Gaston Bardet



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LA VIVE FLAMME.


La Vive Flamme d'Amour est le commentaire écrit à Grenade - en quinze jours et sous l'impulsion divine - par Jean de la Croix, de quatre couplets de son poème, « auxquels est déclarée la dernière union à laquelle une âme peut arriver en cette vie moyennant la grâce de Dieu » autrement dit la manifestation d'un amour « plus avancé et plus perfectionné dans l'état de transformation » 31.

Rappelons la première strophe :

« 0 flamme vive d'amour

Qui navre avec tendresse

de mon âme le centre le plus secret

N'ayant plus nulle rigueur

Achève, si tu le veux,

Brise la toile de ce rencontre heureux ! »

Cette flamme d'amour, précise le Saint - qui écrit dix ans après avoir reçu le mariage spirituel - est « l'Esprit de son Epoux, qui n'est autre que le Saint-Esprit. Lequel l'âme sent désormais en soi, non seulement comme un feu qui la tient consommée et transformée en son suave amour, mais aussi comme un feu, qui, en outre, brûle en elle et jette flamme, ainsi que j'ai dit ; et chaque fois que cette flamme flamboie, elle baigne l'âme en gloire et la rafraîchit avec la trempe d'une vie divine ».

Nous sommes dans une perspective eschatologique au delà du feu purificateur des Nuits, c'est une flamme glorifiante, une grâce anticipée du corps de gloire, de ses joies et de sa lumière. Aussi les actes du mystique, ainsi flambant (et non seulement consumé) changent-ils d'échelle ; ce qui était à mesure d'homme prend mesure du Saint-Esprit, mesure divine, et Jean peut-il affirmer :

« Partant ces actes d'amour sont d'un très grand prix et l'âme mérite plus en l'un d'eux, et cet acte vaut mieux que tout ce qu'elle avait fait tout le temps de sa vie sans cette transformation - quelque chose que ce soit ».

Autrement dit un Vincent de Paul a davantage agi par une seule de ses flammes d'amour que par tous ses actes de charité et de bienfaisance envers les pauvres, les affamés ou les galériens, avant sa transformation... Vérité bien nécessaire à rappeler à notre époque d'activisme inconscient... les Pensées de Dieu « ne sont pas nos pensées ».

Nous comprenons mieux alors ce que répète Jean de la Croix après saint Grégoire-le-Grand. Il y a des âmes qui en valent mille - ce chiffre étant choisi comme un nombre parfait, tel que dit saint Pierre : « Pour Lui, mille ans sont comme un jour ». Il y a changement d'échelle parce que le mystique n'est plus dans le temps. Vous auriez beau mettre bout-à-bout les actes vertueux, fussent-ils innombrables de sa vie, leur addition reste infime par rapport à un seul acte posé dans l'éternité par participation. Dans la « vie éternelle commencée », un acte de plus haute union a valeur infinie, car les puissances de l'âme (les « cavernes profondes » dira Jean) sont capables d'infini, cet infini que l'on avait supprimé - par ignorance craintive - d'une lettre célèbre de Thérèse de l'Enfant-Jésus.

Plus exactement, le mystique n'est là, encore et toujours, qu'un instrument passif ; il a même atteint la passivité totale. Il n'est plus qu'aspiré. On dit qu'il n'exerce plus d'acte, car c'est le Saint-Esprit qui les exerce en lui : « en cette flamme, les actes de la volonté ravie et absorbée en la flamme du Saint-Esprit s'unissent et montent à Dieu, comme l'Ange qui montait au ciel dans la flamme du sacrifice de Manoah. Et ainsi, en cet état, l'âme ne peut exercer d'actes. C'est le Saint-Esprit qui les fait tous et y meut l'âme - ce qui est la cause que tous ces actes sont divins, puisqu'elle est mue et agie par Dieu ».

Néanmoins - et nous en comprendrons plus avant toute la signification - « les mouvements de cette flamme divine qui sont les vibrations et les flambées... ne proviennent pas de l'âme seule transformée en flammes du Saint-Esprit, ni non plus ne proviennent-elles pas du Saint-Esprit seul ; mais de l'un et l'autre assemblés, Lui faisant mouvoir l'âme, comme le feu fait mouvoir l'air enflammé » 32.

C'est l'indissoluble couple : Esprit incréé - Charité créée plénière.

Et notre Docteur d'ajouter : « Et puisque ce qui est rare et dont on n'a pas beaucoup d'expérience semble merveilleux et bien souvent incroyable... je ne fais nul doute que plusieurs personnes qui ne l'entendront point, faute de science, ou qui ne sauront ce que c'est, faute d'expérience, ne le voudront point croire, ou penseront que ce sont des hyperboles, et que la chose n'est pas aussi grande qu'elle est en soi, Mais je réponds à tous ceux-là que le Père des lumières - dont la main n'est point raccourcie - se communiquera abondamment, sans acception de personnes, en quelque part qu'Il trouve place, comme le rayon de soleil ».

