Marie LaFlamme Tome 2



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On ne posséderait pas deux fois une LaFlamme !

Comme elle se redressait dans une atti­tude de défi, elle constata que la neige tom­bait de plus en plus fort. Au lieu de suivre l’itinéraire de Guillemette Couillard et de passer à l’ouest du domaine des Jésuites et des Ursulines, Marie remonta la côte de la Fabrique de Notre-Dame jusqu’au fort des Hurons. Elle ne ralentit pas devant la palis­sade, contrairement à son habitude — déçue de n’avoir soigné aucun Indien à l’Hôtel- Dieu, Marie espérait pouvoir pénétrer un jour dans le fort — mais accéléra le pas jusqu’à la falaise, curieuse de voir une pre­mière tempête sur la ville, sur le fleuve. Les flocons qui l’aveuglaient en tourbillonnant et les bourrasques qui repoussaient le châle qu elle s’obstinait à remonter sur ses cheveux l’amusaient prodigieusement, comme si elle allait gagner un pari fait avec ces éléments en atteignant le plus haut point du cap.

Marie n’était pas du genre à se pâmer mais le spectacle qui l’attendait fit chavirer son cœur. Les rafales avaient effacé l’ho­rizon, il n’y avait plus ni ciel ni terre, qu’une

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fabuleuse danse blanche bouleversant Tordre des choses, semant des étoiles au sol.

Elle professa alors sa foi en ce pays où les éléments s’unissaient pour la porter et promit qu’elle verrait mille tempêtes avant de mourir, avant d’aller expliquer à Pierre et Anne LaFlamme combien le vent qui lui cinglait le visage et la jetait à genoux la ragaillardissait au lieu de l’abattre. Elle se sentait comprise par la tempête qui faisait écho à ce qu’elle vivait si souvent. Elle se sen­tait aimée par ce nouveau pays. Elle se jura d’en être la reine et l’esclave, la mère et l’enfant.

Même si elle devait servir Nicolas de Boissy jusqu’à l’été : Victor reviendrait alors, non ? Il lui rapporterait son trésor. Elle ferait venir Simon. Elle entretenait cette obsession tout en refusant de la pré­ciser; elle ne se demandait jamais com­ment Victor joindrait le marin qui détenait la clé des énigmes, ni pourquoi il accep­tait de l’aider. Elle n’avait qu’une image en tête : ce moment où elle ouvrirait le coffret contenant des pierres précieuses. Un coffret pareil à celui qu’on décrivait dans les contes

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de Perrault que Jules Pernelle lui avait lus un soir où ils avaient fermé l’apothicairerie plus tôt.

Les yeux brillants de détermination, Marie marcha le long de la falaise jusqu’à la terre de Denys de La Trinité. Elle la tra­versa d’un pas souple pour se rendre chez Nicolas de Boissy.

* * *

Paul Fouquet observait Marie LaFlamme tandis quelle frottait une assiette d’argent : combien de temps pourrait-elle tenir son rôle de servante? Elle souriait poliment en apportant les plats à table, en nettoyant les habits de M. de Boissy, en brossant son chapeau, en reprisant une chemise, mais le laquais voyait bien que ces travaux exaspé­raient la jeune femme.

Quand elle avait demandé à parler à Nicolas de Boissy, un mois auparavant, Fouquet s’était retenu de jurer; il aurait dû insister pour qu’Alphonse Rousseau parie avec lui : il aurait gagné ! Marie LaFlamme était une catin, comme il l’avait dit ; il fal­lait un rare culot pour venir offrir ainsi

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ses services. Nicolas de Boissy n avait pas besoin d une servante en plus d une cuisi­nière et d’un laquais, mais il avait accepté d’engager la Renarde. Celle-ci s’instal­lait rue Saint-Louis le soir même, les reli­gieuses ayant accepté son départ malgré leur surprise.

Fouquet s’était imaginé que Marie LaFlamme serait impressionnée par l’opu­lence de son maître. Il fut étonné de son naturel. Elle semblait apprécier la grandeur des pièces. Elle regardait avec plaisir l’ar­moire de chêne, la commode de merisier, le grand coffre fermé à clé, les quatre chaises et les deux fauteuils garnis de franges. En passant la main sur un bahut de maroquin rouge, elle avait précisé en connaisseur qu’elle préférait cette peau au cuir de vache ; quand elle s’était approchée de l’âtre, elle avait manifesté sa satisfaction en constatant qu’il y avait un contrevent.

  • Je n’aime pas me brûler le visage en faisant cuire la soupe.

  • Tant mieux, avait fait M. de Boissy avant de lui demander un remède pour traiter un foie engorgé.

