II. Les acteurs de la controverse Les opérateurs téléphoniques et FAI Les intérêts multiples des FAI
Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) disposant de leur réseau propre, c’est-à-dire Bouygues, SFR, Orange et Free, ont en effet plusieurs intérêts dans le déploiement du très haut débit. Ce sont bien souvent non seulement eux qui fournissent l’accès au très haut débit par la fibre, mais eux également qui déploient les réseaux 4G qui servent aux appareils mobiles.
Cette multiplicité des FAI qui leur permettait déjà de proposer des offres dites « triple play » incluant accès internet haut débit, télévision et téléphonie fixe leur permet maintenant de proposer des offres « quadruple play » ajoutant au triple play la téléphonie mobile.
Dès lors, il parait évident que la stratégie des FAI va dépendre de l’importance qu’ils accordent à l’une ou l’autre des technologies. D’autant que derrière la seule appellation « fibre optique » ou « 4G » se cachent plusieurs méthodes d’implémentation de la technologie. Toutes ces méthodes présentent des différences, que ce soit sur le plan du coût de déploiement ou sur celui des caractéristiques du service fourni au final. L’arrivée de l’internet très haut débit en remplacement du simple haut débit et de la 4G qui succède à la 3G leur ouvre alors de nouvelles possibilités de différenciation par rapport à la concurrence.
Techniquement parlant, l’arrivée de la 4G promet de désengorger les réseaux mobiles 3G actuels, qui doivent supporter des offres « internet illimité » de plus en plus abordables et donc une augmentation du trafic de données sur le réseau. Sur les 6 premiers mois de 2011, la quantité de données transitant sur les réseaux mobiles nationaux a augmenté de 77%.
Au niveau de la Bretagne, la 4G pourrait permettre de donner accès au THD dans les zones où l’installation de la fibre est très difficile. Une telle possibilité avait déjà été mise en oeuvre avec la technologie WiMAX dans le cadre de Bretagne 2.0 en 2006.
Sur le plan financier, la 4G ne reste pas sans arguments. Sur le court terme, l’investissement n’est pas négligeable : on parle d’environ 400 millions d’euros pour déployer un réseau couvrant 75% de la population selon une étude menée en 2010 par l’équipementier en télécoms ZTE. Il faut ajouter à cela le coût de la simple “Licence 4G”, qui correspond en fait à l’achat de fréquences disponibles pour la 4G par les différents opérateurs.
Licences 4G : plages de fréquences et coût par opérateur
Opérateur
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Prix (euros)
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Plage 2.6GHz
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Plage 800MHz
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SFR
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1,215 milliard
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15MHz duplex
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10MHz duplex
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Orange
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1,178 milliard
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20MHz duplex
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10MHz duplex
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Bouygues
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911 millions
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15MHz duplex
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10MHz duplex
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Free
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271 millions
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20MHz duplex
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Aucune
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Source : ariase.com
Les 4 opérateurs entrant en compétition pour l’acquisition de ces fréquences, ils auront déboursé au total pas moins de 3,5 milliards d’euros, SFR étant en tête des dépenses du fait d’une grosse mise sur les plages 800MHz. L’achat de ces bandes de fréquence se révélera stratégique puisque les plages 800MHz sont plus adaptées à l’implantation en zone peu dense.
C’est sur le long terme que le réseau 4G démontre son avantage : les équipements 4G sont moins onéreux à maintenir, plus compacts et consomment moins d’énergie que les équipements 3G actuels.
Toutefois, face à de tels coûts les opérateurs historiques Bouygues, SFR et Orange envisagent aujourd’hui de mutualiser leurs moyens pour déployer la 4G.
Concernant la Bretagne, l’apparition de la 4G n’est pas prévue par les opérateurs avant le deuxième trimestre 2013. Même si le projet BTHD n’encadre pas l’arrivée de la 4G en Bretagne, les opérateurs sont tout de même soumis à des obligations fortes posées par l’état : en zone rurale, 40% de la population doit être couverte d’ici 5 ans et dans 10 ans ce taux de couverture doit passer à 90%.
Mais ces mêmes opérateurs qui vont proposer la 4G sont aussi ceux qui installent aujourd’hui le réseau de fibre optique.
Comme nous l’avons vu précédemment, les opérateurs privés ont le plus intérêt à déployer la fibre optique dans les régions denses, là où chaque mètre de fibre installée est le plus susceptible d’être rentabilisé. Toutefois, quelques déploiements pilotes en zone rurale on déjà eu lieu dans d’autres régions, comme dans le village de Mareuil sur Lay-Dissais en Vendée, démontrant ainsi la faisabilité de telles installations.
Les opérateurs ont intérêt à grouper leurs investissements concernant ces zones rurales pour en augmenter la rentabilité. Faciliter ces groupements est aussi un des objectifs du projet BTHD.
Le positionnement des différents FAI
Concernant le déploiement de la 4G, tous les opérateurs sont intéressés, pour des raisons déjà évoquées ci-dessus (réduction de coûts, augmentation nécessaire de la capacité du réseau, ...).
Orange, après avoir déployé la 4G à Marseille dans un premier temps, compte bien continuer sur sa lancée. Ainsi, depuis fin Novembre 2012, trois nouvelles villes disposent de la 4G par Orange : Lilles, Nantes et Lyon. Orange a en plus précisé que sa couverture 4G s’élèverait à 40% de la population d’ici fin 2013.
