Quels moyens pour affronter la douleur chronique


Origine philosophique de la minimisation des douleurs chroniques



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14.2Origine philosophique de la minimisation des douleurs chroniques

De tout temps, les douleurs chroniques ont toujours été minimisées et s’en plaindre est considéré comme une faiblesse de caractère voire une lâcheté.


Et l’auteur ajoutera ses propres commentaires, concernant certaines affirmations antiques et actuelles.
Pour les stoïciens, la primauté de la vertu sur la douleur permet donc d'effacer la douleur qui cède le pas devant la vertu. ("cedet profecto virtuti dolor."), alors que l'homme qui cède à la douleur (par des plaintes par exemple), sera jugé indigne du nom même d'homme par autrui. ("te vero ita adfectum ne virum quidem quisquam dixerit."). Il sera jugé lâche.
Selon Cicéron, il faut maîtriser la douleur, puisqu'on ne peut pas l'éliminer. Une arme : le courage ; un moyen d'utiliser cette arme : les exercices d'endurance (l'entraînement) (exercitatio). On peut la maîtriser aussi par le recours à la raison, seule susceptible de lever les voiles d'une fausse perception des choses (falsa visione). L’entraînement physique, exercitatio, permet d’acquérir la résistance, patientia, comparée au cal de la main, et de dominer le désordre causé par la douleur pour parvenir à l’ordre intérieur.
Les doutes de l’auteur concernent les douleurs de longue durée, quand celles-ci durent plus de 20 ans, voire pratiquement toute une vie. Résister avec abnégation et patience à la douleur (même si on la suppose modérée) toute une vie, peut rendre fou, rend amer ou délirant.

Même Jésus, faisant preuve d’humanité, subissant l’épreuve la plus extrême et violente, celle la crucifixion, a crié « Eli ! Eli ! Lama sabachthani ! » (« Dieu, Dieu, pourquoi m’as tu abandonné »).

Le père Jean-Yves Théry constate « C’est […] dur de devoir constamment faire comme si l’on avait pas mal ».
La position antique de l'effort à l'accoutumance (dolor et patientia, et consuetudo) :
L'accoutumance à la douleur n'en nie pas l'existence, mais permet de la dépasser. C'est l'effort répété qui permet cette accoutumance et cette meilleure résistance à la douleur ("consuetudo enim laborum perpessionem dolorum efficit faciliorem."). Le vocabulaire de la résistance établit une gradation qui va de la patience, ferre, pati… au mépris, despicere, contemptio, jusqu'à l'emploi d'images très concrètes, l'ensevelissement de la douleur, sepeliendus dolor. Parfois, le texte antique indique, si l’on de la peine à résister à sa douleur, de s’infliger des châtiments corporels, castigatus (sorte de mortification), pour ne plus penser momentanément à l’autre douleur initiale.
Selon Aristippe, disciple de Socrate (vers 435 vers 366), la douleur est le plus grand des maux : "summum malum dolorem dicere". Or le jugement de Cicéron, homme politique romain, est sans ambiguïté : « c'est une opinion lâche et digne d'une femme » ! ("enervatam muliebremque sententiam"). Selon Cicéron, d'une part la douleur existe ; d'autre part, elle n'est pas le plus grand mal.

Il suffit de ne pas trop s’écouter quand on a mal. il ne convient de la considérer comme le plus grand mal, mais bien au contraire, il faut s'efforcer de ne pas lui céder le pas et de lutter contre ses effets.


Selon Epicure « toute souffrance physique est négligeable. Car celle qui comporte une douleur intense occupe un temps bref ; et celle qu'endure longuement la chair comporte une douleur faible ». Cicéron dira la même chose : « si gravis brevis, si longus levis ». Sénèque idem dans son Epitre 24 : « dolor levis est ; si ferre possum ; brevis est, si ferre non possum »225.
« A la limite la douleur insupportable fait mourir. Les grandes souffrances te font périr en peu de temps » dira encore Marc-Aurèle (121-180, empereur romain, ainsi qu'un philosophe stoïcien, dans ses pensées.
Montaigne dans ses Essais, copiant mot pour mot Sénèque, son maître à penser, confirmera :

« [1] Cela nous doit consoler que naturellement, si la douleur est violente, elle est courte; si elle est longue, elle est légère.



[2] Tu ne la sentiras guère longtemps, si tu la sens trop : elle mettra fin a soi ou à toi; l'un et l'autre revient à un.

[3] Ce qui nous fait souffrir avec tant d'impatience la douleur, c'est de n'être pas accoutumé de prendre contentement en l'âme, c'est d'avoir eu trop de commerce avec le corps. ».
Corollaire à cette philosophie, la croyance admise est que si on survie à la douleur, c’est qu’elle n’est pas si forte que cela.

Or cette croyance qu’une céphalée durant des dizaines d’années ne peut être sévère est encore prégnante dans l’esprit de la majorité des médecins.



Si une personne tient plusieurs dizaines d’années, sans se suicider, c’est que cela de doit pas être si terrible que cela, sans imager un seul instant que le malade aura peut-être développé de multiples stratégies pour tenir face à la douleur, au fin des années226.
Pendant longtemps, la douleur ou la souffrance était une fatalité, contre la quelle le simple mortel était impuissant, à moins d’avoir reçu des extraits de fleurs de pavots (médication déjà connue par la médecine romaine) ou de feuilles de coca (médication connue, elle, des Incas et de certaines peuplades amérindiennes précolombiennes).

Le moraliste La Fontaine (1621, 1695) écrivait encore au XVII° siècle "Quand le mal est certain, la plainte ni la peur ne change le destin. " (Fabl. VIII, 12.) et surtout « De quelque désespoir qu'une âme soit atteinte, La douleur est toujours moins forte que la plainte / Toujours un peu de faste entre parmi les pleurs » (La Matrone d’Ephèse). Pour Diderot "La plainte surfait toujours un peu les afflictions" (Claude et Néron. I, 31).


Ces conceptions moralistes continuent à guider la conception philosophique sur la douleur, de beaucoup de médecins, surtout en France.
Les médecins actuels continuent dans cette attitude d’indifférence du médecin envers les douleurs durables des malades.

Par exemple, le docteur Marc Schwob écrit dans son ouvrage: « le douloureux chronique se laisse glisser peu à peu vers un statut de handicapé (qui sera souvent validé par la société) dont il adopte le comportement passif, revendicatif avec repli sur soi, et enfin un rétrécissement du champ global de la conscience du malade à son seul problème douloureux auquel il ramène toutes ses autres occupations (et celles de son entourage) ». Un peu plus loin, cet auteur continue dans le même sens : « le douloureux chronique, malade difficile au prime abord, se présente comme un patient dépressif, obsessionnel, acariâtre, revendicatif, fatigué, surmédicamenté, intolérant pour son entourage, se considérant et se comportant comme un invalide, créancier à juste titre de la société »227 228.

Nous avons souligné volontairement ces deux dernières phrases. Pour ce médecin, c’est comme si nous simulions l’invalidité ( !).

Marc Schwob comme bien d’autres229, font preuves de « dissonance cognitive » (voir l’explication de ce terme plus loin). Ils n’écoutent qu’eux mêmes et n’écoutent jamais les arguments des malades. On pourrait même dire qu’ils font preuve d’une fatuité incroyable à l’égard du patient.

Ignorance ou arrogance de la part de tels médecins ? En tout cas une énorme ignorance.


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