Thèse pour l’obtention du diplôme de Docteur de l’Université Paris VII spécialité : Géographie



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Conclusion.

Le début des années 1970 voit en France l’émergence de processus de desserrement urbain sous la forme d’une urbanisation des communes rurales périphériques aux agglomérations. Cette modalité inédite de la croissance urbaine s’observe à travers l’essor démographique de ces communes d’abord, à travers l’émergence de formes spatiales spécifiques ensuite, en particulier sous le signe de la maison individuelle en accession à la propriété. L’émergence et le développement de ce processus inédit et massif d’urbanisation des campagnes mobilisent rapidement les chercheurs, en quête d’une définition au double sens du terme.

Ceux-ci, confrontés à ce phénomène inédit, ont souvent dans un premier temps privilégié une explication univoque ; la diversité des approches et l’importance des différends entre auteurs sont à relier directement à ces tâtonnements caractéristiques des débuts d’une recherche consistant surtout à identifier le phénomène et les processus en jeu. Ce n’est qu’après cette étape nécessaire de positionnement et de définition qu’a pu être considéré dans les analyses l’ensemble des facteurs en jeu. L’émergence et le développement d’espaces périurbains à la périphérie de l'agglomération de Montpellier sont à analyser à l’aune de ces différents éléments explicatifs. Le contexte économique national et local, et la conjonction de cette situation de croissance, de motivations écolo-individualistes portées par des couches moyennes émergentes, et d’une politique urbaine menée par l’Etat en faveur de l’accès à la propriété et à l’habitat individuel périurbain sont à même d’apporter un éclairage complexe et complet à ces processus de périurbanisation.

La naissance de l’espace périurbain toutefois, plus que la production de formes spatiales et urbaines nouvelles, est surtout construction d’un nouveau système spatial et social à partir des années 1970, et émergence d’un territoire. Cet espace apparaît en effet comme l’espace privilégié de territorialisation de la nouvelle société de consommation, l’espace d’épanouissement d’un nouveau mode de vie et de consommation.


Chapitre 5

La constitution d’un territoire périurbain.

Recomposition et hiérarchisation territoriales.



1 La constitution d’un territoire inédit : un nouveau rapport social à l’espace et au territoire.


L’espace périurbain constitue à partir des années 1970 un nouveau système territorial. Plus encore que des nouvelles formes spatiales et sociales, c’est véritablement un territoire qui se constitue : les différentes étapes de la mise en place de l’espace périurbain, étapes resituées dans le cadre des diverses interprétations des chercheurs, nous permettent maintenant de saisir - avec le recul qu’il est aujourd'hui possible d’adopter sur des processus en œuvre au milieu des années 1970 - l’émergence de l’espace périurbain comme la naissance d’un territoire.

Les espaces périurbains se construisent en effet comme territoires, dans une dynamique systémique impliquant structures économiques, idéologiques, et instances de pouvoir, inscrites dans l’espace géographique. Les pratiques des individus et des groupes construisent le territoire comme système, en mettant en mouvement et en relation ces différents éléments.

C’est cette dynamique de construction territoriale que nous voudrions mettre en évidence dans cette partie. D’après la définition de l’innovation sociale telle qu’énoncée dans la première partie, l’hypothèse peut être avancée que l’organisation du territoire périurbain est à l’origine d’une dynamique innovante s’opérant dans tous les domaines de la vie sociale - vie privée et publique, vie familiale, professionnelle, etc. - et spatiale.

Le territoire périurbain n’est en effet pas seulement une nouvelle forme urbaine ou rurale, un nouveau type d’habitat sous le signe de la maison individuelle : le territoire périurbain est aussi et surtout, dans les années 1970, le lieu d’émergence et de développement d’un ensemble de nouvelles pratiques spatiales et sociales, lieu d’exercice de nouvelles territorialités. L’organisation du territoire périurbain est toute dépendante de cette construction en mouvement, territorialisation concrète et symbolique s’opérant par les pratiques des nouvelles sociétés périurbaines.

Le territoire périurbain s’est ainsi construit comme spécifique dans la combinaison complexe de ces pratiques inédites, comme lieu de la société de consommation, et également comme lieu de la confrontation de cette société de consommation avec la société locale, rurale, en place.

L’émergence de ces nouvelles territorialités positionne le territoire périurbain comme le lieu du changement social et territorial dans les années 1970. C’est l’ensemble de cette dynamique de création territoriale qui constitue le fondement de ce qu’est le territoire périurbain aujourd’hui et qui nous aide à saisir nombre de dynamiques territoriales en œuvre au sein de ces territoires.


1-1 Le territoire périurbain, lieu du changement social dans les années 1970.


L’émergence du territoire périurbain au début des années 1970 - de cet espace et du mode de vie qui y est associé - peut être caractérisée comme une innovation sociale et territoriale.