Oui, comme le rayon de soleil, si nous n'y faisons obstacle par nos impuretés et imperfections volontaires, Dieu entre jusqu'au plus profond de notre âme, car Dieu est « Lumière infinie et feu divin infini » 33.

« Et ce n'est pas autre chose que... ce que le Fils de Dieu a promis c'est à savoir que si quelqu'un l'aimait, la Très Sainte Trinité viendrait et ferait son séjour et sa demeure chez lui (Jean XIV, 23) ce qui n'est autre chose sinon qu'il serait éclairé divinement de Lui en l'entendement par la sapience du Fils, que la volonté se délecterait au Saint-Esprit et que le Père la tiendrait engloutie par sa force et sa puissance dans les embrassements et l'abîme de sa douceur ».

Nous avons déjà fait remarquer au sujet des « Consolations sensibles et touches substantielles » dans notre ouvrage : « Pour toute âme vivant en ce monde » - auquel il faudra toujours se reporter - combien la doctrine si simple et si claire du Docteur des Nuits a été méconnue.

Après avoir longuement enseigné qu'il faut « fuir entièrement sans vouloir examiner si elles sont bonnes ou mauvaises »... les appréhensions qui appartiennent seulement à l'entendement « par la voie des sens corporels extérieurs et qui sont voir, ouïr, goûter, flairer et toucher », autrement dit tous les « goûts », toutes les consolations sensibles, connaissances distinctes et particulières, visions, révélations, etc... le Saint précise :

« Mais il en est tout autrement des notices générales » car « Il n'y a que l'âme qui arrive à l'union de Dieu qui puisse avoir ces hautes connaissances parce qu'elles sont l'union même, attendu que de les avoir consiste en un certain attouchement qui se fait de l'âme en la Divinité, et partant Dieu même est celui qu'on y sent et qu'on y goûte... Et le diable ne s'y peut peut entremettre, ni faire chose semblable ».

C'est pourquoi nous ne traitons en cet ouvrage que des notices générales, des touches.

C'est pourquoi le détachement des consolations sensibles et la nudité de l'esprit, sur lesquels Jean insiste tant, n'ont point pour but de vous faire déboucher sur un désert intellectuel et sensible, mais, bien au contraire - la résurrection des corps serait sans cela incompréhensible - sur une richesse de connaissance et de saveur, de lumière et de chaleur, qu'explicite particulièrement ce poème de la Vive Flamme.

Tout le dépouillement des perceptions extérieures a pour but la purification de notre volonté, à tel point que notre corps puisse y recevoir de l'intérieur, par rejaillissement, autrement dit : par l'intérieur de notre sac de peau - et non plus par la voie des sens externes - les touches substantielles faites à l'âme 34. Car, « pour l'ordinaire, Dieu n'accorde aucune faveur au corps qu'il ne l'ait fait d'abord et principalement à l'âme ». Ce sont les consolations que nous avons appelées « volontaires » par opposition aux « sensibles ».

L'âme a d'abord été complètement purifiée dans sa volonté, pour que le corps puisse participer à ce feu de Joie, lequel est le même qui a opéré les premières purifications douloureuses. Aussi Jean d'observer : dans les assauts d'amour passés, toutes les puissances étaient suspendues, le mystique entrait dans la « nuit accoisée ». Maintenant « Je suis si fortifié en amour que non seulement mon esprit et mes sens « ne défaillent point » en Toi, mais que plutôt « mon cœur et ma chair se réjouissent en Dieu vivant » !

Le mystique a volontairement, librement subi son Purgatoire sur terre, par le feu qui produit des « ligatures » nous dit saint Thomas ; il est désormais apte à aimer « avec toute la plénitude et tout le rassasiement que (son) âme désire, sans terme et sans fin » 35.

C'est ce qu'explicite sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte Face, après son offrande à l'Amour miséricordieux, le 9 Juin 1895, fête de la Très Sainte Trinité

« Aussitôt ... vous savez, les flammes ou plutôt les océans de grâces qui vinrent inonder mon âme... Ah ! depuis ce jour-là, l'amour me pénètre et m'environne : à chaque instant cet amour miséricordieux me renouvelle, me purifie et ne laisse en mon cœur aucune trace de péché. Non, je ne puis craindre le Purgatoire, je sais que je ne mériterais même pas d'entrer avec les âmes saintes dans ce lieu d'expiation, mais je sais aussi que le feu de l'amour est plus sanctifiant que celui du Purgatoire » 36.

