Gaston Bardet


DISSOCIATION DES OPERATIONS DE L'ÂME



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DISSOCIATION DES OPERATIONS DE L'ÂME.


Pour mieux comprendre encore la distinction entre les extases des Ténèbres et les extases de Lumière, et surtout afin de bien les différencier d'avec les états-seconds des voyants, médiums et yoguins, il est nécessaire de faire un excursus dans le domaine du psycho-magnétisme naturel. Nous pourrons ainsi, non seulement distinguer et mieux admirer l'action du Feu du Ciel, mais encore démêler les problèmes les plus confus, tels ceux de la possession démoniaque, du yoga et de la psychanalyse pour commencer.

Les phénomènes parapsychiques que nous nommons aujourd'hui : magnétisme, hypnotisme, suggestion, action télépsychique, ont toujours fait partie de l'initiation antique et de la «mehkneness» c'est-à-dire l'action d'ôter la responsabilité, pratiquée par Gurdjieff. Il n'y a guère qu'un demi-siècle qu'on commence à les étudier comme des phénomènes naturels, possibles à expérimenter sur des individus normaux. Après le scepticisme d'il y a trente ans, et les confusions entre hypnose et hypnotisme, entre état hypnoïde et hypnotique, les expériences de Pavlov ont réhabilité les états d'inhibition locale ou généralisée d'ordre hypnoïde. Il est indispensable d'y revenir pour éclairer la psycho-pathologie et même la psychologie normale. Ajoutons que le vocabulaire n'est pas encore fixé ; il fourmille d'impropriétés, de confusions, nous emploierons cependant les termes tels qu'ils le sont pratiquement, en soulignant les différences avec les états pathologiques analogues, et en rectifiant lorsque besoin est.

Certes, l'exploitation (criminelle), faite à la Salpétrière, par Charcot et ses émules, de l'hypnotisme sensoriel de choc... n'a pas peu troublé les esprits. Il s'agit là d'une méthode brutale (du genre de l'électro-choc), condamnable autant par la science véritable que par la morale, en raison de ses séquelles 97.

Par ailleurs, les tenants de la suggestion, l'école de Nancy et Coué, ou ceux de la télépsychie - c'est-à-dire surtout les gnostiques, les néo-occultistes qui s'ignorent, yoguins, etc... mettent tout sur le compte de la volonté ou de l'inconscient, tandis que l'école de Charcot nie le magnétisme animal. Enfin, qu'il s'agisse de traduire l'état : turya, en lequel le gourou met son disciple dans les ashrams du Thibet, de certaines psychoses asilaires, des descriptions d'états déclarés (?) « faussement mystiques » par le Prof. Lhermitte, ou encore de toutes les extases de Mère Thérèse, nous ne voyons toujours employé qu'un seul adjectif : cataleptique. Il y a là une simplification abusive.

On doit à Paul Clément Jagot d'avoir fait la synthèse et la distinction pratique des quatre moyens d'action : hypnotisme, magnétisme, suggestion, télé-psychie aboutissant à l'hypnose donc à des états hypnoïdes. A des fins purement thérapeutiques - car nous ne pouvions admettre l'idée d'ôter la conscience de quelqu'un - nous avons pratiqué avec lui le magnétisme, il y a vingt ans ; nous pouvons donc en parler d'expérience.

Les deux procédés opposés qui obtiennent des états-seconds profonds sont l'hypnotisme sensoriel et le magnétisme.

Les trois états classiques de l'hypnotisme sont dits : cataleptique, léthargique, somnambulique. Ils sont obtenus généralement par des chocs visuels, auditifs ou tactiles brusques, qu'il est interdit en conscience d'utiliser. Ils exercent sur les individus - même normaux - une altération plus ou moins rapide et plus ou moins grande de l'objectivité, d'où les fraudes, l'amoralisme des médiums, sans parler de la véritabe « fabrication » de l'hystérie, démontrée par Babinski.

