404 la norme linguistique l'occultation du caractère maternel de la langue nationale


Sur la nécessité de stabilité d'une langue standard



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Sur la nécessité de stabilité d'une langue standard

Vilém Mathesius*

Au cours des débats qui sont de mise actuellement tendant à distinguer « le bon tchèque » de ce qui ne l'est pas, on fait l'erreur de traiter le problème isolément. Or, il est clair que la problématique de la correction linguistique fait partie d'une problématique plus large - et partant super-ordonnée - qui est celle du niveau de développement linguistique. On ne peut objectivement évaluer les efforts visant à la correction linguistique qu'en les intégrant à la somme des travaux nécessaires pour atteindre à la fois un niveau supérieur de développement et un enrichissement culturel du langage. Qu'entend-on par « haut niveau de développement linguistique »? Toute langue est un système, un ensemble de moyens d'expression. C'est un instrument dont la valeur se mesure à la façon plus ou moins satisfaisante qu'il a d'atteindre ses objectifs.

La langue standard cultivée est un instrument très précis qui accomplit fort bien chacune de ses multiples fonctions. Elle exprime avec précision, complètement et clairement, les observations et les pensées les plus subtiles et se fait l'interprète fidèle des sentiments et de toute mélodie que le locuteur ou l'écrivain veut rendre. La langue standard est en accord avec les intentions de qui sait s'en servir, elle ne s'y oppose pas par de fausses associations ou des nuances plus ou moins stridentes. Comme on le voit, c'est à l'usage que se manifeste le haut niveau de développement linguistique. Par conséquent, une analyse plus approfondie révélera que ses éléments constituants devront être d'ordre pratique et gouvernés par des principes d'efficacité.

En ce qui concerne la correction linguistique, on trouve en Tchécoslo­vaquie, inspirant les tendances correctives et les disputes qui ont surgi à ce sujet, l'idée que la correction linguistique se confond avec la pureté histo­rique de la langue. Selon les puristes, les seuls éléments valables, sans possibilité de doute, dans le tchèque standard actuel sont ceux que l'on retrouvait déjà dans la langue avant même le début du XVlle siècle, et cela

* Vilérn Mathesius, « O pozadavku stability ve spisovném jazyce [Sur la nécessité de stabilité d'une langue standard] », in Bohuslav Havrânek et Milbs Weingart (sous la direction de), Spisound cëstina a jazykoud kultura (Le tchèque standard et la culture de la langue], Prague, Melantrich, 1932, pp. 1431. Traduit par Paul L Garvin.

LA NORME LINGUISTIQUE



-mutatis mutandis - uniquement sous la forme et avec la fonction cou­rantes à cette époque. On pourrait donc dire que, pour ces éléments, le critère le plus important et le plus décisif est la conformité de l'usage actuel à l'usage courant avant le début du XVIie siècle. Bien souvent les puristes optent en faveur de l'usage ancien, même dans le cas où l'usage actuel n'en diffère que par des changements normaux dans l'histoire de n'importe quelle langue. . . Pour la même raison, les tenants du tchèque standard pur n'acceptent qu'un nombre restreint d'expressions récemment formées par imitation de mots et de locutions employés couramment en Europe occi­dentale. Ils les déclarent incorrects même s'il est très difficile, voire même impossible, de les remplacer par des expressions exactement équivalentes empruntées au tchèque du passé.

