Marie LaFlamme Tome 2



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  • Mais il faut secourir Rose !

Mani hésita, puis apprit à Marie qu’elle faisait déjà usage de la plante abortive pour traiter des maladies de peau. C’est

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tout ce quelle acceptait de lui dire. Marie mit du temps à deviner qu’il s’agissait du sang-de-dragon.

  • Il me reste encore quelques racines ! En infusion ?

  • Ton amie s’endormira. Quand elle verra le jour se lever, le mauvais souvenir l’aura quittée.

Marie regarda Mani droit dans les yeux en l’assurant de la reconnaissance de Rose.

  • Et de la mienne. Peut-être pourrais-je un jour te secourir ?

Mani haussa les épaules ; les Blancs avaient cette manie de vouloir remettre ce qu’on leur donnait, et quand ils apportaient un présent, ils s’attendaient qu’on leur rende la pareille. La plupart étaient possessifs. Mani avait sou­vent vu des femmes se chamailler au marché pour un poisson et des hommes se battre pour conserver un couteau. Mani trouvait les Blancs puérils. Seul Guillaume échappait à cette règle. Et peut-être son ami, ce beau marin qu’elle n’avait jamais revu.

Elle se demanda si Marie le connais­sait. Elle n’y avait jamais pensé avant, mais maintenant qu’elle voyait la jeune

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femme avec Guillaume, elle se rappelait qu’il lui avait dit que Victor était arrivé sur L'Alouette.

  • Tu étais bien sur ce vaisseau ; tu dois avoir vu un homme avec une barbe dorée. C’était un ami de Guillaume, mais il est reparti avant que les arbres rougissent.

  • Victor ? Victor Le Morhier ?

Mani hocha la tête, oui, c’était comme ça qu’Antoine Souci l’avait nommé.

  • Il va revenir ?

Marie fut soucieuse ; si Mani s’imaginait qu elle allait prendre le cœur de Victor, elle serait déçue. Victor reviendrait en Nouvelle - France pour lui remettre le trésor, rien de plus. Il repartirait ensuite sur les mers. C’était son métier, sa vie. Il l’avait assez souvent répété. Durant un instant, Marie se demanda quelle place occuperait Michelle Perrot dans l’existence d’un marin.

  • Il passera un jour par ici. Mais il ne restera pas. Il aime trop naviguer. Il n’est heureux que sur le pont d’un vaisseau.

Marie se remémora le baiser qu’elle avait échangé avec Victor ; il avait eu un regard béat qu’elle ne lui avait jamais vu avant,

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même sur l'Alouette. Que lui arrivait-il donc aujourd’hui pour qu’elle ait toutes ces curieuses pensées ?

Elle ferait mieux d’aller voir Rose. Elle attendit que Guillaume ressorte de la cabane de l’aïeule, mais finit par s’im­patienter et laissa un message pour lui à Mani. Elle était vexée de ne jamais avoir été invitée à pénétrer dans une de ces étranges maisons qui avaient bien quinze toises de longueur et le tiers en largeur. Elle voyait les poteaux courbés, recouverts d’écorce, et se demandait à chaque fois comment était l’intérieur. Où dormaient les Hurons? S’installaient-ils dans un coin pour manger ou changeaient-ils d’endroit au gré de leur fantaisie? M. Chahinian lui avait dit que les femmes mangeaient assises par terre en Espagne, mais elle ne l’avait pas cru. Maintenant qu’elle avait vu des Indiens agir ainsi, elle pensait que l’orfèvre avait dit vrai.

Aurait-elle l’occasion de le lui avouer? Le chevalier ne semblait guère confiant quant au sort qu’avait subi l’orfèvre, même s’il répétait qu’il le verrait bientôt en France

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et lui apprendrait que Marie avait la cou­pelle d'or. Si elle gardait cet objet, ce n’était pas uniquement parce qu’elle considérait que la coupelle gravée d’un soleil avait une grande valeur. Elle avait simplement appris à se méfier des gens. Elle avait beau estimer le chevalier, rien ne lui prouvait qu’il lui disait la vérité au sujet de Guy Chahinian. Il en savait long sur lui, certes, mais était-il vraiment son ami ? Peut-être le fait de pos­séder les deux coupelles lui permettrait-il de le supplanter à la tête de cette fameuse Confrérie de Lumière? Sans se l’avouer, Marie se sentait de plus en plus coupable, à chaque fois que du Puissac en parlait, du destin de Guy Chahinian. A Paris, elle n’avait pu intervenir pour l’aider sans nuire à Simon, mais elle n’entendait pas le trahir une deuxième fois. C’était elle qui lui remettrait la seconde coupelle, à moins que du Puissac ne lui fournisse une preuve de l’amitié qu’il vouait à Chahinian.

