Pluridisciplinarité inhérente au domaine
En France, la première thèse sur l’alao (à l’époque encore appelé “ eao des langues ”) a sans doute été celle de Françoise Demaizière (publiée en 1986), très orientée vers les tutoriels et exerciseurs pour l’apprentissage de l’anglais. D’autres thèses ont suivi, pour certaines rattachées aux sciences du langage (Modard, 1991 ; Mangenot, 1995), pour d’autres à l’anglais (Boulon, 1999 ; Petitgirard, 1999), à l’informatique (Teutsch,1994), voire aux sciences de l’éducation, les rattachements multiples n’étant pas rares : ainsi le jury d’une thèse récente, celle d’Anne-Laure Foucher (1998), relevait-il des quatre disciplines évoquées85. Si l’on ajoute deux autres disciplines qui concourent au champ d’étude de l’alao, la psychologie86 et les sciences de l’information et de la communication87, on obtient un panorama très pluridisciplinaire, ce qui ne va pas sans poser de problèmes, notamment en France où la spécialisation (pour ne pas dire l’hyperspécialisation) est le plus souvent la règle, et où aucune institution, comme les “ Faculties of Education ” nord-américaines, ne vient fédérer les recherches en didactique et en ingénierie éducative88. La plupart des thèses du domaine, par ailleurs, même si elles ne se réclament pas de l’informatique, comportent une partie plus ou moins importante consacrée au développement de systèmes informatiques. Les formations consacrées à l’alao, comme certains dess de Lille 3 ou de Grenoble 389, font pour leur part intervenir des enseignants-chercheurs de toutes les disciplines évoquées plus haut.
Comment aborder ce champ d’études ?
Au moment de réaliser une synthèse du domaine, on se trouve donc face à une littérature considérable, pluridisciplinaire, dont seule une modeste part consiste en évaluations des effets ou de l’efficacité de l’alao. Tout se passe comme si, dans le domaine de l’apprentissage des langues, la pression sociale, à la recherche de moyens autodidactiques susceptibles de pallier le manque de moyens humains, était si forte que chacun s’applique avant tout soit à créer de nouvelles applications soit à décrire et classer les produits existants afin de mieux les intégrer pédagogiquement : on a ainsi accès à un volume énorme de descriptions de pratiques, à défaut de disposer d’évaluations fiables. Il semble donc difficile de passer sous silence ces formes de recherche-développement ou de recherche-action qui impliquent de nombreux universitaires et disposent de soutiens financiers non négligeables – notamment à travers les projets européens –, et qui ne sont pas sans retentissements sur la manière d’envisager les dispositifs d’apprentissage des langues ; on peut par ailleurs penser que d’une multitude de descriptions de pratiques, à condition de classer et de problématiser celles-ci, peut émerger autant de “ vérité ” objective que de quelques expérimentations cherchant à quantifier les apports de tel ou tel produit selon des méthodologies très disparates90. La plupart des dispositifs d’apprentissage des langues faisant maintenant appel à une part d’autodidaxie reposant plus ou moins sur l’utilisation de l’informatique, la question n’est d’ailleurs peut-être plus tant “ est-ce que les technologies sont efficaces ? ” que “ dans quelles conditions sont-elles efficaces ? ” (Chapelle, 1997 ; Desmarais, 1998). Ainsi la suite de ce chapitre sera-t-elle divisée en deux grandes parties : un panorama problématisé des pratiques, puis une synthèse évaluative.
2. Les grands types d’applications et d’usages
Il existe plusieurs points de vue permettant de classer les produits et les pratiques dans le domaine de l’alao : point de vue des logiciels utilisables (Mangenot, 1997a), point de vue du rôle joué par l’ordinateur et par l’enseignant (Taylor, 1980 ; Levy, 1997), point de vue de l’activité des apprenants (Chapelle, 1997 ; Mangenot, 1997b et 2000), ou encore point de vue du dispositif d’apprentissage.
Mangenot (1997a), dont la classification est reprise par Lancien (1998) et par d’autres auteurs, propose de distinguer trois grandes familles d’applications :
1. les logiciels de langue, qui peuvent être “ prêts à l’emploi ” (didacticiels) ou “ ouverts ” (systèmes-auteur ou générateurs d’exercices) ;
2. les logiciels ne relevant pas des langues (cd-rom ou sites Internet “ grand public ”, par exemple) mais exploitables dans le cadre de “ scénarios pédagogiques ” ;
3. les outils permettant la création et/ou la communication multimédia.
Le premier type est de très loin le plus représenté dans la littérature du domaine ; il s’agit d’une des singularités de l’alao par rapport, par exemple, au domaine de l’apprentissage de la production écrite où c’est plutôt l’outil qui prédomine : le développement d’applications constitue un champ de recherche à lui seul, certaines équipes regroupant linguistes, pédagogues et informaticiens. Le second type de produit est relativement peu utilisé en langues, probablement parce qu’il nécessite, chez l’enseignant, une connaissance approfondie de l’hypermédia et un travail de préparation relativement complexe ; une équipe de recherche française en sciences du langage (ea 2534, “ Plurilinguisme et apprentissages ”, volet 2 “ Analyse et usages des supports multimédias ”, ens Fontenay-Saint-Cloud) s’est néanmoins spécialisée dans l’analyse sémiologique et les usages des cd-rom “ grand public ”, et les “ scénarios d’exploitation pédagogique ” de sites Internet non dédiés aux langues se multiplient sur la Toile91. Concernant les outils, c’est massivement – et logiquement – la communication qui a la faveur des enseignants de langue, et on y consacrera un paragraphe. Un cas à part est constitué par les tests informatisés, que ceux-ci servent à évaluer un niveau initial (tests de classement), un niveau final (tests certificatifs) ou à aider enseignant et apprenant à réguler les apprentissages (évaluation formative) : pour une revue, on consultera (Laurier, 1998).
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