Quel est le rapport entre cette conception de la correction linguistique et la notion de haut niveau de développement linguistique dont nous avons parlé ci-dessus? Le concept super-ordonné englobant celui de la correction linguistique peut servir de base pour évaluer avec sûreté le concept subor­donné. Pour que la réponse à cette question soit juste, il faut, à l'opposé des puristes, sortir du cercle étroit des querelles domestiques; nous devons, au contraire, faire le tour des grandes langues de civilisation. On découvre alors avec surprise que la pureté historique n'a rien à voir avec le niveau de développement linguistique. Le manque de pureté ne constitue pas un empêchement à un développement linguistique supérieur, en revanche, la pureté ne le garantit pas à elle seule. L'allemand, par exemple, respecte la pureté historique dans une mesure incomparablement plus grande que ne le fait l'anglais. Les structures morphologique et syntaxique du passé y sont mieux conservées et le vocabulaire, beaucoup plus traditionnel. Du point de vue de la pureté historique, l'anglais est une véritable macédoine. Et pourtant, en tant que langue, cet assemblage disparate atteint un niveau de développement linguistique égal sinon supérieur à celui de l'allemand, en dépit de la pureté historique des racines germaniques de ce dernier. Quiconque a étudié les langues romanes sait que le latin qui leur a donné naissance est déformé et impur par rapport au latin classique. Et pourtant, cette impureté historique n'a pas empêché le français (qui, à l'époque, contenait déjà beaucoup de déformations et d'éléments étrangers) de devenir, dès le Me siècle, la langue standard la plus développée d'Europe occidentale. On ne peut donc pas dire qu'il y ait une relation de cause à effet entre la pureté historique et un haut niveau de développement lin­guistique. La question n'est pas de savoir si la langue emploie uniquement des mots, des tournures, des formes ou des constructions dont on peut démontrer l'existence à des époques antérieures de son développement, ou si elle les emploie dans la forme et dans le sens qui étaient valables il y a des siècles, avant que la langue soit sérieusement atteinte par les influences étrangères. Son niveau de développement est fonction de la façon dont elle a été élaborée en tant que langue familière, littéraire, philosophique ou scientifique.

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Voilà qui nous donne une idée précise du rapport entre le niveau de développement d'une langue et sa pureté historique. Pourtant, si nous re­fusons l'hégémonie de la pureté historique comme critère d'identification du bon langage, cela ne veut pas dire que l'unique solution soit la licence et l'arbitraire complets en matière de langue. Toute culture est un système ordonné et dans toute langue de civilisation règne un principe d'ordre. Le but est de découvrir cet ordre et la façon de l'atteindre. En y réfléchissant, on découvre que l'essence de l'ordre dans cette relation comporte trois éléments. On ne peut guère la restreindre à un élément isolé et complet en soi, puisqu'il s'agit toujours d'un tout solidaire dont les termes corrélatifs sont dans un rapport déterminé par un principe d'organisation donné. L'idée d'ordre suggère une notion de stabilité, mais une stabilité dépourvue de rigidité ou d'immobilité. On peut résumer la question en disant que le principe d'ordre est constitué par la stabilité flexible d'un tout solidaire organisé en système. Dans le cas de la culture du bon langage, ce principe général donne naissance à l'exigence, très importante, de stabilité flexible. L'idée n'est pas nouvelle. Nous l'avons déjà formulée au début de cette étude lorsque nous avons comparé une langue hautement développée à un instrument dont nous sommes en droit d'attendre beaucoup. Les valeurs expressives d'une langue de civilisation doivent être stabilisées. II est inac­ceptable qu'un mot, une locution, une forme ou une construction utilisés dans un même contexte et ayant une même fonction soient jugés tantôt acceptables et tantôt impropres. Lorsque les critères d'évaluation sont soumis à pareilles variations, on ne peut guère parler d'un haut niveau de déve­loppement linguistique. Une langue soumise à de telles fluctuations de jugement devient un instrument peu défendable, car - pour reprendre une formule déjà employée - elle peut contrarier les intentions de celui qui l'utilise par des nuances ou par des associations désagréables. Il faut donc s'efforcer de réaliser la stabilité de l'usage linguistique et l'observer lorsque la langue l'a déjà assimilée ou réalisée dans la mesure du possible. Ce qui précède fixe l'un des buts de la culture du bon langage. On voit la nécessité d'une nomme codifiée pour l'usage pratique de la langue, et l'on peut re­prendre l'idée de la correction linguistique mais en fonction, cette fois, de l'observation d'une norme codifiée, exigence d'une nature différente de celle de la pureté historique.

