Marie LaFlamme Tome 2



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Marie adressa un clin d’œil à Alphonse; elle venait de prendre une belle leçon de menterie; la demi-vérité, plus aisée à imaginer, était aussi plus aisée à croire. Alphonse fit jurer à Rose de ne jamais parler des opinions politiques de son maître. Elle donna sa parole à la condition qu’Alphonse promette de ne pas se mêler d’imiter le che­valier. Elle se dit qu elle était arrivée juste à temps dans sa vie pour lui éviter l’irrépa­rable ! S’il avait suivi du Puissac, il aurait fini par être arrêté et exécuté pour crime de lèse-majesté ! Le chevalier serait roué ou écartelé s’il persistait dans cette voie. Non, les nobles avaient le cou tranché, mais ce n’était tout de même pas un sort enviable. Rose prit Alphonse par le bras et le tira vers

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la place publique, malgré les protestations de son époux. Marie les invita à dîner, mais Alphonse n’avait pas faim.

  • Il faut bien manger ! dit Marie en ser­rant sa fille contre elle. Regarde Noémie, elle me dévorera le bras si je ne rentre pas maintenant !

  • Tu verras si tu as de l’appétit quand Guillaume repartira pour la course.

Marie se mordit les lèvres ; elle évitait de penser à ce jour maudit et détestait qu’on le lui rappelle. Guillaume l’avait prévenue avant de l’épouser; jamais il ne renoncerait à courir le bois. Il était pareil à Victor avec la mer. Elle le comprenait. Elle se souve­nait si bien d’Anne LaFlamme qui encou­rageait son mari à s’embarquer en étouffant ses sanglots. Marie ne pleurerait pas, elle. Après tout, elle n’était pas amoureuse de Guillaume Laviolette; elle l’estimait, elle aimait discuter avec lui, elle aimait qu’il la fasse rire et elle croyait qu’elle en viendrait à goûter ses caresses. Mais elle n’était pas bouleversée par lui comme elle l’avait été pour Simon. Non, si elle redoutait le départ de Guillaume, c’est qu’elle s’était habituée

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à vivre avec un homme ; ce quelle appré­ciait le plus dans la vie conjugale était le sentiment de sûreté. Elle n’avait jamais, comme Lison, regardé sous le lit ou dans une armoire pour voir s’il y avait un rôdeur, mais elle conservait toujours un stylet près d’elle. Peut-être les horribles histoires qu’on racontait au sujet des Iroquois avaient-elles fini par la rendre nerveuse; c’était Germain Picot qui avait scalpé les femmes après les avoir violées, il était mort, Marie le savait bien mais entre le moment où il avait dis­paru et son mariage, la jeune femme ne s’était pas endormie une fois avant l’aube, craignant de voir une main brandir un tomahawk, briser l’épais papier de la fenêtre et lui fendre le crâne. Elle était honteuse de ses pensées qui allaient à l’encontre de ses discours pacifiques envers les Indiens, mais elle ne pouvait vaincre sa peur. Elle avait accepté très vite de dormir avec Guillaume car sa présence l’apaisait.

Ayant envie de le retrouver, elle quitta Rose et Alphonse promptement. Elle pressa le pas jusqu’au bout de la rue Sault- au-Matelot, ballottant sa fille sans ména­

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gement. La petite riait aux éclats. Marie se demanda si elle avait bien fait de confier au chevalier la broche que lui avait remise Julie LaFlandres avant de mourir en accou­chant de Noémie. Marie avait gardé la che­valière qui portait les mêmes armoiries que la broche et avait raconté à Julien du Puissac que Julie LaFlandres était de noble extraction. Elle avait épousé un artisan alors quelle était condamnée au cloître par son père et avait fui la France pour sauver son époux d’une condamnation pour rapt. Lui aussi était mort sur l'alouette.
Mais Marie s’interrogeait sur la vraie famille de Noémie. Tout en étant déterminée à garder sa fille auprès d’elle, elle voulait savoir qui était son aïeul; Noémie ne pourrait jamais prétendre à un héritage car le père de Julie LaFlandres l’avait reniée, mais en apprendre davantage sur ses ancêtres ne pouvait lui nuire. Elle lui dirait ce que le chevalier aurait découvert — s’il réussissait cette mission — quand elle aurait quinze ans. L’âge où Julie LaFlandres avait eu toutes les dents arrachées sur ordre de son père qui craignait que ses charmes n’attirent Satan.

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Pauvre et triste Julie qui avait enfanté une fille si gaie! Même Guillaume, qui avait craint que l'enfant ne le gêne, avait subi sa séduction ; la petite ne pleurait presque jamais et faisait preuve d’autant de charme que d’invention. Marie se souvint alors que Guillaume lui avait promis une sur­prise. Elle courut jusqu’au logis que la veuve Grouvel avait consenti à leur louer.

