1.2. Un itinéraire de pensée et d’action La construction de ce dispositif, dans les lieux de formation des enseignants, est avant tout le résultat de l’interaction entre action et rationalisation, et requiert un itinéraire selon deux niveaux : le niveau de sa conception et le niveau de son application et utilisation effective. En tant que résultat, il se présente comme:
un ensemble méthodologique, avec la définition des procédés pour son application pratique; et
un ensemble matériel, avec des moyens ou instruments pour la réalisation de son application pratique.
Des références théoriques aux principes du dispositive Nous avons suivi dans notre recherche l’itinéraire suggéré par Galisson et Puren (1999) pour la résolution d’un problème d’intervention didactique, en quête des principes directeurs de la fabrication du dispositif didactique de décentration.
Ayant recours aux disciplines de référence concernées et en correspondance avec les traits qui configurent l’interculturalité, nous avons dégagé des construits théoriques et conceptuels, voire les paramètres conceptuels qui vont guider le processus de décentration.
Ces paramètres conceptuels ont été transposés en termes de principes directeurs de la fabrication du dispositif, dont découlent nécessairement des formules méthodologiques et pratiques susceptibles de structurer le dispositif cherché, toujours par la prise en compte des difficultés exposées.
Ces opérations et leurs résultats sont décrits ci-dessous dans un tableau de bord qui constitue notre guide de pensée et d’action (Tableau 1):
Nous pouvons décrire le trajet par les formulations suivantes:
a. L’interculturalité est une compétence dont la dimension essentielle est la décentration, par un processus de prise de conscience de soi, de ses propres marqueurs culturels, «se distanciant», se regardant, s’interrogeant, (se) donnant des réponses. Les apprenants requièrent la stimulation de leur regard et leur interrogation sur soi et leurs propres réponses, par la médiation de questions et sous l’effet «miroir» d’un matériel ou support de départ (les annonces publicitaires, tel que nous argumenterons ci-après).
b. L’interculturalité est une activité dans laquelle la variable «culture» intervient comme une donnée subjective, configurée par un ensemble d’éléments organisés en deux axes: l’intellectuel et l’affectif (Morin, 1969) enracinés à plusieurs niveaux. Sur l’axe intellectuel de l’ordre du cognitif (objectif), l’individu rend compte des « registres du moi ». Sur l’axe affectif de l’ordre de la subjectivité, l’individu rend compte des «réponses du moi». Les apprenants requièrent d’identifier et de (re)connaître leurs propres composantes culturelles par l’observation et l’analyse distanciées et médiatisées de leurs productions («discours de soi»), au moyen de grilles de lecture et de catégorisation, comme support de travail.
c. L’interculturalité est un réseau de rapports entre individus possédant une identité personnelle. Dans les échanges et contacts interpersonnels, les individus mettent en jeu les composantes du moi: cognitive, expérientielle, comportementale et représentative. Le développement de l’identité personnelle est fortement marqué par l’identité collective des individus du groupe concerné. Les apprenants requièrent de pouvoir mettre en commun et de réfléchir dans l’interaction.
d. L’interculturalité est une connaissance qui s’inscrit dans un système sémiopragmatique, parce que les significations que peut véhiculer un objet de savoir sont étroitement liées à l’utilisation de ce même objet dans les pratiques socioculturelles d’identité des sujets d’une communauté. Des pratiques en usage que l’univers des médias et en particulier la publicité produisent et diffusent. Ce sont les messages publicitaires qui conditionnent et modèlent les identités, parce que les individus dégagent ou associent à tout type d’objets et produits de publicité: des pratiques, conduites, manières de penser et de sentir, désirs ou aversions, etc. (Abastado, 1980; Lomas, 1996). Dans cet ordre des choses, les apprenants peuvent mobiliser de façon révélatrice leurs propres marqueurs culturels devant les annonces publicitaires dont l’utilisation, dans la dimension d’intervention didactique, présente davantage un haut degré de pertinence et de disponibilité (Ferrão Tavares, 2000).
e. L’interculturalité est une perception et compréhension du monde (propre et étranger) et une perception intuitive de la différence, avec les outils de l’expérience individuelle et socioculturelle pour donner sens aux informations qui nous parviennent. Et l’outil par excellence est la langue, au sein de laquelle le lexique est l’ordre linguistique qui au plus haut degré contient et fait transiter la culture, c’est-à-dire, ce sont les éléments lexicaux qui nous donnent à voir le monde et son mode d’emploi (Galisson, 1991). Les apprenants peuvent produire (dire) les savoirs, les façons culturelles propres d’agir, sentir, être et devenir, comme un « discours de soi » stimulé par des questions affectant les composantes du moi. Il ne s’agit pas d’un récit de vie autobiographique ou d’une histoire de vie, car il nous faut éviter le blocage, la crise du «je».
Dans une certaine mesure, l’utilisation des annonces publicitaires françaises situe les apprenants dans un contexte de radicale altérité (par rapport à eux-mêmes et à la langue utilisée) et, en même temps, les questions deviennent un facteur de distanciation, chaque message publicitaire étant un pré-texte et un prétexte au sein d’un manifeste publicitaire de base (Joannis, 1982) qui fonctionne comme un mécanisme déclencheur, évocateur, donnant la «permission de penser».