L'importance réelle et l'envergure de ces principes ne se révéleront dans leur intégrité que dans leur application à des problèmes concrets. Sous ce rapport, non seulement la langue tchèque nous est-elle la plus proche, mais encore constitue-t-elle un matériau exceptionnellement instruc­tif C'est une langue standard au passé relativement récent qui, contrairement à d'autres, ne s'est pas développée à partir d'un dialecte de classe local mais par l'introduction d'une langue élaborée partiellement sur l'exemple d'une langue standard du passé, presque disparue. On peut donc affirmer, dans un sens, que cette langue est artificielle dans sa morphologie archaï­sante. Son vocabulaire l'est aussi, ayant été complété par des créations dont l'origine repose sur des modèles étrangers. L'élaboration d'une conscience

LA NORME LINGUISTIQUE



linguistique pour la nouvelle langue standard tchèque s'avérait donc né­cessaire, alors qu'elle va de soi chez les nations jouissant de maturité culturelle grâce à la longue tradition de standardisation de leur langue ou au lien étroit qui existe entre la langue standard et un certain dialecte de classe déjà existant. Cette tâche était d'autant plus difficile qu'il fallait provoquer cette nouvelle conscience linguistique alors que les classes sociales de notre nation étaient secouées par des transitions et des bouleversements continus. Dans une large mesure, et cela mérite d'être fortement souligné, la conscientisation a été réalisée avec succès. Le tchèque standard de la classe instruite actuelle est une langue véritablement vivante; sa souplesse, sa finesse et sa subtilité ont atteint chez les bons écrivains un niveau que l'on n'aurait pas cru possible il y a peu. Toutefois des critiques subsistent toujours quant à sa décadence, critiques fondées principalement, à notre avis, sur le fait que les fonctions du tchèque standard se sont étendues d'une façon presque terrifiante par suite du développement des dernières décennies. La stabilité est loin d'être parfaite, ce qui a entraîné des-consé­quences assez visibles. Alors qu'il y a actuellement dix fois plus de traducteurs (500) qu'auparavant et cinquante fois plus de journalistes (5000), et qu'il faut exprimer de plus en plus d'idées et de réalités nouvelles, il n'est pas surprenant de rencontrer plus souvent des expressions peu châtiées et même inadmissibles, l'éducation n'ayant pu se répandre également bien dans toutes les directions à la fois. A n'était pas possible, non plus, d'adapter la langue standard à la même vitesse à toutes les tâches qui se sont multipliées si extraordinairement. Cela ne signifie pourtant pas qu'il y ait décadence, mais plutôt que le progrès ne se réalise pas suffisamment vite. {. . .]

Si nous désirons vraiment obtenir la stabilité de la langue standard, nous devons nous baser sur le seul fondement organique d'un tel effort, l'usage actuel du tchèque standard. Nous pourrons le déterminer, en l'absence d'une tradition châtiée de conversation tchèque, par la pratique linguistique des bons auteurs tchèques telle qu'elle se manifeste dans la moyenne de la littérature tchèque des cinquante dernières années, dans la littérature au sens le plus large du mot, tant celle des belles-lettres que celle de la science. [. . .]

La thèse présentée ci-dessus et recommandant que nous prenions pour principe de base de la stabilisation du tchèque standard moderne la langue moyenne de la littérature tchèque des cinquante dernières années, n'implique toutefois pas que nous devions attendre que la stabilisation se fasse d'elle­même au rythme du progrès culturel. 1 serait sans doute possible de nous fier entièrement à l'influence positive des oeuvres des bons écrivains ainsi qu'à la critique de non-spécialistes doués d'un sens subtil des nuances, du rythme et de la musicalité de la langue. L' état actuel de la théorie linguistique nous permet d'accélérer le processus de développement linguistique par (intervention scientifique. [... ]

n ne s'agit pas, au nom d'une meilleure compréhension historique, de donner à la langue standard actuelle des prescriptions souveraines contre

