Marie LaFlamme Tome 2



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tirer les faveurs du chevalier. Juste pour le narguer !

Elle verrait ce qu’il en coûte de ridicu­liser le baron Nicolas de Boissy!

Il entra rue Saint-Louis chercher une corde, un grappin, une échelle et entreprit de monter sur le toit ; il avait failli remercier d’Alleret de lui avoir suggéré une manière de se débarrasser de Marie. Il s’y reprit à trois fois pour atteindre la cheminée tant il y avait de neige. Il eut autant de peine à accrocher le grappin et un bout de corde qu’il en avait eu à faire tomber l’échelle le long de la maison. Son plan n’était pas sans péril. Surtout pour Marie. Il enroula l’autre bout de la corde autour de sa taille et com­mença à descendre vers le côté du toit qui donnait sur la porte d’entrée. Les rafales et la neige accumulée au bord du toit le dissi­muleraient aux yeux des rares passants. Et puis qui se promenait, en pleine tempête, en regardant les toits des maisons ? On cher­chait plutôt à éviter de perdre son chemin ou de déraper sur une plaque de glace ; peu d’habitants avaient fixé des pointes d’acier à leurs bottes ou leurs mocassins même

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si le forgeron qui fabriquait les crampons demandait un prix dérisoire.

Boissy s’allongea sur le ventre pour attendre Marie. Il lui suffirait d’étirer les jambes pour faire tomber les glaçons. Grâce au redoux du début de février, il y en avait une bonne ving­taine, dont un mesurait deux pieds et devait peser au moins cinq livres. Paul Fouquet avait voulu plusieurs fois le casser, par mesure de prudence, mais Lison disait qu’il était trop beau pour qu’on le brise, qu’on n’avait qu’à faire attention en passant dessous parce quelle avait parié, même si c’était défendu, que le plus gros glaçon de Québec se formerait rue Saint-Louis. Marie l’appuyait juste pour contrarier Fouquet, à qui Boissy avait finale­ment dit qu’il approuvait toujours les paris.

Brave Lison ! Braves glaçons !

Pardieu qu’il faisait froid! Il allait être changé en bonhomme de neige ! Boissy s’en- colérait au fur et à mesure que l’attente se prolongeait ; quand il aperçut enfin Marie, il ne ressentait plus que l’envie d’en finir avec elle. Il pourrait alors descendre du toit, retourner chez le Gouverneur rejoindre d’Alleret et l’entraîner chez Boisdon. La

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jeune femme avançait dun pas vif, pressée de se réchauffer. Boissy se déplaça lente­ment : elle n’était plus qu’à deux toises, une, quatre pieds, ça y était, elle allait passer la porte. Il détendit ses jambes d’un coup. Il y eut un grand fracas.

Non, il y eut un cri. Un cri de peur, un cri de femme. Juste avant l’écrasement des glaçons sur le sol.

S’immobilisant pour ne pas être repéré, Boissy comprit que ce n’était pas le cri de Marie LaFlamme car il la vit courir vers une mince silhouette, vers celle qui avait fait échouer son plan : c’était une Sauvagesse. Une Sauvagesse qui avait hurlé assez vite pour prévenir Marie.

Une maudite Sauvagesse qui avait sauvé une maudite garce ! Il ne distinguait que sa cape aux longues franges mais il finirait par savoir qui lui avait nui. Il avait hâte que Marie se décide à rentrer; il profiterait de cet instant pour quitter son inconfortable posture et descendre du toit. Il remettrait ensuite l’échelle au bas du mur nord-ouest; les sifflements du vent empêcheraient Marie d’entendre ce qu’il faisait au-dehors.

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Quelle se dépêche, sacredieu !

Après un moment de stupeur, Marie LaFlamme avait vu les glaçons pulvérisés à un pied d elle, mais elle avait réussi à maî­triser sa frayeur quand elle avait compris que c’était une Indienne qui lui avait sauvé la vie. Sœur Sainte-Louise et Guillaume lui avaient assez parlé du courage des Sauvagesses qui accouchaient sans un cri, supportaient la famine et le froid sans une larme, répondaient aux hommes sans baisser la voix ! Elle devait remercier l’In­dienne avec dignité. Elle courut vers elle en souhaitant qu elle parle français.

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Chapitre 21

L

a baronne de Jocary flattait une des
peaux qu’avait apportées Simon Perrot.


