Gaston Bardet


« QUE JE VOUDRAIS ME FAIRE MAGNETISER PAR NOTRE SEIGNEUR ! »



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« QUE JE VOUDRAIS ME FAIRE MAGNETISER PAR NOTRE SEIGNEUR ! »


A l'opposé de l'hypnotisme sensoriel de choc se présente le processus lent et continu de la magnétisation, c'est-à-dire le transfert d'une énergie psychique, bio-électrique ou vitale (?) sur un sujet en moins bon état de santé 110.

Il y a quatre états naturels : suggestif, cataleptique, somnambulique, léthargique 111, que l'on peut qualifier de normaux, puis une série d'états strictement supranormaux.

Nous allons donc exposer en détail les quatre états du sommeil magnétique - qui diffère du sommeil hypnotique de choc - en ce qu'il se développe graduellement par une action uniforme, et qu'on l'obtient exclusivement par des passes magnétiques, impositions des mains ou souffles, sans aucune excitation sensorielle - toute suggestion ou action télépsychique étant déconseillée 112. Ce sommeil expérimental ne peut être obtenu avec toutes ses caractéristiques que sur des sensitifs, c'est-à-dire sur 12 à 15% des personnes, et ne donne des résultats rapides que sur 33% en bonne santé. Le magnétisme thérapeutique à l'état de veille reste applicable à tous bien entendu, il permet, en particulier, par des « souffles chauds » au plexus solaire, un véritable « regonflage » d'organismes affaiblis, le sauvetage de petits enfants.

Le premier état est dit SUGGESTIF par Hector Durville c'est un état de veille apparente, les yeux et tous les sens sont ouverts, le sujet est en rapport avec tous les assistants, mais on constate l'anesthésie cutanée et il perd, apparemment du moins, toute notion de personnalité. Le cerveau du sujet est essentiellement passif, il subit toute suggestion en cet état ; il réalise d'une façon non-consciente et non-volontaire les représentations introduites dans son imagination. L'état suggestif permet de suggérer des choses qui sont indifférentes au sujet (par ex. le parfum... d'une bouteille d'eau que vous lui mettez sous le nez), mais rien qui soit contraire à la morale naturelle (tirer sur quelqu'un ou voler). Le sujet regimbera.

En outre, il ne garde aucun souvenir des impressions éprouvées 113. Aussi est-il impossible de donner une suggestion à exécuter au sortir de cet état, et nous apercevons tout de suite le rôle capital de la mémoire et de l'oubli. C'est un état pré-somnambulique, un état provoqué mais analogue à celui recherché par certains médiums à boule de cristal, marc de café, blanc d'oeuf, épingles, etc... qui se laissent envahir par des perceptions extérieures au milieu immédiat. Il semble plus profond que le « préendormissement » du « rêve éveillé », mais la qualification d'état « suggestif » nous semble moins bonne que celle d'état de « rêve », car ce qui compte, avant tout, c'est que le sujet ne garde aucun souvenir des impressions éprouvées.

Reprenons notre expérience de laboratoire où l'on continue les passes magnétiques. Le sujet entre alors dans l'état CATALEPTIQUE. L'œil est ouvert, et le regard possède une fixité caractéristique.

« Pas ou peu de clignotements de paupières, les larmes s'accumulent et s'écoulent sur les joues. Le trait le plus saillant est l'immobilité. Les membres gardent fort longtemps les attitudes les plus difficiles qu'on leur a communiquées ; lorsqu'on les déplace, ils donnent la sensation d'une très grande légéreté et les articulations ne font éprouver aucune résistance. La physionomie prend des expressions variées en rapport avec les attitudes qu'on a communiquées aux membres [ce qui implique la faculté d'unification dite conscience sensible]. L'anesthésie cutanée est complète, l'ouïe, la vue persistent en partie. Il y a automatisme comme dans une glace ou imitation, et le sujet exécute tous les mouvements que l'expérimentateur fait devant lui » 114, lorsque celui-ci est en contact visuel avec le sujet 115 ; « Il n'y a pas de contractures et les excitations qui déterminent ce phénomène dans les états suivants ne produisent rien, si ce n'est, parfois, la paralysie ».

