Marie LaFlamme Tome 2



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  • Quelle vérité ?

  • Il était sur le Lion avec Pierre LaFlamme. Et Pierre LaFlamme lui avait confié son plan : il ferait croire à Geoffroy de Saint- Arnaud qu’il détenait un trésor. Ce trésor du cap d’Aigle avait réellement existé, et un corsaire avait déjà conté son histoire à Pierre LaFlamme. Celui-ci n’avait jamais possédé le trésor, mais il allait trafiquer le récit du corsaire pour l’armateur.

  • Pourquoi? s’écrièrent ensemble Martin Le Morhier et son épouse.

  • Parce qu’il avait le scorbut ! Pierre LaFlamme voulait parler assez longtemps avec l’armateur pour lui postillonner au visage et le contaminer.

  • C’était donc ça? gémit Myriam Le Morhier. Comme c’est bête ! Comment notre pauvre Anne aurait-elle pu deviner?

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  • Mais pourquoi Bon Bedon Blond n était- il pas à Nantes ? Et n’a-t-il rien dit quand Anne a été arrêtée ?

Victor expliqua que le calfateur était bien arrivé avec le Lion
mais il était reparti assez vite sur une belande, et il avait fait ensuite un voyage aux Terres-Neuves. Il revenait à Nantes pour la première fois depuis plus d’un an.

  • J’ai d’abord pensé que je conterais tout ça à Saint-Arnaud, fit Victor. Mais je ne suis pas un porte-paquet. Et il ne me croirait pas. Il se persuaderait que j’ai inventé cette fable pour m’approprier le trésor. Et il sau­rait ainsi que je sais où est Marie.

  • Bon Bedon Blond pourrait témoigner, commença le capitaine.

  • L’armateur soutiendrait que je l’ai payé pour mentir et Péridot devrait fuir sa colère... Je l’ai plutôt convaincu de se taire. Et nous en ferons tous autant. Personne n’apprendra la vérité.

« Et Marie ? songea Myriam Le Morhier. Oh, elle ne le croirait pas davantage. »

  • Marie est en sûreté en Nouvelle- France, dit Victor. Personne ne doit décou­vrir où elle se cache.

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  • Ce n est pas nous qui parlerons à Saint- Arnaud, promit le capitaine. Mais peut- être lapprendra-t-il dune autre source? Guy Chahinian sait où est Marie. Et Simon Perrot le gardait encore au Grand Châtelet quand nous avons quitté Paris.

  • Sans pouvoir l’aider, compléta Myriam d’une voix étranglée. Michelle Perrot connaît aussi l’exil de Marie.

Elle se leva péniblement pour rallumer une bougie : depuis la mort d’Anne LaFlamme, leur séjour à Paris, le voyage de leur fils, elle se sentait vieillie de dix ans tant elle manquait d’entrain. Le repas de retrouvailles l’avait épuisée; ce n’était pas la préparation mais l’effort constant quelle avait fourni pour détendre l’atmos­phère, pour chasser de son esprit l’impres­sion que des mauvais jours étaient encore à venir. Elle souffrait de voir souffrir Victor ; elle avait tant souhaité qu’il vive avec une femme le même bonheur quelle connais­sait avec son père. Peut-être, justement, était-elle heureuse depuis trop longtemps ? Peut-être l’épreuve que Dieu lui destinait était-elle le malheur de son enfant? Elle

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avait bien hésité avant de proférer le nom de Simon Perrot, sachant la douleur quil suscitait chez son fils, mais elle avait tou­jours entendu Anne LaFlamme répéter qu’il fallait crever les abcès : Marie était amou­reuse de Simon, elle vivait à Québec, elle ne pouvait pas revenir à Nantes et Victor ne l’épouserait jamais. Mais elle n’épouserait pas non plus Simon...

  • Simon Perrot s’est marié pour vivre auprès de la baronne de Jocary; il n’a jamais manifesté la moindre inclination pour Marie. N’oublie pas qu’il la croit pauvre. Il ne sait même pas où elle est. Elle l’oubliera. Le temps et la distance...

  • Et nous l’oublierons aussi, affirma Martin Le Morhier. C’est ce qui peut nous arriver de mieux !