Les trois états classiques de Charcot n'impliquent pas qu'on puisse les observer nettement, ni successivement ; ils sont même réversibles suivant certaines pressions exercées sur les globes oculaires ou le vertex 98. Il y a des individus à tendance léthargoïde, apathiques ; d'autres à tendance cataleptoïde, immobiles mais non affaissés ; enfin, plus fréquemment, somnambuloïde, à peine différents de l'état de veille 99. P. C. Jagot qui a hypnotisé et éveillé plus de 5.000 individus des deux sexes, dont l'âge, l'intelligence, l'état de santé différaient, ne trouve qu'une constante : l'effet de la suggestion sur les facultés inférieures : imagination, sensibilité, mémoire sensible. La suggestion - comme la tentation - désorganise les facultés d'attention, de volonté et de critique 100 qui composent ce que Pierre Janet appelle « la fonction du réel » ; elle atteint directement les fonctions physiologiques et entraîne un accroissement d'émotivité et d'impressionnabilité du sujet. Il y a création d'un habitus de suggestibilité préparatoire à des scissions à l'état de veille 101.

En vue de nos analyses ultérieures des névroses, il nous faut, tout d'abord, évoquer les phénomènes d'hypnose courants ou frustes, surtout obtenus par conjugaison du magnétisme et de la suggestion ; nous passerons ensuite aux phénomènes psychiques exceptionnels dits du « grand hypnotisme », qui nous éclaireront, eux, sur les extases et le yoga.

Pour obtenir un état d'hypnose partielle, on agit par fascination, soit en fixant intensément les yeux du sujet, soit en fatiguant le regard de ce dernier au moyen d'un miroir rotatif ou d'un hypnodise ; puis par suggestions verbales, monotones et répétées comme un tic-tac d'horloge, qui provoquent « l'inhibition de la surface corticale » (Pavlov) ; enfin par des passes magnétiques, on augmente l'état de réceptivité du sujet.

L'opérateur obtient ainsi, à l'état de veille, des contractures des bras, des mains, des inhibitions suggérées : aphonie partielle, par ex. ; puis il passe à des perturbations plus profondes motrices, à des mouvements imposés tels que des automatismes, ou des mouvements interdits ». En continuant, l'opérateur peut obtenir des perturbations sensorielles : hallucinations visuelles, auditives, olfactives, gustatives, sensations tactiles suggérées ou, au contraire, localement abolies. Enfin, il passe aux perturbations centrales, qui constituent la phase la plus profonde de l'hypnose partielle, telle qu'amnésie, exécution d'actes imposés.

Toutes ces expériences conduisent doucement à l'hypnose totale et montrent comment peuvent se produire, accidentellement et sans l'intervention d'opérateur, certaines perturbations chez des individus facilement suggestionnables.

L'hypnose totale, autrement dit le sommeil hypnotique, peut être obtenue directement sans passer par ces préliminaires, toujours par conjugaison des trois moyens précités auxquels s'ajoute l'action télépsychique. On obtient des états frustes plus ou moins profonds, dans lesquels l'anesthésie locale est elle-même plus ou moins profonde ; les suggestions sont exécutées plus ou moins rapidement, lors d'un état parasomnambuloïde.

Les suggestions ne doivent pas être brèves (par ex. : « Dansez ») mais être le résultat d'un cadre créé par suggestion : « Nous sommes dans un dancing, entendez-vous l'orchestre ? etc... ». L'acte résulte ainsi d'associations sur un même thème.

Dans cet état d'hypnose totale fruste, des suggestions à échéance ou post-suggestions peuvent être insérées dans le psychisme du sujet. L'opérateur doit indiquer clairement ce que le sujet devra exécuter, et faire répéter mot à mot, afin de s'assurer qu'il a été bien compris. Il incruste ainsi, dans la mémoire imaginaire du sujet, l'idée que ce dernier, au moment indiqué, recevra comme une impulsion irrésistible, à laquelle il sera incapable de résister 102.