Dès quelle eut poussé la porte, une créa­ture sombre se précipita sur elle en jappant avec entrain.

  • Il s’appelle Mkazawi, ce qui veut tout simplement dire « noir » chez les Abénakis. Il est très doux et t’obéira en tout. Mais si on t’attaquait, ou si on s’en prenait à Noémie, il saurait vous défendre.

Sa frayeur passée, Marie fut flattée que Guillaume se soucie de sa protection et le remercia tendrement. Noémie, elle, avait déjà encerclé le cou du gros chien qui la reniflait et la léchait.

Personne ne pouvait alors deviner que l’amitié de l’enfant et de cet animal aussi haut qu’un petit veau serait si fabuleuse qu’elle toucherait à la légende.

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Chapitre 31

M

arie refusa d’assister à l’enterrement
d’Abraham Martin. Elle était trop


occupée par la cueillette des plantes et
des herbes ; elle devait en ramasser le plus
possible pour faire des réserves. C’était ce
qu’elle avait dit à Guillaume et c’était vrai.
Mais le fait était que la mélancolie la sub-
mergeait déjà trop souvent ; un enterrement
ne chasserait assurément pas sa peine. Elle
multiplia ses activités au fur et à mesure
que le départ de Guillaume approchait mais
ces distractions ne repoussèrent en rien
l’échéance, et le 15 septembre 1664, Marie
LaFlamme pleurait en cachette le départ de
son mari.


Guillaume Laviolette fut également étonné, une semaine après avoir quitté Québec, d’avoir un souvenir et un désir aussi vifs de sa femme. Il s’ennuyait de ses rires et de ses colères, de ses incessantes questions et de sa sensualité naissante. Il pensait bien plus souvent à elle qu’il n’osait se l’avouer,

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puis il rencontra Pierre-Esprit Radisson et Médard Chouart des Groseilliers. Ceux-ci le taquinèrent beaucoup sur son mariage et sa manière de parler de Marie à propos de tout. Qu’il s’agisse de chasse, de pêche, de prises, de vente d’alcool, d’achats de peaux, il avait une anecdote à raconter au sujet de la Renarde. Il affirmait qu’il serait heureux de revoir Klalis et qu’il avait épousé Marie par affaires, mais nul n’était dupe; cette Nantaise avait ensorcelé le grand Laviolette. Bah, il se calmerait et se réhabituerait vite à sa liberté. Déjà, depuis deux jours, il parlait plus de trafic que de femmes. Il voulait tout savoir des expéditions qui se préparaient.

  • Dites-moi donc comment sont ces messieurs de la Nouvelle-Hollande.

  • Ou ceux de la Nouvelle-Angleterre, murmura Radisson. La Nouvelle- Amsterdam tombera bientôt aux mains des Anglais. C’est avec les vainqueurs que nous traiterons.

  • Nous avons déjà parlé à quelques- uns d’entre eux et nous comprenons, dit Médard Chouart. Ils ne nous tromperont pas comme Voyer d’Argenson.

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Guillaume, qui partageait l’indignation des coureurs, les plaignit de tout coeur.

  • Vous avez sauvé la colonie, il y a quatre ans, quand vous êtes rentrés avec deux cent mille livres de pelleteries. Je me demande encore comment le Gouverneur a pu manquer à sa parole. Il vous avait promis que vous ne paieriez que le dixième des fourrures que vous rameniez pour votre propre compte et il a exigé le quart ! Quel sens de l’honneur, quel bel exemple pour les colons...

  • Il a perdu à ce petit jeu, dit Radisson avec une lueur vengeresse dans l’œil. Nous ne ferons plus d’affaires avec les Français.

  • Nous avons rapporté autant de pelle­teries que tu l’as dit, Laviolette, mais nous avons aussi découvert Grand-Portage, la meilleure route pour les canots qui vont vers l’ouest, et nous ne nous arrêterons pas en si bon chemin. Nos alliés savent qu’il faut explorer cette grande baie, au nord. Et nous le ferons ! Les Français regretteront de nous avoir trahis !

  • Ils le regrettent déjà. Avec la baisse du prix du castor, il faut envoyer en France

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d autres fourrures, et de belles... La colonie aurait besoin de vous, mais j ai conté à Marie LaFlamme comment on vous a traités. Rien n’est pis que la trahison ! Rien !

Radisson découpa une cuisse de lièvre qui avait grillé au-dessus d’un feu de bois et sourit à Laviolette.