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lesquelles il n'y ait pas de recours, même si elles s'opposent carrément au véritable usage; il importe plutôt de codifier l'usage soigné d'aujourd'hui et de limiter les variations qui ne sont pas fonctionnellement justifiables, l' objectif final étant le plus haut niveau possible de développement fonctionnel de la langue. Voilà ce qui déterminera la portée de la stabilisation de la langue, ainsi que l'orientation qu'elle devra prendre. Les efforts réalisés dans le but de parachever la spécificité nationale de notre langue devront l'appuyer plutôt que s'y opposer. [... ]

L'apport pratique au développement linguistique est l'arbitre suprême de l'admissible ou de l'inadmissible dans la langue. Ni la pureté linguistique, ni la régularité absolue ne sont des conditions suffisantes pour y parvenir. La stabilité flexible des ressources de la langue constitue l'élément essentiel de ce développement [... ]

Appendice 111



Emploi et culture de la langue standard*

Par Bohuslav Havrânek

Par « culture de la langue standard » nous entendons surtout l'atten­tion théorique consciente qui lui est donnée, c'est-à-dire les efforts et les travaux de la linguistique, science du langage, dirigés vers le perfectionne­ment et l'épanouissement de la langue standard. Cette dernière peut, en effet, bénéficier du travail linguistique dans la formation de sa norme, dans sa stabilisation et dans l'acquisition de moyens suffisamment riches et variés pour satisfaire tous ses besoins et résoudre tous les problèmes qui lui sont posés. Ce travail doit surtout contribuer à fixer les composantes de la langue standard, nécessaires à l'accomplissement de ses tâches particulières et distinctes des composantes propres à la langue populaire.

Évidemment, ce travail ne doit pas empêcher le développement des composantes de la langue standard, et on évitera à tout prix de lui porter préjudice. 1 est indispensable que tout travail théorique concernant la langue standard comporte un examen et une description aussi réalistes que possible de son état actuel. Par la codification de sa nomme et la description exacte de ses ressources, le travail linguistique aide le public à mieux con­naître et employer la langue standard.

Le but de cette culture consciente de la langue standard est d'obtenir un langage cultivé et le perfectionnement du bon langage par ses usagers.

La langue standard nécessite-t-elle pareille attention consciente? Nous savons que la langue populaire, qui n'est pourtant pas sans norme, peut s'en passer. Même la langue populaire d'une certaine région ou d'une classe sociale (dialecte local ou dialecte de classe) a sa propre norme, c'est-à-dire son propre ensemble de ressources grammaticales et lexicales (structurales et extra-structurales) employées régulièrement: [... ] que nous ayons affaire ici à un ensemble normalisé et régulier devient apparent du fait que les

* « Okoly spisovného jazyka a jeho kultura », extrait de Bohuslav Havrânek & Milos Weingart, éd., Spisovnli césstina a jazykouti kultura (Le tchèque standard et la culture de la langue), Prague, Melantrich, 1932, pp. 32-84. Traduit par Paul L Garvin.

LA NORME LINGUIS11QUE



déviations sont perçues comme anormales, comme des fautes, même si l'observation de cette norme n'est renforcée que par des moyens indirects, comme la dérision ou des expressions de mécontentement, ainsi qu'il en est généralement pour les règles de la conduite sociale [ ... ].

II suffit de dire de cette norme, de cet ensemble régulier d'éléments de la langue populaire, qu'elle englobe tout ce que la collectivité parlant cette langue (ou ce dialecte) trouve acceptable [... ] ou tout simplement, que c'est l'usage qui décide. Cela évidemment ne tient pas compte de l'évaluation des déviations par rapport à la norme, mais la langue populaire n'a pas besoin d'une telle évaluation pour le maintien de sa norme. En fait, c'est l'usage qui fixe la norme de la langue populaire, de l'ensemble de ses ressources linguistiques. Il en est de même pour la langue standard dans le sens où la nomme de cette langue inclut tout ce qui se trouve dans le bon usage standard [... ]. Il serait faux d'imaginer cette norme en dehors de la langue standard réelle d'une certaine époque. Cette dernière pourtant n'est pas suffisante pour la définition, dans sa totalité, de la norme de la langue standard d'une époque donnée; on ne peut pas dire que c'est l'usage seul qui décide de cette norme. L'acceptation générale des usagers n'est pas l'unique porte par laquelle les ressources linguistiques font leur entrée dans la norme de la langue standard; l'usage seul n'est pas suffisant pour créer la norme des langues standard. Car chaque langue standard contient un bon nombre d'éléments dont l'« usage » est assez restreint.