Enfin la suggestion peut être poussée (criminellement) plus loin, jusqu'à l'obsession - à chaque fois que vous verrez un médecin vous vous roulerez par terre, par ex... Après la simple impulsion analogue à la tentation démoniaque, nous atteignons le registre de l'obsession démoniaque : suggestion indéfiniment répétée.

Dans les névroses, (cf. Chap. VI et VII), une post-suggestion peut s'être produite accidentellement lors d'un clivage des opérations de la conscience. Comme cette post-suggestion s'est souvent insérée d'une manière beaucoup moins claire, masquée ou « mixturée », elle ne s'exécute pas, en toute rigueur, comme dans l'hypnose totale. Mais, ses tentatives d'exécution se heurtant au vouloir du sujet conscient, délibéré, régi par des lois morales ou sociales, produisent des inhibitions plus ou moins profondes et graves.

D'ailleurs, dans le cas de la post-suggestion hypnotique, celle-ci n'est pas exécutée au réveil, lorsqu'il y a réaction morale intense, contre certaines suggestions de gestes criminels ou impudiques, par exemple.

En outre, les associations d'idées entre les actes consciemment vécus et la post-suggestion, interférant plus ou moins, augmentent la confusion. D'où le danger de toute post-suggestion, qu'un opérateur habile pourra retrouver lors d'un nouveau sommeil hypnotique.

Ceci nous conduit à dire un mot de la suggestion thérapeutique, dans les cas de névrose. Se fondant sur les possibilités d'obtenir un engourdissement partiel de la volonté, une sorte de passivité du sujet, de nombreux médecins ont pensé profiter de ce moyen - au besoin en s'aidant de drogues - pour introduire dans le psychisme une action thérapeutique. C'est au fond le principe même de la suggestion : suggerere, agir par en-dessous.

« Toutes ces méthodes comportent de grands dangers », écrit le Prof. Henri Baruk, médecin-chef de la Maison Nationale de Santé (de Saint-Maurice), sans doute donnent-elles certains résultats, quoiqu'inefficaces dans les obsessions et la plupart des autres névroses, comme l'a démontré Babinski, « mais il n'est pas nécessaire... de recourir à cette mutilation passagère de l'individu. La simple persuasion [qui s'adresse à la conscience] est souvent suffisante et nous la préférons à une méthode qui agit par en-dessous ». On ne dissocie pas impunément la mémoire d'un malade qui déjà voit son unité désagrégée 103.

Car notre système nerveux comporte deux parties distinctes, mais solidaires et interconnectées. Le système nerveux central ou cérébro-spinal (moëlle, cerveau postérieur, c'est-à-dire bulbe et cervelet, et le cerveau antérieur, c'est-à-dire diencéphale et téléencéphale) et le système végétatif comprenant les systèmes antagonistes para et vago sympathiques. Normalement, le système nerveux central, par les hémisphères antérieurs, commande consciemment au névraxe : moëlle et cerveau postérieur ; le système végétatif restant non conscient (sauf par entraînement spécial chez les yoguins, par exemple) fonctionne séparément. Mais le système cérébrospinal peut se cliver en deux parties, d'une part, le cerveau antérieur en lequel se produisent instrumentalement les sensations dites conscientes et les jugements, et le névraxe, moëlle et cerveau postérieur, qui semble bien être le siège de la « conscience sensible » ou sens commun d'Aristote et de saint Thomas, cette fonction de comparaison et d'unification des données des sens extérieurs.

Lorsque ce clivage, cette « décérébration » partielle et provisoire, se produit, soit accidentellement chez certains sujets, soit artificiellement par l'hypnose, soit organiquement par la maladie, il y a trois circuits distincts correspondant aux trois niveaux intellectuel, sensible et végétatif. L'intercommunication subsiste entre les deux derniers 104.

