Journalisme et litterature notes



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Jean Donneau de Visé (1638-1710)

Il se fait connaître en 1663 par ses prises de parti en faveur de Corneille, par ses attaques contre Molière ; il fréquente alors les milieux précieux de la capitale et figure, avec Boursault, de Pure et Somaize, dans les Délices de la poésie galante de 1663 (Antoine Adam, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, Paris, Domat, 1957, t. III, p. 159). Il se réconcilie avec Molière pour représenter au Palais-Royal sa première comédie, La Mère coquette ou les Amants brouillés (23 oct. 1665). Après avoir donné deux ou trois comédies, il se lance en 1670 dans la tragédie avec machines et grand spectacle, qui lui vaudra ses plus grands succès ; après la mort de Molière, il écrit, avec Thomas Corneille (frère de Pierre), pour la troupe du théâtre Guénégaud : Circé, le 17 mars 1675, puis La Devineresse, le 19 novembre 1679 (en collaboration avec Th. Corneille) qui connaissent de véritables triomphes et valent à la troupe des recettes exceptionnelles (Adam, t. III, p. 199, 207). A partir de 1672 et surtout de 1678, le Mercure galant lui assure une place de premier plan dans la vie littéraire parisienne. Avec Th. Corneille (contrat du 15 déc. 1681), il exploite méthodiquement le succès de son journal et s'assure une place de journaliste officiel et de panégyriste du roi ; il se donne en 1699 pour «historiographe de France» (Mercure galant, févr. 1699, p. 186), mais c'est à ses frais qu'il publie, de 1697 à 1703, la somptueuse édition des Mémoires pour servir à l'histoire de Louis le Grand (10 vol.) qui le ruinera.


Donneau de Vizé assure la direction du Mercure jusqu'à sa mort, en fait jusqu'en mai 1710.

Après, le périodique dont l'influence n'a cessé de croître est repris par Charles Dufresny, qui tente de le rajeunir avant de céder son privilège. Celui-ci passera de main en main ; en 1724, Le Mercure galant (qui était devenu Le Nouveau Mercure) prend le titre de Mercure de France. Il tiendra une place importante dans le monde des lettres (en particulier sous la direction de Marmontel, puis celle de La Harpe)


Importance des journaux déjà à l’époque pour l’influence sur l’opinion publique

Les trafics d'influence auxquels donne lieu le journalisme naissant ont été dénoncés violemment par Anne Mauduit de Fatouville (dramaturge de la Comédie italienne né en 1715 et magistrat) dans son Arlequin Mercure galant et dépeints par Boursault dans une comédie (composée de sketches amusants ayant pour cadre les bureaux de la revue) qui devait s'intituler Le Mercure galant et dont Donneau de Visé réussit à faire interdire le titre (si bien qu'elle s'appelle La Comédie sans titre: un très grand succès. Elle fut jouée quatre-vingts fois de suite et resta longtemps au théâtre. Il y a des vers très heureux et des détails très gais dans la peinture de ces originaux de tous genres qui viennent offrir leurs services et leurs talents au directeur du Mercure. On cite tout particulièrement la scène du soldat La Rissole qui, dans son ivresse, fait la plaisante critique des irrégularités de la langue française en s’embarrassant dans les pluriels des mots en al).


Le troisième Mercure de France (depuis 1890)

À la fin du XIXe siècle la revue littéraire du Mercure de France est refondée par Alfred Vallette avec un groupe d’amis dont les réunions ont lieu au café de la Mère Clarisse, rue Jacob : Jean Moréas, Jules Renard, Remy de Gourmont, Alfred Jarry, Albert Samain, Saint-Pol-Roux : la génération symboliste.

La première livraison de la revue date du 1er janvier 1890. La revue accède progressivement à la reconnaissance. Mallarmé et Heredia y font paraître quelques textes inédits. Elle devient bimensuelle en 1905. Un tel succès, dans un secteur fortement concurrentiel, s’explique par un grand sérieux, une très grande liberté de ton et une capacité à se situer au-dessus des écoles. Paul Léautaud, d'abord critique dramatique, en devient le secrétaire général et le restera durant trente-trois ans.