Le sujet n'exécute jamais aucune suggestion verbale. Son imagination et sa mémoire sont à l'abri de ce qui « entre par l'oreille » ; l'inhibition du cortex est totale et le bulbe lui-même n'est pas normalement en relation avec l’opérateur. Il n'entend pas.

Les yeux ouverts du sujet étant normalement braqués sur leur punctum proximum, il faut donc d'abord obtenir le contact visuel. Pour ce faire, l'opérateur doit amener (par son doigt), de ce point à son centre intersourcillier, le regard du sujet en son propre regard. Le contact auditif s'ensuit, le sujet entend désormais, mais il n'obéit pas.

Néanmoins, dès lors il exécute, comme dans une glace, tous les mouvements que l'opérateur fait devant lui ; la suggestion ne passe pas par le canal auditif mais par la vue 116. Ce n'est pas un ordre laissant une certaine initiative dans les modalités d'exécution, plus d'interprétation psychomotrice possible, c'est un modèle à copier rigidement. Il l'est maladroitement par suite de l'engourdissement du sujet et de sa plus ou moins grande souplesse naturelle à l'état de veille, comme nous l'avons observé.

Bien plus, le sujet répète instantanément et automatiquement les paroles que vous avez prononcées en quelque langue que ce soit. Après l'échopraxie, c'est l'écholalie parfaite. Il y a identification : le mot prononcé par l'opérateur entre dans le canal auditif, est transmis au cerveau postérieur, mais ne va pas au cerveau antérieur, qui est court-circuité ; il est renvoyé comme une balle par la voie bulbaire à la bouche qui prononce ce mot exactement en même temps que l'opérateur 117. En somme la bouche de l'opérateur et l'oreille du sujet ne sont que relais ; tout se passe comme si c'était le cerveau antérieur de l'opérateur qui parlait par la bouche du sujet, ce qui nous fait saisir le mécanisme de la possession démoniaque 118. Non seulement la volonté est supprimée, mais même ce qu'on pourrait appeler la volonté de la conscience inférieure, « l'initiative psycho-motrice » 119.

Romano Guardini dans « Le Seigneur » précise très justement : « Quand le Seigneur, à travers le malade, s'adresse au démon qui est en lui, il se tient dans un domaine où aucun médecin ne peut le suivre. Le démon n'agit pas de telle manière qu'on puisse dire ceci ou cela n'est pas naturel et donc diabolique. Surnaturel et préternaturel ne se manifestent pas dans la vie chrétienne par un hiatus dans le déroulement des choses qu'ils combleraient extraordinairement. Tout reste toujours naturel à certains égards ».

« La chaîne des phénomènes ne se brise pas. Choses et événements se présentent de telle sorte qu'on peut dire : ceci est ainsi, parce que telle chose a agi de telle manière. C'est justement dans l'enchaînement de ce qui est naturel que Satan agit ».

Telle est la position que nous ne cessons de renforcer en cet ouvrage concernant les rapports du surnaturel modal (divin ou diabolique) et du naturel.

L'inhibition totale du cortex nous montre la « conscience sensible » - qui orchestre les différents gestes du corps (mimique) en action. Si la main du sujet est portée à ses lèvres, par ex., comme pour donner un baiser, il sourit.

C'est également la « conscience sensible » qui est en jeu dans les hypnoses dites unilatérales ou hémicérébrales, étudiées spécialement dans sa thèse de doctorat, par le Docteur Bertillon.

« Si, en catalepsie, on donne au membre supérieur gauche le geste de l'adieu, au membre supérieur droit le geste de commandement, alors le visage du côté droit prend l'expression sévère d'une personne qui donne un ordre impérieux et le visage, du côté gauche, prend l'expression même de la personne qui sourit ».

Il n'y a pas création de « deux états d'âme parallèles », comme on l'a dit, il n'y a pas action sur les hémisphères, mais tout se passe avant les croisements cylindraxils, à la décussation des pyramides 120.

