Marie LaFlamme Tome 2



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Il savait maintenant ! A l’aube, au moment où il avait retrouvé Marie, Germain Picot était derrière elle et il avait repris sa perche quand il avait vu apparaître Guillaume, alors qu’il aurait dû l’avoir en main puis­qu’il allait pêcher. Pourquoi l’avait-il déposée ? Il n’avait pas aidé Marie à des­cendre sur le bord de la rivière, il la sui­vait... Alors? Il demanda à Marie d’essayer de se rappeler la scène. Son ton était si anxieux que Marie, sans chercher à com­prendre, raconta ce qu elle avait vu. Oh, elle

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avait d abord entendu un bruit, puis s’était retournée. Germain Picot était juste der­rière elle. Puis Guillaume était arrivé. Elle s’était dirigée vers lui, en même temps que Picot. Oui, il avait repris sa perche. L’avait- elle entendue tomber par terre ? Non.

  • C’est qu’il doit l’avoir déposée très doucement. Afin que tu ne l’entendes pas.

  • Mais pourquoi ?

A l’instant où elle formulait sa question, elle devinait ce que suggérait Guillaume. Seigneur Dieu ! Elle... il voulait la... Elle pressa contre elle Noémie, qui gémit. Marie demanda à s’asseoir. Guillaume lui prit la petite mais refusa de s’arrêter.

  • Il faut aller au plus vite chez le cheva­lier. C’est lui qui devrait parler au Conseil souverain. Ils l’écouteront avec plus de respect.

  • Ou Mme de Grandmaison ; Rose est toujours sa servante.

  • Laisse Alphonse Rousseau aider sa fiancée. Ce sera bien pour tous les deux.

Marie hocha la tête, songeant qu’elle aussi avait la chance de pouvoir compter sur le coureur de bois. Elle avait raison de

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l’épouser. Elle serra son bras avec force. Il lui sourit avant de héler leurs compagnons de voyage. Il leur dit que Marie voulait voir son lièvre avant de rentrer. Il la taquina en disant quelle était aussi enfant que Noémie ; le stratagème réussit.

  • Rue Saint-Louis, on sera à l’abri des frappe-d’abord, fit Alphonse Rousseau. Je n’ai jamais vu autant de maringouins ! Et Monsieur sera bien content qu’on lui conte notre journée !

« Je n’en suis pas aussi certain », songea Guillaume Laviolette. Une accusation pour viol allait bouleverser la colonie. On se sou­venait encore qu’Abraham Martin avait été accusé du même crime quinze ans plus tôt!

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Chapitre 30

I

l faut aplester, les gars ! Maintenant !
cria le capitaine Legagneur.


Marie regarda les hommes d’équipage déplier les voiles avec anxiété ; elle savait que le capitaine redoutait que le vent ne frise la voilure au lieu de l’emplir. Elle ferma les yeux, récitant une prière muette ; il fallait profiter de la marée, pourvu que le vent n’ait point l’envie de barbeyer. Elle ouvrit un œil et fut soulagée; le petit et le grand hunier, le perroquet de misaine, celui d’artimon et la grand-voile se ten­daient fièrement. La foule venue assister au départ du vaisseau applaudit ; plusieurs personnes lancèrent leur chapeau de paille en l’air, et on cria d’excitation et d’effroi au coup de partance. Certains se dirigèrent vers la brasserie en disant qu’elle était vrai­ment bien située, tout à côté; d’autres res­tèrent pour regarder le vaisseau. Marie dit à Eléonore de Grandmaison que le temps avait passé trop vite depuis son mariage. Il

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y avait eu les élections et Claude Charron avait été nommé syndic, comme lavait prédit Guillaume, qui avait également prévu que les habitants de Québec se rebel­leraient contre ce choix car ils craindraient que Charron, commerçant, ne permette à ses collègues d’appliquer des tarifs sur les marchandises qui les défavoriseraient. Il y eut, les 12, 14 et 21 août, la vente à Mgr de Laval des terres que Charles Aubert de La Chesnaye possédait à l’île d’Orléans et à Beaupré, dont une partie avait été achetée quelques mois plus tôt aux Hospitalières ; il y eut une corvée et le sauvetage de Michel Dupuis qui avait manqué se noyer dans la rivière. Et maintenant, ce vaisseau qui s’en allait avant les froids.

  • Cette impression de fin d’été m’attriste, confia Marie à Mme de Grandmaison.

  • Vous n’êtes pas la seule... Regardez Alphonse Rousseau! Je ne l’ai jamais vu si sombre.

