Erda ou le savoir



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1.7.Déterminisme et destin

Il n'est cependant pas simple d'y voir clair au niveau où nous nous situons ; Et il semble bien, par exemple que la querelle du déterminisme soit due à de faux problèmes. N'y voit-on pas mélangées des considérations totalement étrangères l'une à l’autre ? Indéterminisme physique nécessaire à la liberté humaine ; Croyance en un destin niant la liberté donc affirmant le déterminisme rigoureux des phénomènes physiques.

Le thème du destin, donc le problème du déterminisme affleure tout au long de la Tétralogie. Wotan est-il maître de son destin, ou ce destin est-il décidé, à son insu par une puissance démiurgique, dont Erda ne serait que le symbole ? Nous savons, dés le début, que l'existence des dieux est menacée ; Erda au quatrième tableau de L'Or du Rhin, met Wotan en garde :

«Tout ce qui est, finira / le crépuscule / menace les dieux / suis mon conseil, lâche l'anneau.».

Wotan abandonne l'anneau, sans pourtant échapper à son destin. Son renoncement ne change rien.

« Qui es-tu, qui me mets en garde ? », demande Wotan, lorsque Erda apparaît ; elle répond alors : « Je sais tout du passé / et du présent / et de l'avenir /...». Autrement dit, à ce moment Erda sait déjà que le renoncement du dieu est inutile. Elle sait aussi que Wotan reviendra vers elle, pour la soumettre à sa loi (en fait, la violer ! Comme s'il avait voulu lui arracher la vérité des entrailles, en la personne de Brünnhilde).

Dans le temps hors du temps qui sépare la première et la deuxième journée du Ring, Wotan devient Wanderer, le Voyageur, il suit le destin de Siegfried, puis lorsque le jeune héros a terrassé le dragon, invoque Erda ; malgré les instances de Wotan, qui est maintenant beaucoup plus un homme qu'un dieu elle reste muette. Et le Wanderer s'emporte :

« Tu n'es pas / ce que tu crois ! / La sagesse des mères finit / ton savoir s'efface / devant ma volonté /.../ à toi l'ignorante / je te crie.»72

Erda incarne un déterminisme absolu, récusé par Wotan qui au contraire affirme la prééminence de la liberté qui est maintenant celle de l'homme, puisqu'en quittant le Walhall pour devenir le Wanderer, il s'est débarrassé de sa divinité, ruinant l'ordre immuable du monde, donc le déterminisme, gagnant ainsi cette inconfortable liberté, qui paradoxalement fixe son tragique destin.

*

Le déterminisme est profondément lié au principe de causalité qui domine la description scientifique du monde. « Tout effet à une cause » ; c'est un principe reconnu aussi bien par la pensée scientifique que par la pensée mythique. Et pourtant ce principe a été partiellement remis en cause par les postulats quantiques.



Comme ce problème sera repris plus loin, je ne donne ici que de sommaires indications. Un objet quantique n'est pas généralement, avant une mesure, dans un état déterminé, mais dans une superposition d'états ; par exemple une superposition des états E1, E2, E3, E4 ; ce que permet la théorie c'est de connaître la probabilité pour qu'au cours de la mesure, l'objet soit trouvé dans l'un des ces états. Mais cette même théorie ne permet pas d'assigner une cause au fait que l'objet soit trouvé dans tel ou tel état.

Considérant que la théorie quantique était à la base de toute description physique des phénomènes, nombreux sont ceux qui ont généralisé ce principe à tous les phénomènes, y compris, par exemple celui de la chute des corps, affirmant sans rire que si l'on observait un mouvement vers le bas c'est qu'à chaque instant la probabilité pour qu'il se meuve vers le haut était plus faible que celle pour qu'il se meuve vers le haut !

Je ne citerai qu'un exemple, celui que l'on trouve dans un ouvrage de M Gardner, L'univers ambidextre, Le Seuil (1968, pour la traduction française), page 299 et suivantes. L'auteur commence par évoquer, comme si ce problème avait un rapport avec la chute des corps, le calcul des probabilités Il considère la probabilité d'obtenir, au hasard une répartition d'un jeu de 52 cartes (par exemple, du 2 de trèfle, jusqu'à l'as de pique, avec l'ordre de force croissante du bridge, trèfle, carreau, cœur, pique). La probabilité est très faible, mais non nulle : 1/52 !73. Dans ce cas, j'accorde, que même si la probabilité est très faible, l'événement qui est du type tirage d'une boule d'une urne, doit se produire au cours de temps très long 74. Gardner extrapole ensuite (page 300) au cas d'une boule de billard américain « remontant du trou où elle était tombée », affirmant : « C'est seulement parce que c'est extrêmement improbable que cela ne se produit pas ». L'argument repose sur la réversibilité de toutes les lois de la physique. Mais cette réversibilité est purement axiomatique et n'existe que dans les théories ; elle est une propriété de nos représentations mentales et nullement de la réalité elle-même, dominée par la complexité, rendant impossible tout retour à une situation initiale au cours de l'évolution d'un phénomène75.
*

Je trouve affligeant des raisonnements du type de celui qui vient d'être évoqué. La plupart du temps, ce n'est ni l'incompétence, ni la connaissance des limites de toute théorie qui sont en cause. Il y a donc d'autres raisons, sans doute peu glorieuse, dont l'une pourrait être le goût du sensationnel ; quelque chose qui pourrait ressembler à la sotte vanité dont fait preuve Wotan lorsqu'il affronte le misérable Mime dans le jeu des trois questions (Acte I de Siegfried). Car il existe une façon classique de dominer son interlocuteur dans une discussion, c'est l'entraîner sur un terrain où il ne possède plus de références rationnelles pour juger de la pertinence de certaines affirmations. David Hume, au début du 18é siècle dénonçait déjà cette attitude, condamnant une philosophie abstruse :

« Voici, en vérité, l'objection la plus juste et la plus plausible, contre une partie considérable de la métaphysique76, que ce n'est pas proprement une science, mais qu'elle naît des stériles efforts de la vanité humaine qui voudrait pénétrer des sujets absolument inaccessibles à l'entendement, ou de la ruse des superstitions populaires qui incapables de se défendre sur un bon terrain font surgir ces taillis inextricables pour couvrir et protéger leur faiblesse.» (Enquête sur l'entendement humain). Il serait injuste de confondre les discours scientifiques adressés à ceux qui ne possèdent pas l'information suffisante pour décoder le message, avec les jongleurs d'entités fustigés par Hume, mais il est manifeste que ;

- les propos de certains auteurs dissimulent sous une apparence scientifique des considérations métaphysiques ;

- Ces auteurs font preuves de vanité en laissant entendre qu'ils possèdent la clé scientifique des paradoxes (Peut-être, dans le texte de Hume, faudrait-il remplacer « superstitions populaires » par « superstitions scientifiques »77!) ;

- la science couvre, par un discours triomphaliste, la faiblesse de ses fondements, qui restent, sans doute par nécessité, profondément anthropomorphiques. A cela s'ajoute la difficulté de définir sans ambiguïté le statut de la réalité78.



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