Notons deux faits remarquables en ce qui concerne la symbolique fondamentale - inscrite en notre «conscience sensible » - et aussi générale que les « sensibles communs ». Si l'on porte le regard du sujet en état cataleptique vers la terre, sa physionomie exprime la répugnance la plus vive. Si, au contraire, on dirige son regard vers le ciel, il semble ravi 121. La dernière impression reçue persiste après le réveil, si celui-ci a lieu immédiatement après 122.

En outre, le sujet présente la plus saisissante interprétation mimique de la musique. Même s'il est peu réceptif à l'état normal, il éprouve des émotions en rapport avec le morceau exécuté ; quand bien même ces émotions seraient contraires à son tempérament et à ses idées acquises, dont il est d'ailleurs coupé. Le plus agnostique des individus prend des attitudes religieuses en catalepsie, sous l'influence d'airs d'église... comme si la catalepsie le ramenait au symbolisme fondamental des rythmes musicaux.

Notons aussi qu'à partir de l'état cataleptique, ce qu'on appelle la « sensibilité » du sujet extériorisée (par couches de 35 mm de longueur d'onde ?) peut se condenser dans une statuette de cire... ce qui est la base de tous les envoûtements qui se pratiquent encore dans nos campagnes 123 ... pour ne parler que de l'Europe.

Si l'on continue les passes, le sujet entre dans l'état SOMNAMBULIQUE provoqué - qui n'est pas le somnambulisme naturel où le sujet « agit » son rêve. Les paupières sont abaissées sur les globes oculaires généralement convulsés et dirigés vers le haut. Le sujet n'est en rapport qu'avec son magnétiseur qu'il entend parfois à de grandes distances, tandis qu'il n'entend pas les autres personnes, ni le bruit plus intense qui peut se produire près de lui.

« On produit des contractures très intenses en dirigeant à distance un doigt vers un muscle ou vers le nerf qui anime ce muscle... Si on dirige alors un doigt de la même main vers un autre muscle, la contracture s'y transfère »... « Au point de vue psychologique, le sujet est doué d'une intelligence plus vive qu'à l'ordinaire, et l'on observe parfois des facultés nouvelles, telles que la prévision des événements futurs », ainsi que des phénomènes de clairvoyance et de lucidité. Cependant cette dernière est rare et non constante. C'est l'état-type recherché par les grands voyants.

Seul l'état somnambulique permet d'implanter des suggestions vraiment irrésistibles soit à exécuter de suite, soit à exécuter à échéance.

Dans cet état provoqué comme dans le somnambulisme naturel, il y a oubli complet, durant l'état de veille, de ce qui s'est passé durant l'état de sommeil, et souvenir complet durant un nouveau somnambulisme de ce qui s'est passé durant les sommeils précédents. Enfin, Pierre Janet a remarqué des irrégularités dans la connaissance à l'état somnambulique de ce qui s'est passé durant la veille.

Cette alternance de souvenir et d'oubli a donné lieu à la fausse expression de « dédoublement de personnalité », au lieu « d'alternances de conscience ». Il est de simple évidence que l'idée de division, de dédoublement, ne peut s'appliquer qu'au domaine de la quantité, la « scission du moi » n'a absolument aucun sens. L'esprit ne se fragmente pas, mais ses opérations peuvent être dissociées. Des faits enregistrés tantôt à l'état de veille, tantôt à l'état de sommeil et appartenant à l'unique moi peuvent réapparaître, selon que la « valve » bulbaire donne passage, ou non, aux opérations de la conscience corticale 124.

Dans l'état cataleptique, c'est la « conscience sensible » qui orchestre les attitudes, en l'absence de conscience corticale. Dans le somnambulisme, la lucidité semble utiliser ce qu'on appelle la « conscience onirique » pour s'exprimer symboliquement. Il y a évasion effective du temps et de l'espace ambiant pour s'établir dans une « coupe » du présent, et non dans un temps et une étendue imaginaires comme dans le rêve ordinaire.

