DE MAUVAIS PRINCIPES :
Des principes vicieux ont entravé la réussite de la formation de guides. Le premier provient du choix des stagiaires. Chaque année voit arriver de nouveaux postulants au métier de guide. La N.M.A. qui choisit ces stagiaires est semble-t-il plus désireuse de placer quelques amis que de former rapidement des professionnels. Ces stages ne font en effet pas partie d’un cursus qui conduirait en quelques années au métier de guide. Chaque année l’enseignement oscille entre basic course ou advenced course ! La plupart des jeunes ayant suivi un stage abandonnent la haute montagne pour se consacrer au business, aux treks, à des tâches moins fatigantes, moins dangereuses, souvent mieux rémunérées. Rappelons que notre E.N.S.A. ne recrute pas des élèves mais des stagiaires qui sont déjà des alpinistes confirmés. Il faut, je crois, pour être admis à suivre les cours avoir effectué une cinquantaine de courses. L’E.N.S.A. n’étant là que pour leur inculquer ce qui fait la différence entre un professionnel responsable des clients qu’il a au bout de sa corde et un amateur même si celui-ci est au top niveau. Le deuxième principe vicieux a été l’envoi de Népalais suivre un stage à l’E.N.S.A. Avec le coût d’un seul de ces stages-voyages en France on aurait pu former une dizaine de Népalais dans leur pays. Le troisième provient de l’inefficacité des formateurs étrangers, de leur complète absence de hauteur de vue. Ces critiques sont dures mais elles sont confirmées par les faits : après 29 ans de formation, il n’existe aucun cursus conduisant au diplôme de guide népalais.
Pour mémoire, je cite la formation d’aspirants guides jouée en catastrophe au Langtang en 2007. Elle a eu curieusement lieu après une discussion assez dure que l’auteur a eue avec quelques anciens formateurs de l’E.N.S.A., lorsque ceux-ci se sont aperçus qu’un concurrent sérieux, à savoir la fondation Petzl et son guide Patrick Magnier, entraient en lice avec le désir d’afficher rapidement un résultat. La célébration de cette formation par un journal d’alpinisme a étonné de nombreuses personnes qui connaissent la réalité. Ceux-là ont tristement souri en pensant que le premier devoir d’un journaliste, lorsque le but était d’apporter une aide à un pays misérable, était celui d’objectivité.
SCHEMAS A ADOPTER POUR UNE EFFICACE FORMATION :
Tout était pourtant simple. Qu’a fait la France lorsqu’elle a décidé de créer une école de guides ? Le Collège des Pratz qui a précédé l’E.N.S.A. a cherché des enseignants. Mais il n’y avait à ce moment là aucun véritable instructeur d’alpinisme, elle a donc fait appel à des alpinistes de haut niveau. Et sont arrivés des guides non diplômés : des Charlet, des Terray, des Lachenal, des Amieux lorsque l’enseignement, un temps, a eu lieu à La Grave. D’où la question : Pourquoi n’a-t-on pas procédé ainsi au Népal ? Parce que les alpinistes au top n’existaient pas ? Mais il existait des centaines de porteurs d’altitude surnommés sherpas dont certains étaient devenus de véritables alpinistes. S’ils ne passaient pas du VII ème degré ils étaient parfaitement à l’aise dans tous les terrains mixtes, ceux sur lesquels allaient leurs clients. Et surtout, étant nés le plus souvent au-dessus de 3500 mètres d’altitude, ayant, depuis leur enfance, effectué de lourds et longs portages, étant habitués à une vie fruste, ils étaient capables d’apprendre rapidement les règles élémentaires de cette profession et de porter assistance à leurs clients dans les hautes altitudes de leurs montagnes. Plus tard a existé le creuset de la N.M.I.A. dans laquelle nombreux étaient ceux qui possédaient une réelle pratique de la haute montagne et des talents de rochassier. Mieux encore, aujourd’hui il existe chez les autochtones vivant dans les piémonts himalayens des guides de fait qui encordent leur client au camp de base, le conduisent au sommet, le redescendent au camp de base. Mon beau-frère Gurmen est de ceux-là, s’il n’a pas, comparé à certains, un palmarès éblouissant, la liste de ses ascensions jusqu’au sommet