En 1889, Alfred Vallette épouse la romancière Rachilde dont l’œuvre et la personnalité feront beaucoup pour le rayonnement de la revue. Auteur du scandaleux Monsieur Vénus, qui lui vaudra une condamnation pour outrage aux bonnes mœurs, elle participe à la revue jusqu’en 1924 et tiendra salon tous les mardis, les fameux « mardis du Mercure », qui virent défiler bon nombre de futurs grands écrivains.



La maison d'édition

Comme nombre de revues, le Mercure se met à éditer des livres. Outre les textes symboliques et les premières traductions de Nietzsche en français, l’éditeur publie les premiers textes de Georges Eekhoud, André Gide, Paul Claudel, Georges Duhamel (qui en devient directeur en 1935), Colette, et Guillaume Apollinaire, mais aussi des études, comme les ouvrages de musicologie d'Édouard Ganche. Plus tard, le Mercure publie des textes d'Henri Michaux, Pierre Reverdy, Pierre Jean Jouve, Louis-René des Forêts, Pierre Klossowski, Eugène Ionesco et Yves Bonnefoy ainsi que le Journal de Paul Léautaud.

En 1958, les éditions Gallimard rachètent le Mercure de France dont la direction est confiée à Simone Gallimard. C’est au Mercure de France, avec la complicité de Simone Gallimard, que Romain Gary publie les romans signés Émile Ajar, qui lui permettent d’obtenir deux fois le Prix Goncourt (la première fois en 1956 pour Les racines du cielédité par Gallimard; la deuxième comme Emile Ajar pour La vie devant soi en 1975).

En 1995, Isabelle Gallimard prend la direction de la maison d’édition.



Lectures proposées
I. La question galante proposée par Donneau de Visé aux lecteurs du Mercure galant (avril 1678)

Je demande si une femme de vertu, qui a toute l'estime possible pour un Mary parfaitement honneste homme, et qui ne laisse pas d'estre combatüe pour un Amant d'une tres-forte passion qu'elle tâche d'étouffer par toutes sortes de moyens; je demande, dis-je, si cette Femme, voulant se retirer dans un lieu où elle ne soit point exposée à la veüe de cet Amant qu'elle sçait qu'elle aime sans qu'il sçache qu'il est aimé d'elle, et ne pouvant obliger son Mary de consentir à cette retraite sans luy découvrir ce qu'elle sent pour l'amant qu'elle cherche à fuir, fait mieux de faire confidence de cette passion à son Mary, que de la taire au péril des combats qu'elle sera continuellement obligée de rendre par les indispensables occasions de voir cet Amant, dont elle n'a aucun moyen de s'éloigner que celuy de la confidence dont il s'agit.


II. Lettre du comte de Bussy-Rabutin du 29 juin 1678 (auteur satyrique et mémorialiste de l’Histoire amoureuse des Gaules, 1666, et en 1696 des Mémoires)

J'ai trouvé la première partie admirable; la seconde ne m'a pas paru de même. [...] l'aveu de Madame de Clèves est extravagant, et ne peut se dire que dans une histoire véritable; mais quand on en fait une à plaisir, il est ridicule de donner à son héroïne un sentiment si extraordinaire. L'auteur, en le faisant, a plus songé à ne pas ressembler aux autres romans qu'à suivre le bon sens. Une femme dit rarement à son mari qu'on est amoureux d'elle, mais jamais qu'elle a de l'amour pour un autre que lui [...]. La première aventure des jardins de Coulommiers n'est pas vraisemblable et sent le roman.


III. Lettre de Fontenelle (le neveu de Corneille) au Mercure galant (mai 1678)

Nous voici à ce trait si nouveau et si singulier, qui est l'aveu que Madame de Clèves fait à son mari de l'amour qu'elle a pour le duc de Nemours. Qu'on raisonne tant qu'on voudra là-dessus, je trouve le trait admirable et très bien préparé: c'est la plus vertueuse femme du monde, qui croit avoir sujet de se défier d'elle-même, parce qu'elle sent son coeur prévenu malgré elle en faveur d'un autre que de son mari. Elle se fait un crime de ce penchant, tout involontaire et tout innocent qu'il soit, elle cherche du secours pour le vaincre. Elle doute qu'elle eût la force d'en venir à bout si elle s'en fiait à elle seule; et, pour s'imposer encore une conduite plus austère que celle que sa propre vertu lui imposerait, elle fait à son mari la confidence de ce qu'elle sent pour un autre. Je ne vois rien à cela que de beau et d'héroïque. [...] On admire la sincérité qu'eut Madame de Clèves d'avouer à son mari son amour pour M. de Nemours.