L’homme ne participait pas à l’allégresse générale; ce n’était pas le temps des mois­sons qui le chagrinait mais la présence de Julien du Puissac à bord de l'Aigle-blanc-


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de-Flessingue. C’était la première fois que le chevalier et son serviteur étaient séparés en vingt ans. Alphonse avait pleuré ; si son maître ne lui avait pas demandé de rester à Québec, il serait peut-être reparti pour la France, même s’il estimait Rose un peu plus chaque jour. Le chevalier lui avait pourtant répété qu’il n’était pas exclu qu’il revienne avec Guy Chahinian même si Marie avait fini par entendre raison et renoncer à lui remettre personnellement la coupelle d’or. Qu’il lui ait offert une broche appartenant à sa défunte femme pour son mariage l’avait bouleversée; Marie s’était présentée chez lui le lendemain de son mariage avec Guillaume pour lui rendre la coupelle d’or en le priant de dire à Guy Chahinian combien elle regret­tait de ne pas la lui donner elle-même.

  • Il serait content de vous, avait dit le chevalier. Je lui narrerai votre exploit.

Marie avait rougi; c’était le hasard qui avait bien fait les choses.

  • C’était important pour Rose, avait dit du Puissac. Et pour toutes les autres femmes de la colonie. Après les aveux de Germain Picot, vous allez mieux respirer.

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  • Tout le monde n’est pas satisfait... Ceux qui voulaient mettre la faute sur un Indien sont déçus. Il faut dire que Germain Picot avait tout fait pour qu’on croie que c’était un Iroquois qui avait égorgé Madeleine et Suzanne. Il aurait tué et scalpé Rose s’il en avait eu le temps. Mais en plein cœur de la ville !

  • Heureusement que Paul lui avait pris son bouton la veille ; il aura pensé que les fils étaient usés pour perdre deux boutons en deux jours.

  • Vous savez, quand je me suis pro­menée avec lui le long de la rivière, j’ai cru un instant qu’il avait tout deviné.

  • Vous aviez très peur? Marie avait secoué la tête.

  • Non, Guillaume nous suivait. Si, tout de même un peu. Mais peut-être moins qu’au moment où j’ai découvert la vérité.

Trois semaines auparavant, Marie avait tremblé en expliquant à Rose, à Alphonse et au chevalier ce qu’elle avait appris grâce au petit Paul. Elle n’avait pu s’empêcher de penser que Germain Picot avait voulu la tuer le matin même. Puis la rage avait

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chassé la peur; elle avait voulu se venger. Rose, elle, aurait préféré tout oublier. Marie lui avait fait comprendre que d’autres femmes subiraient le même sort quelle si elle ne consentait pas à témoigner devant le Conseil souverain, et elle s’était résignée. C’était alors que Guillaume et le chevalier avaient déclaré que cette preuve était bien mince; on les traiterait probablement d’hys­tériques. Rose, avec sa réputation perdue, et Marie, qui se faisait remarquer depuis son arrivée, ne seraient guère écoutées face à un homme estimé depuis des années par ses concitoyens. Allons donc, on jetterait les boutons, on rejetterait leur cause.

Marie s’était mise en colère; elle ne vou­lait pas baisser les bras si vite ! Elle trouve­rait un moyen, coûte que coûte. Guillaume, qui savait qu’elle n’abandonnerait pas, lui avait proposé de tendre un piège à Germain Picot.

  • Nous devons le prendre sur le fait. Les membres du Conseil souverain ne pourront rejeter cette preuve. Ni mon témoignage.

Rose avait vainement essayé de dis­suader Marie de suivre le plan conçu par

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Guillaume et, le surlendemain de cette conversation, Marie passait chez Germain Picot pour lui demander s’il avait un mes­sage pour les Blanchard.

  • J’ai promis à Emeline de lui montrer à se servir des plantes qui poussent autour de votre maison. Saviez-vous que l’aunée soigne bien la toux?

Germain Picot s’était écrié ; quelle coïn­cidence, il allait voir René Blanchard. Ils feraient route ensemble. Marie avait proposé, comme il faisait très chaud, de longer la rivière. A l’anniversaire de Noémie, elle avait eu bien besoin de s’asperger pour continuer son chemin. Bah, on n’avait qu’à se rendre jusqu’à la côte du Palais, puis descendre vers la Saint-Charles. Tout en marchant, Marie avait parlé de son futur mariage avec Guillaume, qui aurait bien voulu l’accompa­gner aujourd’hui mais qui avait promis aux Hospitalières d’aider à une corvée. Ensuite, il avait été question de blé et de pommes de terre, de la brebis de Boulet qui allait agneler, du chien de Souci qui avait mangé la poule du Duc, de Dupuis qui devait payer dix livres d’amende pour avoir traité Fournier




de cornard, de la pluie et du beau temps. Ils avaient marché dun bon pas et avaient bientôt aperçu la rivière. Il n’y avait aucune embarcation, s’était réjoui Picot; personne en vue ni devant ni derrière. Il avait proposé à Marie de s’arrêter un moment.