L'origine et le développement de la norme d'une langue standard, ainsi que son caractère et sa composition, diffèrent de ceux d'une langue populaire. La norme d'une langue standard se forme, naît et se développe sous l'influence constante d'interventions théoriques provenant d'une théorie linguistique ou extra-linguistique. C'est un ensemble plus complexe de ressources linguistiques que celle d'une langue populaire, parce que les fonctions d'une langue standard sont mieux développées et plus rigoureu­sement différenciées. Enfin, la norme d'une langue standard est plus cons­ciente et plus contraignante que celle d'une langue populaire, et la nécessité de la stabilité, plus prononcée. D en résulte que le théoricien de la langue, le linguiste, s'intéresse certes au développement de la langue populaire; mais cette dernière n'est pour lui qu'un objet d'études. Par contraste, a peut s'ingérer dans le développement de la langue standard - cela est arrivé dans le passé et cela arrive encore actuellement

1. La formation de la norme de la langue standard

Les normes des langues standard sont formées par l'équilibre de diffé­rentes tendances, bien souvent contradictoires, car l'intervention théorique consciente provient, comme il est dit plus haut, non seulement de la théorie linguistique mais aussi de théories et de tendances extra-linguistiques.

La langue standard, en tant que porteuse et médiatrice de la culture et de la civilisation, bénéficie d'une étendue maximale du domaine de

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son usage (étendue géographique et démographique): la structure même d'une langue standard s'adapte à cette tendance. Ce sont surtout les éléments les plus aptes à une telle expansion qui l'emporteront [ ... ] . Dans ce rôle, la langue standard a tendance à se différencier de la langue populaire, du langage courant, d'une part pour des raisons linguistiques internes (p. ex., le besoin d'expressions univoques [... ]), et d'autre part par une tendance à l'exclusivisme, dans le cas où la langue standard est un symbole de classe (p. ex. l'emploi de l'allemand par notre aristocratie, l'emploi du hongrois qui persiste dans les villes de la Slovaquie, l'emploi du slovaque dans la Slovaquie orientale et chez les Ruthènes, etc. ).

A l'opposé de ces tendances se situe l'exigence de compréhensi­bilité (accessibilité générale) qui limite l'expansion géographique et démographique d'une langue standard et freine sa différencia­tion par rapport aux langues populaires d'ensembles géographi­ques et démographiques particuliers.

Nous voyons donc que la faiblesse numérique et l'exclusivité de classe des usagers d'une langue standard est en proportion directe de l'étendue de son territoire et de sa différenciation des langues populaires, surtout dans le cas où la langue standard n'est pas encore devenue un attribut de la conscience nationale. On peut rapprocher ce cas de ceux du latin médiéval ou du slavon, et plus tard du français, et dans les pays orientaux de l'arabe ou de l'écriture chinoise.

D'autre part, la pénétration d'une connaissance (au moins pas­sive) dans des couches de plus en plus larges et le caractère national de la langue standard tendent à limiter son étendue géographique et à la rendre à peu près semblable aux langues populaires.

La lutte entre ces deux tendances touche non seulement la langue standard dans sa totalité, mais aussi ses composantes individuelles, par exemple les terminologies techniques - que ce soit l'ancienne terminologie grammaticale latine, ou les termes musicaux italiens, ou la plus récente terminologie sportive anglaise (dans ce contexte la différence est instructive entre le football [soccer] où la terminologie est bien bohémisée et le tennis et encore plus le golf avec une terminologie bien anglaise, correspondant au degré d'expansion des sports en question), pour ne pas parler des « européanismes » lexicaux et phraséologiques (comme les expressions internationales touchant les transports, les finances, etc. ).

