Submersions fertilisantes comprenant les travaux



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Basse-Égypte. — Tout le monde sait que cette
contrée doit aux submersions périodiques du Nil, son
antique et proverbiale fertilité. Cela ne résulte que
d’une situation tout à fait exceptionnelle.

Un fleuve trois fois plus large que le Rhône et à


pentes plus douces que celles de la Saône, traverse
une vaste plaine sablonneuse, qui par elle-même ne
pourrait rien produire. —Mais, chaque automne, ses
crues abondantes, et généralement limoneuses, se
répandent lentement dans cette plaine qui se trouve
ainsi submergée, pendant plusieurs mois d’hiver.
Comme elle ne présente ni dépressions ni contre-
pentes les eaux se retirent d’elles-mêmes au commen-
cement du printemps.

On conçoit aisément qu’elles y laissent d’innom-


brables éléments de fertilité que le fleuve a recueillis
dans sa partie supérieure, après un cours de plus de

2.000 kilomètres; principalement dans des terrains


meubles et sous l’action de pluies torrentielles.

Tels sont les points caractéristiques de la situation de


la Basse-Égypte, Tundes plus riches territoires agri-
coles du monde entier. Et l’on voit que cette richesse
provient exclusivement du fait des submersions.
Car le sol qu’elles envahissent périodiquement n’était
primitivement occupé que par le sable du désert. Ce
type le plus complet de la stérilité, tandis que le sol
actuel de la vallée du Nil, par suite des limonages
successifs, réitérés depuis sur une longue serie de siè-
cles, est devenu le plus beau spécimen d’une fertilité
indéfinie. En effet cette fertilité toujours renouvelée
par un agent naturel et gratuit est réellement iné-
puisable ; tandis que toute culture ordinaire, basée
sur l’emploi obligé de beaucoup de main-d’œuvre et
de beaucoup d’engrais ne peut donner que des pro-
duits nets comparativement très-restreints.

Ce n’est point ici lelieu de décrireles immense tra-


vaux d’aménagement qui avaient été faits il y a bien
des siècles, au temps des Pharaons, pour accroître
et étendre, même aux zones les plus hautes de la
vallée du Nil, le bénéfice de ces précieuses inonda-
tions. De nombreux documents historiques, tant an-
ciens que modernes établissent d’une manière incon-
testable, non-seulement leur existence, mais leur
caractère grandiose.

Le temps, les guerres, et les révolutions les ont


détruits et aucun gouvernement moderne ne pour-
rait plus ni les rétablir ni même les entretenir. Maisil n’en est pas moins vrai qu’on trouve dans la créa-
tion de ces gigantesques ouvrages dont la destination
ne pouvait soulever un doute le fait le plus consi-
dérable qui ait jamais existé comme démonstration
de la haute importance de ce mode de fertilisation.

Segonaux du Rhône. — Sur une échelle bien plus
restreinte, mais non moins concluante, une autre
démonstration analogue existe, sous nos yeux, dans
la région de la Provence. —Sur les 100 derniers
kilomètres de la vallée du Rhône, comprise entre les
abords d’Avignon et la mer, sur les deux rives du
fleuve, dans les départements de Vaucluse, du Gard
et des Bouches-du-Rhône, toute la plaine est sub-
mersible dans les grandes crues.

Pour en préserver, non pas seulement les centres


de population, ainsi que cela était indispensable,
mais quelques fermes ou même des terrains cultivés
que l’on croyait pouvoir soustraire à leur action, des
associations se sont formées depuis un temps immé-
morial pour établir un endiguement continu, formé
non plus de hautes et fortes digues de 6 mètres et
plus de hauteur, comme il en existe dans la vallée du
Pô, en Lombardie, mais des levées ou levadons de
petites dimensions destinées principalement à li-
miter l’inondation, ou à n’agir que contre les crues
extraordinaires.

Il résulte de là que les digues du Rhône, qui se


trouvent souvent à près d’un kilomètre de distance
de la ligne du thalweg, comprennent entre elles
deux zones intérieures submersibles temporairementdans toutes les crues ordinaires et moyennes, qui
arrivent généralement, d’une manière utile, pendant
les mois d’hiver; mais qui, une fois environ tous
les cinq à six ans, surviennent intempestivement
pendant l’été, endommageant ou détruisant les ré-
coltes.

