Iv. Traces utopiques et libertaires


Un monde « ouvert » donc anti-utopique au sens classique du terme



Yüklə 1,81 Mb.
səhifə32/42
tarix28.10.2017
ölçüsü1,81 Mb.
#18484
1   ...   28   29   30   31   32   33   34   35   ...   42

7.Un monde « ouvert » donc anti-utopique au sens classique du terme


Internet peut être considéré comme un monde ouvert en plusieurs sens.

Il est ouvert car déconnecté du concept de territorialité, et donc sans limite ni frontière. Canek SÁNCHEZ GUEVARA en 2009 évoque cette extrapolation dans un article sur Réseaux et Subversions-Redes y Subversiones1206.

Il est ouvert car accessible à tou-te-s et pour tou-te-s, et depuis partout. Il appartiendrait donc à tou-te-s. Jean Claude GUÉDON parle « d’espace ouvert à une appropriation d’inspiration libertaire », « plus que d’anarchie »1207.

Il est ouvert car modifiable à volonté et en enrichissement en permanence, et parfois même imprévisible. C'est une «autoconstruction en constant développement» confirme Canek1208. Il suffit de comptabiliser les nouveaux sites, les nouveaux thèmes, les nouvelles pages, les nouveaux liens, les nouvelles applications, les usages détournés ou contournés… pour s'en rendre compte. Les moteurs de recherche ne pourront sans doute jamais indexer la totalité des sites, d’autant plus qu’ils se modifient sans cesse, changent d’adresse fréquemment ou disparaissent comme le phénix pour réapparaître sous un nouveau label et chez un nouvel hôte. C’est presque l’anarchie, au sens péjoratif du terme. Mais ce chaos, c'est ce qui le rapproche plus de la vie réelle, dont l'ordonnancement n'est jamais qu'apparent et toujours incomplet.

Il est ouvert car souvent résolutment optimiste dans un progrès technologique favorisant une société libre via la libéralisation et la massification des communications ; ce n’est pas sans rappeler en milieu anarchiste l’optimisme un peu scientiste et simpliste de KROPOTKINE, et même quelquefois de RECLUS. C’est pourquoi se sont regroupés dès mars 1998 des techniciens et scientifiques assez critiques sur les dérives utopiques et les élucubrations de gourous de l’Internet : leur formation s’appelle d’ailleurs Technorealism et leur manifeste a été publié sur le net.

8.Un lieu propice aux communautés affinitaires et solidaires


Internet, en brisant les barrières de lieux et de langues, permet les regroupements de toute minorité ou de tout groupe qui le souhaite, sur tous les thèmes possibles. La logique d’ensemble est mondiale et souvent fédérative1209, mais les communautés peuvent très bien être purement locales1210 et de petite dimension, ce qui renoue avec toute une tradition anarchiste dans la lignée autrefois des RECLUS & KROPOTKINE, et plus récemment des Paul GOODMAN et Murray BOOKCHIN aux ÉU... pour retenir quelques noms significatifs. Les tribus du net sont également en symbiose avec les communautés hippies ou soixante-huitardes, comme l'ouvrage de Ted TURNER tente de le prouver : il montre par exemple la filiation entre le WEC-Whole Earth Catalog de 1968 et le WELL-Whole Earth 'Lectronic Link qui serait en quelque sorte sa transposition sur le web. Le WELL apparaît comme une des premières «communautés virtuelles» comme le rappelle encore en 2013 leur site (http://www.well.com/aboutwell.html). Comme les athénées et milieux libres libertaires du début du XX°s., bien des commmunautés virtuelles forment de vraies «e-topies»1211, qui sont à la fois des contrées imaginaires, des groupes d'activitistes et/ou des cercles de rencontres et de réflexions. L'étatsunien William MITCHELL leur donne un cadre plus large dans son utopie de 1999 : E-topia ; pour lui cela concerne les villes du futur libérées par l'omniprésence des nouvelles technologies. Pour le petit fils anarchiste du Che, l'internet favorise la «culture diasporique»1212 car le réseau favorise les regroupements de personnes apatrides, vagabonds, dispersés aux quatre coins de la planète comme lui-même.