Il y a ici une opposition: d'un côté on trouve la forme et le contenu internationaux et exclusifs et, pendant une certaine époque, même tradi­tionnels, et de l'autre, les efforts de nationalisation, associés au purisme, ainsi que le rapprochement approximatif du langage populaire [ ... ].

En plus des questions posées à la langue standard et les tâches nou­velles qu' elle doit accomplir, la spécialisation et la différenciation fonctionnelle

LA NORME LINGUISTIQUE



augmentent son expansion et son développement. Aussi se produit-il un remaniement de l'usage standard traditionnel.

Ce dernier s'exprime par la création de nouvelles ressources linguis­tiques ou par une nouvelle application des ressources existantes. 1 s'agit surtout de l'intellectualisation du lexique et de la structure grammaticale, de nouvelles expressions automatisées ou désautomatisées, de nouveaux termes techniques, etc. [... ].

Par contraste, l'exigence de compréhensibilité (accessibilité géné­rale) incite à la conservation de l'usage traditionnel, c'est-à-dire le recours aux ressources linguistiques généralement connues et compréhensibles.

Ici aussi, on peut voir que dans le cas d'énoncés destinés à un nombre limité d'auditeurs ou de lecteurs spécialisés, ou bien prononcés ou écrits sans égard pour les auditeurs ou lecteurs, il est - ou il était - plus facile de changer l'usage traditionnel que dans le cas d'énoncés destinés au grand public. Ces derniers encouragent l'emploi de ressources généralement con­nues et compréhensibles, pour autant qu'il s'agisse de compréhensibilité. La différence qui surgit est la même dans le cas des formulations codifi­catrices et des messages ou des informations pratiques.

On trouve ici de nouveau deux tendances: d'un côté le remaniement de l'usage existant, qui est lié à l'exclusivité professionnelle, et de l'autre, l'effort pour conserver l'usage et la tradition existants qui est lié à la popula­risation de la langue standard.

C'est à la base de ces différentes tendances mutuellement contradic­toires que la norme de la langue standard se forme et se modifie - tout en étant sujette à des interventions théoriques qui, à différentes époques, font valoir avec une force variable ces diverses tendances; voilà pourquoi la norme n'est jamais définitive.

Ainsi, par exemple, le classicisme français au XVIIe siècle appuyait consciemment l'exclusivité de classe du français standard par la codification de l'usage de la Cour (Vaugelas et Ménage). Le soin d'élaborer les ressour­ces spéciales du français standard était confié à l'Académie française [. . . ] . Finalement, l'influence de la Grammaire générale et raisonnée a intellec­tualisé la nonne de la langue standard [. . . 1.

II peut s'agir aussi d'interventions provenant de théories et de ten­dances extra-linguistiques: ainsi, le désir de répandre les connaissances de la langue standard, c'est-à-dire de répandre l'instrument d'une certaine propagande, formait ou remaniait les langues standard à l'époque de la Réforme (au moment où, p. ex., le tchèque a subi de grands changements, où le slovaque standard de même que les deux langues standard des Sorabes et Wendes de Lusace se sont formés), pendant le Siècle des lumières et l'époque de la démocratie (formation partielle du russe standard, naissance

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des langues standard ukrainienne, biélorusse, bulgare, etc.) ou encore au moment du changement des classes dominantes (ainsi, la révolution russe a eu un effet important sur la langue standard risse et les autres langues standard slaves de la Russie [ ... 1).

Dans d'autres cas, la défense de l'existence nationale, dont l'un des attributs est une langue standard commune, a fait surgir chez nous au XIXL siècle le purisme: désir de pureté de la langue standard. Parallèlement, chez les Croates le purisme avait une influence importante sur la langue standard, par contraste avec la permissivité linguistique de Belgrade où la peur de la dénationalisation n'existait pas [ ... ].

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