  • Pas maintenant, avait-elle dit en s’effor­çant d’être enjouée. Je ne m’arrête jamais avant le bosquet. Là où on s’est vus l’autre matin. Sinon, je n’ai plus le courage de continuer.

Tandis qu’elle espérait qu’il accepterait, Picot s’était dit que les bosquets étaient encore plus sûrs; tous les colons étaient aux champs ou à la grande corvée à cette heure, ils ne rencontreraient pas un chat. Plus tard, il s’était rappelé que Marie avait tressailli quand il avait trébuché et s’était agrippé à elle, mais à ce moment, il n’avait senti que la chair douce et chaude de son avant-bras. Il avait hâté le pas. Marie n’avait pas protesté, pressée d’en finir.

Mais au niveau des bosquets, elle n’avait toujours pas entendu le cri du mainate. Elle avait traîné un peu derrière Germain Picot en vidant le sable de ses sabots, mais il s’était retourné et avait fait signe de garder

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le silence. Il avait désigné un point imagi­naire sur la rivière en chuchotant qu’il avait vu quelque chose. Marie s’était avancée d’un pas, devinant sa ruse, et elle avait alors perçu le cri convenu. A peine avait-elle fait mine de se pencher que Picot avait brandi son couteau. Au même moment, il avait poussé un hurlement de douleur en sen­tant son bras tordu vers l’arrière. Il avait essayé d’échapper à Guillaume, mais per­sonne n’avait une poigne aussi solide que le coureur de bois. L’instant d’après, Marie avait tendu à son fiancé la lanière de cuir qui lui servait de ceinture et Guillaume lui avait attaché les mains dans le dos et l’avait jeté au sol en le sommant d’avouer.

Il avait tout dit : Madeleine, Suzanne, Rose et une métisse, dont il ignorait le nom. Il avait tué en France, avant d’épouser sa femme. Puis ils étaient venus à Québec. Il le jurait, il n’avait touché personne tant que sa femme avait vécu. Mais après sa mort, ça l’avait repris. En emmenant le prisonnier au fort Saint-Louis, Guillaume lui avait dit qu’ils se reverraient bientôt devant le Conseil souverain.




Le chevalier du Puissac avait fait remar­quer à Marie qu'il était heureux que tous les veufs ne réagissent pas comme Picot. Tout en parlant avec la jeune femme, il polissait la coupelle d’or avec un linge de soie. Il était si soulagé d’avoir réussi à récu­pérer les deux coupelles que la nouvelle du suicide de Germain Picot ne l’avait guère ému. Marie, elle, était toujours enragée : ce monstre aussi pleutre que sanguinaire avait échappé à la honte, au procès en se pendant dans sa cellule.

« Il est mort, avait dit Guillaume, c’est tout ce qui compte. » Ah, non ! C’était trop facile ! Si elle n’avait craint le jugement de Jeanne Mance, Marie aurait tout cassé rue Saint-Louis. C’était d’ailleurs Mlle Mance qui avait réussi à la calmer.

  • Qu est-ce qu’elle vous a dit pour vous ramener à la raison ? avait demandé Julien du Puissac. Vous étiez si furieuse en appre­nant la penderie de Picot que je crois bien que mon ami Alphonse a eu peur de vous. Et Rose aussi.

  • C’est pourtant elle qui a été violentée ! s’était exclamée Marie.

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  • Ne vous excitez pas de nouveau, avait dit aussitôt le chevalier.

Marie s’était tue, jouant nerveusement avec les franges de son fauteuil : Jeanne Mance avait raison, elle n’aurait pas aimé assister à l’exécution de Picot, elle n’y serait pas allée, elle était faite pour sauver des vies. Mais... elle supportait mal que le monstre n’ait pas demandé publiquement pardon à Rose Rolland.

  • Dites-vous que Rose aurait probable­ment refusé, avait répliqué le chevalier. C’est une femme si discrète.

  • Dont l’histoire est connue de tous ! J’aurais voulu qu’elle obtienne réparation !

  • Elle l’a eue en partie avec la maison de la basse-ville.

Le soir de son incarcération, Germain Picot avait demandé à voir Jean Duquet, à qui il avait exprimé ses dernières volontés. Le jeune notaire avait cru que son client faisait allusion à son exécution et non à son suicide quand il avait parlé de sa mort. Il l’avait écouté sagement, avait consigné les dernières dispositions du condamné et l’avait quitté en lui disant qu’il

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recommanderait son âme à Dieu. La géné­rosité de Picot n’excusait pas ses crimes, mais il avait manifesté son repentir d’une façon non négligeable.