Les états hypnoïdes que nous allons rencontrer consistent en un clivage de plus en plus accentué du cerveau antérieur (c'est-à-dire les hémisphères cérébraux et le cerveau intermédiaire ou diencéphale) et du névraxe. Ce clivage entraîne une dissociation de plus en plus grave de l'intelligence et de l'imagination, de la volonté et de la sensibilité, de la mémoire des concepts et de la mémoire des images, une suppression de la sensibilité générale, puis progressivement des cinq sens, ainsi que de la motricité.

Rappelons que la sensibilité est transmise au cerveau par trois séries de neurones : ganglionnaires dans la moëlle, bulbo-thalamiques dans le cerveau postérieur, thalamo-corticaux dans les hémisphères cérébraux. La commande de la motricité redescend des hémisphères par un chemin inverse ; mais la motricité peut être déclenchée directement par le cerveau postérieur, sans passer par la « conscience corticale ». En somme, la région bulbo-thalamique est la charnière entre le conscient proprement dit et les relations sensibles ou motrices avec le milieu extérieur, la « conscience bulbaire » 105. Il y aurait intérêt à étudier comment, pourquoi, et dans quel ordre, les courants cellulifuges et cellulipètes des neurones ganglionnaires, bulbo-thalamiques et thalamo-corticaux sont inhibés 106. Nous ne croyons pas que cette étude ait été scientifiquement entreprise, nous nous en tiendrons donc à des descriptions de praticien, en langage banal.

Si nous avons insisté sur cette structure, c'est qu'elle nous fait comprendre le mécanisme de la suggestion à échéance, et la dissociation qui peut se produire. Il y a d'une part, le sujet-homme avec son cerveau complet qui vit une vie consciente normale, puis le sujet-animal privé de son cerveau antérieur en lequel on peut insérer une image étrangère, une suggestion. Celle-ci ne peut s'introduire que dans l'imagination - faculté inférieure commune à l'animal et à l'homme, dont les instruments organiques sont les parties moyenne et postérieures du cerveau 107.

Au réveil, le sujet retrouve son cerveau entier, mais comme il n'y a aucun lien conscient entre la suggestion et sa vie consciemment vécue, il ne pourra rien se rappeler, par impossibilité psychologique de créer un groupe associatif. Physiologiquement, la chaîne des neurones du téléencéphale a été courtcireuitée, les dendrites ne peuvent rien rechercher.

Mais la suggestion à échéance, injectée en la mémoire du sujet, déclenche le geste commandé puisqu'il y a continuité d'images 108 entre l'enregistrement et l'acte, et que les neurones moteurs peuvent être commandés directement par les neurones du bulbe ou du système parasympathique.

Comprenons dès lors que ne peuvent être, stricto sensu, inconscientes, c'est-à-dire inaccessibles à l'évocation volontaire, que les images introduites en notre cerveau postérieur durant un état hypnoïde. Celui-ci peut être profond, causé par la maladie, le sommeil, la colère, ou fruste chez certains êtres très « sensitifs » (caractérisés par l'absence de lobes d'oreilles, par ex.) lors d'un simple état-second produit par des parfums trop forts, un feu violent, une lumière trop vive, etc... Ces faits inaccessibles pourront, durant une nouvelle hypnose, être ramenés à la lumière par un opérateur qui peut alors les exposer au malade ; telle est l'expérience de Breuer - dont la fausse interprétation est à la base de tout l'édifice psychanalytique (cf. chap. VII).

Les expérimentations que nous allons analyser montreront ce qu'est un homme-décérébré, c'est-à-dire l'homme-animal, l'homme-psychique 109, dégradé jusqu'à l'homme-bouc sujet des généralisations imbéciles de la psychanalyse. Elles souligneront clairement comment l'âme rationnelle, forme unique du corps qu'elle informe en totalité, peut être clivée dans ses opérations, peut opérer à différents étages du conscient, tout en restant unique, comme un même courant électrique, dans un circuit, peut ne pas éclairer certaines pièces dont les plombs ont sauté.

Passons donc à l'hypnose profonde, c'est-à-dire aux phénomènes psychiques exceptionnels, obtenus avec de grandes précautions opératoires.


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