IV. Stendhal, De l'amour, Ch.XXIX: "Du courage des femmes"

Un malheur des femmes c'est que les preuves de ce courage |restent toujours secrètes, et soient presque indivulgables. 
Un malheur plus grand, c'est qu'il soit toujours employé contre leur bonheur: la Princesse de Clèves devait ne rien dire à son mari et se donner à M. de Nemours. (édition M. Crouzet, Garnier Flammarion, 1965, p.102) 
 


1696. Février. La Belle au bois dormant, le très célèbre conte de Charles Perrault, paraît dans Le Mercure galant avec quelques variantes par rapport à la version de 1695 (non publiée).

La première semaine de cours je vous ai introduit l’argument et j’ai commencé par l’illustration de la plus ancienne des revues que nous avons au programme.


Aujourd’hui, reprenant pour commencer deux points qui sont fondamentaux en ce qui concerne l’importance des revues littéraires dans la diffusion de la culture en général, de la littérature en particulier, je voudrais élargir l’horizon et vous présenter le plan du parcours historique que nous allons faire.
Les deux points, tenez-les bien à l’esprit (ce sera une des questions que je pourrai vous poser à l’examen), sont les suivants:

  • les revues sont l’instrument pour faire arriver à un large public le résultat des études littéraires: dès que la presse périodique s’ouvre à la littérature, elle en devient la principale organisatrice;

  • les revues sont aussi le lieu par excellence où les écrivains déjà connus testent leurs oeuvres, en y publiant une partie de celle qu’ils sont en train d’écrire, le début par exemple, pour voir la réaction du public; ou alors le lieu où les jeunes auteurs commencent à publier leurs premières oeuvres, donc l’occasion pour eux de faire circuler leur nom qui n’est pas encore connu, les revues donc en ce cas sont productrices, produisent de la littérature

En général aussi, il s’agit de la partie la plus avancée de la pensée littéraire qui trouve sa voix à l’intérieur d’une revue, ce qui donc les caractérise souvent comme des lieux d’expérimentation. Mais ce dernier élément bien que largement vrai ne l’est toutefois pas pour toutes les revues, il y en a aussi qui par contre se font partisanes de la défense de la tradition, et c’est le cas des revues conservatrices, si non carrément réactionaires. Il y en a aussi, mais disons que bien qu’ils soit important de savoir qu’elles ont existé, ce ne sont pas celles qui vont nous intéresser.




LISTE des REVUES qu’on va étudier:
- Mercure galant

- Revue des Deux Mondes

- Nouvelle Revue Française

- Littérature (deux séries)

- Révolution surréaliste

- Temps modernes

- Combat (quotidien)

- Tel quel

- Infini
Reprenons en bref ce que nous avons dit jusque là et ajoutons-y quelques renseignements.

Le premier Mercure galant (1672) s’inspire au premier abord des « lettres en vers » du milieu du siècle, telle La Muse historique de Jean Loret dédiée à Mlle de Longueville, aimable fourre­tout adressé à une « Dame », dulcinée lointaine ou princesse amie des arts, où l’on trouvait pêle­mêle la vie de la cour, les dévotes circonstances d’une vie bien ordonnée de la bonne société, des comptes rendus à fleur de peau de spectacles parisiens et des potins mondains. Le tout était rédigé en « vers burlesques » raboteux, imprimé en caractères usés sur du papier de qualité très médiocre. Dès l’origine, le Mercure galant joua au « livre » ­ terme par lequel il se désigne généralement; composé dans un corps typographique respectable et au format in­12 des nouveautés littéraires, ce petit volume mensuel rédigé intégralement par « l’auteur du Mercure » ­ autre expression consacrée ­ donne dans le maximum de surface le minimum d’informations, ce qui ne pouvait déplaire à la censure et ravissait le libraire et le journaliste. Le procédé de la lettre à une Dame permettait par ailleurs de passer sans autre transition, comme dans une correspondance personnelle, d’un sujet à un autre et d’y insérer pièces de vers, anecdotes venues d’ailleurs, « histoires divertissantes, galanteries, histoires amoureuses », voire publicité pour ce qu’on appela au siècle suivant les « articles de Paris », le tout assorti de musique gravée ou de gravures de mode. La politique est limitée aux fastes de la Cour et à quelques circonstances naturellement glorieuses de la politique internationale conduite par la plus « galante » monarchie du monde. Dans ses « Extraordinaires », de Visé célèbre ces événements avec toute la fougue du professionnel rompu à l’art de flatter : même si, chez ses commanditaires, on trouva parfois qu’il en faisait un peu trop. L’héroïsation du monarque étant le pain quotidien de l’intelligentsia française, de Visé n’était qu’un exemple parmi d’autres, et son succès dérangeait sans doute ceux qui n’avaient pas à leur disposition cette magnifique caisse de résonance qu’était le Mercure.

