La norme entre paradoxe et necessite : une etude du role du responsable qualite


CHAPITRE II : UNE APPROCHE QUALITATIVE DU ROLE ET DE LA MEDIATION DE LA NORME PAR LE RESPONSABLE QUALITE



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CHAPITRE II : UNE APPROCHE QUALITATIVE DU ROLE ET DE LA MEDIATION DE LA NORME PAR LE RESPONSABLE QUALITE




La nécessité théorique d’un responsable qualité dans les entreprises candidates à la certification ISO 9000 du fait du travail de traduction et d’adaptation de la norme à réaliser a été démontrée. Cela doit maintenant être vérifié à travers un travail sur le terrain pour lequel il convient de sélectionner une méthode pertinente. Globalement deux grandes méthodologies existent : la méthodologie quantitative et la méthodologie qualitative.

Comme il s’agit de l’étude d’un processus, la méthodologie qualitative qui permet de mieux rendre compte des enchaînements des actions et des interactions existantes sera retenue.


Section 1. Le choix d’une méthode qualitative :

La méthode qualitative s’impose en raison du positionnement épistémologique du projet de recherche et du fait de ses apports.

Elle implique en retour un positionnement particulier du chercheur face à son terrain et un protocole strict de collecte et de traitement des entretiens.

1.1.Les justifications du choix d’une méthode qualitative :




1.1.1.Positionnement épistémologique du projet de recherche :

D’après Koenig (1993), les distances et proximités entre chercheurs tiennent à un « petit nombre de choix fondamentaux ». En matière de sciences des organisations, cet auteur retient deux critères discriminants :



  1. celui touchant au réalisme de la théorie

  2. celui touchant au statut ontologique de la théorie.

Le premier critère permet de positionner la recherche effectuée en fonction de son ambition en terme de représentation la plus fidèle et la plus complète possible par rapport à la réalité. Si le chercheur choisit d’emblée de ne pas se fixer comme objectif d’établir une représentation tendant à retracer la réalité, alors Koenig estime que la théorie est établie dans un objectif instrumentaliste, c’est à dire dans le but de nous permettre de mieux maîtriser le monde sans chercher à en faire une description exhaustive (si tant est que cela soit possible) : la théorie est évaluée en terme d’utilité et non pas de véracité.

Selon le second critère fourni par Koenig, il convient de s’intéresser au statut ontologique de la réalité. Ici Koenig oppose une vision de la réalité ordonnée à celle d’une réalité construite. Dans le premier cas, le chercheur suppose qu’il existe un ordre sous-jacent au monde qu’il observe et que son travail lui permettra de participer à sa mise à jour. Dans le second cas, la réalité ne présente pas d’ordre préétabli, elle s’ordonne dans les représentations mentales que les individus établissent au fur et à mesure de leur confrontation avec le réel. On peut parler d’une réalité construite. Cela permet à Koenig de proposer une grille d’analyse des travaux de recherche d’un certain nombre d’auteurs :
Tableau 9.Grille d’analyse des travaux de recherche :




Essence ordonnée de la réalité

Essence construite de la réalité

Réalisme fort de la théorie

Découverte de régularité :

Glaser et Strauss

Miles et Huberman

Bourgeois, Eisenhardt



I

Recherche action :

Jaques


Giddens

Pettigrew

Argyris, Schön II


Réalisme faible de la théorie

Développement d’instruments prédictifs :

Williamson

March

Hannan, Freeman



Jensen, Meckling IV

Construction d’artefacts :

Taylor


Von Hippel

Ohno
III



Extrait de « Production de la connaissance et constitution des pratiques organisationnelles », Koenig, 1993.

(Nous n’avons repris dans notre bibliographie parmi les auteurs cités par Koenig que ceux mentionnés dans la méthodologie de notre travail)


Personnellement, il nous semble que le travail sur le rôle des responsables qualité dans la mise en place de la norme ISO 9000 est à rapprocher du cadran I. En effet, il s’agit d’une approche plutôt descriptive qui a donc un objectif de réalisme fort.