avec un client au bout de sa corde ne peut être négligée. Je la cite : Sagarmatha 3 fois ; Cho Oyu 2 fois ; Ama Dablang 15 fois; Lhotsé camp IV, Ranachuli 1 fois, Imja Tsé 6 fois… Le palmarès de mon beau-frère Mingmar mort à l’Ama Dablang était supérieur et Mingmar avait de plus enchaîné en changeant de client deux fois l’ascension du Cho Oyu. Mais ces jeunes guides de fait ont un palmarès ridicule par rapport à des Népalais qui exercent le métier depuis plus de 25 ans, tel Apa Sherpa qui a conduit 18 fois des clients au sommet de Sagarmatha. Tous ces alpinistes ont toutefois un handicap, ils vivent dans leur montagne, ils viennent rarement en ville, ils n’ont que de rares contacts avec les membres de la N.M.A. et les instructeurs occidentaux. Lorsque j’ai demandé à des amis formateurs occidentaux ce qu’il adviendrait de ces guides de fait si une école voyait le jour il m’a été répondu que, n’ayant suivi aucune formation, ils n’auraient plus le droit d’exercer (sic). J’ai alors averti mes amis que s’il en était ainsi il faudrait choisir un contrôleur de la profession de guide qui soit un excellent marathonien ou une ceinture noire de karaté.
Il existait une autre solution : créer une véritable école de montagne formant en deux ou trois ans d’études continues des jeunes partageant leur emploi du temps entre cours dans la vallée et courses en haute montagne. Solution conseillée, les élèves auraient pu être choisis dans la masse des jeunes porteurs d’altitude. Avec eux on aurait été presque sûr qu’une fois formés ils auraient continué à exercer. L’objection : <>, est irrecevable, il y a de nombreuses écoles qui fonctionnent avec des sponsors étrangers (pour la France : Mauduit, Chamoux, celle du village de Laprak…).
NEPAL ET FRANCE, GUIDES NEPALAIS ET GUIDES FRANÇAIS :
Le Népal n’est pas la France, il n’est pas encore un pays de droit. Un pays de droit se caractérise par son grand nombre de textes législatifs et sa capacité à les faire appliquer. Le Népal en possède très peu et ceux qu’il possède sont de plus rarement appliqués. Choisissons un exemple, il n’a pas de véritable code de la route. Il arrive très souvent que des camions ou des bus, à cause de leur vitesse excessive dans les villages, tuent un adulte, un enfant. Que font les policiers quand ils voient arriver un tel véhicule dans une agglomération ? Rien, ils le regardent passer. Il n’existe aucun texte leur permettant de verbaliser le conducteur. Quand il y a un accident ce sont les habitants du village qui barrent la route pour que la famille soit indemnisée (cela peut durer toute la journée voire plusieurs jours). Là encore, la police observe, impuissante. C’est pourquoi il est vain de vouloir transposer immédiatement nos règles au Népal. Dans le domaine de l’éducation, même conclusion, les niveaux ne peuvent être comparés et il serait vain de vouloir imposer nos programmes dans ce pays. Cet état de fait doit être pris en compte pour l’himalayisme avec guide. Le niveau, que des guides népalais, doit aujourd’hui atteindre est comparable à celui de la majorité des guides du massif des Ecrins avant 1940. Longues marches d’approche, niveau des courses allant de F. à A.D. Le niveau D. étant exceptionnellement atteint. Un bon guide d’Himalaya doit être parfaitement à l’aise dans le terrain mixte. Qu’importe si les hautes difficultés rocheuses lui font peur, s’il est incapable de franchir un passage de glace en surplomb, s’il n’est pas capable de réussir une dizaine de nœuds différents. Un de nos grands alpinistes, guide de haute montagne, précurseur de l’escalade calcaire t.d. en France, ayant effectué la première ascension du cinquième sommet de plus de 8000 mètres, me disait qu’au cours de sa carrière il n’avait utilisé qu’un seul type de nœud. Il en est de même dans le domaine des connaissances théoriques. Un Pierre Pâquet père ne connaissait rien à la théorie de Wegener, il ravissait pourtant ses clients en leur expliquant la montagne telle qu’il la vivait tous les jours.
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