Le mystique a retrouvé le mode d'information adamique des sens 37. Rien qui ressemble aux notices particulières, au mode de connaissance sensible, distinct et bien délimité par une surface précise de points tactiles. Rien qui ressortisse à l'élément : terre, mais à l'intérieur de sa tunique de peau, des flammes, des torrents de feu (ou d'eau vive) qui par leur diffusion et caresses évoquent des bouffées ou des jets d'air enflammé (ou d'eau fraîche) montant verticalement comme la fumée d'un holocauste dans la paix du soir... 38.

Dans l'interprétation des Ecritures nous rencontrons une double déformation. D'une part les conseils les plus sublimes, les plus spirituels sont entendus dans un « sens corporel » sans poids, ni profondeur ; d'autre part les images les plus exactes des réalités corporelles de la vie d'union sont présentées comme des symboles, des allégories en vue d'une « spiritualisation » qui se trompe d'étage.

Les phénomènes de la vie mystique ont été tellement présentés comme symboliques ou métaphoriques que la confirmation de leur sens littéral vous surprend toujours. Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus s'exclame « C'est une vraie flamme », toute étonnée de sentir, réellement, non seulement son âme mais son corps brûler comme une bûche de Noël. Quant aux fameux « ruisseaux d'eau vive », ils sont souvent présentés comme un débordement... d'éloquence. Aussi, le jour où, brusquement, vous êtes inondés par ces ruisseaux d'eau fraîche [des « ruisseaux de lait » dira Mère Thérèse] 39 vous restez interdit. La plupart des traductions ne portent-elles pas des ruisseaux d'eaux vives « découleront » de son sein, (Jean VII.38) alors qu'ils « jaillissent », comme d'un puits artésien 40.

Les traducteurs et les commençants pensent à l'eau naturelle, - humble, comme disent les chinois - descendant toujours dans les bas-fonds. Ils oublient qu'il s'agit ici de l'Esprit-Saint lui-même, eau profonde, mais surnaturelle, infusée de l'intérieur, et qui est aussi flamme montant vers l'Eternel.

L'Epouse du Cantique est une « fontaine scellée », s'irriguant elle-même sous l'inspiration du Saint-Esprit. C'est une fontaine jaillissante, « un puits d'eaux vives qui découlent avec impétuosité du mont Liban ». Aussi, précise le Père du Carmel : « Tu es merveilleusement réjouie selon l'entière harmonie de ton âme et même de ton corps, étant toute devenue un « paradis d'irrigation » divine, pour que le dire du Psalmiste s'accomplisse aussi en toi : « L'impétuosité du fleuve réjouit la cité [le temple] de Dieu » 41.

Si la Vive Flamme intérieure a été rarement explicitée, il n'en est point de même de la « transverbération », du dard du Séraphin rendu célèbre par les stigmates de Saint François d'Assise ou la blessure du coeur de Mère Thérèse d’Avila. Là, il semble bien que la foudre extérieure soit intervenue, si l'on en juge par la description de ces deux mystiques. Dans l'exacte reconstitution de « Procès au Vatican », au Carmel de Lisieux, le portrait de Mère Thérèse transverbérée montre un trait de feu la transperçant. Le cœur de Mère Thérèse fut effectivement transpercé ; elle vécut encore dix ans avec un organe béant - comme on peut le voir conservé à Albe 42 - envers et contre toutes les lois de la physiologie.

Si le cœur est le siège de la pensée, comme le répète Jésus - et non le cerveau comme se l'imaginent les occidentaux - il s'agit du cœur pris comme centre de la poitrine, non de l'organe direz-vous. Pourquoi Dieu éprouve-t-il le besoin de localiser anatomiquement sa fulguration ?

Comment mieux souligner que l’Ecriture est loin de pratiquer l'anthropomorphisme en attribuant à Dieu une droite, une face, une main, un cœur, etc... C'est la créature qui est à l'image du Dieu vivant, c'est elle qui est théomorphique. Dieu n'a pas d'œil, mais regarde ; pas d'oreille, mais entend ; pas de gosier, mais nous dévore ; pas de main, mais nous touche, nous caresse ou nous terrasse... Le chef-d'oeuvre divin a consisté à incarner dans l'homme toutes ses fonctions supérieures, et cela, envers et contre tous nos petits préjugés 43.

Nous n'irons pas plus loin dans la description du « cautère délectable », de la « caressante blessure » qui peut être « sans forme intellectuelle ou avec forme intellectuelle ».

« Il y a peu d'âmes qui arrivent aussi avant que ceci, mais quelques-unes y sont parvenues, et principalement les âmes de ceux dont la vertu et l'esprit se devaient répandre en la succession de leurs enfants » 44.



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