Le sujet éprouve de la sympathie au contact, c'est-à-dire toutes les sensations éprouvées par le magnétiseur lorsque celui-ci le touche, puis sympathie à distance à quelques mètres. Mais en continuant à charger de magnétisme vital par de nouvelles passes, cet état finit par disparaître et le sujet cesse d'être en rapport avec son magnétiseur - lequel s'arrête généralement avant ce stade.

Car alors, le sujet entre dans l'état LETHARGIQUE et nous n'avons bien précisé les états précédents que pour faire ressortir les différences avec celui-ci. En cette condition : « Les paupières sont abaissées sur les globes oculaires qui sont convulsés et dirigés vers le haut : les membres sont en complet état de relâchement musculaire et obéissent aux lois de la pesanteur, l'anesthésie est complète : les muscles ont une aptitude spéciale à se contracter sous l'influence de la moindre excitation. Dans l'état précédent, la contracture s'obtient à distance, tandis que dans celui-ci, elle ne s'obtient qu'au contact, frottement, percussion, pression ; elle se transfère d'un muscle à l'autre comme dans l'état précédent ».

Notez que pour obtenir cet état sans passer par la chaîne des antécédents (ce qui est possible par les procédés d'hypnotisme de choc) mieux vaut « faire l'obscurité et le silence le plus complets possibles. Le premier signe à guetter est l'affaissement musculaire caractéristique de la léthargie : si le sujet n'est pas d'aplomb, il a tendance à glisser par terre ». Soulignons surtout le fait fondamental : Dans l'état léthargique, aucune suggestion n'est possible, le psychisme du sujet échappe à toute intervention du dehors.

Faut-il faire remarquer que dans un état d'apparence extérieure analogue, celui des extases des ténèbres, sainte Thérèse et Jean de la Croix précisent que le démon « ne peut arriver à comprendre ce qui se passe » 125.

Au delà nous entrons véritablement dans le supra-normal périlleux. Hector Durville a pu produire des états post-léthargiques ou plus exactement hyper-somnambuliques. Le colonel de Rochas, lui, en a obtenu des séries non plus seulement avec le magnétisme humain, mais en chargeant électriquement le sujet avec le courant continu d'une machine Wimhurst 126. C'est ainsi qu'il obtint aisément des « sorties » de ce qui a été baptisé : double, corps subtil ou médiateur plastique, et qui présente la forme extérieure du corps physique, aussi Durville l'appelle-t-il simplement : le fantôme. C'est le Ka des égyptiens.

Or, le dédoublement physiologique - bien connu des occultistes - est précisément l'un des buts du yoga et se produit parfois inopinément.

« La réalisation de la perception subtile constitue l'un des stades de l'entraînement particulier du yoga, qui vise à la connaissance directe de toute chose par voie d'identification et dont la méthode consiste en une sorte de gymnastique physico-mentale, à l'aide de laquelle la conscience, véhiculée par le corps subtil, se retire sans la détruire - de son enveloppe physique, pour y rentrer ensuite, ayant exploré toute chose, riche d'un prodigieux butin », avoue l'hindouiste Alain Danielou 127, écrivant (peut-être pour la première fois) ce qui ne doit se transmettre que de bouche à oreille.

Dans le double réside l'intelligence, la volonté et la sensibilité. Les « fantômes » provoqués et photographiés par Durville déclarent : « le fantôme c'est moi, le corps que vous voyez n'est qu'un sac vide » ou encore « le corps que vous touchez n'est rien, c'est l'enveloppe de l'autre, toute ma personne est dans la personne lumineuse, c'est elle qui pense, qui agit, elle transmet au corps ce que je vous dis » 128 ! On acquiert d'ailleurs expérimentalement la certitude que le corps physique n'est plus le siège d'aucune faculté, mais l'âme, forme unique immatérielle, opère avec ses facultés supérieures et inférieures dans le « fantôme », tandis qu'elle opère au simple niveau organo-végétatif dans le corps physique. Le clivage est purement opératoire.