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Marie avait souri puis prescrit une tisane de bourrache ; Boissy était nauséeux parce quil avait trop bu la veille avec son comparse d’Alleret. Elle le voyait à ses yeux bouffis et son teint brouillé. L’esprit était clair toute­fois, car ayant deviné quelle s’inquiétait de ses gages, M. de Boissy lui avait remis une petite bourse contenant cinq livres.

  • Voilà dans un premier temps. Tu te feras faire une jupe de drap d’Uzée et une autre de serge bleue. Ainsi qu’un justaucorps. Je refuse de te voir vêtue chez moi comme à l’Hôtel-Dieu. Cette robe grise est si triste ! Tu vivras au rez-de-chaussée avec Lison et Paul. Je sais que tu aimes te dévouer à soigner les colons : je ne veux en voir aucun ici, mais tu es libre d’aller les visiter si le cœur t’en dit. Quand tu auras rempli tes tâches dans cette demeure... Tu nettoieras la maison, broderas le linge et aideras Lison à la cuisine. Paul a les clés du cellier pour le vin et les provi­sions, et c’est à lui que tu t’adresseras si tu as des achats à faire pour le ménage.

Marie avait empoché l’argent et promis d’apporter de la bourrache dans ses bagages. Elle était sortie dès que M. de Boissy l’y

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avait autorisée et elle était revenue trois heures plus tard.

Marie dormait dans un lit-alcôve avec la cuisinière qui lui avait fait bon accueil car elle croyait souffrir de multiples maux. En échange de ses soins, Lison lui réservait des sucreries afin d’améliorer l’ordinaire auquel les domestiques avaient droit, et vantait les mérites de la guérisseuse pour faire oublier la manière dont Marie avait proposé ses services. On n’avait pas vu beaucoup de femmes se chercher un maître avec autant d’impudence !

La cuisinière devait être persuasive car on prit rapidement l’habitude de quérir Marie quand un homme se blessait au tra­vail, quand une habitante délirait de fièvre ou quand un enfant refusait toute nourri­ture. Avec l’arrivée de l’hiver, les engelures étaient aussi fréquentes que les refroidis­sements et Marie quittait régulièrement la rue Saint-Louis pour voir des malades. Elle connaissait maintenant la ville comme si elle y était née et savourait chacune de ces sorties : aucune tempête n’aurait pu l’empê­cher de se rendre au chevet d’un colon.

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Alors quelle polissait l’assiette d’argent avec une pièce de ratine, Marie surprit le regard de Paul Fouquet; elle dévisagea l’homme un moment puis reprit son travail en se demandant si elle pourrait supporter encore longtemps ce laquais. Elle avait l’impression qu’il l’épiait sans arrêt, qu’il la suivait comme une ombre, la guettait, l’espionnait et elle aurait bien voulu savoir si c’était sur l’ordre de Nicolas de Boissy ou à l’initiative du valet. Même si Fouquet lui paraissait assez pervers pour s’amuser à effrayer une femme, Marie penchait pour la première hypothèse car l’attitude de son maître l’intriguait énormément : il n’avait jamais tenté de se trouver seul avec elle, il ne lui faisait aucun compliment, ne contait pas de grivoiseries en sa présence et ne la regardait pas plus que Lison. Boissy était bien effacé pour un séducteur. Avait-il vrai­ment parié avec d’Alleret qu’elle se donne­rait à lui ?

Comme s’il avait lu dans ses pensées, Paul Fouquet dit à Marie qu’il était inutile de ranger l’assiette d’argent dans le buffet car M. de Boissy recevait M. d’Alleret à souper.

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  • Ils seront quatre et Monsieur souhaite que tu les serves dans la vaisselle d’argent.

Marie hocha la tête tout en regardant son reflet dans l’assiette; elle le faisait chez sa mère où il n’y avait pas de miroir. Plus tard, elle avait cessé de chercher son image. Il y avait de grandes glaces chez Geoffroy de Saint-Arnaud, une petite chez Jules Pernelle, une minuscule à l’hôpital et trois moyennes chez Boissy. Celle de la salle à manger, encadrée d’ébène, était d’une belle netteté et Marie se saluait en riant quand elle passait devant. Nicolas de Boissy, lui, vérifiait parfois si le col de son manteau de drap de Londres n’empêchait point de voir les broderies de son pourpoint et le jabot de dentelle de sa chemise.

Ce matin, pourtant, il s’était résigné à mettre un manteau de loup, car le climat s’était considérablement refroidi durant la nuit. Marie n’avait pu retenir une exclamation admirative quand elle l’avait vu ainsi vêtu.

  • Ce manteau est magnifique, Monsieur. C’est du renard ?

  • Du loup. Mais il ne dévorera plus aucun chaperon rouge, avait dit Nicolas de Boissy en lissant les longs poils argentés.

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Son rire avait résonné dans la pièce bien après qu’il eut refermé la porte derrière lui.