Victor ne contredit pas son père ; il aurait tant voulu cesser d’aimer Marie. Il était blessé quelle ait écrit à Simon, mais il ne parvenait pas à la détester; depuis qu’il était arrivé à Nantes, il surveillait ses paroles afin de ne rien révéler à son sujet. Après avoir appris que Pierre LaFlamme n’avait jamais eu de trésor, il avait été soulagé, car il voyait

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mal comment il pourrait s y prendre pour le retrouver. Puis il avait songé à la déception de Marie. Puis à sa joie s’il lui ramenait réellement un trésor. Il en gagnerait un par son travail. Il avait alors décidé de s’inté­resser au trafic des fourrures ; il retourne­rait à Paris pour en discuter avec son oncle et les marchands que celui-ci connaissait. Il leur proposerait de retourner à Québec, de s’associer avec Guillaume Laviolette pour leur fournir une marchandise de qualité. Victor avait même pensé à la façon dont il présenterait la chose à ses parents. Il leur dirait qu’il entendait vendre des peaux durant deux ou trois ans, pas davantage, le temps d’amasser un pécule qui lui permet­trait d’acheter un vaisseau capable d’aller en Nouvelle-France approvisionner la colonie. Il avait bien vu comment les habitants de Québec dépendaient de la France. Pourquoi ne pas en profiter ?

Il irait à Saint-Malo ou à La Rochelle afin de s’engager, à moins qu’il ne reparte avec le capitaine Dufour qui l’avait complimenté pour sa hardiesse durant les trajets de mer. Mais d’abord Paris !

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X- X- *

Sœur Sainte-Louise avait raison : c’était la troisième neige qui restait. La première s’était changée en pluie et la deuxième, tombée il y avait déjà une semaine, le jour où le chevalier du Puissac leur avait été amené à l’Hôtel-Dieu, avait fondu quelques heures après avoir blanchi le sol, à la grande déception de Marie. Elle avait envie de neige, de vraie neige, pas de cette pluie gelée qui tombait parfois à Nantes et qui l’impa­tientait bien plus qu’elle ne la réjouissait. Une année, une seule, elle avait pu lancer des boules de neige sur Michelle, Simon et Victor.

Mais cette fois, c’était la bonne : voilà deux jours qu’une bordée de neige était tombée et tout demeurait immaculé. Les buissons ensevelis à mi-hauteur faisaient de petites taches sombres dans le jardin, mais lorsque Marie regardait du côté des terres de Raté ou Touchet ou Roy, elle ne voyait qu’une étendue blanche et douce comme de la crème. Elle avait terrible­ment envie de s’y rouler mais elle ne se résignait pas à détruire cette perfection.

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Il lui sembla quelle navait rien vu d aussi pur avant cette neige, même pas le sucre ou le sel raffinés quelle avait vus à la table de Mme Beaumont à Paris. Cette écume brillante l’excitait et la calmait à la fois; la joie qui montait en elle l’aurait fait rire et crier si un sentiment de sérénité ne l’avait habitée en même temps. Elle désirait mar­cher dans la ville, voir le Saint-Laurent festonné de dentelles, les pignons des mai­sons ornés de tapabords d’albâtre, la place publique agrandie par cette nouvelle clarté, les visages rieurs sous les bonnets de laine rouge ou les capots de fourrure noire, elle voulait entendre la rumeur du port s’as­sourdir, mais c’est une plainte douloureuse qui l’arracha à sa contemplation.

Le chevalier du Puissac réclamait à boire, encore, et Marie s’accroupit près de lui avant qu’il n’ait le temps d’éveiller les autres malades ; comme il tardait à guérir, ce chevalier Elle épongea de nouveau son front brûlant et lui mouilla les lèvres tout en cherchant une timbale pour lui donner de l’eau. Où pouvait-elle bien être ? Marie s’énerva ; c’était chaque jour la même chose !

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On aurait dit qu’un lutin s’amusait à cacher sa timbale. Cela n’avait rien de drôle, pour­tant. Marie regarda autour d’elle : sœur Sainte-Louise avait la tête plongée dans son livre de prières et les trois autres malades dormaient. Personne ne la verrait tirer la coupelle d’argent, plus bombée que celle qui était en or, de sous son long tablier. Elle le faisait de plus en plus fréquemment, par nécessité mais aussi par paresse ou par défi ; elle ne pouvait résister au plaisir de faire quelque chose d’interdit et de périlleux. Sa vie était si monotone à l’hôpital depuis trois semaines ! Il y avait eu l’accident de Guillaume, puis un cas de pleurésie, mortel, qui la désolait encore, un bras cassé et enfin ce chevalier, qui avait reçu une flèche iro- quoise dans le dos, et qui exigeait encore énormément de soins, mais il était le seul malade intéressant et Marie se demandait bien qui on soignerait à l’hiver puisque aucun bateau n’accosterait à Québec.

