science-fiction par leurs qualités. Oms en série fait partie des titres de lancement de la collection. Particulièrement occupé par sa carrière américaine, l’artiste Mike Hawthorne a du jongler avec ses plannings pour retravailler sur la suite. L’exom débute sur une opération de sauvetage, celle du frère jumeau du héros Terr. A travers les yeux de ce dernier, nous découvrons les évolutions mises en place par les oms rebelles. Ainsi, ils ont construit une cité, préparé des armes et surtout envisagé un plan de guerre contre les Draags. Le récit se suit agréablement, même si des ellipses se font sentir par moment. L’ensemble est très rythmé et le prochain album devrait proposer son lot de rebondissements et de spectacles. Au niveau des dessins, Mike Hawhorne rend une copie fort correcte, même si l’ensemble manque parfois de détails. Sans être exceptionnelle, cette suite fait le job !
Sherlock Holmes Society T1
Après un diptyque sur les origines du détective (Crime Alleys) et quatre albums (dont deux sont encore en cours) se déroulant durant le grand hiatus, période où Holmes est présumé mort dans les chutes du Reichenbach, le scénariste Sylvain Cordurié propose aujourd’hui une nouvelle série qui se déroule lorsque l’enquêteur est officiellement de retour et qu'il a repris du service auprès de Scotland Yard. À l’instar de Détectives chez Delcourt, chaque tome de Sherlock Holmes Society sera dessiné par un auteur différent, permettant une parution trimestrielle soutenue. Bien sûr, cette nouvelle aventure ne déroge pas à la règle en mettant au cœur de l'intrigue l'ingrédient fantastique, insufflé par Cordurié dès le tout premier tome sur les vampires londoniens. Il faut néanmoins avouer que comparativement, le scénario se révèle en deçà des précédents. Le fait, sans doute, à l’apparition d’un univers zombifique, très à la mode en ce moment, qui manque de particularité pour se démarquer des réussites du genre (Walking Dead ou Zombies). L’autre bémol vient du « pourquoi / comment » : ces questions demeurent totalement mystérieuses dans ce premier tome. Il faudra donc patienter jusqu’à la sortie du second tome (prévu en août 2015) pour espérer en savoir plus. Hormis ces deux petites déceptions, l’intrigue reste toutefois très agréable à découvrir, grâce à l’ambiance angoissante, bien retranscrite, mais aussi grâce à la psychologie des personnages. Watson, par exemple, est à la fois décontenancé face à son ami cartésien qui a gagné une curieuse ouverture d’esprit durant ses 3 années d’absence, et rongé par la disparition de son amie faisant écho à la récente mort de son épouse. C’est Stéphane Bervas (2021) qui s’occupe de la mise en images de ce premier tome. Le dessinateur offre une belle puissance visuelle tout en se fondant efficacement dans le design des personnages créés au départ par Laci. Affaire à suivre…
Perles et pirates
Pour ce récit de 128 pages, le scénariste Yoan Zaoui rassemble tous les ingrédients du récit de piraterie, qui fleure bon la poudre à canon, la trahison et les pièces d’or. Néanmoins, il y insuffle un élément quasi inexistant dans ce genre de récit : un équipage uniquement composé de femmes. De fait, le classique de flibustiers devient extrêmement fendard, car il joue adroitement sur le décalage entre la présence de ces femmes pirates et la mentalité machiste en ce milieu d'ordinaire très masculin. Ainsi, les filles ne sont pas prises au sérieux lorsqu’elles passent à l’attaque ou qu'elles se voient refuser l’entrée à la taverne. Quant aux hommes, ils ne sont pas en reste, puisque entre ceux qui perdent leur virilité après avoir été battu par des femmes et le Gouverneur Cortez qui ne peut supporter d’être mis en échec par des pirates féminins après avoir vaincu tous les pirates moustachus, aucun ne fait vraiment preuve d’intelligence et de réflexion. Le récit oscille donc entre humour et rebondissements. Il se lit avec d'autant plus de plaisir que la mise en image de Clotilde Szymanski (alias Clotka) joue également un rôle important. En effet, dans un style rappelant celui du duo Kerascoët (en moins maîtrisé... pour le moment), le trait de la dessinatrice renforce la puissance humoristique et adoucit en même temps les scènes violentes. Une belle surprise humoristico-épique…
Outcast T1
