Marie LaFlamme Tome 2



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  • Ne bouge pas, garde tes jambes ser­rées. Il te faut une pessaire.

Se félicitant de toujours avoir sa besace avec elle, Marie tira un sachet de la lon­gueur d’un doigt. Elle souhaita que les pou­dres et les graines qu’il contenait fassent leur office et empêchent le sang de couler de nouveau.

Mme de Grandmaison se pencha près de Rose et lui tendit un flacon d’eau-de-vie.

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Rose avala une longue gorgée qui trahissait l’habitude quelle avait prise à Paris de boire pour se donner le courage d’aborder le client, puis elle referma les yeux, presque soulagée : tout était terminé maintenant, chacun sau­rait qu’on avait abusé d’elle et qu’elle avait porté l’enfant d’un criminel. Elle sentit que Marie lui écartait les jambes et poussait déli­catement un morceau de tissu dans son sexe, mais elle garda les yeux clos.

Marie lava Rose, la changea de chemise et l’allongea sur sa couche tandis que Mme de Grandmaison allait chercher une couverture supplémentaire ; la malade gre­lottait, épuisée.

Eléonore de Grandmaison expliqua à Marie qu’elle voulait bien aider Rose mais Agathe Souci était chez elle quand Rose s’était effondrée en se tenant le ventre.

  • C’est fini pour elle, dit Marie, les larmes aux yeux. Chacun saura qu’elle était grosse, mais personne ne croira que c’est Denis Malescot qui... La plupart diront que c’est un Indien qui l’a violée. D’autres pré­tendront que Rose était une femme trop chaude.

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  • Mais c’est faux! Je connais Rose. C est une brave fille. Elle ne court pas les hommes ! On aura abusé d elle après lavoir assommée !

Marie regarda par la fenêtre ouverte le petit attroupement qui s’était formé autour d’Agathe Souci. La journée s’annonçait pourtant si belle ! Le printemps était enfin arrivé. La neige fondait à vue d’oeil et, même si les rues étaient aussi boueuses et sales qu’à Paris, on respirait à pleins poumons l’air pur du fleuve. L’écorce des arbres était plus claire, luisante, les branches souriaient d’un vert tendre qui attirait les corneilles. Elles croassaient d’aise et les poules leur répon­daient en caquetant avant de s’échapper chez un voisin. Les chiens les ramenaient alors en jappant joyeusement, puis tachaient les jupes des habitantes en s’ébrouant. Des enfants riaient, applaudissaient mais leurs mères ne les grondaient pas, trop contentes de sortir sans capuche et sans manteau. Le soleil avait la force de la jeunesse, il irradiait avec insolence, mais n’avait-il pas triomphé des ténèbres hivernales? Québec s’épanouis­sait sous les caresses de ses rayons ; pourquoi

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avait-il fallu que Rose porte en elle les plus mauvais souvenirs de l’hiver? Dieu faisait bien mal les choses : la femme de Boulet était stérile et s’en désolait, celle de Picot était morte sans enfants, tandis que Rose avait été engrossée par un monstre, un jour de gel, dans un cimetière.

Un monstre. Pas un Indien. Marie faillit parler du bouton. Mais si Eléonore de Grandmaison la croyait, qui d’autre à Québec ajouterait foi à cette histoire? Rose n’avait pas vu son agresseur. On dirait quelle avait trouvé le bouton sur place et tout inventé. Rien ne prouvait, hormis sa parole, quelle l’avait arraché à son violeur.

  • Ah ! fit Mme de Grandmaison, Agathe Souci se détache du groupe... Elle vient aux nouvelles ! Que vais-je lui dire ?

  • Que vous gardez Rose à votre ser­vice. Car vous la garderez, n’est-ce pas ? Les bigotes s’étoufferont mais les femmes de cœur vous approuveront.

Eléonore de Grandmaison se recueillit un instant sous le crucifix qui couronnait la porte et sortit avec beaucoup de dignité. Marie la suivit, dévisageant les habitants un




à un, cherchant désespérément à deviner si l’homme qui avait attaqué Rose se trou­vait parmi la foule. On la questionna, elle répondit que Mme de Grandmaison avait tout dit.

  • Rose s’est trouvée mal, mais elle va mieux.

  • Elle a péché, dit quelqu’un. Et a été punie.

Marie reconnut la voix de Paul Fouquet ; elle s’emporta.

  • Elle n’a pas péché ; c’est celui qui l’a forcée qui mérite un châtiment.

  • Ah ! Elle a donc été souillée ! triompha Fouquet.

  • Je ne l’ai pas touchée, protesta Denis Malescot en s’avançant, blême, vers Marie LaFlamme. C’est donc vrai ce qu’on m’a dit ? Rose a... Je la respectais, je vous le jure !