Elle devait reconnaître qu’une cou­pelle n’était pas idéale pour faire boire un patient et elle essuya doucement la barbe du chevalier tout en lui répétant qu’il se

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reposait, qu’il était en lieu sûr. La fièvre ne l’avait pas quitté depuis son arrivée, malgré des tisanes de pimbina et des décoctions de monotrope. Marie, pourtant, avait net­toyé la plaie avec une grande attention, soucieuse de dénicher le moindre corps étranger. Mais la blessure était vilaine car la pointe de la flèche s’était si profon­dément enfoncée qu’il lui avait fallu une main d’homme pour la retirer. Les sœurs ne cessaient de dire que c’était un miracle que le chevalier ait échappé à la mort et Marie n’était pas loin d’y croire : un pouce de plus à gauche et le cœur était touché. Alors qu’elle approchait de nouveau la coupelle des lèvres de Julien du Puissac, il ouvrit les yeux et la dévisagea. Marie lui sourit, lui répéta où il se trouvait et qu’il n’y avait aucun péril à redouter.

  • Buvez encore un peu, c’est bon pour vous, dit-elle en inclinant la coupelle.

Le chevalier écarquilla les yeux en regar­dant la soucoupe d’argent. Il tenta de se redresser, de lever un bras, mais il ne réussit qu’à murmurer.

  • La Lumière... des Frères...

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Il battit plusieurs fois des paupières et Marie crut lire une grande excitation dans son regard mais il était si épuisé qu’il s’en­dormit aussitôt. Marie tendit de nouveau le drap sous la barbe et allait ranger sa cou­pelle quand elle croisa le regard de sœur Sainte-Louise. Celle-ci la fixait avec une infinie tristesse. Elle lui demanda si la cou­pelle lui appartenait.

Marie hocha la tête.

  • Vous savez donc ce quelle signifie ?

Marie haussa les épaules, hésitant à

avouer son ignorance mais étrangement déterminée à conserver les coupelles.

  • Vous ne pouvez pas demeurer à l’Hôtel-Dieu, soupira sœur Sainte-Louise.

Marie se décida à questionner la reli­gieuse, trop curieuse de savoir ce que repré­sentait le legs de Chahinian.

  • C’est mon tuteur, à Paris, qui m’a donné les coupelles. En mourant. Mais je ne les avais jamais vues auparavant. A quoi sont-elles destinées ?

Sœur Sainte-Louise frémit.

  • Ce sont les symboles des hérétiques, Marie ! Vous ne devez pas les conserver !

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  • Mais j’ai promis de les garder. Et je n’ai jamais rompu une promesse. Si je dois quitter l’hôpital, je le quitterai !

Sœur Sainte-Louise inspira profondé­ment avant de dire à Marie qu’elle tairait cette découverte.

  • J’ai tort, assurément, et je me confes­serai du péché d’orgueil car je ne devrais prendre aucune décision. Mais vous êtes courageuse et le pays a besoin de femmes telles que vous. J’espère seulement que votre séjour parmi nous laissera quelques traces dans votre cœur et que vous reviendrez à Dieu. Il faut me jurer que vous n’essaierez pas de convertir les Indiens à ce...

  • Mais je ne comprends rien à ce que vous me dites; je suis une bonne catho­lique et je le resterai! Je ne suis même pas une convertie ! Ni païenne, ni huguenote, ni juive ! Je garde les coupelles parce que c’est un moribond qui me les a léguées; je ne peux renier sa mémoire.

L’Hospitalière joignit les mains pour une prière muette ; elle avait bien besoin du réconfort divin pour chasser Marie du monastère. Elle aurait presque regretté

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d avoir vu ces coupelles maudites si elle n avait eu la certitude de défendre son ordre contre les atteintes du Malin. Marie semblait tout ignorer des coupelles, mais puisqu’elle refusait de les remettre à leur confesseur, elle ne pouvait demeurer plus longtemps parmi elles.

  • Puis-je aller trouver Mme Couillard avant midi ? Elle m’avait déjà proposé de travailler chez elle, mentit Marie.

  • Bien sûr, acquiesça la religieuse. Vous pouvez rester jusqu’à la fin de la semaine.

Marie refusa de prolonger le malaise : elle partirait d’elle-même le plus tôt possible.


Chapitre 16

E

n traversant le champ qui se trouvait
entre le terrain des Hospitalières et


celui de la veuve Couillard, Marie ne prit
aucun plaisir à fouler la neige molle ; elle
remercia en pensée Victor de lui avoir offert
ses indispensables mocassins, puis elle s’ef-
força vainement de se convaincre qu elle
avait eu raison de s’entêter à garder les cou-
pelles puisqu’elle voulait quitter l’hôpital de
toute manière. Mais plus elle s’approchait
de chez Guillemette Couillard, plus elle
redoutait d’entendre celle-ci lui répondre
qu’on pourrait l’héberger une journée ou
deux, mais pas davantage.


