Erda ou le savoir



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1.14.L'espace


Nous avons déjà souligné que le temps n'existait pas à l'intérieur de la Tétralogie ; mais l'espace existe-t-il davantage ? Certes, il existe bien des lieux, mais que ne relie aucune topographie ; pire, l'espace divin n'est pas distinct de celui où évoluent les hommes. Selon les circonstances, Wotan, par exemple est omniprésent, il se trouve spontanément au lieu où la Walkyrie va faire triompher Siegmund, mais se laisse distancer par Brünnhilde lorsque celle-ci fuit en emportant Sieglinde ; En quittant Neidhöhle, l'antre de Fafner, Siegfried se retrouve presque spontanément près du rocher de Brünnhilde. Tout se passe comme si l'espace se repliait sur lui-même, réunissant ainsi tous les lieux. Il nous faut voir là, me semble-t-il, bien plus qu'une nécessité théâtrale, comme la règle des trois unités du théâtre classique ; avec le Ring, nous n'assistons par à un drame extérieur, mais à un psychodrame dont le lieu unique est notre conscience. Est-ce le cas de toutes les fictions théâtrales ? Après tout, intériorisant l'univers qui nous est offert, nous réduisons, dans tous les cas l'espace à celui de notre esprit qui ne connaît ni forme ni limite - en particulier pas celles qui concernent la vitesse de la lumière - et le temps à celui de notre conscience, soustraite à la flèche et à la monotonie du temps physique. Mais la Tétralogie est autre chose qu'un simple épisode d'une vie qui appartient aux autres et dont nous sommes spectateurs ; nous sommes dans un monde clos qui se suffit à lui-même et qui se propose de nous immerger totalement ; la fiction s'évanouit en tant que telle pour nous révéler notre réalité. Réalité purement psychique ; que nous ne découvrons pas dans l'apparence des personnages, mais dans ce qui émerge de l'union profonde du texte et de la musique. Je pense, en particulier à la dernière scène de La Walkyrie, où je ressens, jusqu'au plus profond de mon être, l'amour que j'ai pour ma propre fille ; et les baisers de simple au revoir deviennent, dans mon souvenir, aussi émouvants que s'ils étaient ceux de l'adieu. Pour ma part, la splendeur de l'œuvre n'est pas dans la fresque grandiose qu'elle nous offre, mais dans ces moments que nous avons vécus, ou que nous comprenons que nous pourrions vivre.

Cela nous invite à nous pencher sur les liens intimes qui lient les personnages, et qui se révèlent à nos yeux, en dehors du temps et de l'espace. Nous avons remarqué plus haut, que les postulats quantiques ne comportaient pas, appliqués à notre conscience les difficultés conceptuelles rencontrées en physique ; c'est ce point que nous allons maintenant approfondir.

Revenons d'abord sur le cas des paires de particules - par exemple dans l'état singulet154, qui, après interaction se séparent. Prenons le cas le plus simple155 d'une paire dont le spin total est nul - et revenons sur ce qui a déjà été dit - ; chacune des particules emmène un spin non nul, mais la somme des spins reste nulle. Autrement dit si l'une a un spin égal à +1 (en unité de moment cinétique), l'autre à un spin égal à -1. Mais il serait contradictoire, avec les axiomes de la théorie et avec l'expérience de supposer que chacune part avec une détermination précise - être +1 ou -1. Par contre, si l'une est mesurée à +1, l'autre est nécessairement à -1156. C'est donc au moment où la première particule est mesurée que la seconde prend sa détermination opposée à la première. Et cela, au regard de la théorie quelle que soit la distance qui sépare les particules ; aucun signal ne pouvant, en vertu de la relativité dépasser la vitesse de la lumière - en particulier par d'action à distance instantanée, le moins coûteux, pour notre intuition est de renoncer à l'idée classique de localisation stricte des phénomènes. Nous voici brutalement ramené à Wotan , dieu magicien, qui peut instantanément passer de l'état de dieu au Walhall, à celui d'humain accompagnant son fils Siegmund dans ses aventures terrestres. Mais avant de revenir à notre héros, montrons que ce qui choque notre intuition concernant des particules matérielles157, ne l'est nullement appliqué aux relations humaines.