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Chapitre 26

M

arie passait devant le fort Saint-Louis
quand deux soldats en sortirent.


L'un battit énergiquement son gros tam-
bour bleu, le second déroula lentement un
parchemin. Il attendit que les habitants qui
s’étaient approchés se taisent et il lut d’une
voix tonitruante qu’en ce jour du 26 avril
1664, le Conseil souverain, afin de prévenir
les risques d’incendie, exigeait des citoyens
qu’ils nettoient les rues de la paille et du
fumier qu’ils y jetaient trop volontiers.


  • Bientôt, ils nous interdiront d’avoir du fourrage dans nos maisons, maugréa Sébastien Liénard.

  • Et des bestiaux ! dit Denis Malescot.

Les citadins se plaignirent de la nouvelle

ordonnance, discutèrent des anciennes, déclarèrent que Saffray de Mézy ne valait pas mieux que Dubois Davaugour, qu’il ne leur demandait jamais leur accord avant de faire voter une loi, puis parlèrent de la pêche quasi miraculeuse de Toussaint et

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Girouard. Ils rentrèrent chez eux tandis que les soldats descendaient à la basse-ville pour répéter l’édit. Marie, rêveuse, les regarda s’éloigner en pensant à Simon. S’il venait la rejoindre au Québec, il porterait un uni­forme semblable aux leurs.

Rue Saint-Louis, Lison s’empressa de sortir afin de savoir ce que signifiaient ces roulements de tambour. Marie la renseigna, ajoutant que cette loi permettrait aussi de diminuer les risques d’épidémie durant l’été.

  • Et les risques de famine ? Il faut bien qu’on mange ! protesta Lison. On devra tout acheter aux colons des alentours de Québec si on ne peut pas garder de bestiaux !

  • Mais personne ne l’a encore interdit.

  • Tu verras ! Enfin... Monsieur va souper chez M. d’Alleret; j’irai chez mon frère. Mais en attendant, on se met en besogne : j’ai reçu des petits poissons, il faut les vider et les saler.

Marie s’assit devant quatre douzaines d’éperlans et, pensant à Boissy, leur arracha les entrailles à petits coups secs, rageurs. Pourrait-elle un jour lui faire payer son affront? Et comment contiendrait-elle son

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envie de lui cracher au visage quand elle le servirait ? Elle regarda le tas de déchets en soupirant; combien de poissons viderait- elle encore avant de pouvoir quitter la rue Saint-Louis ?

Elle évita de regarder Nicolas de Boissy quand il rentra pour se changer avant d aller souper chez son complice et demeura dans la cuisine quand il redescendit de sa chambre. Moins elle le verrait, mieux ça vaudrait! Lison, elle, semblait multiplier les occasions de se trouver en présence de son maître; Marie avait trouvé fort opportun quelle décide de la remplacer pour servir à table. Elle préférait récurer dix chaudrons plutôt que subir les sourires narquois de Nicolas de Boissy.

Après le départ de Lison et de son maître, Marie enveloppa les racines de sang- de-dragon dans son mouchoir, attrapa son manteau quelle boutonna de travers et se rendit chez Eléonore de Grandmaison pour voir Rose. Juste avant, elle s’arrêta au cabaret où elle espérait trouver Guillaume ; il y eut des rires étouffés quand Marie fit signe à Guillaume de la suivre à l’extérieur

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du cabaret. A sa grande surprise, il lui reprocha d’être venue.

  • Vous manquez de bon sens. Vous ne cessez de répéter que vous voulez être sage- femme. Croyez-vous qu’on vous approu­vera de courir un homme à l’auberge ? Vous perdez la tête ! Vous jouez votre réputation pour quelques livres. Je vous croyais plus sensée ! Rentrez chez vous, je vous verrai demain midi. N’ayez crainte, je vous paierai ce que je vous dois encore.

Guillaume Laviolette salua sèchement Marie et poussa la porte du cabaret; il n’aimait pas se conduire ainsi mais elle ne lui avait pas laissé le choix. Guillaume rit des plaisanteries des clients du cabaret même s’il était troublé par l’attitude de Marie. Et si elle voulait vraiment l’épouser comme on le lui serina toute la soirée? Avait-elle menti en disant quelle avait parlé de lui pour éviter d’avoir des soupirants ?

Ça, non ! Il lui avait acheté ses maudites peaux, mais il ne lui passerait pas la bague au doigt. Ni à elle ni à aucune autre. Jamais. Il aurait pourtant juré, lorsqu’il l’avait retrouvée au quai de Champlain, qu’elle

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n’était pas attirée par lui. Elle s’était jetée dans ses bras avec le naturel d’une sœur, d’une vieille amie.

  • Tu as bien de la chance, fit Michel Dupuis. C’est la plus belle fille du pays !