Les prises de position littéraires du périodique sont assez cohérentes: Le Mercure galant fut « moderne » avec passion. Contre les « Anciens » où se retrouvaient quelques­unes de ses vieilles haines comme Racine et de nouveaux venus comme La Bruyère après La Fontaine, « l’auteur du Mercure » alla sentir le vent de la modernité à Versailles dans l’entourage de Colbert où l’actif et fort politique Charles Perrault distribuait pensions et conseils avisés. De Visé publia un jeune Normand de talent, Fontenelle, de surcroît neveu des Corneille, les porte­drapeaux du bon théâtre contre l’auteur de Phèdre et ses trop galantes rapsodies. Plus tard, il imprima dans son journal les premiers contes de Perrault, et donna à Thomas Corneille une espèce de droit de succession à ce que l’auteur des Caractères appelait l’Hermès galant en le qualifiant d’« immédiatement au­dessous de rien ».

Le Mercure accueillait volontiers leurs vers et se faisait une réputation d’ami des dames contre les Anciens, tout juste capables de vaticiner de vieilles rengaines et des « satires contre les femmes ».

Les anecdotes, historiettes du temps, saynètes parisiennes publiées par le Mercure sont un réservoir qui n’est pas totalement sans intérêt pour l’histoire des mœurs. Ces nouvelles témoignent d’une recherche du petit fait vrai, d’une transposition à peine opérée d’aventures réelles dont on trouve alors l’équivalent au théâtre dans ce que l’on appelle les « dancourades », petites comédies du temps mises sur la scène de la Comédie­Française par le comédien­auteur Florent Carton Dancourt.

Mais si frivole et mondain qu’il paraît, si attaché qu’il est à farder de couleurs factices la « France toute catholique », le Mercure est un laboratoire important de la littérature en train de se faire. Certes le très prudent et secret Fontenelle semble n’y publier que d’assez anodines pièces de vers, mais le ton général du périodique témoigne d’une ouverture notable à la « modernité » intellectuelle : littérature de femmes, bien qu’un peu littérature de « dames », revendication naïve d’une mimésis de la réalité quotidienne contrôlée par les règles de la « belle nature », intégration de l’acte d’écrire et de l’écrivain dans le pacte social dominant, création d’une opinion publique dans le domaine des lettres et des spectacles.


L’ensemble est loin d’être négligeable, même si le Mercure est particulièrement frileux dans certains secteurs sensibles, comme la pensée philosophique et politique. Mais s’y intéresser serait pour lui contre­nature. Les journalistes du Refuge hollandais jouent excellemment ce rôle de presse d’opinion hétérodoxe, et l’on peut presque dire que les journalistes séparés par la frontière de la religion sinon de la langue se répartissent une nouvelle fois les provinces de la communication périodique.
Les jésuites parisiens tournèrent le monopole des trois périodiques privilégiés en faisant imprimer en terre réputée étrangère : les ultramontains usaient depuis longtemps d’Avignon, territoire pontifical, pour inonder la France du Sud de productions favorables à l’Eglise de Rome souvent en délicatesse avec celle de France. Au très gallican Bignon, les jésuites opposèrent leur propre périodique publié sous l’adresse pérégrine de la principauté «souveraine» de Dombes, domaine réputé étranger qui avait appartenu à la Grande Demoiselle et dont le duc du Maine, bâtard royal légitimé, avait hérité au grand déplaisir des Orléans. Si tout fut rédigé ou mis en forme à Paris dans la maison professe et au collège jésuite de Louis­le­Grand, l’impression fut de Trévoux jusqu’en 1731. Les Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux­arts, dits vulgairement Mémoires ou Journal de Trévoux, parurent l’année de la réforme du Journal des savants (DJ n° 889). Ce n’était pas un hasard. De 1701 à 1765, trois ans après l’interdiction de la Compagnie de Jésus en France, ils furent le véhicule mensuel de la pensée des pères jésuites, pensée aussi sinueuse et habile en retournements que l’on peut imaginer de la part d’une « société » aux prises avec une persécution « éclairée » dont la moindre des accusations n’était pas son goût immodéré pour le régicide. Voltaire batailla contre ses rédacteurs, dont le père Berthier, dans des polémiques où le bon goût se faisait désirer. Les Mémoires surent manier contre lui une ironie dont il croyait avoir le monopole : ils se félicitèrent, par exemple, « du louable projet de M. de Voltaire de se rendre philosophe et de rendre, s’il est possible, tout l’univers newtonien ». Mais Fontenelle collabora peut­être aux Mémoires, discrètement à son habitude, et ceux­ci le soutinrent ; quant à Leibniz, il ne dédaigna pas d’y intervenir aussi.