De multiples hébergeurs aident ces communautés à disposer d’un accueil mutualiste : Cf. Globenet ou Fraternet et les multiples asso.fr pour prendre le cas français. Mais même les multinationales (cas type de GOOGLE) offrent (avec intérêts indirects multiples) des espaces pour s'installer et utiliser le net pour ses propres motivations.

Ces regroupements se font sans chef, sans dogme, sans contrainte autre que celle acceptée collectivement... puisque chacun est libre et sans limite devant son micro-ordinateur. Mais cela n’empêche pas les sectes, les djihadistes et autres terroristes, les révisionnistes et autres groupements de pédophiles... L’extrême liberté c’est aussi pour les ennemis de la liberté. Vieux débat ! Les libertaires ont souvent tranché en préférant, un peu comme VOLTAIRE en son temps, laisser parler tout le monde, même les pires à leurs yeux, afin que la liberté reste la plus pure possible. Noam CHOMSKY, célèbre structuraliste et libertaire affirmé eut même des problèmes comme Gaby COHN-BENDIT (le frère de Daniel, anarchiste en 68, « libéral-libertaire » comme le dénonce le très jacobin Jean Pierre CHEVENEMENT aujourd’hui) en France lorsqu’ils prônèrent l’expression la plus libre possible, même pour le courant négationniste. Aujourd’hui, c’est l’optimiste membre de l’IAB (Internet Activities Board) Christian HUITEMA qui affirme de loin préférer « un excès de liberté à l’excès inverse »1213.

Les hackers, individualistes forcenés, « bidouilleurs hors pair », en se regroupant dans des communautés libres1214, sans obligation, et en légitimant le détournement et la récupération nous font irrésistiblement penser aux communautés pirates idéalisées par les anarchistes.


Ces communautés affinitaires qui émergent sans contrainte sont de différents types. Elles permettent aux isolés et aux marginaux de se regrouper. Elles sont parfois linguistiques comme cet exemple d’une des formes du Quechua, antique langue inca, qui revit à Cochabamba et que décrit Libération du 21/02/1997. Cette très petite minorité, en plein déclin linguistique, semble revivre et s’épanouir grâce au réseau.

Parmi ces groupes actifs, les « Génies diaboliques pour un avenir meilleur » (Evil geniuses for a better tomorrow) actifs autour de Mojo Nation, réseau totalement décentralisé et autonome, se réclament de l’anarchiste Hakim BEY dont l’ouvrage de 1991 sur les Zones d’autonomies temporaires ou TAZ (TAZ The Temporary Autonomous Zone. Ontological Anarchy, Poetic terrorism) est un des rares projets anarchistes développés ces dernières années promouvant la création de communautés se créant dans le système en place des micro-sociétés librement vécues, même en sacrifiant un peu au marché capitaliste, avec l’exemple de Autonomous Zones Industries1215. En traitant de la nécessaire «insurrection des internautes» l'anarcho-situationniste Pino BERTELLI se rattache lui aussi au concept de TAZ, si proche de celui de «situation»1216.

Elles revalorisent aussi bien des choix ou engagements proches du mouvement libertaire. On peut en retenir deux exemples forts que le net favorise : le renouveau du mouvement espérantiste (déjà en son temps et pour son créateur ZAMENHOF en fin du XIXème un effort de limiter les barrières, au moins linguistiques, entre les personnes)1217, et le redéploiement sur le net des militants « Freinet »... dans le domaine de l’échange éducatif et culturel.

Les « communautés virtuelles », les regroupements thématiques, les « collèges invisibles », les athénées sur le réseau... prolifèrent « anarchiquement », en jouant sur les mots.