Tout en commençant à nettoyer une timbale d’argent, Marie s’interrogeait sur la richesse de son maître. S’il n’avait pas touché d’héritage, il devait recevoir une pension importante de son père car il dépensait sans se soucier du lendemain. Même Geoffroy de Saint-Arnaud, qui tenait à épater ses invités, déboursait moins que Nicolas de Boissy pour un souper. Et ce manteau somptueux ! Et le chapeau et les mitaines de vison ! On devait le payer très cher pour qu’il demeure en Nouvelle- France. Il est vrai qu’il s’y ennuyait et ne le cachait pas; elle l’avait souvent entendu dire à ses amis qu’il déplorait que les Iroquois ne l’eussent jamais attaqué — ils auraient vu ce qu’était un vrai duelliste ! — et qu’il son­geait parfois à courir les bois pour se dis­traire. Marie doutait de cette affirmation : un homme qui fait chaque soir bassiner son lit et ne supporte que des chemises de coton fin n’est pas paré à l’aventure ! Même s’il est un excellent bretteur.

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  • Tu rêves ? demanda Paul Fouquet en voyant que Marie avait cessé de polir la timbale.

  • Oui, répondit Marie sans sourciller.

Elle détestait les airs supérieurs de Paul

Fouquet et sa façon de lui rappeler qu’il détenait l’autorité en l’absence du maître. Quand elle avait besoin de vin ou d’ar­gent pour payer le tailleur, il agitait sous son nez les clés du cellier et du coffret pour bien montrer qui commandait. Elle avait alors envie de le mordre et regrettait de l’avoir guéri de sa gale, mais elle se réjouis­sait de lui avoir prescrit un laxatif le lende­main de l’agression dont Guillaume avait été victime, même si Fouquet se vengeait maintenant.

Elle se remit à frotter la timbale, pensant à une chose amusante : et si elle réussissait à cacher les fameuses clés ? Boissy croirait que Fouquet les avait perdues et il s’emporte­rait assurément contre la négligence de son laquais. Celui-ci méritait bien une bonne leçon !

Repensant à son idée, elle souriait en ser­vant Boissy et ses amis au souper. Ceux-ci lui

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demandèrent ce qui la mettait de si bonne humeur. Marie rougit, puis dit que c’était un grand plaisir de servir des gens de qua­lité ; voilà qui la changeait agréablement de l’Hôtel-Dieu. Les hommes rirent et, dès que Marie alla chercher le civet, Boissy chuchota à d’Alleret qu’il perdrait bientôt son pari !

  • Vous ne l’avez pas encore séduite !

  • Ce sera fait avant la fête des Rois !

  • Je parie aussi, murmura un des con­vives. Elle vous sourit ce soir mais elle a la réputation d’être farouche : pas un homme ne l’a approchée depuis son arrivée au pays.

  • Même pas le coureur de bois, ce Guillaume Laviolette? Mon valet m’a dit qu’elle s’était bien occupée de lui à l’hôpital.

D’Alleret secoua la tête : non, Laviolette avait amené Marie au mariage d’Eléonore de Grandmaison — où trop de petites gens avaient été invités — mais elle n’avait pas dansé une fois avec lui et ne l’avait pas revu depuis qu’il était retourné au Saguenay.

  • J’avoue qu’elle ne semble pas se lan­guir de sa présence. Je l’ai vue sourire à Daniel Perron.

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  • Le protestant ? Elle ne sait donc pas qu’il se convertit dimanche pour se marier aussitôt ?

  • Si j’étais vous, je la prendrais sans plus balancer ! D’Alleret ricana.

  • Ah, non ! Boissy doit la séduire : ce serait trop facile de la culbuter comme n’importe quelle servante. Nous avons gagé qu’elle se donnerait de son plein gré !

Nicolas de Boissy caressa sa mous­tache d’un air chafouin. Quand ses invités l’eurent quitté, il alla complimenter Lison pour son repas et remercier Marie de les avoir servis avec tant de grâce. Il les informa qu’elles auraient droit à deux jours de liberté pour Noël, puis il se retira dans sa chambre. Comme il l’espérait, Lison avait dit qu’elle irait chez son frère. Paul fêterait avec des amis. Il resterait donc seul avec Marie même si celle-ci avait affirmé qu’elle passerait la Noël chez Emeline Blanchard.

Boissy trouvait plus piquant de séduire une femme vertueuse le soir de Noël. D’Alleret qui ne perdait aucune occasion de se moquer de la religion, s’en amuserait beaucoup !