Ce périodique est plus proche du Journal des savants que du Mercure: c’est fondamentalement une feuille de comptes rendus critiques dont des index thématiques rendent la consultation cumulative très pratique ; la littérature y a sa modeste part, mais le théâtre en train de se jouer en est presque exclu, à la différence du roman, du moins jusqu’à la réforme du périodique en 1734. Dans les Mémoires, il n’est question que de livres, et les nouvelles littéraires en annoncent d’autres en passe de paraître. Au format in­4° du Journal des savants, signe de sérieux scientifique, les Mémoires substituent le format de poche, petit in­12, maniable et passe­partout, même si le corps d’impression, minuscule, en rend la lecture peu agréable. Ce simple élément factuel le distingue du Mercure, dont la composition est aussi aérée que le contenu se prétend léger et mondain. Les Mémoires ressemblent, dans ce domaine au moins, à leurs adversaires les journaux savants de Hollande, comme les Nouvelles de la République des Lettres créées par Pierre Bayle. Contrefaits en Hollande ­ ce qui témoignait de son succès ­, les Mémoires de Trévoux sont certainement le périodique au contenu idéologique le plus équilibré et le plus ouvert, avant que les conflits latents des Lumières n’en fassent au milieu du siècle le défenseur de la tradition. C’est alors que la direction du père Berthier, à partir de 1745, concentre ses attaques contre les « philosophes incrédules ». Mais les Mémoires restèrent jusqu’au bout attentifs à suivre sinon à justifier le progrès des Lumières : « La lumière qui nous manque doit­elle éteindre le flambeau qui nous éclaire ? ».

Les pères eurent­ils leur part dans la publication du Nouveau Mercure de Trévoux, feuille lancée en 1708 contre la version parisienne homonyme ? Celle­ci s’acheminait sous la direction de de Visé vers un déclin inéluctable, qui n’était que trop visible dans le paysage politique de la France de cette fin de règne.

Le Mercure galant, emblème des « modernes » et d’un certain bonheur de vivre sous la plus aimable monarchie du monde, était devenu le nécrologe permanent d’une aristocratie fauchée sur les champs de bataille de la Guerre de Succession d’Espagne.

Quand de Visé mourut en 1710, on lui choisit pour successeur à la tête du Mercure l’esprit le plus contradictoire avec tout ce qu’il avait représenté. Charles Dufresny s’exerçait depuis longtemps à désorienter ses contemporains : inventeur, joueur, gastronome et libertin, il avait du génie dans l’art des jardins et une originalité sans seconde dans l’art dramatique à l’italienne.

Le Mercure de Dufresny inaugure une division du périodique en quatre sections qui inspirera son fils légitime, le Mercure de France de 1724. « Littérature », « Nouvelles », « Pièces fugitives » et « Amusements » structurent la version rénovée du périodique, qui est délibérément littéraire.

Le « modernisme » de Dufresny s’exprime dans des idées singulières, « bizarres » : des opéras de silence, des papiers collés à la manière surréaliste, et, en littérature, dans la conviction que l’art moderne doit être total et retrouver la forme universelle antérieure à la division des arts. Ce « primitivisme » qui justifie la « modernité » n’est pas le moins curieux de son esthétique.

Le ton original de Dufesny est contemporain de celui des Spectateurs anglais, dont la mode va bientôt se répandre en France.