Les terrains restés en dehors des digues ne reçoi-


vent d’eau d’inondation que dans les crues extraor-
dinaires, ou en cas de rupture. Elles sont donc
réellement protégées.

Mais veut-on savoir quelles sont les conséuuences


de cette protection et en quels chiffres elle se tra-
duit ?

Les zones comprises entre les digues et l’étiage


du Rhône, qui sont désignées sous le nom de sego-
naux,
recevant chaque hiver les bienfaits d’une
submersion fertilisante, gagnent continuellement en
valeur. Toutes les récoltes, telles que céréales, lu-
zernes, vignes, mûriers, etc., y prospèrent sans
engrais et presque sans culture; aussi, malgré la
compensation des inondations d’été, qui sont géné-
ralement nuisibles, les terres à l’état de segonaux
ont moyennement une valeur locative de 80 à 100 fr.
par hectare, correspondante à une valeur vénale de
2.500 à 3.000 fr.

Quant aux terres soi-disant protégées par les di-


gues, comme les engrais et la main-d’œuvre sont
rares et chers dans le pays, elles sonl, pour la plu-
part, arrivées plus ou moins vite à l’état d’épuise-
ment; à cet état si redoutable pour les intérêts

généraux d’un pays où les frais de culture sont à


peine payés par la récolte !

Aussi les terres de cette situation, désignées dans


le pays sous le nom de garrigues, et dont l’étendue
est très-considérable, sont restées ou retombées au
niveau des landes improductives. Elles valent au
plus 300 fr. l’hectare, soit un dixième de la valeur
des segonaux, représentant les zones submersibles.

Et encore bien que ceux-ci aient à supporter, en


moyenne, tous les cinq à six ans, une inondation
nuisible.

Ce fait, de notoriété publique dans la région dont


il s’agit, peut se passer de commentaires.

Vallées de la Loire et de la Garonne. — Le

principe général de l’utilité des submersions, ou ce


qui revient au même du dommage causé par les en-
diguements, au point de vue agricole, se trouve
encore pleinement démontré dans deux des plus
grandes vallées de l’ouest et du midi de la France.

Anciennement les digues longitudinales établies


sur le cours inférieur de ces deux fleuves étaient
généralement submersibles et combinées avec un
système de digues transversales ou turcies, qui pa-
raissent avoir eu pour objet de régulariser les sub-
mersions périodiques, dans l’intérêt des plaines en-
vironnantes.

A la suite des grandes inondations survenues ité-


rativement de 1844 à 1856, et dont plusieurs con-

trées eurent à souffrir, on se préoccupa beaucoup de


cette question et sur divers points des deux vallées
susdites, l’administration des travaux publics, en
présence de vives réclamations, ne put se refuser à
établir quelques grands endiguements, réputés in-
submersibles,— Quand leur construction était moti-
vée par la préservation d’une grande cité, ou même
d’un centre de population, d’une certaine impor-
tance, nul doute à élever sur cette nécessité.

Mais quant à l’adoption de ce système dans l’inté-


rêt de quelques habitations rurales éparses dans une
vaste plaine; et surtout, comme on semblait le
croire, dans l’intérêt de la plaine elle-même c’était
une erreur fondamentale. Et l’on a été bientôt amené
à le reconnaître. Les travaux d’endiguement ne doi-
vent avoir pour but que de préserver les quartiers bas
des villes de toute inondation, si cela est possible;
quant aux vallées, on ne doit y éviter que les inon-
dations nuisibles, c’est-à-dire celles qui produisent
des affouillements ou entraînent des graviers. Quand
bien même encore elles seraient nuisibles une fois
sur quatre, on doit bien se garder de les exclure;
puisque, indépendamment des frais énormes des
grands endiguements, ils ont pour effet de causer
aux campagnes, et surtout dans le Midi, où l’on
manque d'engrais, une perte vingt fois, cent fois
plus grande que le montant des dommages matériels
qu’on avait eu pour but d’éviter aux habitations ru-
rales.

Cette vérité fondamentale que, dans l’intérêt de

l’agriculture, on devrait respecter comme un dogme,
sera bientôt universellement admise.