  • Ne t’en fais pas, ça ne nous coupe pas l’appétit ! Guillaume tassa les pierres autour des braises et prit une part de viande qu’il faillit laisser échapper tellement elle était brûlante. On avait pourtant enlevé la bête du feu depuis dix bonnes minutes ! Il se lécha le bout des doigts avant de mordre dans la viande à belles dents. Le gibier était légèrement calciné et manquait de sel, mais cette grillade partagée avec Chouart et Radisson était une des meilleures qu’il ait jamais mangées ! Elle recelait un parfum d’aventure qu’aucun des plats mijotés par Marie ne pouvait avoir. Elle avait un goût de forêts, de lacs, de portages, d’amitié virile, de liberté et de découvertes. De peur, aussi. La peur faisait partie du plaisir de la course. Elle était saine ; elle tempérait les entreprises trop téméraires. Pousser vers le nord,

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pousser vers l’ouest, encore et toujours plus, c’était le sort, la joie, la fierté des coureurs, mais se risquer bêtement sur un lac qui dégelait pour raccourcir un trajet, c’était idiot. Guillaume Laviolette était réputé pour son bon sens et Chouart et Radisson étaient toujours contents de le rencontrer. Cette fois, il leur rapportait plus de nou­velles qu’à l’accoutumée ; il s’était passé tant de choses à Québec au cours de l’année. Le départ de Davaugour, la dissolution de la Compagnie des Cent-Associés, la fondation de la Compagnie des Indes occidentales, l’arrivée de Mézy, celles du Noir-d’Hollande
et de l' Aigle-blanc-de-Flessingue.

  • On attend d’autres vaisseaux? demanda Radisson. On m’avait dit que le Roi enverrait des soldats.

  • C’est ce que prétend le Gouverneur, confirma Guillaume. Mais l’hiver arrivera sans qu’aucun autre navire ne mouille au quai de Champlain.

* * *

Pour une fois, Guillaume Laviolette se trompait. Le 25 septembre, le surlendemain

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du départ du bateau de Charles Le Moyne, le Dragon-d’Or arrivait au port de Québec.

On abandonna gaiement les travaux des champs pour accueillir les nouveaux arri­vants. Il était plus amusant de se presser au quai que de presser des gerbes de blé. Ou former des abatis, égrener le maïs ou le tresser à la façon indienne.

  • Ou semer le blé d’automne ! dit Marie à Rose Rolland. Est-on seulement certain qu’il poussera au printemps ?

  • Ne sois pas sotte et cesse de geindre ; nous aurons bientôt fini.

Rose était tellement patiente qu’elle énervait Marie. Elle ne se plaignait jamais, participait joyeusement aux corvées, qu’il s’agisse de trier les pois, couper le blé — elle était la plus rapide de tous à la faucille —, de lier les gerbes ou les suspendre.

  • Ce n’est même pas ta terre ! dit Marie.

  • Quand nous en aurons une, les voi­sins viendront m’aider. On ne peut pas survivre autrement ! Tu le sais aussi bien que moi. Qu’as-tu donc aujourd’hui? Rien ne trouve grâce à tes yeux !

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Rose tapota le bras de Marie ; elle s’en­nuyait de Guillaume, c’était ça? Marie lui confia aussi que Noémie avait pleuré toute la nuit.

  • Une dent ! C’est à chaque fois la même chose. Regarde-la, ses joues sont en feu et elle est prête à mordre n’importe quoi! Heureusement que Mkazawi est un bon chien car elle lui a tiré les oreilles vingt fois depuis qu’elle est réveillée.

Marie mesurait de quels trésors de patience Emeline avait fait preuve et elle le lui dirait sitôt quelle la reverrait. Elle était contente de pouvoir lui rendre service à son tour en lui louant la maison dont elle avait hérité. Elle la leur vendrait un jour, assurément, car elle préférait habiter à la ville. Etre près du magasin pour tout voir, tout entendre. Arriverait-elle à temps pour accueillir les passagers du bateau ?

Marie gagna le port à grands pas, mais quand elle reconnut Ernest Nadeau parmi les nouveaux venus, elle pensa qu’elle avait accouru vers le malheur, que sœur Sainte- Blandine avait enfin raison et que son

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impatience était punie. En même temps, elle espérait que Nadeau ne l’ait pas vue. L’instant d’après, elle savait que l’écrivain public ne l’avait pas oubliée. Il avait eu un mouvement de stupeur, de recul, comme s’il avait vu une revenante, puis il avait éclaté de rire.

Ainsi, Marie LaFlamme était en Nouvelle- France? Il était fatigué et se réjouissait de rester à terre quelques jours avant de rembarquer, mais il lui tardait presque de repartir tant il avait hâte de voir la tête que ferait Geoffroy de Saint-Arnaud en appre­nant que sa tendre épouse vivait à Québec. L’importance de la récompense promise par l’armateur à quiconque retrouverait Marie LaFlamme expliquait l’impatience d’Ernest Nadeau à remonter à bord. Il fit à Marie un signe de la main, que les colons crurent aimable, il leur expliqua d’ailleurs qu’il était un vieil ami de Marie LaFlamme et on lui apprit alors quelle s’appelait main­tenant Marie Laviolette. Ernest Nadeau se fit conter le mariage avant de s’approcher de Marie, l’air si satisfait qu’elle eut envie de le gifler. Elle se contint car elle devait

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plutôt user de son charme pour amadouer l’écrivain public.