Loin de vouloir imputer le développement de cette nouvelle forme territoriale à la seule volonté des acteurs individuels, il s’agit ainsi simplement de montrer comment le territoire périurbain s’est construit, par les pratiques qui lui sont associées, comme le territoire de la société de consommation émergente, tout autant par le fait des individus que de l’action déterminante des acteurs politiques et économiques. Construit entre la rationalité des systèmes et l’auto-organisation des acteurs inscrites dans les pratiques quotidiennes et les représentations, le territoire périurbain apparaît bien comme le lieu spécifique d’épanouissement et d’invention de la société de consommation, le lieu du changement social dans les décennies 1960-1970.

L’importance de l’individu et du signe dans la société de consommation a déjà été soulignée. Dans cette optique, l’habitat en espace périurbain - accès à la propriété, retour au local, etc. - a pu être analysé comme « la meilleure réponse à un désir profond de maîtrise et de personnalisation de son espace vital183 ».

Le territoire périurbain peut être ainsi considéré comme le territoire des couches moyennes de la croissance, en quête de reconnaissance et d’identité. Ces couches moyennes, hérauts de la société de consommation, acteurs insérés dans un système à la forte détermination ont pu trouver dans le territoire périurbain un espace c’est-à-dire un lieu mais également la marge nécessaire - au sens d’indétermination - pour leur permettre d’abord d’être partie prenante de cette société de consommation et ensuite concomitamment de la créer.

Le territoire périurbain a pu ainsi se constituer comme le lieu de l’invention de multiples pratiques sociales spécifiques, diffusées ensuite largement. Ses habitants, dans un territoire socialement très peu défini, au statut encore à déterminer, sont les porteurs de ces innovations.

1-2 Le bouleversement du rapport social au territoire.


Il semble que l’innovation majeure, et fondatrice, de la spécificité du territoire, tient dans un bouleversement du rapport à l’espace et aux différents espaces sociaux, du rapport au(x) territoire(s). La constitution d’une nouvelle territorialité périurbaine, fondée sur la mobilité spatiale, constitue l’innovation sociale principale, de laquelle découlent toutes les autres.

Cette relation au territoire se compose de plusieurs pratiques complémentaires et associées qui constituent l’essence même de « l’habiter périurbain ».

En premier lieu, la distinction entre le lieu de travail et le lieu de résidence constitue le principe fondamental de l’habitat en territoire périurbain. Résider à la campagne et travailler en ville constitue une innovation sociale d’importance : le fractionnement de la vie sociale entre vie professionnelle et vie privée est souligné par la nette distinction entre le lieu de travail et le lieu de résidence, et constitue ainsi également un fractionnement territorial. L’investissement de l’individu dans les diverses sphères de sa vie sociale est nettement délimité dans l’espace ; cette discrimination sociale qui s’opère par la distance spatiale est bien plus marquée en espace périurbain qu’en espace urbain, où travail et résidence se situent en ville.

L’autre innovation - éminemment territoriale - qui accompagne et complète cette pratique sociale inédite est la mobilité. Travailler dans l’agglomération ou la région urbaine proche impose aux individus une mobilité spatiale quotidienne ou bi quotidienne. La mobilité est en effet une pratique quasi obligatoire et même conditionnelle de l’habiter périurbain. Les déplacements sont nécessaires non seulement pour rejoindre le lieu de l’activité professionnelle mais également les lieux d’approvisionnement, les lieux de loisirs, ainsi que souvent l’école où sont scolarisés les enfants184, ou les lieux d’une consommation moins quotidienne comme les centres médicaux ou les lieux de santé. La possession d’une, voire de deux voitures, est impérative et son utilisation est au centre de la pratique spatiale du territoire des résidents périurbains. Le territoire périurbain est en effet avant tout un espace résidentiel et la mobilité spatiale est quasi nécessaire pour accéder à toute activité d’un autre ordre.

La mobilité spatiale est posée comme une contrainte et comme une condition du mode de vie offert par le territoire périurbain. L’acceptation d’une mobilité spatiale souvent contraignante est étroitement liée au fait que cette mobilité permet justement l’accès à un mode de vie fortement valorisé, privilégiant l’individu et la multiplicité de ses choix et de ses investissements sociaux, ainsi que la multiplicité des lieux de ces investissements.

L’acquisition d’une maison individuelle ou pavillon comme mode d’accession à la propriété individuelle est enfin une des innovations fondamentales liées à la naissance du territoire périurbain et participe pleinement du mode de vie périurbain tel qu’il se développe dans les années 1970. La maison individuelle semble permettre la réalisation d’une vie en autarcie complète, basée sur l’épanouissement personnel au sein de la famille, à côté d’autres cellules familiales également indépendantes.

La simple observation du paysage est explicite : la maison individuelle et le lotissement favorisent à la fois la proximité familiale et la distance sociale. L’organisation des divers espaces permet de résider au sein d’un lotissement d’une trentaine de maisons par exemple et de ne croiser ou même de ne voir personne d’autre que les personnes vivant sous le même toit. La haie ou la barrière de bois séparent d’abord nettement les parcelles et cachent la vue et à la vue des voisins ; le garage permet de passer directement de la maison à la voiture sans sortir. Les maisons sont sans vis-à-vis, et les espaces de rencontre ou de circulation sont limités au devant des portes et aux rues empruntées quasi exclusivement par les voitures se dirigeant vers la ville. Les espaces publics (places, parcs, terrains de jeu) sont rares ou peu fréquentés : le carré de jardin attenant à la maison remplit le rôle d’espace de « nature » ou de plein air. La possibilité de rencontre ou de contact avec autrui sont limités au maximum.

