Erda ou le savoir



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2.10.Un monde ouvert


Si notre cerveau est le siège de phénomènes biochimiques, qui, bon an mal an, maintiennent une certaine permanence (toute relative, nous l'avons souligné), c'est grâce, en grande partie à un déterminisme rigoureux, sans lequel nos cellules nerveuses n'auraient jamais pu naître. Et pourtant, à chaque instant tout peu arriver, parfois le meilleur - l'idée géniale356 - mais beaucoup plus souvent le pire - l'oblitération d'un vaisseau sanguin357 entraînant la mort de dizaines de millions de neurones- .En fait notre cerveau est un système dynamique, dont les différentes parties sont en interaction continue, entre elles d'une part, avec le milieu extérieur d'autre part, et comme la flamme d'une bougie358 qui oscille au moindre souffle, modifie ses états à chaque stimulus venant de l'extérieur ou de n'importe quelle partie du corps. La simple vision d'un objet, l'audition d'un bruit connu ou mystérieux, la perception d'une odeur - la fameuse madeleine de Proust - déclenchent d'invraisemblables cascades de réactions chimiques, de potentiels d'action qui vont activer d'innombrables cartes cérébrales, dont certaines, renforcées vont donner naissance à un état de conscience déterminé, et sera nécessairement, compte tenu de la multitudes des cas possibles, quelque chose de nouveau, et jamais vécu359. Ainsi, nous réagissons librement, dans les limitent bien évidemment de nos capacités de réaction. C'est un semi-déterminisme qui laisse cependant une large place à ce que nous ressentons comme une liberté d'action. Pourquoi préciser « ce que nous ressentons » ? Simplement parce que nous ne prenons conscience de notre engagement dans l'action qu'au moment même où cette action se déroule ; dans la mesure où l'on rejette toute dualité, il y a nécessairement simultanéité entre l'acte et la prise de conscience de l'acte, et non pas anticipation de la conscience qui déciderait de l'acte360.

Dans son livre récent, Les ombres de l'esprit361, R Penrose, défend la même idée en invoquant la notion de connaissances immédiates ; son but est de prouver que notre conscience n'est pas la conséquence de calculs, comme ceux qui sont effectués dans un ordinateur. Autrement dit qu'il existe des phénomènes biologiques qui sont irréductibles à des processus pouvant être décrits par des calculs logiques362. Penrose en déduit qu'aucun ordinateur construit sur le modèle de ceux que nous possédons actuellement ne pourra être équivalent au cerveau humain. Avec cette conséquence qu'aucune machine ne pourra atteindre une conscience semblable à la conscience humaine.

Avant de poursuivre donnons quelques indications sommaires sur le théorème de Gödel. Le point de départ est l'antinomie du menteur, connue depuis l’antiquité : « Epiménide le crétois dit ; tous les crétois sont menteurs», dit-il la vérité ? Il est facile de constater que s'il dit la vérité c'est qu'il ment, et s'il ment c'est qu'il dit la vérité. L'histoire serait un simple canular si, dans la dernière moitié du 19é siècle les fondements des mathématiques n'avaient pas été atteints par des antinomies de même nature. Puis, dans les années trente de ce siècle, K Gödel a mis un point final à tous les espoirs de fondements absolus des mathématiques : un système logique assez puissant pour seulement fonder l'arithmétique, engendre nécessairement des propositions du même type que l'antinomie du menteur, propositions dites indécidables363. Pour comprendre le « drame », il faut se souvenir que le raisonnement mathématique et tous les algorithmes de calcul reposent sur le tiers exclus ; affirmer qu'il existe des propositions qui ne peuvent être ni vraies ni fausses apparaît donc comme une contradiction de nature à ruiner l'édifice complet des mathématiques, ce qui, paradoxalement n'est pas le cas ! Ce qu'il faut alors remarquer c'est que le mathématicien à la possibilité de s'assurer de la vérité de certaines affirmations, en même temps que celle-ci sont reconnues indécidables dans un système logique capable de servir de fondement aux mathématiques. Il faut donc en déduire, selon Penrose que les capacités mathématiques de l'homme dépassent celles de n'importe quelle machine dont le fonctionnement repose exclusivement sur des algorithmes364.

On peut (peut-être) résumer la pensée de Penrose à ceci : soit A le système complet sensé fonder la pensée humaine ; celle-ci ne peut sécréter que des systèmes A' dont les capacités déductives sont inférieures à A. La pensée humaine tombe alors sous le coup du théorème de Gödel. Mais la différence entre A et A', qui fait justement la spécificité de la conscience, permet au système A, suivant des modalités qu'il reste à découvrir de se sortir d'affaire, ce que ne peut faire un ordinateur qui est condamné à tourner sans fin à la recherche d'une solution introuvable, puisqu'elle n'existe pas365.



Il est en fait fortement probable que la différence entre A et A' est considérable. Et cela peut être mis en évidence sans nécessairement faire appel aux niveaux respectifs de complexité. Nous disposons de cinq entrées sensorielles qui sont toutes fortement dépendantes, et d'une richesse inouïe dans tous les cas (combien de nuances de couleurs, de sonorités, de goûts, d'odeurs) ; nos organes sensoriels sont pratiquement capables de nous restituer la quasi continuité naturelle. Comment d'autre part comparer l'activité d'un neurone, doté de ses milliers de synapses avec celle d'un transistor, ne fonctionnant que sur le mode du tout ou rien ? De plus la multitude de nos moindres gestes agit en feed-back sur nos neurones nous rendant capable d'ajuster ainsi le moindre de nos comportements. Aux situations que nous rencontrons. De plus, notre cerveau est un organisme vivant, c'est-à-dire que comme n'importe quel système biologique, il a besoin d'une nourriture spécifique. Si l'énergie lui est nécessaire comme à tous les systèmes dynamiques, il lui faut autre chose pour créer ; et ce quelque chose est l'information. Certes, c'est exactement le cas de l'ordinateur qui lui aussi à besoin d'énergie (électrique, en l'occurrence) et d'information ; mais peut-il créer au-delà ce que qui peut être logiquement déduit de ces informations ? Je pose simplement la question, car lorsque l'on introduit des processus aléatoires dans le fonctionnement d'un ordinateur, j'ignore à quels niveaux elles agissent. En particulier permettent-elles à l'appareil de s'affranchir de ses propres règles logiques comme le fait couramment l'esprit humain366. C'est ce qu'on appelle l'intuition mathématique dont on sait que c'est elle qui fait arriver au résultat, la démonstration demandant un effort de mise en forme logique qui semble bien ne pas nécessiter les mêmes qualités intellectuelles367. Et viendra-t-il le formidable ordinateur doué de son puissant cerveau, aussi performant que celui du plus brillant ingénieur, lorsque que ses circuits fatigués laisseront prévoir, une irrémédiable panne, viendra-t-il donc, comme mon chat, voici peu, me donner son dernier témoignage d'amitié, avant aller mourir caché sans que jamais on ne retrouve sa trace ?

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