Considérons deux individus qui se séparent après avoir connu une interaction suffisamment longue pour se connaître profondément ; un couple qui divorce par exemple. On ne se sépare pas pour rien ; ces deux là, disons A et B, en sont arrivé à s'opposer systématiquement sur tous les problèmes, à tel point que si l'un à un avis sur une question, l'autre est automatiquement de l'avis contraire. Mais ils se connaissent si bien que chacun est capable, si une question lui est posée de savoir ce que l'autre répondrait si celle-ci lui était posée. Les voilà donc séparés par une distance qui ne leur permet plus de communiquer. Une personne C interroge alors A, à laquelle celui-ci ne peut répondre que oui ou non. Il est alors facile d'accepter que l'on peut prévoir à coup sûr la réponse de B à cette même question. Sommes-nous dans une situation analogue au cas des particules corrélées ? Certes aux modalités qui caractérisent la question posée peut correspondre le dispositif expérimental - l'orientation, par exemple de l'appareil Stern-Gerlach - mais la multitude des expériences en commun vécues par le couple correspond à autant de variables cachées, dont l'existence est rejetée par la théorie158. Il y a une raison plus profonde qui rend difficile, même impossible une analogie autre que superficielle : on peut imaginer entre les individus un lien télépathique, car les temps de transmission d'éventuelles ondes cérébrales159 sont totalement négligeables relativement aux temps caractéristiques des mécanismes cérébraux, si bien qu'on pourrait dans ce cas considérer les événements, mesure de A - c'est-à-dire, question posée à A - réponse de B comme simultanés. Ce que nous ne pouvons cependant pas accepter, c'est que B donne une réponse opposée à celle de A, sans être interrogé ; car cette fois-ci il faudrait imaginer l'existence d'une communication extrasensorielle, ce qui nous ferait franchir les bornes du raisonnable.

Une solution consiste à admettre, et c'est, semble-t-il ce qui est fait, implicitement, en théorie, que non seulement mémoire est gardée de toute interaction, mais que les réactions des individus sont, durant un certain temps, inséparables, et que toute action exercée, sur/par l'un, influence le comportement de l'autre.

Cela revient manifestement à accepter, ou postuler l'existence de variables cachées. Or nous l'avons déjà souligné, les expériences d'Aspect, ruinent les théories de ce type. Mais il est seulement affirmé, et prouvé expérimentalement que « l'hypothèse des variables cachées n'est pas compatible avec le modèle actuel de la mécanique quantique, modèle dont la seule justification est son incroyable succès.»160

Des théories à variables cachées, faisant appel à un cadre théorique différent ou seulement modifié, ne sont donc pas exclues, dans l'absolu. Permettront-elles un rapprochement de la théorie et de l’intuition ? Rien n'est moins sûr, car il semble bien que la barrière du formalisme reste de toute manière à franchir. A la porte d'entrée du paradis de la Vérité, c'est-à-dire de la connaissance scientifique, il faut sans doute inscrire : Nul ne pénètre ici s'il n'est théoricien. L'univers des phénomènes n'a plus rien à apprendre à l'homme aux mains nues. C'est seulement à travers les théories que l'intuition peut espérer encore remplir son rôle d'instrument de connaissance.

Il est presque évident que toute interaction entre individus laisse une trace en chacun d'eux. Notre cerveau conserve en mémoire bien plus que ce que notre conscience accepte comme souvenir. Cependant, tout anthropomorphisme consistant à parler de mémoire en physique chez les particules, les atomes, les molécules est certainement aussi faux que dangereux161. Mais l'inverse est tout aussi faux et dangereux, lorsque l'on cherche dans la physique des particules des modèles d'interaction à appliquer aux communautés humaines. La méthode consiste alors à ne retenir de l'individu que des comportements et des réactions stéréotypés, avec tout ce que la méthode peut avoir de dangereusement réducteur ; car l'individu ainsi créer à le vice de tout ce qui est obtenu à partir de valeurs moyennes, ne ressembler vraiment à aucun des objets utilisés pour la construction de l'individu-type. Le danger tient surtout au fait que la méthode se pare des attraits et de l'efficacité de la science - ou plutôt des méthodes scientifiques162 - pour revendiquer une sorte de droit naturel à imposer aux hommes les schémas d'organisation qu'elle génère163.



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