Elle frotta ses mocassins l’un contre l’autre pour détacher la neige qui s’y col­lait, puis elle cogna à la porte. Un des nom­breux petits-fils Couillard la fit entrer en dansant autour d’elle. Il adorait Marie car elle avait soigné son chat sans lui dire, comme certains, qu’il n’avait qu’à prendre une autre bête si le Tigris mourait. Cette

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fête la rasséréna un peu, ainsi que le bon sourire de Mme Couillard et quelques gor­gées de bouillon, mais Marie apprit que la petite-fille de son hôtesse, nouvellement mariée, habiterait chez sa grand-mère avec son époux.

  • Je vous enverrai quérir quand j’aurai à être délivrée, assura la jeune épousée à Marie.

Marie LaFlamme sourit poliment en reposant son gobelet vide sur la table de pin. Elle fixait l’extrémité de la pièce où une cabane abriterait les nouveaux mariés ; le lit-alcôve était surélevé afin de garantir les dormeurs contre l’humidité; d’épaisses courtines fermaient toutes les ouvertures. Juste à côté, il y avait déjà un ber à que­nouilles en merisier tout neuf : combien d’enfants y coucherait-on? Ils seraient endormis par un doux balancement, tout en entendant leur mère chanter gentiment. C’était loin d’être le cas de Noémie, se reprocha Marie qui ne l’avait pas vue depuis deux semaines. Mais comment la garder avec elle? La petite était si bien chez les Blanchard. Emeline l’allaitait toujours mais

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avait commencé à lui donner de la bouillie et de la purée de pommes de terre ; Noémie profitait assurément de ce traitement. Elle ne pleurait quasiment jamais et se tenait très droite pour une enfant de cinq mois. Elle semblait prendre plaisir à la compagnie de son besson Jean-Jean ; Marie aurait fait preuve d’égoïsme en la retirant maintenant à cette famille.

  • Pour aller où ? dit-elle à haute voix sans s en apercevoir.

  • Où ? répéta Guillemette Couillard.

  • J’ai décidé de quitter l’Hôtel-Dieu. C’est le meilleur moment, il y a peu de malades ; mon départ ne dérangera pas trop les religieuses qui m’ont acceptée avec tant de bonté. Mais je dois gagner plus...

  • Vous devriez aller voir chez M. de Boissy, dit le gendre. Il paraît qu’il cherche une bonne. Et qu’il paie...

Guillemette Couillard l’interrompit.

  • Tu n’y penses pas ! Une jeune fille ne devrait pas mettre les pieds chez ce mécréant !

  • Je ne suis plus une jeune fille, soupira Marie. J’ai plus de vingt ans !

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  • Et vous avez été mariée, je sais, fit la veuve Couillard. Mais vous semblez si... enfin... ce Boissy n’est guère recommandable.

  • Je m en arrangerai. J adore soigner les malades et je n ai rien à dire contre les sœurs. Mère Catherine me manquera beaucoup. Mais je dois vraiment gagner davantage si je veux m’installer un jour avec ma fille.

  • Vous vous marierez, allez ! Vous êtes trop jolie !

  • Où habite ce M. de Boissy? demanda Marie. Guillemette Couillard soupira mais indiqua à sa visiteuse le chemin le plus court pour se rendre chez le triste bretteur.

  • Il habite rue Saint-Louis, tout à côté de chez Ruette d’Auteuil et Denis Duquet. Saviez-vous que son fils est le premier notaire de Québec ?

  • Oui, j’irai voir Jean Duquet quand...

  • Vous aurez fait fortune? dit Mme Couillard. Vous ne gagnerez que quelques sols par jour.

  • Mais il y aura bien des malades qui vous réclameront chez eux ! clama la cadette afin d’encourager Marie qui se levait pour prendre congé.

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  • Bonne chance, Marie. Rappelez-vous que les jours raccourcissent vite après la Toussaint ! Soyez prudente, il neige depuis votre arrivée.

  • Je ne redoute pas la noirceur, affirma Marie. Ni la neige. Si je préfère partir main­tenant, c’est que j’espère avoir le temps de retourner à l’Hôtel-Dieu et de réinstaller chez M. de Boissy avant la nuit.

Marie avait fait cette déclaration d’un ton ferme et donnait l’impression d’avoir une grande confiance en elle. Mais comme elle s’éloignait de la maison, elle recom­mença à s’inquiéter : et si on ne l’engageait pas chez Nicolas de Boissy? S’il tentait de la séduire dès le premier soir? Elle le repous­serait et perdrait aussi vite son emploi. Non, elle devait rester au service du ferrailleur ; lui seul souhaitait l’avoir pour servante. Si Eléonore de Grandmaison, qui connaissait tous les notables, n’avait pu lui trouver d’em­ploi, « à moins que vous n’acceptiez de tra­vailler sur une terre mais là encore, l’hiver est arrivé, les moissons sont terminées», personne n’y réussirait. Marie devrait jouer finement; l’expérience acquise avec Geoffroy de Saint-Arnaud lui servirait enfin.

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