Autrement dit, dans le dédoublement total, il y a sortie du pneuma et de la psyché emportant, lors de cette rupture, une certaine matière lumineuse appartenant au corps, ou dont on a chargé le corps biologiquement ou électriquement. Il y a donc affaiblissement corporel qui peut être grave (cas de dissolution ou rapt de cette matière sensibilisée).

Dans le cas des ectoplasmes il semble y avoir emprunt de matière graisseuse ou précipitation de matière extérieure, ce qui ne se peut faire sans participation des esprits mauvais.

En résumé, « sortir en astral » avec le corps subtil signifie se dédoubler. Certains adeptes occidentaux du yoga – non initiés - l'ont appris à leurs dépens... car il faut rentrer, « s'enfiler comme un gant », ce qui peut demander un quart d'heure à une demi-heure... d'inquiétude.

Le dédoublement physiologique n'a évidemment aucun rapport avec le faux « dédoublement de personnalité » précité, ni avec la bilocation des saints. François Xavier, par exemple, est à la fois dans sa cabine de bateau où il semble dormir (en fait, il est en extase) et un corps animé exactement semblable à lui (et non un fantôme) va à la recherche des marins perdus, vit avec eux deux jours et les ramène avec lui sur le navire. Il y a deux corps semblables, dotés des mêmes propriétés, l'un d'emprunt (sans doute d'ordre éthéré) agissant, parlant, mangeant, l'autre humain (périssable) en état de sommeil spirituel, animés par une seule âme. Loin d'être un dé-doublement, c'est un doublement. Aussi le fait est-il rare, mais d'autant mieux historiquement établi que les corps sont visiblement analogues. Aucun des deux groupes d'observateurs, situés en des lieux différents, ne peut soupçonner qu'il n'est pas en présence du saint lui-même, et surtout dans le cas du corps d'emprunt du saint agissant, parlant, etc... qui attire le plus l'attention 129. Le fait est particulièrement net dans le cas de saint Alphonse de Liguori assistant le pape Clément XIV à son lit de mort, à Rome, tandis que son corps humain se reposait à Arinzo, en la paroisse de sainte Agathe des Goths dont il était évêque.

Son biographe, le frère Tannoia, écrit : « Le matin du 20 septembre 1774, après avoir dit la messe, au lieu de faire son action de grâce au pied de l'autel, comme il en avait l'habitude, Alphonse se retira dans sa chambre, se jeta dans un fauteuil et resta ainsi sans bouger ou parler, tout à fait inconscient. Le lendemain matin il n'avait pas changé de position. Vers sept heures il sonna pour avertir qu'il voulait dire sa messe ». A ses familiers inquiets, il reconnut : « Ne savez-vous pas qu'il me fallait assister le pape à l'heure de sa mort ? ».

Le dédoublement intégral (la métagnomie est un dédoublement partiel), cette sortie d'ordre naturel de l'entendement prisonnier dans la cage dorée du « corps dit subtil », dans la cage de la psyché sensorielle et sensible, cette sortie dans l'espace et le temps, hors du « corps dit grossier », de la « loque » n'est autre chose qu'une singerie de l'extase surnaturelle. Car cette dernière est sortie du pneuma hors du continuum espace-temps, l'âme, la psyché, restant dans le corps - même si ses opérations sont suspendues - ainsi que l'a précisé le Christ à sainte Catherine de Sienne :

« Qu'en cet état d'union, l'âme ne quitte pas le corps, c'est un plus grand miracle, sache le bien que de voir plusieurs corps morts ressusciter... ».

« Aussi j'interromps pour quelque temps cette union, pour permettre à l'âme de retourner dans le vase de son corps, je veux dire que la sensation de son corps, qui avait été suspendue par le sentiment intérieur de l'âme, lui est à nouveau rendue. Car, en réalité, l'âme n'a pas quitté le corps, dont elle ne se sépare vraiment que par la mort » 130.

C'est, en effet, un plus grand miracle, car le « retour » en Dieu, son Principe, du pneuma, de la partie supérieure de l'âme devrait entraîner la séparation de sa partie inférieure ou psyché d'avec le corps, comme lors de la mort naturelle et définitive.