Les populations riveraines, dans les vallées de la


Loire et de la Garonne, instruites aujourd’hui par
l’expérience, ont été les premières à reconnaître leur
erreur et ont demandé, d’elles-mêmes, sinon la sup-
pression, au moins la modification des systèmes plus
que regrettables de travaux dont, sous l’impression
des derniers désastres, elles avaient sollicité l’appli-
cation.

Dans la vallée de la Loire, notamment entre Tours


et Nantes, comme dans celle de la Garonne, en aval
d’Agen, ce sont les digues submersibles qui ont la
préférence. On s’est attaché à restreindre l’effet des
grandes crues, au lieu d’aborder la tâche d’ailleurs
impossible, de les emprisonner dans un lit artificiel,
insuffisant. On tâche aujourd’hui de régler les sub-
mersions dans l’intérêt agricole, et c’est assurément
ce qu’il y avait de mieux affaire.

Grèves de la Moselle. — Parmi les eaux qu’une
composition particulière place dans la catégorie des
plus riches, et dont on peut obtenir des effets sur-
prenants, il y a lieu de citer celle de la Moselle, no-
tamment en aval d’Épinal.

Ces eaux qui, dans la région montagneuse, coulent


sur des terrains de granit et de grès bigarré, se char-
gent ainsi de sels de potasse, dont la propriété ferti-
lisante est depuis longtemps connue. Mais elles
traversent, en outre, des couches souterraines, ren-
fermant des débris de matières organiques, très-ani-

malisées, d’une très-prompte décomposition, au con-


tact de l’air.

C’est surtout par cette raison que les eaux de la


Moselle, dans la région dont il s’agit, sont douées
d’une puissance fertilisante que l’on peut appeler
exceptionnelle.

Elle s’est manifestée d’abord par les irrigations,


pratiquées depuis longtemps dans les bassins supé-
rieurs, sur les territoires d’Arches, Remiremont, etc.
Mais on n’a pas tardé à reconnaître qu’on n’était plus
dans les conditions ordinaires, puisqu’un sol exclu-
sivement formé de graviers et de cailloux pouvait,
peu à peu, se transformer en une bonne prairie, par
le seul fait des submersions réitérées, avec les eaux
de la Moselle.

La chose était assez importante pour qu’elle fût


l’objet d’observations suivies ; et c’est ce qui a eu
lieu en effet. Dès 1833, les frères Dutac avaient ap-
pliqué ceprocédé exceptionnel depratifications, con-
sistant d’abord à arroser abondamment les grèves
pendant quelques jours, ensuite à retirer l’eau et à
semer immédiatement de la graine de foin sur les
cailloux, dont la couleur est devenue foncée et la
surface glutineuse. Après cela, on n’a plus qu’à re-
mettre l’eau, d’abord par petites quantités, en l’aug-
mentant graduellement.

Alors les graminées et les légumineuses se déve-


loppent immédiatement et couvrent peu à peu toute
la surface des graviers de leur jeune végétation, à
laquelle on n’a plus qu’à continuer les mêmes soins

jusqu’à leur complète mise en valeur, qui a lieu au


bout de la deuxième ou de la troisième année.

Ici tout étant dû à la richesse particulière des


eaux, la végétation, sur les bords des rigoles d’arro-
sement, est toujours plus vigoureuse que sur toutes
les autres parties de la prairie, bien que l’eau soit
distribuée partout en égale quantité.

En présence de ces faits significatifs, il était évi-


dent qu’une belle opération était à réaliser sur ce
point. Les frères Dutac l’avaient commencée, comme
nous venons de le dire, de 1833 à 1835; mais ne
disposant pas de ressources suffisantes, ils n’avaient
pu obtenir que des résultats partiels et inachevés.
Ce fut dix ans plus tard, de 1843 à 1845, que
M. Naville, de Genève, qui possédait à la fois de
grands capitaux et des connaissances très-étendues
en agriculture, n’hésita pas à réaliser cette belle en-
treprise. Bien qu’ayant exigé des dépenses considé-
rables, elle donna des résultats qui, peu d’années
après, ont dépassé toutes les espérances.

Ne pouvant entrer ici dans des détails particu-


liers, nous nous bornons à dire que, par suite d’ac-
quisitions et de traités particuliers avec les com-
munes qui possédaient la majeure partie des graviers,
plus de 1.800 hectares ont été, en peu d’années,
couverts d’excellentes prairies, dont le pays man-
quait presque entièrement.