Voilà plus d’un mois qu’il les avait jetées
à ses pieds comme preuve de son amour.
Elle n’avait jamais autant ri qu’en écou-
tant Perrot s’embrouiller dans sa décla-
ration et elle suffoquait de joie quand il
s’était fâché. Il avait alors attrapé un des
nœuds de sa robe et l’avait arraché pour
l’en bâillonner. Elle l’avait giflé, il l’avait
frappée à son tour, elle s’était ruée sur lui
poings fermés, il l’avait repoussée contre le
mur, retournée, couchée sur ses genoux et
fessée. Il n’avait pu lui enfoncer le nœud de
soie dans la gorge mais il savait qu’elle ne
crierait pas, de peur d’ameuter Michelle ou
la nouvelle bonne. Elle se débattait cepen-
dant comme une diablesse et la vue de ses
fesses rebondies qui se tortillaient énergi-
quement pour échapper aux coups avait
excité Simon Perrot. Il avait retroussé la
robe de la baronne, emprisonnant ainsi ses


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bras, et, layant fait glisser au sol et forcée de s’agenouiller, il avait baissé sa culotte et l’avait pénétrée sans plus attendre. Les cris étranglés, la tentative de fuite vite réprimée, augmentaient son plaisir ; il avait joui en griffant sa maîtresse puis s’était laissé tomber sur elle. Il lui avait permis de se dégager au bout de quelques minutes et l’avait dévisagée sans pouvoir deviner si elle avait apprécié ou non cette initiative. Bah, elle ne s’était jamais plainte de ses traitements.

  • Où as-tu volé ces peaux? avait demandé la baronne, encore essoufflée, en rajustant sa robe.

Simon avait mis quelques secondes à répondre, troublé par la voix inhabituelle - ment grave de sa maîtresse; était-elle vrai­ment fâchée ?

  • Je les ai gagnées au jeu !

  • Menteur ! Tu es le plus mauvais joueur que j’aie jamais rencontré ! Je ferais faillite si tu jouais ici !

  • Je les ai prises à un marchand. Près de l’île aux Vaches.

  • Il n’a pas protesté ?

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  • Il n y avait personne pour le secourir, avait dit Simon d une voix empreinte dar­rogance. Je lui ai laissé ses hardes. Il était Irop gros, je n aurais pu les porter élé­gamment. Comment pourrait-il venir les réclamer ici? Il n’a pas eu le temps de me voir.

  • Tu las tué ? avait demandé la baronne tout en se trouvant bien sotte de poser cette question à son amant : il ne lui avouerait tout de même pas qu’il avait commis un crime.

  • Mais non ! Juste un petit coup pour l’étourdir. On croira qu’il a trop bu. Il n’avait qu’à rentrer chez lui avant le couvre- feu ! Si tu caches mes peaux, je t’en don­nerai deux.

  • Je peux garder tes pelleteries mais toi...

Simon s’était approché de la baronne et lui avait pris un sein, mais elle avait continué de parler comme si ses caresses ne lui faisaient aucun effet. Qu’avait-elle donc ce jour-là ?

  • Toi, tu ne restes pas chez moi !

  • Mais où voulez-vous que...

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  • Ma maison est très courue ; on ne doit pas te voir ! Il n y a que des gentilshommes qui viennent ici. Les bourreaux ne sont pas admis !

Simon s’était rué vers Armande de Jocary et l’aurait assommée si elle n’avait saisi le chandelier de bronze qu’elle avait gagné le mardi précédent à une partie de lans­quenet. Au même moment, il avait entendu crier «au voleur» et s’était immobilisé. La baronne avait eu un petit rire méprisant.

  • Ça vient de la rue. Tu pensais bien que c’était pour toi? Pas cette fois. Mais je n’aimerais guère que le Guet frappe à ma porte. Qu’il s’agisse de fourrures ou d’un prisonnier que tu aurais assassiné.

  • C’est ma sœur qui a parlé !

La baronne avait soupiré.

  • Je voulais savoir pourquoi elle pas­sait de plus en plus de temps à prier. Elle a même parlé de se retirer chez les filles de Jeanne de Chantai !

  • Quelle est cette folie ?

  • C’est de ta faute ! Elle implore Dieu de te pardonner ! Je ne croirai jamais que c’est ta sœur ! Même si vous me donnez

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autant de soucis l’un que l’autre. Seulement, Michelle m’a coûté moins cher. Aussi, je me rembourserai avec ces fourrures l’ar­gent que tu m’as pris quand tu croyais que je dormais.

  • Quoi ?

  • Je vais garder ces pelleteries.

  • Je vais vous accuser de recel ! avait rugi Simon Perrot.

  • Il faudra que tu témoignes. Le lieu­tenant général sera heureux de t’interroger du même coup sur ce qui est arrivé à Guy Chahinian.

  • Le marchand viendra chercher ses peaux avec des officiers de police !

La baronne avait donc raison de croire que son amant avait volé les pelleteries chez un particulier. Elle risquait plus gros en conservant la marchandise rue du Bourubourg mais n’aimait-elle pas provo­quer le destin ?