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Chapitre 17

S

i Boissy s’endormit en savourant à
l’avance sa victoire, Marie se demanda


longtemps comment elle parviendrait à sub-
tiliser les clés. Paul Fouquet ne s’en séparait
jamais : il les portait à sa ceinture et devait
les garder sous son traversin quand il dor-
mait. Il avait le sommeil léger, Marie s’en
était aperçue une nuit qu’elle s’était levée
pour boire : il avait surgi derrière elle une
minute plus tard. Il fallait donc le droguer ;
Marie ne voyait aucune autre solution. Elle
allait s’y résoudre même si le fait d’user de
ses talents de guérisseuse à des fins ludi-
ques l’embêtait; Anne LaFlamme n’aurait
pas apprécié cela. Mais Anne LaFlamme
n’avait pas à supporter Paul Fouquet...


La journée du lendemain fut si agitée que Marie faillit oublier son projet; entre le dîner et le souper, on la manda trois fois. Pour une fluxion, pour une foulure et pour une indigestion : le fils Lachance avait la fâcheuse manie d’avaler tout ce

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qui lui tombait sous la main. Il avait failli périr en août pour avoir goûté de la lobélie. Il avait cette fois mangé de la cendre et de la neige, mais Marie avait vite rassuré la mère. Après avoir vu le garçonnet, elle retournait rue Saint-Louis quand Alphonse Rousseau lavait interpellée : elle devait le suivre chez son maître qui venait de perdre connaissance.

  • Je n’ai pas le temps, je dois rentrer chez M. de Boissy !

  • Mon maître est tombé d’un coup. Je vous en prie ! Je ne peux pas demander à quelqu’un d’autre que vous !

  • Pourquoi ?

  • Je vous expliquerai.

  • Où habite-t-il ? fit Marie, curieuse.

  • Tout près de chez M. de Boissy, vous serez rapidement de retour.

La demeure qu’avait louée Julien du Puissac ressemblait de l’extérieur aux autres maisons de la rue Saint-Louis. Mais dès qu’Alphonse s’effaça pour laisser passer Marie, dans la petite chambre où s’était effondré du Puissac, elle eut l’impression de se trouver chez Guy Chahinian. Il y régnait

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la même odeur de métal, de poudre, de feu. Il y avait des coupelles et des creusets, des fioles, d’étranges ustensiles et plusieurs livres. Il faisait beaucoup plus sombre que chez Nicolas de Boissy même s’il y avait deux fenêtres, car la pièce principale était exposée à l’est. En décembre, les jours décli­naient trois heures après le dîner ; on pou­vait croire que M. du Puissac vivait dans une caverne. Il était recroquevillé au fond de la pièce, à côté d’une chaise à bras. Il ouvrit les yeux dès que Marie se pencha sur lui.

  • Qu’est-il arrivé ?

  • Vous vous êtes évanoui. C’est peut- être votre blessure qui s’envenime ?

  • Je me sens mieux maintenant.

  • Alors, je rentre chez moi, fit Marie qui comprenait, en voyant la bonne mine du chevalier, qu’on l’avait fait quérir sous un faux prétexte.

  • Attendez! dit Julien du Puissac en retenant Marie par un pan de son manteau. Je dois vous parler ! J’ai rusé pour cela : je n’ai aucun malaise et...

  • Que signifie cette comédie ? gronda Marie. Je n’ai pas...

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  • J’ai essayé par deux fois de vous parler après la messe. Et au marché. Et je vous ai invitée, mais vous avez refusé de me voir. Comme tous les autres célibataires de Québec.

  • Voilà, comme tous les autres ! Mainte­nant, bonsoir !

  • Je ne me soucie pas de votre petite per­sonne, Marie LaFlamme, railla le chevalier.

Marie se retourna, intriguée ; ayant cru que l’homme voulait lui faire la cour, elle l’avait repoussé sans l’écouter, comme elle le faisait avec tous depuis qu’elle était entrée au service de M. de Boissy. Elle devait avoir une conduite irréprochable si elle voulait être acceptée l’été suivant comme sage-femme. La manière dont elle s’était fait engager chez Boissy l’avait déjà trop desservie. Si elle répondait aux invi­tations, elle ne trouverait jamais grâce aux yeux des autorités religieuses. De toute manière, elle était amoureuse de Simon Perrot et n’avait aucune envie de s’amuser avec des galants !

  • Ce n’est pas vous mais les coupelles...

  • Les coupelles ?

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  • Dor et d’argent que vous avez dans un petit sac sous votre longue jupe.

Marie fronça les sourcils.

  • Je ne comprends rien à ce que...

  • Je les ai vues à l’Hôtel-Dieu, insista du Puissac.

  • Vous étiez en proie au délire, affirma Marie d’un ton ferme. Le chevalier sou­pira, puis s’assit dans la chaise à bras tout en invitant la jeune femme à l’imiter.

  • J’ai reconnu une de ces coupelles dans un moment de lucidité. Je sais que vous les avez sur vous.

  • Vous vous trompez.

  • Mais vous voyez bien que je connais les Frères de Lumière, fit l’homme en dési­gnant la chambre d’un geste large.

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