Aujourd’hui ces prairies, toujours traitées par le


même procédé, ont été constamment en s’amélio-
rant; et sur quelques points elles ont, au-dessous

d’elles, un humus de plus de 0m,30 de profon-


deur.

Elles ont commencé par avoir une valeur vénale


de 1.500 à 1.800 fr., mais ont atteint bientôt celle
de 2.500 à 3.000 fr. Actuellement presque toutes
dépassent 4.500 fr.

On conçoit donc aisément quelle complète trans-


formation a subie cette portion de la vallée, sur envi-
ron 25 kilomètres, compris entre Epinal et Charmes.
Les bestiaux et les engrais qui y faisaient défaut,
aujourd’hui surabondent, etleur puissante influence
s’est fait sentir de proche en proche sur le territoire
environnant. Des communes qui retiraient quelques
centaines de francs de la vaine pâture, presque sans
valeur, sur de grandes étendues de graviers blancs,
ont aujourd’hui 5.000 à 6.000 fr. de revenus. Mais
c’est surtout l’accroissement de la production agri-
cole, dans son ensemble, sur toute cette partie du
bassin qui donne la mesure réelle de l’importance
d’une pareille entreprise.

Ainsi que nous l'avons dit, en commençant, ce


n’est nullement par les effets d’une irrigation ordi-
naire que ces résultats ont été obtenus. Ils sont dus
exclusivement à la richesse particulière des eaux.
Celles-ci, en quantités égales, auraient produit pres-
que les mêmes effets, n’étant employées qu’en hiver.

En un mot la pratifîcation des grèves de la Mo-


selle est un des beaux exemples qu’on puisse citer
du bienfait à retirer des submersions fertilisantes,
pratiquées avec discernement.

CHAPITRE XXL

SUITE DES LIMONAGES ET SUBMERSIONS FERTILISANTES. —
APPLICATIONS DANS LES DÉPARTEMENTS DU NORD-OUEST DE LA FRANCE.

I. — Départements de la Seine-Inférieiire


de l'Eure et de la Manche.

Seine-Inférieure et Eure. — En jetant les yeux
sur la carte hydrographique représentée PI. XIV,
on voit, dans le département de la Seine-Inférieure,
de nombreuses vallées aboutir à la mer. Les princi-
pales sont celles de la Bresles, de l’Yères, de l’Eaulne
et de la Béthune, ces deux dernières formant les
affluents de la rivière d'Arques. qui se jette dans la
mer au port de Dieppe.

On remarque ensuite, en marchant de l’est à


l’ouest, les vallées de la Scie, delà Saanne, du Dun
et de la Durdent, dont la dernière a son débouché
près de Saint-Valery-en-Caux ; puis les rivières de
Ganzeville et de Valmont, aboutissant à la mer, à
Fécamp.

Enfin, après une longueur de plus de 50 kilo-


mètres de côtes, sans aucun cours d’eau, entre Fé-
camp et Harfleur, on ne rencontre, en ce dernier
point, qu’un petit bassin sans importance, qui est
celui de la Lézarde, débouchant dans la Seine mari-
time.

Il n’y a pas lieu de mentionner les autres petites


rivières du même département, coulant dans la di-
rection du nord au sud, et se jetant dans la Seine
entre Rouen et la mer, parce qu’elles n’offrent pas
d’intérêt au point de vue qui nous occupe.

Toutes ces rivières, sans exception, sont couvertes


de nombreuses usines, qui y sont nécessairement
très-rapprochées; puisque leur nombre total, pour
ce seul département, dépasse 18.700.

La plupart d’entre elles sont fort importantes, et


l’aménagement des cours d’eau a dû se faire princi-
palement dans leur intérêt.

Cette première circonstance explique déjà com-


ment les submersions naturelles, au moins d’une
étendue notable, dans l’intérêt des prairies rive-
raines, n’auraient pu être admises que très-diffici-
lement. Cependant il y a un certain nombre d’an-
nées on pouvait en citer dans quelques localités.

Mais une autre circonstance, encore récente, tend


à les supprimer entièrement. Au débouché de la
plupart des petites rivières ci-dessus désignées, il
s’est formé de vastes bancs de galets dont la hauteur
et la largeur ont été toujours croissantes, et qui ont
fini par produire une véritable obstruction, arrêtant
le libre écoulement des eaux.