  • C’est donc ici que vous vous cachez ? dit Ernest Nadeau sans ménagement. Et cet enfant ? Il est à vous ?

Marie hocha la tête et attira l’écrivain vers la fontaine Champlain; inutile qu’on entende ce que l’homme lui dirait. Il lui parlerait d’adultère, de bigamie, de vol, de meurtre. Elle le supplierait de ne pas ren­seigner Saint-Arnaud lorsqu’il retournerait à Nantes. Il lui demanderait pourquoi il lui rendrait un tel service. Il prétendrait qu’il se ferait ainsi son complice et ne pouvait courir un tel risque.

Il dit tout cela, en effet, et plus encore. Il parla de la vie de Marie en Nouvelle- France, qui semblait bien établie... Mais que penserait-on d’elle si on savait de quels crimes elle s’était rendue coupable? Ernest Nadeau devait peut-être mettre les habitants de Québec en garde contre une sorcière ?

  • Mais je ne suis pas une sorcière ! Vous le savez !

  • Ce n’est pas ce qu’on croit à Nantes ! Telle mère, telle fille... On plaint ton mari

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d avoir été si mal récompensé de sa géné­rosité envers toi. J’espère que M. La violette sera moins déçu. Geoffroy de Saint-Arnaud n’aimerait pas, cependant, apprendre que tu as déjà un époux. Et ce dernier que tu as tué ta nourrice.

Marie s’étouffa d’indignation.

  • Je n’ai pas tué Nanette ! Ce sont les hommes de l’armateur qui l’ont assassinée !

  • Ce n’est pas ce qu’on croit. Si tu reviens à Nantes, tu y seras condamnée comme ta mère. Bien des gens regrettent qu’on ne t’ait pas brûlée.

Il se pencha vers Noémie qui s’accro­chait à la jupe de sa mère, hésitant encore à marcher jusqu’à la fontaine, et il lui pinça la joue sans que Marie ait le temps de réagir.

  • Elle aussi doit être une sorcière... Vous pend-on ou vous brûle-t-on ici ?

  • Que voulez-vous ?

Ernest Nadeau scruta Marie LaFlamme d’un oeil lubrique, s’arrêtant longuement sur sa poitrine. Même si elle s’attendait à cette attitude honteuse, Marie souleva sa fille contre elle pour cacher ses seins.

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  • Je suis une femme mariée, chuchota t-elle tout en sachant que cet argument allait amuser l'écrivain, mais il lui fallait plus de temps pour circonvenir le maître chanteur.

Nadeau s’esclaffa en effet et rétorqua qu’une femme qui est assez chaude pour deux l’est assurément pour trois. A moins que...

Marie écouta Nadeau attentivement. il la désirait mais si elle tenait à rester fidèle a ses époux, il ne lutterait pas contre ce sen timent honorable... Il se contenterait de cinquante livres pour garder à Québec le silence sur son passé.

  • Mais je n’ai pas cette somme !

  • Ton mari peut payer s’il tient à ton honneur !

  • Guillaume est allé à la course. Il ne reviendra pas avant le printemps.

Ernest Nadeau posa une main lourde sur l’épaule de Marie.

  • Je suis surpris que ton époux ne l'ail point laissé d’argent avant de te quitter. C’est méchant ! Tu dois te sentir bien seule. Je crois que ma première proposition le

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plaira davantage. Et puisque tu nas pas d’argent...

Marie contempla le Saint-Laurent; l’image de toute cette eau, de toute cette pureté froide la lavait des regards bestiaux d’Ernest Nadeau. Ce n’était pas un si vil personnage qui l’obligerait à renoncer à Québec. Elle voulait continuer à marcher chaque jour le long du fleuve, rue Saint-Louis, rue Sault- au-Matelot, rue Sainte-Anne. Elle voulait encore écouter les discussions au magasin et les commérages sur la place publique. Elle voulait délivrer Emeline, elle espérait être bientôt aussi réputée que M. Gendron, elle souhaitait même que sa petite Noémie étudie chez les Ursulines. Et quand elle serait entrée en possession de son trésor, elle aurait une apothicairerie assez vaste pour y recevoir des malades. Plus tard, elle enseignerait la botanique et l’anatomie à sa fille ; Noémie serait guérisseuse, comme sa mère et sa grand-mère, mais elle ne serait jamais accusée de sorcellerie. Jamais !

  • Je vous paierai, dit Marie à Ernest Nadeau.

  • Demain ? Tu vois, je te comprends...


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