Marivaux publie ses premières œuvres comme des « Lettres au Mercure ».


La Revue des Deux Mondes

Fondée en 1829 par François Buloz, la Revue des Deux Mondes est aujourd’hui la plus ancienne revue en Europe. Il faut croire que cette période était fertile pour la réflexion si l’on compte la variété de revues qui existaient alors, en France (le Globe, la Revue de Paris, le Mercure du XIXe siècle) ou en Angleterre (Edimbourg Review, Quaterly Review). Au long des années, mais on pourrait presque dire des siècles, la Revue des Deux Mondes s’est imposée comme un pôle incontournable de la vie intellectuelle française et européenne (Goethe en était un fidèle lecteur). Au croisement de l’histoire, de la littérature et de la politique, elle souhaite, dès l’origine, incarner l’humanisme hérité des Lumières, cela dans un souci de connaissance, de curiosité pour les sociétés extra-européennes, qu’il s’agisse de l’Amérique, de la Russie ou des mondes africains, asiatiques. Avant que l’on ne parle d’ « ethnologie », la Revue des Deux Mondes se veut aussi bien une revue de « voyage ». Il convient de prendre le mot au pied de la lettre : le voyage est un mode fondamental de la connaissance ; le récit a partie liée avec le commentaire. De là ces innombrables récits de voyages qui constituent, dans la collection générale de la Revue, un véritable patrimoine à l’intérieur du patrimoine.

 

 

La Revue des Deux Mondes a été, au XIXe siècle, un rendez-vous littéraire majeur. Tous les grands écrivains y ont apporté leur collaboration, de George Sand à Chateaubriand, de Sainte-Beuve à Dumas, Musset, Renan, Gautier et tant d’autres. Au XXe siècle, le paysage littéraire change, la NRF apparaît : si la Revue garde une position privilégiée, son centre de gravité se déplace plus vers la politique et l’histoire, portée par la gravité des moments de crise que traverse la société française : Commune, séparation de l’Eglise et de l’Etat, Affaire Dreyfus, Grande guerre de 14-18, montée des totalitarismes. Vouloir identifier une ligne idéologique cohérente depuis le début serait fallacieux. Toutefois, on peut distinguer facilement certains traits de caractère qui expliquent l’extraordinaire pérennité de la Revue : souci de modération, de prudence, rejet des postures extrêmes, esprit de pragmatisme. Née en même temps que la monarchie de Juillet, la Revue des Deux Mondes a hérité de ce même souci de conjuguer un lien fort à la tradition et un lien fort à ce qu’on pourrait appeler la modernité.



 

Ce qui a été souvent perçu comme une faiblesse de la part d’adversaires plus enclins aux discours exaltants a été surtout sa force : il est remarquable qu’une Revue ait incarné à ce point le double impératif de l’indépendance et de la modération. Dans son Histoire politique de la Revue des Deux Mondes, Gabriel de Broglie a bien mis en évidence cette continuité de principe où la modération prime toujours sur la tentation radicale et incline sans cesse à l’exercice du recul, de l’approfondissement des questions. C’est bien là la fonction d’une revue et c’est dans l’exercice de cette fonction que la Revue des Deux Mondes s’est toujours reconnue. On pourrait même dire que du fait même de son exceptionnelle longévité, la Revue des Deux Mondes pourrait figurer l’un de ces « lieux de mémoire » dont parle l’historien Pierre Nora. Mémoire d’une pratique de l’esprit humaniste au cœur même d’une histoire européenne qui devait être déstabilisée dans ses propres fondements.

 

Et maintenant ?



 

La Revue des Deux Mondes poursuit sa trajectoire, ayant toujours ce souci d’incarner l’esprit humaniste de ses débuts, à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes. Foncièrement généraliste, s’intéressant à tous les domaines de l’activité humaine, la Revue demeure fidèle à ses origines littéraires, philosophiques : la liberté d’esprit, l’indépendance intellectuelle, le goût pour l’exercice critique, le primat de la lucidité sur toute autre forme d’approche du réel, voilà ce qui constitue la charte de la Revue des Deux Mondes aujourd’hui.

Lecture d’un extrait de l’article “Paul Scarron” de Théophile Gautier publié dans La Revue des Deux Mondes, juillet-août 1844 (voir anthologie du mardi).