En 2002, lors de la parution des premiers épisodes de Walking Dead aux USA, personne ne pouvait se douter que cette série mettant en scène des survivants au lendemain d'une apocalypse zombie deviendrait un tel phénomène éditorial et télévisuel. Son scénariste, Robert Kirkman, a su trouver un angle suffisamment original pour que des non-amateurs de récits horrifiques se prennent au jeu et plongent dans cet univers. Alors que l'auteur a multiplié les séries avec plus ou moins de succès – Invincible ou Le maître voleur sont de vraies réussites – il n'avait plus osé explorer le registre horrifique. A l'occasion de la New-York Comic Con en 2013, Robert Kirkman annonce la sortie prochaine d'Outcast, un titre où il sera question de possession démoniaque. Quelques mois après la parution américaine, les éditions Delcourt proposent la série aux lecteurs français. Dès les premières pages, l'atmosphère est pour le moins lugubre. Le dessin de Paul Azaceta évoque tour à tour Chris Samnee, Butch Guice voire Michael Lark par instant. L'encrage est très soigné et le travail sur les ambiances est assez incroyable. Le visuel est pleinement au service d'une histoire qui vous saisit dès les premières pages. Que ceux qui ont encore leurs culottes détrempées à la vision de L'exorciste, [Rec] ou même du récent Insidious s'accrochent car ils ne manqueront de sursauter durant la lecture. Robert Kirkman utilise la même narration que sur ses autres séries. Il se focalise sur très peu de personnages et dévoilent progressivement leurs traumas passés. Kyle est un héros torturé et ambigu. Le scénariste n'hésite pas à lui faire subir des épreuves insupportables pour finalement lui offrir des capacités peu communes lui permettant de se confronter aux démons. Les rapports de Kyle avec les femmes qui ont gravité autour de lui sont bardés de faux-semblants et de malaises. Le Révérend Anderson est lui aussi intrigant et certaines de ses décisions ou actes ne sont pas vraiment très respectables. Le côté religieux et puritain de la société américaine a de quoi frémir avec Outcast qui réussit le tour de force de captiver comme avait su le faire Walking Dead en son temps. Si l'on ne sait pas encore si le succès sera aussi grand, l'adaptation en série télévisée est déjà en cours. Une réussite aussi effrayante qu’envoûtante.
Bienvenue en enfer
D’entrée, c’est super chaud. Après la superbe couverture en forme d’invitation démoniaque, Magenta présente ses atouts plantureux surmontés d’un visage de garce impitoyable. Si elle a un code de l’honneur, il ne passe par aucun des dix commandements… et le trait de Nik Guerra l’accompagne dans ce sens. Présenté comme un polar aussi sanglant qu’excitant, le scénario de Celestino Pes est en fait le décor éthéré d’une BD porno crue, provocatrice et libérée, comme l’héroïne. L’intensité du noir et blanc très contrasté s’accorde au mieux avec la vivacité de l’action. C’est nerveux et tendu (sic)… et une ribambelle de seconds rôles passe par les mains expertes de Magenta, sorte de succube cynique qui accumule autant de meurtres que de fellations. Axée sur un fétichisme classique (talons hauts, porte jarretelles et cuir de rigueur), la dimension sado maso est explorée ici du côté des classes supérieures qui useraient de leur position pour tout se permettre, dans une déviance mi-libidineuse mi-sanguinaire… voire complètement satanique. Et il faudra bien tous les talents de Magenta pour dénouer les langues et les jambes de cette sulfureuse histoire !
La Nuit de l'empereur T1
Patrice Ordas, le « monsieur Histoire » de chez Bamboo, s’essaie à une période historique qu'il n'a pas encore couverte en BD : le début du XIXème siècle, marqué par le règne de Napoléon Ier. Le Petit Caporal a marqué l’Histoire de France et beaucoup d’éléments de sa biographie peuvent être sujets à des séries BD. Celle-ci se consacre à la fameuse campagne de Russie. En 1812, après une conquête trop facile pour être durable, Napoléon est en plein Moscou. Mais il est menacé par l’hiver et les soldats cosaques se défendent toujours becs et ongles, rongeant de l'intérieur ses troupes. On rentre ainsi de plain-pied dans l’histoire, avec un début très animé. Le rythme ne faiblit d’ailleurs jamais dans cet opus, tant les batailles sont légion. Les différents généraux de Bonaparte sont constamment sous pression et doivent mener de rudes combats. On suit surtout le destin mouvementé de Napoléon qui a fort à faire entre les complots qui visent sa personne, les combats qu’il doit diriger et les moments de diplomatie essentiels pour s’implanter en Russie. L’époque est correctement restituée, cela sent l’authentique avec de nombreuses expressions familières et un langage parfois ordurier. Les soldats ont leur mot de code et les corps d’armée ont même un nom parfois atypique comme « les vieilles moustaches ». Le langage est si truculent qu’il amène à des dialogues un peu étranges et un humour grossier parfois en pleine bataille. Le dessin de Xavier Delaporte est également remarquable. Les costumes d’époque sont particulièrement réussis. Malheureusement, la colorisation est bien sombre et l’on a du mal à identifier les différents protagonistes de l’histoire. C’est d’ailleurs le gros défaut de l’album : les personnages sont beaucoup trop nombreux, on a du mal à saisir l’ensemble, à s'assimiler, tant l’intrigue est décousue. De sorte qu’on ne s’attache jamais à qui que ce soit, pas même au fameux empereur aux abois. Malgré une narration fluide et dynamique, l’ensemble manque donc d'empathie. Il faudra attendre la suite et la fin pour se faire une vraie idée de ce projet. D’autant que le tome deux risque bien d’aborder la défaite calamiteuse de Napoléon...
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