Parallèlement, nous n’avons pas pour but de nous immerger dans une organisation comme cela est nécessaire pour réaliser une recherche action (cadran II) (Plane, 1999). Notre choix va plutôt vers une méthodologie comparative, donc vers une répartition du temps de recherche entre un certain nombre de cas pour alimenter une réflexion comparative. Cependant, la méthodologie basée sur des cas telle que la présente Yin (1994) ne nous semble pas adaptée. En effet, elle trouve toute sa pertinence dans des travaux cherchant à tester une théorie en particulier. Or en ce qui nous concerne, nous ne disposons pas d’une théorie en particulier pour l’étude du rôle du responsable qualité dans l’entreprise, mais de plusieurs qui chacune éclaire une part de la problématique. Il nous semble donc plus judicieux d’utiliser la méthode des entretiens sur une trentaine de témoignages provenant d’entreprises différentes, plutôt que de nous centrer sur deux ou trois entreprises.

Il reste à décider du choix des entreprises retenues. Il convient ici d’utiliser le concept d’échantillon théorique de Glaser et Strauss (1967) pour qui la théorie en cours de constitution sur les premières observations guide le processus de sélection des observations à venir. Cette méthodologie met au cœur de la démarche le principe comparatif. Le chercheur peut arrêter la collecte de données quand il arrive à un phénomène de saturation, c’est à dire quand la collecte ne lui apporte plus d’idées neuves.

Enfin les cadrans III et IV de la grille de Koenig ne conviennent pas à notre problématique qui impose dés le départ un réalisme fort en terme de théorie.


Girod-Seville et Perret (1999) indiquent qu’il y a un lien étroit entre la nature de la réalité, le type de relation sujet/objet, le monde social et la connaissance produite par le chercheur. Ces deux auteurs notent :

« Finalement la nature de la connaissance que l’on peut espérer produire va dépendre de la nature de la réalité que l’on espère appréhender, de la nature du lien Sujet/objet que l’on retient et de la nature du monde social que l’on envisage ».(1999, p.21)

Au total, ils regroupent les positionnements épistémologiques en trois catégories  :


Tableau 10. Positionnements épistémologiques




Nature de la connaissance produite

Nature de la réalité

Nature du lien sujet/objet

Vision du monde social

Positivisme

Objective

Acontextuelle



Hypothèse

ontologique



Indépendance

Déterminée

Interprétativisme et Constructivisme

Subjective

Contextuelle



Hypothèse

phénoménologique



Interdépendance

Intentionnelle

Extrait de « Fondements épistémologiques de la recherche », Girod-Séville & Perret, 1999.

L’étude du rôle du responsable qualité dans la mise en place de la norme ISO 9000 est de nature interprétativiste. En effet, il nécessite l’interprétation des témoignages et pour reprendre une remarque de Ricoeur (1977) :

« L’idée qu’il y a du sens en dehors de la description des faits et de la vérification empirique est une conquête considérable par rapport au canon de l’épistémologie positiviste »(p.9)
Le sujet de recherche choisi détermine donc le positionnement épistémologique du chercheur et par voie de conséquence sa méthodologie. Ici la méthodologie choisie est une méthodologie qualitative basée sur des entretiens.

1.1.2.Les apports de la méthode qualitative :

Le sujet de notre recherche, à savoir le rôle du responsable qualité dans la mise en place de la norme ISO 9000 implique une démarche qualitative. En effet, la démarche est avant tout de comprendre le pourquoi et le comment d’évènements entourant le rôle du responsable qualité. De plus, la démarche se fonde sur l’hypothèse de « l’intelligence des membres de la société » pour reprendre l’expression de Wacheux (1996). En effet, par l’intermédiaire des entretiens réalisés auprès des responsables qualité et auprès d’autres acteurs de l’organisation, nous avons recueilli des informations sur leur vécu, leurs rôles et les avons donc mis en position d’experts de leur propre travail. Wacheux indique que la recherche, de manière générale, présente des objectifs distincts au nombre de cinq :



  1. décrire un phénomène, une relation, une histoire par l’observation précise d’un contexte

  2. expliquer des relations, des causalités, des processus à l’œuvre dans les situations observées

  3. prédire sur la base de construction ou de vérification des théories

  4. changer les réalités sociales par une action de recherche expérimentale ou de recherche action

  5. maîtriser (objectif rarement atteint !) c’est à dire comprendre les situations pour proposer des interprétations théoriques globales de la complexité d’un phénomène.