  • Et point sotte! renchérit Horace Bontemps. Sans elle, je boiterais peut-être. Aubergiste ! Un pichet de marennes à la santé de Marie LaFlamme.

Guillaume répéta vainement qu’il n’y avait aucun projet entre Marie et lui. On lui lançait des clins d’oeil, on lui donnait des coups de coude, Dupuis lui paya un pot après Le Duc et Malescot l’imita ensuite. On lui fit conter sa course, on lui demanda s’il avait vu Robert Hache chez les Algonquins, on voulut savoir si les Indiennes étaient aussi chaudes que bien des coureurs le pré­tendaient et comment il pensait s’habituer à une vie de colon.

Quand il quitta le cabaret, Guillaume était décidé à partir dès le lendemain pour Trois-Rivières. Il expliquerait à Marie que son attitude envers lui pouvait avoir des consé­quences insoupçonnées s’il restait à Québec.

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Marie n’était pas chez Boissy quand Guillaume s’y présenta dans la matinée. Lison lui apprit qu’elle avait quitté la maison une heure plus tôt pour voir Mme de Grandmaison et que M. de Boissy était mécontent de son absence.

  • Puisqu’elle vous écoute, dites donc à votre amie de montrer plus de respect envers son maître, dit Lison. Monsieur, qui a été si patient, est bien mal récompensé.

Fuyant les doléances de la domestique, Guillaume Laviolette descendit chez Eléonore de Grandmaison. En regardant le fleuve du haut de la côte de la Montagne, il regretta de quitter Québec si rapide­ment. Mais comment agir autrement? S’il restait, on attendrait de lui qu’il courtise Marie LaFlamme. S’il l’évitait, on plain­drait autant Marie qu’on la critiquerait et leur amitié serait irrémédiablement gâchée. S’éloigner quelques semaines lui semblait une bonne solution; on aurait oublié l’in­cident quand il reviendrait. L’arrivée des navires tant attendus aurait assurément dis­trait les esprits.

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Eléonore de Grandmaison accueillit cha­leureusement le coureur de bois mais il lui trouva un air si angoissé qu il l’interrogea.

  • C’est Rose. Marie est auprès d’elle. Je l’ai trouvée si pâle ce matin que j’ai fait quérir notre chère guérisseuse.

Guillaume ne posa aucune ques­tion, au grand soulagement de Mme de Grandmaison. Même si Marie lui avait dit que Rose souffrait simplement de dévoie- ments, elle ne pouvait s’empêcher de croire que Rose avait voulu mourir. C’était un péché mortel mais sa jeune servante ne méritait pas d’être punie après toutes ces souffrances. Marie avait promis qu’elle la sauverait ; il fallait lui faire confiance sans chercher à en savoir davantage.

Guillaume tendit dix livres à son hôtesse en la priant de les donner à Marie.

  • Je dois repartir pour Trois-Rivières et Ville-Marie. Vous lui direz que je serai de retour avant l’été.

  • Attendez ! Je vais aller l’avertir !

  • Non, c’est inutile, dit vivement Guillaume qui était heureux d’échapper à une explication avec Marie.

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Il sortit avant qu’Eléonore de Grandmaison ait eu le temps de réagir. Elle songea que les relations entre Marie et le coureur de bois étaient étranges, puis elle retourna à la cui­sine pour voir si Rose reprenait vie.

Marie rassura Eléonore de Grandmaison ; Rose devrait simplement se reposer quel­ques jours. Si elle était sauvée, pourquoi Marie semblait-elle découragée? Eléonore de Grandmaison lui offrit du vin de cenelle. Quand Marie passa près de la fenêtre, son hôtesse fut frappée par la maturité qu elle avait acquise depuis son arrivée à Québec ; sa beauté s’en trouvait accrue. L’œil était plus grave, la bouche moins capricieuse, les attitudes moins enfantines. Mme de Grandmaison se demanda si elle n’ajoute­rait pas foi aux ragots concernant Marie et Guillaume ; l’homme qui avait vaincu les loups avait peut-être pris la fuite devant la Renarde... Elle laissa Marie siroter tranquil­lement sa boisson avant de lui transmettre le message de Guillaume Laviolette.

  • Il est parti ? dit Marie bêtement. Mais il m’avait dit...

  • Il a promis de revenir avant l’été.

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Marie regarda son hôtesse avec un effare­ment qui émut cette dernière. Quand, pour la réconforter, Eléonore de Grandmaison lui répéta que Guillaume serait de retour à la fin de mai, Marie la repoussa en disant quelle devait revoir sa malade avant de quitter la rue Saint-Pierre.