  • Tu connais peut-être le marchand que tu as détroussé, mais comment lui appren­dras-tu que ses peaux sont ici? Entre le moment où tu iras le trouver et le moment où ta victime se présentera avec des soldats,

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j’aurai caché les peaux ailleurs. Tu devras répondre d’une fausse accusation et l’on se demandera assurément comment tu connaissais l’existence de ces peaux.

  • Je dirai que je les ai vues chez vous alors que je visitais ma sœur, que je me doutais depuis longtemps que vous voliez. Et que vous êtes une fausse baronne.

Armande de Jocary avait senti son pouls s’accélérer : comment avait-elle pu être assez imprudente pour partager des moments d’intimité avec un homme pareil? Elle était affamée de plaisir après avoir été cloîtrée contre son gré durant plusieurs années, mais pourquoi avait-il fallu qu’elle choisisse Simon Perrot ?

  • Tu peux connaître la voleuse, mais comment expliquer que tu connais aussi le propriétaire ? Tu ne peux même pas envoyer une dénonciation écrite ! Et je ne pense pas que tu loues les services d’un écrivain public pour ça...

Armande de Jocary s’était dirigée vers l’alcôve, avait soulevé un traversin et tiré une petite bourse qu’elle avait lancée à Perrot.

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  • Je ne suis pas une méchante femme. Prends cet argent, tu n en auras pas autant si tu essaies de vendre tes peaux à quelque filou.

  • Je les vendrai à des étrangers qui me paieront bien ! protesta Simon Perrot, blême de rage.

  • Tu te promèneras dans les rues en pro­posant ta marchandise? Alors que M. Tardieu te fait rechercher? Non, tu iras au Temple où un tire-laine te rachètera tes pelleteries pour une bouchée de pain ! Prends donc mon bon argent... Et disparais de ma vue.

  • Mais...

  • Disparais de ma vie î avait répété len­tement la baronne. Je ne veux plus te voir. Adieu, Simon Perrot. Et ne t’avise pas de m’ennuyer, j’ai maintenant des protecteurs influents. Et un serviteur pour repousser les indésirables.

Armande de Jocary avait cru que Simon Perrot essaierait de nouveau de la frapper ; elle s’était rapprochée de la porte, mais son amant avait seulement brandi son poing en la maudissant et en lui jurant qu’il se ven­gerait. Elle Pavait trompé en lui promettant

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qu’il serait mousquetaire, en se taisant sur le trésor de Marie LaFlamme, en lui fai­sant épouser sa servante, et voilà qu’elle le jetait à la rue, comme un chien. Elle se sou­viendrait que les chiens enragés mordent ! Même leur maîtresse !

  • On se reverra

* * *

La baronne avait mal dormi les nuits qui suivirent cette querelle, mais après quel­ques semaines elle était plus rassurée : Simon était une brute qui ne réfléchissait guère mais il avait sans doute compris qu’il pourrait lui en coûter de maltraiter une femme qui recevait des comtes chez elle. Simon Perrot était un petit misérable que la noblesse impressionnerait toujours ; il était capable d’égorger un homme au détour d’un passage mal éclairé, pour lui prendre ses bottes ou son fleuret, mais il ne pouvait affronter le monde. Il était peut-être rusé, mais son esprit était sans nuances, sans réelle intelligence.

En caressant la peau de vison qu’elle avait choisie pour se faire coudre un manchon,

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elle se demandait si elle devait montrer les autres pelleteries à Emile Cléron. Michelle- Angèle lui avait présenté le jeune homme quand elle avait enfin accepté de renoncer à son maudit couvent pour continuer à vivre rue du Bourubourg. Et encore, avait- elle précisé, ce n’était plus pour longtemps ; elle suivrait sous peu le marquis de Saint- Onge. Mais elle était là pour l’instant, et la baronne multipliait les soirées, invitait de plus en plus de personnes de qualité à entendre son prodige. Les concerts de Michelle servaient de prétexte au jeu : quel stratagème trouverait-elle ensuite? Peut- être examinerait-elle davantage la proposi­tion d’Emile Cléron.