Comme la partie inférieure du plus grand nombre


de ces vallées présentait des dépressions, ou bas-
fonds, les eaux une fois débordées ne rentraient
plus dans leur lit, et l’évaporation seule y produi-
sait, en été, un dessèchement temporaire.

C’est là, comme tout le monde le sait, une des


conditions les plus mauvaises au point de vue de la
salubrité. Il s’est donc depuis quelque temps déve-
loppé dans ces vallées des fièvres très-redoutées des
nombreuses populations ouvrières qui y résident. Et
ii a fallu aviser aux moyens de pourvoir à la cessa-
tion d’un aussi grave préjudice.

Ce que l’on a trouvé de plus praticable consiste


à établir à travers le banc de galets une buse en
charpente, d’une section suffisante, pour assurer le
débit de la rivière, et dont le débouché est entretenu
toujours libre.

La construction de ces buses à l’embouchure des


diverses rivières ci-dessus désignées, a donné d’ex-
cellents résultats, au point de vue de l’assainisse-
ment des vallées. Des subventions ont été accordées
dans ce but, tant par l’État que par le département.
Dans les vallées de Palluel et de la Saane, ce tra-
vail a produit une notable amelioration.

Un ouvrage analogue, en cours d’exécution, à


l’embouchure de la Scie, aura les mêmes avantages.

Des ouvrages semblables sont projetés pour les


vallées d’Yères et du Dun. Les dépenses d’établis-
sement varient entre 20.000 et 30.000 fr. pour
chaque buse.

Il résulte de cet état de choses que les submer-


sions naturelles d’hiver, qui profiteraient, incontes-
tablement, aux prairies ou herbages de cette région,
n’y sont que peu ou point pratiquées.

La situation est à peu près là même dans le dé-partement de l Eure ; nous n’avons donc pas à nous


en occuper.

Département de la Manche — Une autre situation
se présente sur plusieurs points de ce département.
Ses principales vallées, notamment l’Aure-Infé-
rieure, la Vire, la Taule, la Douve, etc., qui se
rendent à la Manche, par la baie des Vay, et sont na-
vigables à la partie inférieure de leurs cours, traver-
saient autrefois d’immenses marais, ne produisant
que de mauvaises herbes. Peu à peu ces marais se
sont comblés, par suite des débordements successifs
desdites rivières, et après avoir passé à l’état des
prés palustres, sont arrivés, à la suite d’une période
probablement très-longue, à former aujourd’hui ces
vastes herbages, fournissant une si précieuse res-
source pour l’élevage des bestiaux, principale indus-
trie de ce département.

Actuellement, les submersions sont devenues bien


plus rares, par cette double raison, que le sol déjà
exhaussé s’y prête moins facilement et que divers
travaux entrepris au point de vue de la navigabilité
ont amélioré les débouchés de ces rivières.

Comme par suite du défaut de pentes il ne se fait


pas d’irigation d’été, dans cette région, c’est pour
les prairies dont il s’agit une circonstance défavo-
rable d’être privées des submersion naturelles qui en
entretiendraient la fertilité d’une manière bien plus
économique qu’on ne le fait à l’aide des engrais de
ferme, retirés à la culture des céréales, devenue de
plus en plus restreinte, dans ces localités.

Cependant ces mêmes herbages reçoivent encore,


de temps en temps, des submersions d’hiver; et
comme les eaux sont excellentes, cela contribue,
avec les autres soins qu’on leur donne, à les main-
tenir en bon état de production.

Quand aux rendements et à la qualité nutritive


des herbes, ces prairies sont inférieures à celles du
Calvados, qui jouissent d’une manière bien plus gé-
nérale du bénéfice des submersions périodiques.
Aussi ces dernières sont-elles spécialement destinées
à l’engraissement tandis que les herbages du Cotentin
(Manche), restent affectés à l’élevage; et cela résulte
de la situation des lieux. Ces rôles divers de l’un et
de l’autre territoire ne pourraient être intervertis.

L’état de choses ci-dessus décrit s’applique sur-


tout aux pâturages, occupant les vastes plaines qui
des environs de Carentan et Isigny s’étendent jus-
qu’à la mer.