  • Il a partagé ses biens entre les fils de Madeleine et le mari de Suzanne Dion, fit Marie. Il a donné sa maison de la basse- ville à Rose, mais cela ne ressuscite pas les mortes ! Je suis la seule à qui profite la dis­parition de Picot.

  • Réjouissez-vous donc, au lieu de vous lamenter ! Vous avez confondu Picot, il est mort, il vous a laissé sa maison de la rivière, les Blanchard vous la louent, ce qui vous permettra d’avoir enfin votre boutique, que voulez-vous de plus ? Rose est soulagée que le criminel ait disparu, mais elle essaie plutôt d’oublier cette triste histoire. Vous devriez l’imiter...

Marie avait reconnu que le chevalier avait raison. Puis elle n’avait pu se retenir de le taquiner.

  • Maintenant que vous avez votre fameuse coupelle, il n’y a rien d’autre qui compte pour vous !

  • Marie !

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  • Je vous laisse avec elle... et Janvier. Je croyais qu’Alphonse l’emmènerait avec lui à la basse-ville.

  • Il me le laisse jusqu’à mon départ.

  • Vous êtes vraiment décidé ? Julien du Puissac avait hoché la tête.

  • C’est mon devoir. Je dois retrouver Guy Chahinian. Marie avait été morose en quittant le chevalier et Guillaume avait eu bien du mal à la dérider quand elle l’avait retrouvé. Il avait fait mine d’être jaloux du chevalier car elle n’avait pas montré tant de tristesse quand il était parti à la course l’automne précédent.

  • Toi, c’était différent ! Je savais que tu reviendrais ! Je ne reverrai jamais M. du Puissac. C’est ce que je ressens...

Guillaume n’avait pas insisté ; sa femme devait être fatiguée après ces semaines si chargées en émotions : la capture de Picot, sa mort, le mariage de Rose et enfin le leur. Il lui avait proposé d’aller faire du canot; elle avait d’abord refréné son enthousiasme, mais avait poussé des cris d’excitation quand il l’avait aidée à s’agenouiller dans la fra­gile embarcation. Très vite, elle avait voulu

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pagayer; malgré ses craintes, Guillaume avait accepté de lui prêter la rame. Croyant le rassurer, elle avait affirmé qu elle nageait très bien. Il avait avoué qu’il se noierait si le canot versait. Elle avait promis de lui ensei­gner à nager. Marie avait eu tant de plaisir à se promener en canot sur la rivière Saint- Charles qu’il n’y avait eu que la faim pour la ramener à Québec. Elle avait dit à Guillaume que cette journée était inoubliable et, le soir, au lit, elle s’était montrée très accueillante.

x- x-

  • Que les canots sont petits à côté d’un vaisseau, dit Marie en s’approchant de Rose et d’Alphonse Rousseau.

Rose regarda Marie avec résignation; son mari ne sourirait pas avant longtemps. Il n’avait pas détourné une fois les yeux de l'Aigle- blanc-de-Flessingue
et Rose redoutait quasi­ment qu’il ne se jette à l’eau pour nager jusqu’à son maître. Le vaisseau ayant pris le large, les habitants de Québec étaient tous rentrés chez eux pour dîner, mais Alphonse Rousseau semblait s’être changé en statue et Rose com­mençait à désespérer de le voir bouger.

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  • Le chevalier ma bien dit qu’il revien­drait, dit Marie en posant Noémie par terre.

  • Si tu ne lui avais pas donné les cou­pelles, il serait resté ! dit Alphonse Rousseau en pointant un doigt accusateur vers Marie LaFlamme.

  • Mais tu voulais que je lui rende la coupelle ! protesta Marie.

  • Quelle coupelle ? demanda Rose avec curiosité.

Alphonse et Marie se regardèrent furti­vement ; ils avaient pourtant promis de ne pas parler des objets sacrés ! Le chevalier venait à peine de s’embarquer qu’ils le tra­hissaient. Marie, habituée à mentir, inventa rapidement une fable.

  • C’est une coupelle que j’ai trouvée dans une boutique de curiosités, à Paris. Je l’ai montrée au chevalier par hasard. Il a reconnu une coupelle qui avait été volée chez sa sœur et a tenu à la lui rendre.

Rose grimaça ; la prenaient-ils pour une sotte ?

  • Monsieur serait retourné en France pour une petite coupelle de rien du tout? Dites-moi donc la vérité.

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Marie, embarrassée, se pencha vers sa fille, tandis qu’Alphonse mentait à son tour; la coupelle était le symbole d’une société secrète, les Fils de la Paix, qui vou­lait détrôner le Roi. Sa possession per­mettrait à Julien du Puissac de réunir des partisans.

  • Il est fou! s’exclama Rose. Que reproche-t-il au Roi ?

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