  • On vous croit, Denis Malescot, dit Eléonore de Grandmaison. Rose veut vous voir.

  • Pas moi ! Je ne veux plus lui parler !

Marie allait rétorquer, quand des cris

venant de la rue Notre-Dame l’alertèrent. Toutes les têtes se tournèrent vers Lison

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qui accourait, sans fichu, sans même une écharpe, si bouleversée quelle ne put dire un mot avant un long moment. Elle finit par bredouiller «De... de Boissy, arr... arrêté » puis se mit à pleurer.

Le cœur battant, Marie eut l’impression que tous les colons la regardaient, lisaient en elle, devinaient quelle avait fait chanter Boissy. Elle aurait voulu interroger Lison mais aucun son ne franchit ses lèvres. Fouquet s en chargea.

  • Que nous contes-tu là? Monsieur a été arrêté? Il s est encore battu en duel, c’est ça?

Lison secoua la tête : non, il avait été appréhendé juste après M. d’Alleret. L’officier avait dit que celui-ci l’avait dénoncé comme complice dans un trafic d’eau-de-vie.

  • Je le savais ! clama Antoine Souci. Tout cet argent qu’il avait alors qu’il perdait au jeu !

Des rumeurs indignées s’élevèrent dans la foule ; bien des colons avaient envie de châtier eux-mêmes les gentilshommes. Après avoir supporté durant des mois leur arrogance et leur oisiveté, on leur disait que d’Alleret et Boissy mettaient de surcroît leur vie en péril? Ils vendaient de l’alcool aux

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Sauvages, les attiraient, les enivraient sans se soucier des conséquences ?

  • C est un Sauvage saoulé par Boissy et d’Alleret qui a attaqué Rose ! déclara Horace Bontemps.

  • Et qui a scalpé et égorgé Suzanne Dion. Et Madeleine Faucher.

  • Où sont-ils ? demanda Bontemps à Lison.

  • Au fort Saint-Louis.

  • Tu n’as rien vu de ce trafic ? dit-il, soupçonneux.

Lison gémit quelle n’était qu’une pauvre cuisinière qui obéissait à son maître et qu’elle n’avait jamais aperçu de Sauvages rue Saint-Louis.

  • Et toi, Fouquet ? fit Michel Dupuis. Tu n’as rien deviné ?

  • Non. Notre maître devait faire son trafic les soirs où il nous donnait congé. Il nous forçait quasiment à sortir; il nous donnait de l’argent pour qu’on s’amuse. N’est-ce pas, Marie ?

Tous les regards se tournèrent vers la jeune femme, qui confirma les dires de Paul Fouquet.

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  • Boissy nous payait bien.

  • Facile ! ironisa Souci. Avec tout l’ar­gent que lui rapportait son trafic ! Allons au fort ! Je veux le voir menotté !

Le cordonnier, qui avait souvent perdu aux dés avec Nicolas de Boissy ou d’Alleret, sautillait d’excitation ; tous ceux qui avaient été humiliés à un moment ou l’autre par les gentilshommes ne tardèrent pas à l’imiter. Fouquet déclara qu’il avait été abusé par Boissy et voulait le lui faire payer ; il prit la tête de la colonne qui s’était spontanément formée et ordonna d’un ton martial qu’on se dirige vers le fort pour voir les scélérats.

Malgré sa crainte qu’on ne découvre la vérité à son sujet, Marie suivit la foule. Elle devrait faire face à Boissy tôt ou tard ; autant le rencontrer maintenant, alors qu’il était sous le choc de son arrestation. Allait- il parler d’elle ?

Plus elle s’approchait du fort, moins elle tremblait; elle comprenait qu’il n’avait aucune preuve contre elle. Aucune! Elle avait vendu ses fourrures au coureur ! Merci, Guillaume ! Quant à l’argent des gages, elle soutiendrait que Victor Le Morhier le lui

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avait donné avant de s’embarquer. Personne ne pourrait prouver le contraire.

Seulement, si elle ne suivait pas Boissy en prison pour chantage, il lui restait le même problème à régler : où aller ?

Tout était calme au fort Saint-Louis. A la grande déception de Souci, les soldats qui gardaient le fort refusèrent de commenter l’arrestation des gentilshommes. Fouquet fit signe à Marie et à Lison de le suivre et il s’avança vers un des gardes.

  • C’est notre maître. Peut-on retourner chez lui? Doit-on prendre nos affaires?

Lison pleurait à chaudes larmes, déçue d’avoir cru en l’amitié de Nicolas de Boissy; il n’avait pas songé une minute à l’humi­liation à laquelle il allait l’exposer du fait d’être arrêté. Qui voudrait d’une cuisinière qui a travaillé chez un criminel ?