Notre recherche s’inscrit dans la première catégorie, c’est à dire dans un projet de description , celui de décrire le rôle de médiation des responsables qualité dans la mise en place de la norme ISO 9000. En nous inspirant de Wacheux, nous pouvons dire que notre projet consiste à « passer progressivement d’un désordre apparent du réel à un ordre supposé de l’explication dans les situations de gestion ». (p22)

Il faut garder à l’esprit que le thème de notre thèse touchant la qualité est sujet à des discours de la part des acteurs interrogés qui peuvent être influencés par la volonté de diffuser une image construite et non authentique. Les discours peuvent ne pas correspondre aux pratiques, ni aux perceptions réelles des acteurs et dans notre logique de la découverte ou de la preuve, comme tout chercheur, nous ne devons pas oublier les conditions de formation de ces énoncés.

Mais encore une fois, la question que nous nous posons ne peut trouver sa réponse que dans l’expérience des acteurs et nous devons de ce fait utiliser leur témoignage comme base d’observation de la réalité.

Aussi le choix d’une méthode qualitative s’expose-t-il aux critiques suivantes :


  1. le manque d’objectivité

  2. les méthodes d’analyse

  3. l’interaction au terrain

  4. la non-représentativité des situations

Il faut pour combattre ces limites selon Wacheux respecter les principes suivants :

  1. s’appuyer sur une théorie acceptée et une méthodologie identifiée

  2. s’assurer de l’acceptation interne, de la saturation du terrain et de la complétude ou cohérence interne

  3. s’assurer de la pertinence, de la validité et de la fiabilité du processus de recherche.

Dans notre démarche comparative choisie, il convient donc de repérer des déterminants locaux et généraux de l’objet d’analyse, c’est à dire des variables qui sont associées à chaque cas spécifique (pour nous les cas spécifiques seront liés au rôle du responsable qualité dans la mise en place de la norme ISO 9000) et de s’assurer que les faits ont une signification semblable dans les différents contextes.

Il faut donc dans notre méthode de recherche prévoir la mise en forme de propositions théoriques ou axes de recherche afin que l’observation sur le terrain soit la plus fructueuse possible. En effet, les observations ne sont parlantes que si on les éclaire à l’aide des théories qui permettent de sortir celles-ci du chaos « originel ».

Cette nécessité d’un cadre théorique anté-observation est montrée par le schéma ci-dessus présenté par Wacheux :

Représentations
Constatations Interprétations
Anomalies, écarts

Schéma 3. Processus interprétatif inductif

.
Pour lui, cette boucle est infinie si une grille théorique ne vient s’interposer au niveau des représentations. Celle-ci valide alors les interprétations tandis que les constatations confirment (ou infirment) les concepts préalablement utilisés. La théorie apparaît donc ici comme un point de référence, un repère stable nécessaire à la construction ordonnée de connaissances.

Enfin il faut dans notre recherche tenir compte du dilemme du miroir qui rappelle combien l’observation de la réalité est problématique en raison de l’interprétation qui entre en jeu. En effet, concernant les représentations et leur interprétation deux positions théoriques s’opposent :



  1. selon la première la représentation serait l’image exacte du monde

  2. selon la seconde, la représentation est construite sur la base d’une interprétation du monde par l’individu (pré-interprétation), représentation qui sera interprétée à nouveau lors de la phase de communication à un autre individu (ré-interprétation).

L’allégorie du miroir traduit bien le dilemme de l’observation : l’observateur peut se placer devant le miroir ou derrière. Dans le premier cas il voit la représentation mais il est dedans, dans le second cas il n’est pas dedans mais il ne voit rien.
La connaissance serait ainsi soit relative, car ne pouvant exclure l’observateur de la représentation lui servant de base, soit impossible car excluant l’observateur ce qui rend celle-ci inaccessible de ce fait.


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