Maintenant il nous est facile de distinguer extase et dédoublement para-psychique. Le dédoublement n'est qu'une scission naturelle au-dessus du niveau végétatif ; pneuma et psyché, âme intellectuelle et sensible associées s'évadent ensemble. Mais le pneuma reste dominé par la psyché, soumis à ses images incontrôlées, sans le témoignage grossier peut-être mais réaliste de la « guenille » chère au bonhomme Chrysale.

L'extase est une rupture de mode surnaturel au-dessus du niveau du sensible. Le pneuma s'évade seul et coupe ses amarres de la psyché sensible qui reste avec l'organo-végétatif, mais sans pouvoir désormais opérer. La suspension des puissances entraîne la suspension des sens lors d'un pneuma dominant 131.

Quant aux bilocations, nous l'avons déjà dit, ce sont des doublements comme l'avoue le capucin stigmatisé, à l'oeil malicieux, qu'est le Padre Pio de San Giovanni Rotondo.

Son docteur, William Sanguinetti, lui demandait un soir, si, quand Dieu expédiait saint Antoine ailleurs par bilocation, celui-ci s'en rendait compte ? « Mais oui. A un moment donné il est « ici » ; dans l'instant « là » où Dieu veut qu'il soit ».

Il est véritablement en deux endroits à la fois : « Par une extension de sa personnalité ». Le docteur n'a pu nous en dire plus car le Padre Pio n'aime point traiter de ces choses qui offrent cependant de précieuses indications sur les propriétés du corps glorieux.

La bilocation s'étend d'ailleurs jusqu'à la multilocation dans le cas du bienheureux Martin de Porrès, vu dans les Philippines, en Afrique, en France et dans cinq autres endroits simultanément... Fait qu'il expliqua fort simplement : « Puisque le Christ a multiplié les pains et les poissons, ne pouvait-il me multiplier également » ? 132.

Si nous reprenons les cinq états décrits, nous constatons tout d'abord qu'il y a des états pairs et des états impairs.

Les pairs sont cataleptique et léthargique, les impairs sont l'état suggestif ou pré-somnambulique, l'état somnambulique (yeux fermés) et la série des états hyper-somnambuliques. Les états pairs sont des états d'inhibition de l'imagination, des états nocturnes, les états impairs des états d'exaltation imaginaire, des états lunaires.

Les états impairs, c'est-à-dire les états de caractère somnambulique, normal, pré ou hyper, correspondent aux états seconds, plus ou moins profonds, dont se servent les médiums, les voyants, shamanes ou taoïstes, pour obtenir une clairvoyance plus ou moins limitée, plus ou moins lointaine suivant leurs capacités et entraînement très variables.

Restent les états naturels d'ordre cataleptique et léthargique dans lesquels aucune suggestion n'est possible. En nous en tenant aux seules apparences extérieures observables, nous constatons que les états surnaturels des extases de lumière et de ténèbres semblent les emprunter. Hors le cas des miracles, le surnaturel modal, ou le préternaturel, utilise - généralement - des processus naturels bien que peu communs. Et surtout nous observons que sous la première invasion de l'Esprit, sous le premier « choc du géant » dirait Job, le contemplatif est plongé instantanément dans un état d'apparence léthargoïde, en Cinquièmes Demeures. Plus tard seulement son corps régénéré pourra supporter - par instants - les extases de lumière des Sixièmes Demeures lesquelles sont analogues aux états cataleptoïdes, l'opérateur étant Dieu (yeux ouverts, fixés vers le ciel, légèreté des muscles, expression de la physionomie en connexion avec les gestes... ). Enfin, nous le savons, à partir de l'union transformante, les phénomènes corporels désordonnés cessent généralement. L'union subsiste à l'état de veille ; elle peut s'actualiser plus profondément à l'état de sommeil spirituel redevenu une fonction naturelle.

