Denis Pryen : Université et transmission du savoir. En tant qu’éditeur, c’est un peu ce que l’on a voulu faire pendant des années. Et on l’a fait en entrant au moment où on parlait de crise dans les sciences humaines, de crise dans le monde de l’édition. On est né en 1975 et on parlait déjà de la crise. Mais peut-être que depuis la dernière guerre on parle de la crise parce que lorsque l’on était jeune on parlait de la crise. Il y avait un défaitisme très fort dans le monde de l’édition par rapport à la recherche. Les grandes maisons d’éditions, je dis grandes car le vocabulaire est en rapport avec leur chiffre d’affaires très fort comme pour des maisons comme groupe Hachette, Vivendi, Fayart. Je ne pense pas qu’il y avait beaucoup de place pour la recherche proprement dite même au Seuil. A la limite, ils prenaient une thèse et faisaient un essai, remalaxé, etc. Mais si vous prenez beaucoup d’essais et que vous êtes chercheur, vous êtes obligé de dire mais sur quoi ils se basent pour arriver là, vous voyez les notes et vous allez rechercher d’autres bouquins. Nous, on s’est mis, dès 75, résolument en disant, il y a de la production en France, il y a des crédits recherche. Entre 75 et maintenant, il y 3 fois plus de doctorants ou de gens qui ont une thèse. Il faut se mettre au service de ces gens et de savoir rendre les ouvrages disponibles quels qu’ils soient. Dès lors qu’un ouvrage est bon, il ne doit pas rester dans les tiroirs. Pour exemple quand on édite un ouvrage en linguistique de 500 pages, on sait que ça va intéresser 150 à 200 chercheurs mondialement, on l’a fait et vendu nos 200 exemplaires mondialement. Quand on a eu connaissance qu’il avait eu 150 années recherches sur le dictionnaire des termes de l’arabe marocain, qui avait donc environ 7000 pages (soit 20 chercheurs pendant 5 ans sur le terrain puis encore 5 années avec 5 chercheurs plus encore pour fignoler soit 150 années de travail). Si l’on met çà à une moyenne de 200 000F, voyez donc le capital humain et économique qui dormait ans des tiroirs. On a donc dit, on fait ce vocabulaire, à l’époque Internet n’existait pas encore, mais on a fait des séries soit 12 volumes et l’on a vendu déjà 381 séries. Donc 381 bibliothèques au monde peuvent travailler dessus dont sans doute une quarantaine au Maroc. Donc ça peut les intéresser car pour moi une langue, c’est comme Venise, on ne la laisse pas couler. Notre optique est de travailler dans ce sens là. On s’est mis au service de la communauté intellectuelle et aussi de la communauté internationale car on était et restons au carrefour des cultures. Comment s’est-on organisé ? On a toujours parlé de crise et puis au début, et dans l’institution on a toujours parlé fortement subvention. J’ai dit : Je ne veux pas entendre parler de subvention, je ne veux pas courir après, c’est notre problème d’organiser nous-même notre propre méthode. On a fait notre recherche technique et organisé le secteur environnant l’édition. Nous avons actuellement 175 directeurs de collection qui sont tous professionnellement ailleurs, qui ne coûtent pas trop cher à la structure à savoir 1,5 MF par an. C’est donc 175 directeurs de collections, 55 salariés temps plein, 40 millions de CA sur l’édition et 6 millions sur les librairies (sociétés autonomes) et 700 000 livres vendus par an et en production 7 à 8 livres tous les jours ouvrables. Donc nous avons créé un semi industriel de la culture. Il y a quelques années nous avons craint que Internet détruise ou amenuise le monde de l’édition. Le constat que je fais aujourd’hui est que l’Internet, même s’il rend de grand service aux chercheurs, tôt ou tard s’ils veulent avancer, ils doivent revenir aux bouquins. Pour exemple, à côté de mon bureau au milieu de la librairie, il y a « femmes africaines- monde arabe », il y a 650 livres à disposition de toute personne qui faisant une thèse pourra consulter ce fond physiquement disponible. Je m’aperçois qu’au fur et à mesure des progrès d’Internet, nous sommes de plus en plus sollicités pour l’édition en version papier. Cela ne veut pas dire qu’on ne m’interroge pas sur Internet et sur l’avenir. on aura l’occasion d’en débattre. On a 42 revues dont on mettra les articles, les sommaires sur Internet, tout ça on veut travailler dessus. Je veux aussi - comme Internet est utile et peut permettre à des gens de faire de la documentation à l’autre bout du monde - nous aurons probablement sur les 13500 titres que nous avons à ce jour, certainement 1000 titres en vente sécurisée avant la fin de l’année. Nous testons actuellement notre système. Voilà l’état de la situation actuelle. Nous avons mis l’accent sur la solution des problèmes techniques quant à la circulation de la recherche. Que la version papier, notamment pour les travaux, les thèses, les mémoires, les colloques, nous avons toujours besoin d’une version papier. Il y a des modes de travail pour un tas de gens qui en sont encore à la comparaison par un bouquin et d’autres bouquins et que je vois que dans le travail que l’on fait nous sommes fortement sollicités. Cela veut dire que cette piste là reste forte et dominante chez nous. J’ajouterai que nous n’avons pu faire le travail de l'Harmattan que parce que derrière nous avons eu une recherche sur les modes de production des petites séries dans le monde de l’édition. Durant 2 ans, j’ai fait partie de l’équipe Europe de Xerox pour travailler sur ces modes là. Actuellement nous avons un atelier dans lequel nous avons investi 13 MF, dans du matériel, deux petites chaînes de production et nous sommes capables de faire 2500 livres par jour par petites séries de 100 à 300. On est capable, lorsque ce livre est numérisé et a été tiré à 100 ou 2300 exemplaires, de tirer ponctuellement 50 exemplaires sous 48h maximum. On pourra sous peu ne plus stocker mais éditer directement 10 bouquins. Pour le cas où la machine aurait son petit frère au Canada, on passerait par Internet et l’édition se ferait au Canada. On est entrain vraiment de travailler ce sujet, on avance beaucoup. On a eu des ingénieurs qui ont passé beaucoup de temps pour que le papier sorte en continu, se retourne, s’imprime des 2 côtés, sur 3 rames, etc… je n’en dirai pas plus.
Si je suis étudiant à l’autre bout du monde et que je possède une imprimante recto-verso, je pourrai télécharger votre bouquin et l’imprimer en 20 minutes, à condition d’avoir utilisé la carte bleue préalablement. Ce sera très possible.
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