Elle avait beaucoup pensé à lui ces der­niers temps ; le mystère dont il s’entourait l’amusait grandement. Il se disait mar­chand de curiosités, et son air de prospérité prouvait qu’il y avait beaucoup d’amateurs, mais la baronne avait remarqué qu’il man­geait bien trop vite pour un vrai bour­geois. Il essayait de se maîtriser mais s’il mangeait son poisson lentement, il accé­lérait la cadence à la viande ou au potage

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et avalait très promptement l’entremets et les desserts comme s’il craignait qu’on ne les retire de la table avant qu’il ait pu les goûter. La baronne de Jocary, née Boulet, avait eu du mal, elle aussi, à se débarrasser de cette habitude contractée quand elle était enfermée au couvent et elle était prête à parier sa nouvelle robe de velours jardi­nière, ou celle avec de si jolis motifs marins, que le petit Cléron avait été privé de liberté durant un certain temps... L’hospice? La prison ? A moins qu’on ne l’ait placé comme apprenti chez un maître particulièrement dur. Il devait s’être enfui depuis quelques années car il avait pris la peine d’étudier la démarche des bourgeois, leur façon de se vêtir, leurs tics, leur langage, leur attitude faite de crainte et de mépris, et il les imitait à la perfection.

La baronne n’avait pas décelé immé­diatement la supercherie ; quand Michelle lui avait présenté Cléron en même temps que Victor Le Morhier, le Nantais lui avait paru si conforme à l’idée quelle se faisait de lui ! Elle était moins méfiante quand son ami parisien s’était avancé pour lui

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rendre hommage. Et puis il lavait émue au plus haut point en lui apportant de rarissimes grains de café; elle avait été si excitée en imaginant l’effet qu’elle pro­duirait quand elle en servirait à son pro­chain souper qu’elle n’avait pas remarqué le regard papillonnant d’Emile Cléron. Ses yeux allaient d’un vase à un miroir, du candélabre à la tabatière, des glands dorés qui retenaient les draperies émeraude à l’écritoire, du portrait du défunt baron de Jocary à une commode, d une carafe Val Saint-Lambert au lutrin de palissandre de Michelle. Ils évaluaient chaque objet en moins d’une seconde.

Cléron se retenait d’applaudir ; la baronne avait décidément réussi dans le monde! Un monde qui n’était pas le sien; il en avait l’intuition avant de la rencontrer, il en avait maintenant la certitude. Armande de Jocary s’était trahie en poussant des cris de joie quand elle avait reçu le petit sac de café ; une aristocrate aurait à peine dit merci. Elle n’était pas plus baronne qu’il n’était bourgeois. Mais il était marchand de curiosités, d’une certaine manière.

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La baronne repensait à ce que lui avait proposé Cléron quand elle s’était plainte du partement imminent de Michelle chez le marquis : ce jeune homme lui plaisait davantage à chacune de ses visites. Il avait toujours un présent original à lui offrir, l’écoutait parler avec attention et n’avait jamais demandé à être invité à ses soirées. C’était elle qui l’avait convié à leur troi­sième rencontre ; il lui avait alors dit que rien ne pouvait l’honorer davantage et qu’il espérait qu’on ne devinerait jamais qu’il avait vécu dix ans à l’hospice. Elle n’avait pas relevé l’aveu mais lui avait adressé un sourire complice avant de pester contre sa pupille. Elle avait nourri, habillé Michelle, l’avait dotée des meilleurs maîtres, et voilà que celle-ci voulait la quitter. Victor Le Morhier avait tenté de prendre la défense de Michelle, mais Emile Cléron avait sou­tenu que le dédommagement du marquis ne compenserait pas la perte et les ennuis qu’engendrerait le départ de la flûtiste.

  • Vous n’aurez plus d’alibi. A moins que vous ne m’écoutiez... Avec une assu­rance nouvelle, Emile Cléron avait suggéré

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à la baronne d’interroger habilement ses invités afin de savoir lesquels avaient appris la musique ou le chant.

  • La plupart des femmes. Celles des joueurs et les autres. Et quelques hommes.

  • Voyez donc si celles qui assistent aux interminables parties s’amusent autant que leurs époux. Si vous les priiez de chanter ou de toucher la viole et la harpe, elles se divertiraient davantage. Elles ne presse­raient pas plus leurs maris, ou leurs amis, de rentrer qu elles ne rechigneraient à les accompagner chez vous. Si elles viennent aujourd’hui, c’est dans l’espoir qu’on leur fera une cour comme celle qu’on fait chez Mlle de Scudéry, mais vous n’attirez pas les mêmes personnes. Vous, vous n’aurez jamais que des bourgeois bien nantis et les quelques vicomtes qui jouent partout, sans distinction de classe.

  • Mais le marquis de Saint-Onge est un habitué ! s’était récriée Armande de Jocary.

  • Il vient pour Michelle et vous a amené tout ce qu’il pouvait ! Pourquoi tenez-vous tant à plumer les aristocrates ? Ils ont sou­vent moins de bien que les bourgeois et

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règlent leurs dettes avec des mois de retard ou avec des billets qui ne vaudront jamais rien. Vous ont-ils accordé les faveurs qu’ils vous promettent depuis qu’ils jouent ici?

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