Autrement dit, alors que le magnétisme humain doit charger progressivement le sujet pour obtenir un état de plus en plus profond, l'invasion de l'Esprit produit, ipso facto, un état léthargoïde d'isolement du monde extérieur sans provoquer aucun des phénomènes parapsychiques de clairvoyance des états impairs, mais au contraire un véritable « accroissement [ultérieurement vérifiable] de l'énergie intérieure ». (Laignel-Lavastine).

Lorsque le mystique est suffisamment fort pour mieux supporter le feu du ciel et suffisamment purifié pour échapper aux perceptions inférieures de la sensibilité « ultra-lucide », il peut se produire des états cataleptoïdes également isolés du milieu extérieur. Les extases de lumière peuvent permettre au mystique certaines visions imaginaires ou intellectuelles (s'accompagnant parfois de phénomènes de lévitation) dont, non seulement la Cause première, mais même les mécanismes intérieurs sont totalement différents des phénomènes parapsychiques analysés, puisqu'elles rejaillissent de la Volonté au lieu d'entrer par le Sens.

Pour réveiller un sujet en léthargie 133 on le « dégage » 134 par des passes longitudinales rapides, le ramenant en somnambulisme, en catalepsie, à l'état suggestif, enfin à l'état de veille. Cela semble bien être le processus choisi par l'Esprit, allant de l'union dans le sommeil léthargique le plus profond à la présence d'inhabitation à l'état de veille, en passant, parfois, par des états cataleptoïdes.

Si les apparences extérieures semblent analogues, les différences d'ordre psychique sont totales et peuvent même être expérimentalement constatées 135. Ainsi dans l'état léthargique naturel on peut déceler ce qu'on appelle « l'extériorisation de la sensibilité » (prémices du dédoublement) au moyen d'un morceau de cire ou flacon d'eau ou d'huile, matières qui ont la propriété d'être sensibilisées 136 et disposées au plexus solaire. Dans l'état léthargoïde des grâces d'union des Cinquièmes Demeures, il n'y a pas d'extériorisation constatable, donc... pas d'envoûtement possible par une personne étrangère.

Par contre il serait facile de montrer que si les sujets en état léthargique n'ont plus aucun contact avec l'opérateur... les mystiques en extase sont en union étroite avec le Leur : Dieu. En outre, si toute « transmission » est impossible entre deux sujets en état de léthargie, la communion est au contraire toujours réalisée entre deux mystiques en extase des ténèbres, donc réunis « dans » l'Esprit, etc...

Nous n'avons pu ici qu'amorcer ce qu'une étude comparative vraiment scientifique et poussée - des « reflets » de l'expérience mystique et des résultats de l'action magnétique - montrerait. Cette étude est nécessaire, indispensable, pour éviter toute erreur pratique, toute confusion avec les soi-disant « mystiques naturelles », avec les « moyens » des bhegards ou du guyonisme, avec tous les états somnambuloïdes des pseudo-mystiques.

Il est important de revoir complètement la question du magnétisme, par rapport à celle de l'hypnotisme. N'avons-nous pas lu les pires contre-sens dans des ouvrages écrits par des religieux comme par des médecins.

Les principes posés, le 3 juin 1840, par le Saint Office, sont les suivants :

« S'il ne s'agit que d'obtenir des effets naturels par des moyens proportionnés, la morale est sauve : s'il s'agit au contraire d'obtenir des effets merveilleux, vraiment [de modes] surnaturels par des moyens naturels, de telles pratiques ne peuvent être approuvées ». La voie est donc libre pour l'expérimentation comparative.

Concluons avec sœur Thérèse de Lisieux, toujours divinement habile à approprier les notions nouvelles : ascenseur ou magnétisme et brusquement éclairée sur la nature analogique de son « sommeil du petit oiseau » (cf. Pour toute âme).

« Que votre conversation m'a fait du bien ! Oh ! que je voudrais me faire magnétiser par Notre Seigneur. C'est la première pensée qui m'est venue à mon réveil. Avec quelle douceur je lui ai remis ma volonté. Oui, je veux qu'il s'empare de mes facultés de telle sorte que je ne fasse plus d'actions humaines et personnelles, mais des actions toutes divines, inspirées et dirigées par l'esprit d'amour » 137.


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