La Nouvelle Revue Française

Histoire

Première caractéristique (nécessaire à souligner, surtout par rapport a la Revue des Deux Mondes):

ne pas se soumettre à une quelconque idéologie.


Au début de l'année 1908, un groupe d'écrivains, parmi lesquels Eugène Montfort, Charles-Louis Philippe, Henri Ghéon, décident de fonder une nouvelle revue littéraire. André Gide, Jacques Copeau et Jean Schlumberger participeront également au premier numéro, qui paraît le 15 novembre 1908. Mais suite à une dissension entre André Gide et Eugène Montfort, le groupe éclate. Un «second» premier numéro paraît le 1er février 1909, sans Montfort. 
Dès lors, la revue paraît régulièrement et parmi ses premiers collaborateurs, outre ses fondateurs, il faut citer Romain Rolland, André Suarès, Paul Claudel, Léon-Paul Fargue, Valéry Larbaud et Jacques Rivière.

Premier directeur Jean Schlumberger.

De mai 1912 à août 1914, Jacques Copeau en assure la direction. Elle publie Alain-Fournier, Guillaume Apollinaire, Jean Giraudoux, Marcel Proust, Paul Valéry, Roger Martin du Gard...

La première guerre disperse les auteurs. La revue s'arrête en septembre 1914 et ne reprend qu'en juin 1919, sous la direction de Jacques Rivière, bientôt assisté par Jean Paulhan, qui lui succèdera en 1925. 
La N.R.F. cesse de paraître en juin 1940, puis, placée sous tutelle allemande, elle paraît sous la direction-gérance de Drieu la Rochelle jusqu'en juin 1943. Ce sont les années sombres de la revue.

La publication reprend en janvier 1953, sous le titre La Nouvelle Nouvelle Revue française, sous la direction de Jean Paulhan et Marcel Arland.

En novembre 1968, Marcel Arland prend seul la direction de la revue, Dominique Aury devient secrétaire générale.

En septembre 1977, c'est Georges Lambrichs qui prend la tête de la revue. Jacques Réda en devient directeur en septembre 1987 ; Bertrand Visage en devient rédacteur en chef en 1996, suivi par Michel Braudeau, romancier et critique littéraire, en 1999.

La N.R.F. vue par Michel Braudeau :

«La seule différence importante entre La N.R.F. d'aujourd'hui et celle de 1909 réside dans son rythme de parution, mensuelle hier et maintenant trimestrielle. Ce nouveau rythme est celui de la réflexion et de l'approfondissement, l'actualité littéraire étant désormais traitée par une multiplicité d'émissions de radio et de télévision, de magazines, de suppléments de certains quotidiens…
Chaque numéro met à l'honneur un grand auteur, à travers des textes inédits. Nous avons ainsi accueilli Rimbaud, Borges, Balzac et Nabokov en 1999, Breton en janvier 2000, tandis que le numéro de mars nous a fait retrouver Charles-Albert Cingria. 
Mais ces auteurs consacrés ne sont qu'un des aspects de La N.R.F. Nous sommes aussi, et peut-être surtout, des explorateurs, des découvreurs. En 1999, nous avons ainsi consacré un dossier thématique à la littérature cubaine et un second à la littérature nord-américaine. En mars et mai 2000, nous avons traité de la littérature africaine sous tous ses aspects, en octobre 2000 et janvier 2001 le Mexique. Découverte, également, avec le cahier illustré qui présente, dans chaque numéro, l'œuvre graphique d'un artiste à découvrir, toujours commentée par l'artiste ou par un spécialiste de l'art contemporain.
La N.R.F., c'est encore l'ouverture à tous les genres, à tous les tons. Loin de l'intellectualisme, nous apprécions l'insolence, l'imprévu. Comme de faire voisiner Desnos et Mandiargues avec Jim Harrisson, Antonio Tabucchi ou Maurice G. Dantec, célèbre pour ses romans noirs mais inattendu dans ses réflexions sur la littérature, d'interroger Kenzaburô Oê sur l'arme atomique…
C'est enfin le lieu d'expression de ce que l'on appelle le work in progress, l'œuvre en mouvement, et du premier contact avec des inconnus qui sont peut-être les talents de demain. Pour moi, La N.R.F. doit être à la fois un cabinet de curiosités et un étalage de gourmandises.»

Sur les premiers années de vie de la revue (pour ceux qui voudraient approfondir):



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