  • Qu est-ce qu’on va devenir? se lamenta- t-elle en martelant la poitrine du soldat.

Il la repoussa mais dit à son collègue d’aller prévenir les autorités. Devait-on arrêter aussi les domestiques du baron de Boissy?

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Chapitre 27

arrivée du Noir-d’Hollande, ce 25 mai 1664, relégua la double arrestation des gentilshommes et la fausse couche de Rose à l’arrière-plan de l’actualité. La semaine pré­cédente, le procureur du Roi avait déclaré que les trafiquants seraient condamnés à de longues peines d’emprisonnement, ce qui avait suscité la colère de bien des colons. On avait arquebusé deux hommes, trois ans auparavant, pour le même délit, pourquoi la justice se faisait-elle plus clémente pour Boissy et d’Alleret? Certains disaient qu’ils seraient renvoyés en France pour y purger leur peine. Antoine Souci prétendait qu’ils seraient incarcérés à la Bastille, où ils pour­raient recevoir parents et amis et même avoir des domestiques. Il avait incité Marie et Fouquet à témoigner contre leur maître, mais ceux-ci avaient refusé de se mêler davantage à l’affaire. Les membres du Conseil souve­rain qui avaient entendu leurs dépositions les avaient trouvées étrangement succinctes ;

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ils avaient cru que les domestiques du baron de Boissy se taisaient par crainte quon ne leur ôte les gages qu’il leur avait versés. Il en avait d’ailleurs été question puisque cet argent provenait du trafic d eau-de-vie. Mais Mgr de Laval avait fait remarquer qu’agir ainsi serait considérer Fouquet, Lison et Marie comme des complices. Ce dont on n’avait aucune preuve. Il avait su que Marie voyait souvent ce libre penseur de du Puissac mais mère Catherine de Saint-Augustin et mère Marie de l’incarnation avaient dit d’elle le plus grand bien ; il avait renoncé à l’inter­roger plus longuement. Peut-être en savait- elle plus quelle ne l’avait avoué, elle avait dû entendre son maître parler avec d’Alleret, mais elle n’avait pas vendu d’eau-de-vie aux Sauvages et n’avait touché aucun argent. On lui avait dit cependant qu’on la tiendrait peut-être coupable, ainsi que Fouquet et Lison, d’avoir soupçonné Boissy de gestes illégaux et de ne pas avoir exigé une enquête à son sujet. Marie avait rétorqué quelle avait demandé plusieurs fois une audience auprès du Conseil souverain et qu’on la lui avait toujours refusée.

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  • Vous vouliez nous parler d’une bou­tique, avait protesté un des conseillers.

  • Oui, mais je vous aurais fait part de mes soupçons alors. Je ne pouvais pas dire au soldat qui garde la porte que je voulais vous voir pour dénoncer mon maître. Si on l’avait su et que je me sois trompée, j’aurais été renvoyée.

Les membres du Conseil souverain avaient flairé une entourloupe, mais ils avaient déjà assez à faire avec Boissy et d’Alleret sans s’in­téresser davantage aux serviteurs.

Ils se réjouissaient autant que les colons de la distraction causée par l’arrivée du vais­seau le Noir-d’Hollande. Parti de Dieppe, ce bateau transportait cinquante hommes, une femme, six brebis, quarante haches et dix barriques d’eau-de-vie. Jeanne Mance et le sieur André, de Montréal, étaient à son bord. Marie, soulagée que le vais­seau ne soit pas venu de Nantes, bouscula bien du monde sans réussir à apercevoir cette femme dont sœur Sainte-Blandine lui avait parlé avec admiration. Dépitée, elle s’approcha de la rade pour scruter le Noir-d’Hollande; il était aussi massif que

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l'alouette mais sa quille était plus longue et la surface de sa voilure plus importante. Il devait être aisé à manœuvrer. Marie repensa au capitaine Dufour, qui n’admet­tait pas qu’on critique son Alouette et qui pourtant blasphémait contre sa lenteur à bouger. Elle éprouvait un sentiment de sûreté teinté de mélancolie en regardant le vaisseau; le Noir-d’Hollande n’amenait pas seulement de nouveaux colons et quelques animaux, il apportait l’odeur de Dieppe, un mélange d’iode, de bois mouillé et de calfat, il ressuscitait l’image du port, le va-et-vient des regrattiers, des marins, des avitailleurs, des inspecteurs, les journées de chargement des canons, les nuits d’ivresse et d em­bauché forcée, les claquements de sabots des marchandes de poisson : « merlan, tout le temps», «morue des Terres-Neuves», les cris des mouettes qui harcelaient les pêcheurs et les rires des femmes qui agui­chaient les matelots. Marie secoua cette nostalgie qui menaçait de lui gâcher sa journée et rejoignit les nouveaux arrivants ; ils étaient en bien meilleure forme qu’elle ne s’y attendait car le trajet de mer s’était

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effectué plus rapidement que prévu. Elle fut quelque peu contrariée que personne n’ait besoin de ses services, mais sourit à chacun et vit le désir s’allumer dans les yeux de plu­sieurs hommes. Un, en particulier, qui se décida à l’aborder.

