Erda ou le savoir



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1.22.1La fin


Au cours de la scène 1 de l'acte 3 de Siegfried, Erda, en partie pour se débarrasser de lui, confie à Wotan : « Les actes des hommes / me troublent le courage...», prophétisant ainsi les tourments que les hommes d'aujourd'hui font endurer à leur terre-mère. Les Nornes, filles de la terre-mère, garantes de l'équilibre du monde, voient, au prologue du Crépuscule des Dieux, leur science réduite en poudre: la corde qui leur permettait de tisser le destin du monde, des dieux et des hommes, se rompt sous leurs efforts.

1.22.1.2 Se succéder à soi-même, dans « l'Autre »


Wotan, après avoir décidé le sacrifice de Siegmund à la raison d'état, qui, en l'occurrence n'est que la vengeance d'une épouse délaissée, ne veut plus que la fin ; non seulement sa propre fin, mais celle de tout ce qu'il a crée. En fait, ne sachant s'il doit désespérer du monde ou de lui-même, il se condamne et condamne le monde. Mais la veut-il vraiment cette fin ? Pas plus qu'il ne veut vraiment la mort de Siegmund, et qu'il ne voudra vraiment sa défaite devant Siegfried. Le destin de l'homme, comme celui des objets quantiques est de n'avoir aucune propriété intrinsèque, sauf celles, qui à un instant donné lui sont imposées par les événements et/ou son environnement. Wotan comprend confusément que son rêve de pouvoir et de domination absolue ne le conduisait qu'à régner sur des esclaves « des hommes dont nous avions / vaincu le courage / liés à nous, / d'obéissance aveugle...». Effacer tout, revenir en arrière, prendre un autre chemin ; Wotan n'a pas besoin d'avoir étudié la thermodynamique pour savoir que l'irréversibilité est au cœur de tout ce qui vit. Le magicien peut faire des merveilles, mais ne peut remonter le temps !

« Comment créer l'Autre / qui ne soit plus moi, / et ferait de soi-même / ce que seul je veux ?». Il faut, comme Schopenhauer, croire en la volonté comme substance même du monde, pour espérer un tel miracle : se retrouver, dans l'autre avec la même volonté d'être, le même projet. Projet miné par la contradiction puisqu'en même temps cet autre, Wotan le veut libre : « Comment créer l'homme libre, / de moi jamais protégé ?

C'est Siegfried, inspiré sans aucun doute par Wotan lui-même qui trouve la solution ; mais le dieu, qui a tout fait, tout voulu, connaît malgré tout les angoisses de la mort, de la fin de sa volonté. Lorsqu'il brandit sa lance pour barrer le chemin à son héros, il sait, il souhaite même la défaite, mais il agit en un ultime réflexe de défense.

La solution consiste, non pas à rafistoler les morceaux de l'ancienne théorie, comme cherchent à le faire les maîtres maladroits et sans génie, mais à réduire en poudre l'ancien savoir, pour n'en conserver que la substantifique moelle. Car il serait vain de vouloir repartir à zéro ; ce sont les imbéciles prétentieux qui s'imaginent capables de tout recréer par eux-mêmes. Et Siegfried, qui est possédé, sans s'en rendre compte par l'esprit de Wotan, n'est pas de ceux-là213. Avec l'épée refondue, il tient l'arme qui sert le mieux ses ambitions. Que lui importent maintenant ceux qui lui demandent reconnaissance ; le savoir récupéré, remodelé, il ne demande plus qu'une chose : le chemin. « Mais assez de bavardages : / vite, montre-moi le chemin / à rien d'autre / tu ne me sers:...», lance Siegfried, méprisant, à Wotan qui tente désespérément d'obtenir du héros un peu de gratitude. Mais l'épée, entre les mains de Siegfried est un instrument dévastateur ; le compromis n'existe plus. La lance, vestige d'un savoir dépassé, vole en éclat ; et lorsque Siegfried se retrouve face à Gunther, il récuse d'emblée toute neutralité ; « Partout, au pays, / on te vante : / battons-nous donc, / ou sois mon ami.», dit-il au fils de Gibich. Le pauvre Gunther, roi vieillissant ne peut guère que se soumettre, «...là où tu marches, / ce que tu vois, / considère-le comme tien:...», répond-il, prudent. Mais qui avance trop vite ne peut assurer ses arrières, et Siegfried connaîtra la fin de ceux qui ne veulent plus regarder en arrière ; ils se retrouvent tout à coup sans soutien et meurent sans même se rendre compte de ce qui leur arrive. Certes la fin de Siegfried est sublime, il meure entre les bras d'une Brünnhilde enfin retrouvée, et dont la présence fictive est aussi vraie, que si la Walkyrie était près de lui ; « Ah ! Ces yeux / ouverts pour toujours ! / Ah ! Souffle ivre : ivre de cette haleine !»


*

Pour Siegfried, héros sans dimensions intérieures, dans la mesure où lui-même se veut tout entier dans ses actes, la fin survient d'un seul coup. Wotan connaît une lente agonie à laquelle Brünnhilde mettra fin, non pas par vengeance, mais par qu'elle sait que le dieu, aussi attend les flammes rédemptrices. Ainsi les trois héros, qui ont connu, entre eux les tensions les plus extrêmes, se retrouvent-ils unis en un lieu si secret qu'à aucun moment il n'y est fait la moindre allusion. Le lieu d'une vérité indicible, mais que chacun comprend, lorsque l'heure est venue :


« Sais-je enfin, ce qu'il te faut ?

tout, tout

tout, je sais tout

tout m'est libre enfin !

Tes corbeaux, je les

entends aussi ;

avec le message attendu

je les envoie tous deux.

Dieu, trouve le repos ! » 214
Des combats intérieurs qui agitent les savants modernes, nous ne savons pratiquement rien. Il y a tous ceux, qui, sur le déclin gardent cependant l'auréole que leur a valu leurs travaux passés. Même s'ils s'accrochent à des postes de responsabilités qu'ils ne peuvent plus assurer, ils s'installent autour d'eux un second pouvoir qui attend, pour s'exercer pleinement, le départ du maître, tout en se substituant dans la pratique au pouvoir éventuellement défaillant de celui-ci. Mais, dans d'autres domaines, la lutte peut être impitoyable : sport, politique, art...etc. A notre époque l'ambition de dominer commence de plus en plus tôt, et les moyens employés pour bousculer les anciennes structures sont souvent considérables215.

Il y a le savant - ou disons moins pompeusement le chercheur - qui accepte des sacrifices, des compromissions, faisant passer au second plan ses projets selon son cœur, car il garde l'espoir secret de pouvoir, après, s'accomplir suivant ses vraies aspirations. Mais il arrive nécessairement un jour où il se trouve sur la brèche : triste alternative alors, suicide social ou suicide intellectuel. Mais de ce drame intérieur, personne ne sait jamais rien ; après un moment d'étonnement, le silence tombe sur celui qui disparaît. A moins que le même individu, qui avant aurait ricané d'un tel comportement, devienne sensible aux honneurs, aux décorations, et autres hochets pour enfants sages, et finalement s'épanouisse dans ce naufrage...





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