Ils rêvent que les militants interconnectés bougent enfin pour déstabiliser les conservateurs au pouvoir ; c’est ce qu’organise aux États Unis Elie PARISER avec son site Moveon.com au nom prédestiné ; c’est ce que pense Siva VAIDHYANATHAN qui rêve le réseau « comme espace de contestation et de dissidence », ce qui est analysé par la journaliste du Nouvel Observateur comme « une vitalité anarchique d’internet »1218.
En 1995 se fonde le site e-topiste WorldsAway. Après son échec d'autres mondes émergent comme AlphaWorld. De vrais projets utopiques, à l'ancienne, apparaissent également ici ou là, au nom de toutes les idéologies et de tous les types de système : Freedonia, Talossa et New Arcadia ressemblent à des propositions monarchistes, Bergonia et Victory City semblant plus indifférenciés1219. Marinela FREITAS note que si certains projets semblent renouer avec la vision insulaire, d'autres (comme Picts in Exile, The Tallini Family ou Império do Pacífica) sont en symbiose avec l'archipel sans fin qu'est le net. C'est l'extra-territorialité qui est alors choisi, ce qui met en avant un des aspects transnationaux et universalistes de la toile, sa capacité à promouvoir des positionnements a-nationaux ou anti-nationaux.
La communauté qui semble connaître l’essor le plus récent (années 2000) est celle des weblogs ou blogs ou webillards ou blocs-notes ou carnets web en français. Ces sites sont thématiques, souvent journalistiques ou de commentaires sur l’actualité. Ils s’apparentent à une sorte de journal personnel, souvent libre et informel. La liberté de parole, le droit au commentaire et à l'analyse autonome de personnes ou de groupes qui passaient difficilement dans la presse traditionnelle ne peuvent qu'être soutenus par tout le mouvement libertaire.

Ils apparaissent vers 1999. Ils seraient plus de 2 millions en début 2003 d’après la revue l’Ordinateur individuel de février 2003, et plus de 5 millions actifs en fin 2004 d’après Libération du 12/12/2004. CARLSSON parle d'une trentaine de millions en 20081220. Ces sites personnels ou collectifs acceptent très souvent l’ouverture, les commentaires et les ajouts en ligne en prônant « l’information collaborative », comme les fameux Slashdot ou Tonicity. Ils se relient souvent les uns aux autres, ne serait-ce que pour se soutenir ou dans un pur but informatif, et forment ainsi une vaste communauté non hiérarchique. Cette utopie de l’enrichissement collectif peut se faire notamment grâce à niutopia, nom du service (plate-forme) du site créateur de weblogs : http://joueb.com. Leur vie est parfois éphémère, liée à l’actualité qui leur a donné naissance, ou à la carrière politique réelle ou envisagée de telle ou telle personnalité, mais leur capacité à rebondir et à réapparaître nous fait irrésistiblement penser aux TAZ de Hakim BEY. Leur thématique est rarement libertaire, mais leur manière de faire et d’exister l’est incontestablement. Avec l’essor des téléphones portables (les Moblogs) et leur prise en compte par divers journaux ils sont sans doute promis à une belle extension.



Indymedia fonctionne à la fois comme un organe de presse et un blog, et comme une (ou plusieurs) communauté(s) affinitaire(s), demandant aux usagers d'être acteurs, d'être «Média toi-même!» selon la belle formule de Nantes (http://nantes.indymedia.org/). Le site de Lille rappelle le slogan fondateur : «Agissez ! Publiez ! Informez vous !» (http://lille.indymedia.org/). À Grenoble tout se résume dans la formule «Publiez !» (http://grenoble.indymedia.org/). L'interactivité, la rapidité de la contre-information, le non cloisonnement, l'autonomie et le sens du collectif sont les vertus de ses sites militants qui se sont multipliés. Ainsi celui de Toulouse rappelle qu'il offre «un site à publication libre de convergence militante» (http://toulouse.indymedia.org/). Ce n'est pas la peine de multiplier les exemples (tous pris récemment 05/08/2011) : une «culture indymedia» s'est rapidement développée et est bien palpable. Mais ne devrait-on pas dire plutôt qu'indymedia a permis à une culture alternative et contestataire existante de disposer d'un superbe outil et de se diffuser : une sorte d'interactivité en action, en quelque sorte.
« Des communautés électroniques » (FLICHY) de la « network nation » (Murray TUROFF) à la « communauté globale » il n’y a qu’un pas. Bien des groupes et des individualités pensent que le modèle proposé gagne progressivement le reste de la société. Une culture libre et communautaire s’étend, malgré ses dérives et l’explosion des revendications des marchands et des nations. Ainsi les sites d'Indymedia, de culture militante et alternative, subissent les contre coups de leurs réussites et doivent contrôler les informations pour ne pas tomber dans les provocations fascisantes par exemple.

Yüklə 1,81 Mb.

Dostları ilə paylaş:
1   ...   28   29   30   31   32   33   34   35   ...   42




Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©muhaz.org 2024
rəhbərliyinə müraciət

gir | qeydiyyatdan keç
    Ana səhifə


yükləyin