Tandis quelle regardait Rose dormir, Marie s efforçait de se calmer : elle trouve­rait une solution à ses tracas sans laide de quiconque! Et elle garderait les dix-huit livres de Guillaume pour les lui jeter à la figure dès son retour. Comment avait-il pu s’enfuir ainsi? Etait-il assez sot pour croire quelle voulait l’épouser? Elle lui parlerait de Simon Perrot, tiens ! Elle lui dirait qu’il ne passait pas sa vie à errer dans les bois, qu’il était mousquetaire du Roi et viendrait la chercher en Nouvelle-France. Oui, monsieur Laviolette ! Elle n’avait besoin de personne ! Sa colère fît place à la pitié quand Rose gémit. Celle-ci avait vomi mais n’avait pas perdu de sang; la racine abortive n’avait pas fait son effet. Rose était toujours enceinte ; elle devait maintenant le lui apprendre. Lui apprendre aussi qu’elle ne tenterait rien d’autre.

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Rose écouta Marie sans manifester d’éton- nement. Elle toucha son visage, sa tache de vin.

  • Je n’ai jamais eu de chance. Je me suis imaginé que ce serait autrement dans un pays nouveau, mais quand le Malin ta marquée...

Marie frémit; Rose s’exprimait de la même manière que la Boiteuse. Elle revit Anne LaFlamme qui tentait de la défendre alors qu’on la battait à mort. Elle se sou­venait de sa misérable dépouille exposée sur la place publique et des Nantais qui venaient regarder les restes de la sorcière. Rose croyait-elle être possédée ? Marie lui dit d’une voix indignée que le Diable n’était pas celui qui l’avait affublée d’une tache, mais celui qui l’avait violée.

  • Peu importe qui c’est, je ne pourrai rester, murmura Rose. Je devrai rentrer en France. On ne garde pas ici les filles de mauvaise vie... Là-bas, je raconterai que je suis veuve, que mon mari a été tué par les Sauvages.

  • Ah, non ! Pas toi ! Tu sais très bien que ce n’est pas un Indien qui t’a attaquée !

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  • Mais personne ne le croit...

Marie quitta Rose avec le sentiment que la vie n’était qu’injustice et qu’elle n’y changerait rien si les plantes même la tra­hissaient. Elle faillit jeter les racines de sang-de-dragon qui lui restaient, mais elle se souvint qu’elles lui étaient bien utiles comme vomitif. En remontant la côte de la Montagne, elle s’arrêta au cimetière, retourna à l’endroit précis où elle avait découvert Rose et y resta un long moment, espérant qu’un détail surgirait dans sa mémoire et lui permettrait de deviner qui était le criminel. Le bouton ne lui avait pas été d’une grande utilité. Elle renonça en entendant sonner midi ; Lison et Fouquet allaient encore se plaindre de son absence. Comme elle avait hâte que les vaisseaux mouillent dans le port de Québec! Il y aurait bien quelqu’un pour apprécier ses talents !

Elle songea que Rose s’embarquerait probablement sur ce navire pour rentrer à Paris. « C’est de là que je viens, avait-elle dit. J'y travaillerai encore ; il y a toujours de l’emploi pour une femme du monde. »

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Marie avait failli lui demander si elle n’avait pas vendu ses charmes à un soldat nommé Perrot puis elle s’était ravisée : pourquoi Simon aurait-il payé une femme alors qu’il pouvait tout obtenir avec un sourire ? Elle avait promis à Rose de garder le secret sur son passé, mais Rose n’avait pas semblé l’entendre; elle regardait son ventre et se disait que l’enfant qu’elle portait n’aurait pas une vie plus gaie que la sienne. Elle serait bien obligée de l’abandonner pour travailler...

* * *

  • Marie ! Venez vite ! cria Agathe Souci. Chez Eléonore de Grandmaison. C’est encore Rose ! Elle est bien pis que la dernière fois !

Marie qui écoutait une élève des Ursulines lui donner des nouvelles de sœur Sainte-Blandine, laissa tomber son panier de morues et courut vers la place publique.

  • Il y a du sang partout ! glapit Agathe Souci. Elle va mourir, pour sûr. C’est ce qu’elle voulait !

Marie poussa la porte d’Eléonore de Grandmaison sans frapper et se rua dans

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la cuisine. Rose gisait sur le sol dans une mare de sang, mais elle n’avait aucune blessure apparente ; elle n’avait pas tenté de se tuer. Elle avait fait une fausse couche. La nature réussissait où la tisane abortive avait échoué quinze jours plus tôt. Marie prit les linges que lui tendait Eléonore de Grandmaison ; cette dernière était l’image même de l’anxiété.

  • Elle était grosse, c’est ça? Que va- t-elle devenir maintenant? Pauvre fille !

Marie épongea le sang, pressée de savoir si l’hémorragie continuait. Elle fut soulagée de constater que le sang qui barbouillait le ventre de Rose était déjà froid. Marie appuya un linge entre les cuisses de Rose.

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