4. Spectacle vivant et cinéma, Demandez le programme !
Comment participer pleinement à un spectacle quand on ne voit pas ou n’entend pas ? L’audiodescription, le surtitrage et l’adaptation en langue des signes permettent d’avoir accès autrement aux images et au texte.
« Le théâtre ouvre d’autres horizons que la lecture seule, car il y a l’interprétation du metteur en scène et des comédiens, explique Catherine, devenue sourde. Ils transmettent quelque chose au-delà du texte, communiquent avec le spectateur. C’est pourquoi théâtre, danse et arts du cirque me donnent tant de plaisir sans entendre textes et musique. » Poésie, lectures, musique, opéra, humour conviennent bien aux personnes aveugles. Thierry ne s’en prive pas : « J’aime être dans les premiers rangs pour sentir les mouvements des comédiens, être près des musiciens. » La magie du spectacle n’échappe pas non plus aux personnes handicapées mentales. « Nous choisissons avec Cécile des pièces ou films pas trop intellectuels, drôles, précise sa mère, elle adore sortir.» Ania renchérit : « C’est ma passion, surtout j’oublie mes soucis, je suis transportée ailleurs, loin de la maladie mentale. »
Pour accéder encore davantage au bonheur du spectacle vivant, des adaptations existent : l’audiodescription, le surtitrage, l’adaptation en langue des signes française (LSF) et en langage parlé complété (LPC). Ces services sont gratuits et proposés pour des spectacles classiques, contemporains, jeune public, pour l’opéra… dans les théâtres nationaux, avec Accès Culture notamment. Il faut réserver son casque ou son écran, ils permettent un placement libre. Parfois des tarifs réduits sont appliqués. On aurait tort de s’en priver !
Décrire les images
« Sur la scène, se trouve une rangée de chaises disposées régulièrement face à des miroirs surmontés de rampes de néon, qui renvoient aux spectateurs des premiers rangs leur propre image. (…) L’un après l’autre, les comédiens – trois hommes et une femme – vont venir s’asseoir devant les miroirs, dos aux spectateurs. » Ainsi commence l’audiodescription des Illusions comiques d’Olivier Py, présentées à l’Odéon. Décor, lumières, costumes, déplacements et expressions des comédiens sont décrits pour les spectateurs aveugles et malvoyants équipés d’un casque sans fil. « La difficulté est de dire en peu de mots et de manière précise les informations indispensables pour aider à la compréhension, nourrir l’imaginaire du spectateur, et de les glisser entre les dialogues. On ne peut saturer le spectateur avec trop de texte, il faut des respirations », commente Marie-Laure Planchon, rédactrice d’audiodescriptions pour Accès Culture. « Il faut décrire les images, laisser des silences, que tous les sons puissent être entendus », complète Marie-Luce Plumauzille, auteur d’audiodescriptions de films et théâtre pour l’AVH, le Théâtre national de la Colline… « Les attentes sont très variables d’une personne à une autre. Je me demande toujours ce qui me manquerait si je ne voyais pas, et en même temps il faut qu’au bout d’un moment on n’entende plus nos voix. »
Soit le texte est enregistré, à deux voix, un homme et une femme, et envoyé au fur et à mesure depuis la régie, soit l’audiodescription est faite en direct (Théâtre de la Colline, Prête-moi tes yeux au théâtre). « Parfois j’ai l’impression qu’il y a trop d’infos, admet Denis, mais il arrive qu’aucun élément sonore ne me permette de savoir ce qui se passe, alors j’en comprends vraiment l’intérêt. Et puis je peux enlever le casque ! » Un programme en braille ou en gros caractères ainsi qu’un plan en relief du décor sont souvent remis aux spectateurs.
Retranscrire le texte et décrire les sons
Tandis que les comédiens parlent, le dialogue apparaît sur un écran situé au-dessus de la scène. Le surtitrage est un procédé fréquemment utilisé pour les spectacles (théâtre et opéra) en langue étrangère. Il l’est parfois en français, comme au théâtre Silvia Monfort à Paris pour les personnes sourdes et malentendantes. Accès Culture propose un écran de surtitrage individuel sur lequel le texte défile au rythme du spectacle. « Mon travail consiste à reprendre le texte avec la captation du spectacle, je ne peux pas vraiment couper par respect de l’œuvre et parce que beaucoup de personnes devenues sourdes en ont une bonne connaissance, explique Léa Franc. Nous préférons en mettre un peu trop, quitte à ce que tout ne soit pas lu. » Les dialogues sont écrits en blanc sur fond noir, surligné en direct depuis la régie, le spectateur sait toujours où l’on en est. Au moyen de codes couleurs, Léa indique les autres éléments sonores : « En rouge et en italiques les bruits (canon, chant du coq) et les musiques (classique, rap, guitare) ; en jaune les voix off ; en vert les paroles en langues étrangères. » Catherine lit généralement la pièce avant « afin d’avoir le temps de regarder acteurs et décors, et de ne pas avoir à découvrir simultanément le texte et tout ce qui se passe sur la scène. »
Adapter en LSF
« Nous adaptons le texte, comme si c’était d’une langue à une autre, nous traduisons tout en fonction de la manière de penser en langue des signes française », précise Anne Lambolez, interprète en langue des signes pour Accès Culture. « Dans Sombrero, de Philippe Decouflé, nous étions vraiment mis en scène, intégrés dans le spectacle avec les danseurs, mais ce n’est pas toujours possible. Quand c’est le cas, le résultat est meilleur, certains spectateurs n’ont pas deviné que le spectacle était ainsi accessible au public sourd… et surtout les spectateurs sourds n’ont pas à faire d’allers-retours entre les interprètes et le plateau. » Sinon les deux interprètes se relayent ou jouent différents personnages, restant sur le côté de la scène. Et les éléments sonores ? « Nous ne les mentionnons que s’ils manquent à la compréhension du public sourd, complète Anne. Par exemple, dans On danSe, lorsqu’un des artistes imite des cris d’animaux, je dis de quel animal il s’agit. »
En 2007, L’Eau de la vie, spectacle pour enfants d’Olivier Py, fut aussi adapté en langage parlé complété (LPC) avec succès. Une codeuse, placée sur le côté de la scène, reprenait les paroles des comédiens, une expérience à renouveler à l’avenir…
« Je ne peux sortir aussi souvent que je le voudrais, regrette Erwan, en fauteuil électrique, c’est très compliqué et beaucoup de théâtres ne sont pas accessibles… Alors j’aime regarder les spectacles à la télé ou sur DVD. Ce n’est pas la même chose, mais je me sens moins frustré de tout ce que je ne peux aller voir. » La Copat, par exemple, a un beau catalogue de pièces “branchées” et récentes filmées lors des représentations, ambiance en prime : de 1962 à Sur un air de tango, de Synopsis et Squash au spectacle des clowns russes Semianyki. Plein de plaisirs à partager !
Marie-Claire Brown
Pour en savoir plus :
Accès Culture (Paris et province) : 01 53 65 30 74. e-mail : accesculture@magic.fr - www.accesculture.org
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