Concernant SFR, la 4G arrive à Montpellier, alors qu’elle était déjà disponible à Lyon. D’autres grandes villes suivront progressivement.
Bouygues Télécom est dans une position similaire, comme l’indique un communiqué de presse de mars 2012 : ”En démarrant dès juin par l’agglomération lyonnaise, Bouygues Telecom continuera son déploiement en 2012 avec l’objectif d’avoir 5 000 sites prêts à accueillir la 4G en fin d’année. Début 2013, ses clients pourront bénéficier d’un réseau commercial 4G et les principales agglomérations seront couvertes en 4G à fin 2013.”
Les détails manquent encore sur les intentions de Free Mobile, dont le déploiement de la 4G ne semble pas être la première préoccupation actuelle. Free Mobile est également moins bien doté que ses concurrents au niveau des plages de fréquences mises à sa disposition pour la 4G. Maxime Lombardini, DG d’Illiad a également déclaré que Free ne pourrait pas se permettre de casser les prix des forfaits 4G comme ils l’ont fait pour la 3G. Les forfaits de tous les opérateurs devraient donc se positionner dans la même fourchette tarifaire.
Au final, à l’exception de Free, les positions de tous les opérateurs sur la 4G sont sensiblement similaires : ils investissent dans le déploiement de leur réseau avec pour objectif la couverture des plus grandes villes françaises fin 2013. Cela dit, aucun opérateur n’a encore annoncé d’intentions de déploiement plus précises concernant la région Bretagne. Free Mobile dont le réseau est bien plus récent se concentre pour sa part sur l’amélioration de la couverture du territoire car celle-ci reste largement inférieure à celle des autres opérateurs.
Concernant la fibre optique, Orange compte aujourd’hui 150 000 abonnés et compte multiplier par 6 ce chiffre pour arriver au million d’abonnés fin 2014. Orange investira également 2 milliards d’euros pour faire monter sa couverture à 60% des habitations d’ici à 2020. La Bretagne n’est pas délaissée puisqu’Orange prévoit de fournir la fibre optique à 3600 communes bretonnes d’ici 2015. Une déclaration d’intention de déploiement du réseau FTTH a été signée en ce sens entre le Préfet de la région Bretagne, le Président du Conseil régional, et le Président-Directeur Général d’Orange en Mars 2012. La mise à disposition du réseau d’Orange pour les autres opérateurs est également prévue.
SFR pour sa part déploie peu son propre réseau en Bretagne : la fibre optique de SFR est seulement disponible dans quelques villes de Loire-Atlantique, et la plupart des autres villes bretonnes couvertes le sont par “co-investissement”.
Ce schéma se retrouve à l’échelle nationale, avec la fibre SFR déployée dans quelques agglomérations seulement.
Il ne faut toutefois pas oublier l’accord de novembre 2011 entre SFR et Orange qui prévoit une répartition des villes pour le déploiement de la fibre entre les deux opérateurs. Cet accord spécifie par la suite qu’SFR aura accès au réseau de fibre optique d’Orange via les offres de gros de ce dernier et vice-versa.
Bouygues-Télécom utilise quant à lui le réseau de fibre de Numéricable (FTTB), lequel compte déjà 4,6 millions de foyers couverts. Numéricable s’oppose à une mutualisation du réseau entre les opérateurs dans les zones peu denses et défend au contraire une plus grande liberté pour les collectivités locales. Cela tient peut-être au fait que Numéricable déploie un réseau de type FTTB au contraire d’Orange par exemple qui mise sur le FTTH. Une mutualisation du réseau semble difficile dès lors que les technologies utilisées par les différents FAI sont différentes. Rappelons aussi que le projet Bretagne Très Haut Débit a choisi d’implanter de la fibre FTTH.
Du côté de Free, le déploiement de la fibre optique n’est plus une priorité et le groupe s’intéresse au VDSL2, une approche différente dont les avantages et inconvénients ont déjà été discutés avec la problématique du coût.
Développement parallèle : 4G et fibre optique
A court terme tout du moins, la 4G et la fibre optique sont donc amenées à évoluer en parallèle car la concurrence ne semble pas à l’ordre du jour entre les deux technologies.
Les réseaux 4G promettent de relancer l’innovation dans le domaine mobile, les sondages montrant que la 3G ne satisfait pas complètement les usagers. Ces réseaux doivent aussi permettre de désengorger le réseau 3G actuel qui doit faire face à une montée continue de la demande. De plus, tous les opérateurs prévoient de déployer un réseau 4G à court terme avec des objectifs de couverture annoncés sur le long terme.
La fibre optique, dont le déploiement a commencé depuis plus longtemps que la 4G, peine toutefois à réellement s’affirmer : les différents acteurs poussent des technologies différentes et ne sont pas totalement d’accord quant à la feuille de route du déploiement.
L’utilisation d’autres technologies comme le VDSL2 est aussi source de dissensions. Bouygues Télécom et SFR pensent que le VDSL2 ne devrait être utilisé qu’en dernier recours dans les zones où le déploiement de la fibre serait trop coûteux, alors qu’Orange et Free sont convaincus de la nécessité de faire cohabiter les technologies pour garantir un accès au très haut débit pour tous.
Toutefois, le VDSL2 ne provoque pas pour le moment un délaissement de la fibre optique. Numéricable, par exemple, déclarait en Septembre 2012 être en mesure d’investir 200 millions d’euros par ans dans la fibre, preuve qu’elle a encore le vent en poupe.
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