  • Seriez-vous Marie LaFlamme? La jeune femme hocha la tête.

  • Le capitaine a une lettre pour vous. C’est Victor Le Morhier qui me l’a remise à Paris en apprenant que je m’embarquais à Dieppe.

  • Quoi ? ! Où est le capitaine ? Vous avez vu Victor ! Quand ? Il va bien ?

Alphonse Rousseau posa une main sur l’épaule de Marie pour la calmer, mais elle continua à trépigner.

  • Je veux voir le capitaine ! Il a une lettre pour moi.

  • Il se prépare à recevoir la bénédic­tion de Mgr de Laval. Prétendrais-tu le voir avant notre évêque ?

Marie haussa les épaules, boudeuse, mais se dirigea vers le cortège qui entourait François de Montmorency-Laval. Il avait revêtu des habits d’apparat pour accueillir

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le premier navire de l’année à mouiller dans les eaux de Québec et la cérémonie s’éter­nisa. Heureusement qu’il n’y avait pas plus d’une cinquantaine de colons, car l’évêque prit la peine de les bénir un à un !

  • Quand as-tu vu Victor ? dit Marie au matelot.

  • Juste avant de partir pour Dieppe. Je... j’aime assez jouer. J’ai rencontré ton Victor à La Croix de Lorraine; il était avec un nommé Cléron qui m’a tout pris. Il ne me restait que ma chemise ! Quand je me suis plaint que je partais pour Dieppe sans même un manteau, Victor s’est entendu avec son Cléron pour effacer une partie de ma dette à la condition que je t’apporte sa lettre.

  • Pourquoi l’as-tu confiée au capitaine? s’énerva Marie.

  • Victor me l’a demandé, par respect pour le capitaine. Marie soupira; Victor serait donc toujours aussi sérieux?

  • Que faisait-il à Paris ? Pourquoi n’est- il pas venu avec toi ? Le matelot haussa les épaules.

  • Il ne m’a pas conté sa vie ! Mais j’ai compris qu’il restait à Paris à cause de sa

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tante. Ça ne lui plaît pas... Il m’enviait de partir ! Il disait qu’il était prêt à sauter dans une des gabares qu’on voit sur la Seine ! N’importe laquelle !

Pater noster, qui es in caelis, sanctificetur nomen tuum ad veniat regnum tuum...
quelle voix ! Mgr de Laval avait obtenu le silence dès les premiers mots de la prière ; chacun s’était docilement agenouillé pour écouter l’évêque même si les abords du quai de Champlain étaient humides de la pluie qui était tombée la veille. Tant pis pour les jupes et les pantalons ; personne n’avait envie de se distinguer en demeu­rant debout. Marie fut une des premières à s’exécuter; plus vite on aurait récité la prière, plus vite elle réclamerait sa lettre au capitaine.

Amen. Enfin !

Marie vit Jeanne Mance et le capitaine échanger quelques mots avec l’évêque mais elle ne l’intéressait plus autant. Aurait-elle enfin des nouvelles de Simon ? Voilà un an, presque jour pour jour, qu’elle l’avait vu, cachée dans un recoin de l’apothicairerie. Pensait-il à elle comme elle pensait à lui ?

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Avait-il compris l'erreur qu’il avait commise d’épouser une femme qu’il connaissait à peine ? Acceptait-il de venir la rejoindre en Nouvelle-France ?

Marie dut attendre que le capitaine ait donné ses ordres à l’équipage, parlé aux mem­bres du Conseil souverain, aux recruteurs et aux marchands des engagés qui quittaient le Noir-d’Hollande
, conversé avec les notables de Québec. Parmi eux, M. de La Tesserie, accom­pagné de son épouse. Marie ne balança guère, Eléonore de Grandmaison allait l’introduire immédiatement auprès du capitaine.

Mme de Grandmaison consentit à aider Marie ; celle-ci reçut la précieuse lettre sans remarquer l’étonnement des gens alentour. On croyait Marie promise à Guillaume Laviolette mais elle n’aurait pas arraché la missive des mains du capitaine comme elle l’avait fait si elle n’avait pas attendu des nouvelles d’un galant. Il avait fallu que le capitaine la retienne par le poignet pour lui remettre la petite bourse et le tabac pour Guillaume que Victor avait joints à son envoi. Mme de Grandmaison se souvint du Nantais et s en informa :

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