Le pendant de la mobilité spatiale imposée, permettant une grande liberté d’action toutefois, est une mobilité non motorisée très faible, c’est-à-dire, pour certains, une inertie locale importante, avec un repli sur le logement et la famille. Pour ceux-là, la maison est le lieu de sociabilité privilégié : la famille constitue l’univers social local de l’habitant périurbain, loin d’une sociabilité villageoise mythique. On est loin du stéréotype de la ruralité. Loin d’être le lieu d’une adéquation entre structure spatiale et sociale, le territoire rural périurbain est seulement, pour les nouveaux résidents conformes au modèle des migrants pendulaires, et de plus en plus pour l’ensemble des habitants, le lieu de la vie familiale et éventuellement d’une certaine sociabilité de voisinage.

Pour d’autres cependant, l’investissement dans diverses associations et la scolarisation des enfants sont à l’origine d’une réelle vie sociale locale. Cette sociabilité de voisinage est en partie provoquée par celle des enfants qui double celle qu’ils créent à l’école : les enfants franchissent l’espace de la maison ou du jardin pour aller jouer dehors. Ces nouvelles sociabilités associatives fondées sur un même centre d’intérêt remplacent avantageusement les sociabilités villageoises traditionnelles fondées sur le mode de la rencontre et du voisinage.

Il reste une faible sociabilité de voisinage (entraide, garde des enfants) qui est celles de femmes au foyer : leur situation est particulièrement dé-socialisante puisqu’elles ne sont pas impliquées dans une vie professionnelle d’une part et d’autre part sont isolées de toute vie sociale ou presque185 par leur éloignement des centres urbains et le cloisonnement propre aux maisons individuelles.

Naturellement tout l’espace périurbain n’est pas constitué de maisons individuelles ; néanmoins au début des années 1970, elles constituent l’essentiel des nouvelles formes urbaines rencontrées à la périphérie des villes. Elles sont au sein des territoires périurbains eux-mêmes le lieu du changement parce qu’elles sont le lieu de développement du mode de vie précédemment décrit.

Les périurbains se trouvent ainsi dans une situation territoriale inédite, qu’ils construisent tout à la fois : insérés dans les dynamiques urbaines mais habitant sur leurs marges, connectés au système urbain et aux multiples lieux de leur implication sociale par une mobilité spatiale importante, ils tissent un réseau local de relations extrêmement ténu ou ciblé, tandis que leur domicile constitue le lieu d’un investissement familial important.

Toutes les relations spatiales sont bouleversées : un lien bi-univoque entre structure spatiale et sociale ne peut exister. Mais le nouveau rapport territorial ne peut être simplement décrit comme une ambivalence ville/campagne. La mobilité et la multiplicité des lieux et des causes de déplacement sont plus emblématiques de l’habiter périurbain qu’une simple opposition ville/campagne et à fortiori centre/périphérie. La ville est certes le lieu privilégié de la vie professionnelle et de la plupart des domaines de la vie sociale. L’espace périurbain est quasi cantonné, par les pratiques de ses habitants, par la nature des décisions politiques le concernant, par la concentration des activités dans le centre des agglomérations, dans une fonction résidentielle. Mais, le territoire périurbain, territoire local, est un territoire qui a pleinement affaire avec le système urbain. Les habitants périurbains créent un nouveau statut d’urbains non citadins dans une urbanité qui ne se définit plus par la continuité du bâti. Et ce n’est pas seulement parce leurs pratiques et leur consommation sont urbaines, mais bien parce qu’ils définissent un mode de relation au territoire urbain et au territoire en général véritablement inédit.

Cette pratique territoriale est fractionnement social et spatial : l’association d’un lieu, d’un espace à un domaine de la vie sociale, et la multiplicité de ces lieux et de ces implications sociales caractérisent cette pratique d’inspiration urbaine, mais ici exacerbée : le territoire des implications sociales des périurbains est formé par les limites d’une mobilité spatiale qu’ils posent comme nouvelle norme sociale.

Le changement social qui s’opère ici n’est pas véritablement un changement territorial mais un changement du rapport social au territoire : au début de son développement, le territoire périurbain ne se construit pas localement avec les ressources qui lui sont propres. Toutefois un territoire s’organise, de façon inédite, pour des individus mobiles et quasi absents de l’espace local.

Les innovations sociales fondatrices : la distinction lieu de travail/domicile, la mobilité spatiale, l’habitat pavillonnaire, sont autant de territorialités inédites, qui impliquent toutes une modification du rapport social à l’espace. Il y a bien lieu de suggérer que l’espace périurbain, à partir de ce bouleversement des pratiques, ait pu trouver une spécificité et se construire comme territoire inédit.


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