Université Louis Lumière Lyon 2 Faculté de Géographie, Histoire de l’Art, Tourisme


De la sélection génétique à la physiologie – 1950 –1959



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De la sélection génétique à la physiologie – 1950 –1959

En effet, lorsque Legay avait passé son concours d’assistant de recherche au Département de zoologie de l’INRA, Pierre-Paul Grassé (1895-1985), biologiste, zoologiste et alors professeur à la Sorbonne, était au jury et l’avait remarqué. Grassé était titulaire de la chaire d’évolution des êtres organisés. Il connaissait donc bien la génétique. Mais il était aussi un spécialiste des termites et des insectes sociaux dont il avait étudié de près le comportement lorsqu’il était en poste à Montpellier. Il était un représentant éminent de l’école naturaliste « néo-lamarckienne »3 qui résista contre l’explication de l’évolution par le seul formalisme de la génétique et par le seul hasard. Il sera par la suite connu pour résister publiquement à l’hégémonie de la génétique en soutenant notamment qu’il serait vain de vouloir n’expliquer l’évolution des espèces qu’au moyen de mutations génétiques aléatoires. Il faudra, selon lui, réhabiliter quelque peu l’idée controversée d’une influence directe du milieu sur les gènes.

Lorsque Legay rencontre Grassé, ce dernier lui propose de faire une thèse avec lui. Au vu de la position académique de Grassé comme du prestige dont il jouit, Legay ne peut qu’accepter tout de suite cette proposition. De façon compréhensible, Grassé l’incite fortement à adopter une approche physiologique du ver à soie, plus traditionnelle dans la biologie française et comparable à celle qui avait été au départ la sienne dans ses études des termites. Legay se détermine alors à quitter en partie l’approche purement génétique en travaillant à une thèse d’Etat en sciences naturelles sur la physiologie alimentaire du ver à soie : La prise de nourriture chez le ver à soi. Il mène à bien cette thèse en parallèle avec son travail d’attaché de recherche à Alès alors que l’INRA ne voit pas forcément d’un très bon œil cette orientation, du fait de la certaine hostilité qui règne entre cet institut de recherche et le monde universitaire1. Il la soutient en Sorbonne en 1955. Dans sa thèse, Legay se livre à des expériences dans lesquelles il laisse notamment des larves de ver à soie affamées pendant quelque temps de manière à pouvoir évaluer leur comportement alimentaire en dissociant expérimentalement les différents étapes d’assimilation et de croissance. Il met alors au point une technique quantitative d’estimation de la quantité de nourriture absorbée par un ver à soie. Enfin, il applique des méthodes statistiques d’estimation de la variation des caractères génétiques quantitatifs propres au dépôt des œufs du ver à soie en fonction d’une structure génétique2 supposée donner lieu aux corrélations observées (il s’agit donc d’un modèle statistique en ce sens). Dans son travail de thèse, Legay, dans un esprit finalement assez proche de celui qui avait animé avant-guerre Teissier lors de ses travaux sur l’allométrie, arrive à mettre les nouvelles méthodes de la biométrie au service de questions plus classiques de physiologie, de morphogenèse et de biologie.

Durant ces années-là, Legay acquiert donc un regard très pluridisciplinaire sur le ver à soie. Il en a une connaissance biologique approfondie mais il travaille en même temps à avoir une vue globale sur la grande chaîne de production à laquelle ce petit animal appartient, à partir de son élevage, de son alimentation et du contrôle de sa reproduction jusqu’à la conception de la soie. Parce que, à la différence de Teissier, il a une sensibilité d’agronome et qu’il prête dès le début une attention soutenue au rôle de la science pour le bien de l’humanité, il perçoit combien les pratiques scientifiques, agronomiques et les métiers de transformation, de conception et de commercialisation de la soie sont étroitement solidaires dans cette chaîne, c’est-à-dire mutuellement conditionnées et imbriquées. En ce sens, les constats auxquels le conduit son activité semblent confirmer à ses yeux les analyses politiques que Marx et Engels avaient en leur temps menées sur le fonctionnement de la société et que lui fait connaître par ailleurs son engagement politique, notamment de par une lecture directe et personnelle des textes marxiens1 : la complète solidarité des actions humaines. Il s’en souviendra par la suite. Le marxisme de Tessier était encore théorique, ontologique : il partait d’une contemplation précise des lois du vivant, ou plutôt des lois suivies par un organisme isolé et comme in vitro. Nous avions qualifié ce marxisme des biologistes quantitativistes français de « physiologisme dialectique ». Or, c’est cet isolement contemplatif qui n’est plus soutenable pour le biologiste-agronome de la reconstruction tant matérielle que morale d’après-guerre. Le marxisme de Legay sera donc davantage tourné vers la praxis, l’engagement politique. Il sera fondé non sur une certitude acquise au cours d’un tête à tête feutré avec les lois intimes du vivant, mais sur la certitude d’une imbrication étroite entre la pratique de la science et des théories scientifiques, la pratique des choses et des marchandises et la pratique politique des hommes2.

Mais, en 1958, intervient un événement assez décisif dans la carrière de Legay. Le Ministère de l’Economie et des Finances décide de ne plus subventionner la production nationale de cocons de soie. La conséquence est immédiate pour la sériciculture française : elle disparaît corps et biens. Elle subit en effet de plein fouet la concurrence impitoyable des prix chinois qui font la loi sur le marché mondial. L’INRA décide alors de supprimer la station séricicole d’Alès. Les employés ne sont pas mis à la porte mais l’INRA demande que les personnes concernées fassent d’elles-mêmes des propositions de reconversion. Legay, pour sa part, et parce qu’en tant que généticien, il connaît bien la manière dont les recherches fondamentales de la génétique avaient été menées, notamment celles de Morgan sur la drosophile, a l’idée de proposer à l’INRA que l’on conserve une culture du ver à soie mais dans un autre objectif, celui qui consisterait à en faire un modèle biologique utilisable comme substitut dans le cadre de problématiques biologiques plus générales3. Sans qu’on lui en explique la raison, l’INRA refuse sa proposition. Legay, qui s’est entre-temps inscrit sur les listes d’aptitude, décide alors de s’orienter vers l’Université. En 1959, avec l’appui du professeur V. Nigon qui travaille en génétique sur la drosophile, Legay devient maître de conférence à la faculté des sciences de Lyon. On lui offre la possibilité de venir avec ses souches de vers à soie. Elles intéressent en effet Nigon. À Lyon, Legay enseigne la biologie à tous les niveaux et son premier laboratoire propre est d’abord celui de « physiologie des insectes ».


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