Dans la partie moyenne des vallées, les prairies et


herbages s’étendent assez souvent sur des terrains en
pente. Et alors le seul et vrai moyen de les amender
à l’aidedes eaux consiste dans l’irrigation d’hiver. On
emploie pour cela des rigoles horizontales, comme
pour les arrosages d’été.

Les eaux de cette contrée, généralement très-fer-


tilisantes, se dépouillent promptement de leurs
principes utiles à la végétation, par le seul fait de
leur écoulement à travers les herbes d’une prairie.
En d’autres termes, elles sont très-vite épuisées de ce
qui constitue leur seule valeur. Ce fait est d’ailleurs

bien connu; et il en est tenu compte dans tous les


contrats privés, sur le partage ou l’emploi successif
des dérivations.

II. — Submersions naturelles clans les


diverses vallées du Calvados.

En prenant ces vallées dans la direction de l’est à


l’ouest, elles se présentent dans l’ordre suivant :

1 ° La Toucques — Cette vallée est formée de la


réunion, à Lisieux, de celles d’Orbec et de Cassé.
— Cette rivière passe ensuite à Ponl-l’Évêque puis à
Tourville qui n’est qu’à une petite distance de son
débouché à la mer. Des deux affluents susdits, le plus
intéressant au point de vue qui nous occupe est l’Or-
bec qui coule dans une vallée argileuse bordée par
des plateaux calcaires. Les eaux de cette rivière, sur-
tout dans la partie supérieure de son cours, étant
très-riches en bicarbonate de chaux, elles fournissent
dans ces terrains une irrigation très-fertilisante.
Leur emploi peut même être considéré comme opé-
rant en quelques années un véritable colmatage,
puisque le sol s’exhausse progressivement d’une
quantité notable. Et cependant cela a lieu ainsi lors
même que l’on n’emploie que des eaux claires.

La pratique locale de l’irrigation, ou pour mieux


dire de l’emploi des eaux dans cette contrée, démon-
tre d'ailleurs très-clairement que l’on n’a pas en
vue l’humectation mais la sédimentation. Les rigoles
d’amenée sont courtes et à forte pente; plutôt que dé

leur donner une longueur considérable, on préfère


multiplier les prises en rivière. Les rigoles de distri-
bution ont aussi le moins de développement possi-
ble; puisque leurs bords s’exhaussent rapidement,
ainsi que les portions de prairies qui reçoivent l’eau
les premières. Et quand les eaux n’ont plus rien à
déposer, on n’en fait aucun cas. En un mot tout
concourt à donner, ici, la preuve que la richesse
minérale des eaux consistant surtout dans le bicar-
bonate de chaux, est le seul motif qui les fait re-
chercher, pour l’agriculture. Ce qui explique encore
comment leur emploi est presque exclusivement
réservé pour la saison d’hiver.

Ces limonages se pratiquent sur une étendue de


11 à 12 kilomètres en aval d’Orbec. Mais à partir
de ce point les eaux sont trop dépouillées, et l’on
ne pratique plus dans cette vallée que des irriga-
tions ordinaires d’été ; mais dans des proportions
très-restreintes, car les usines situées en amont de
Lisieux sont en possession d’utiliser presque toutes
les eaux; depuis une époque très-ancienne qui paraît
remonter jusqu’au xvi° siècle.

La rivière de Cassé deuxième affluent qui se réu-


nit à Lisieux à l’Orbec pour donner naissance à la
Toucquesss trouvedans les mêmes conditions géolo-
giques et les eaux présentent aussi une proportion
moyenne de bicarbonate de chaux; mais soit par la
situation naturelle des lieux, soit par d’autres causes,
leur utilisation agricole ne présente pas, à beaucoup
près, le même intérêt que dans la vallée d’Orbec.

À partir de Lisieux, la Toucques parcourt une


large vallée argilo-calcaire, et les eaux enrichies par
les détritus de ses propres versants, sont extrême-
ment recherchées pour les limonages et les submer-
sions fertilisantes qu’elles procurent à de riches
herbages, sur lesquels est entretenu un nombreux
bétail.

En approchant de Pont-l’Évêque, ces mêmes eaux,


augmentées de celles de plusieurs vallons secondaires,
de constitutions géologiques différentes, atteignent
leur maximum de richesse; puisqu’au bicarbonate
de chaux tenu en dissolution, il se joint des matières
limoneuses qui les troublent, pendant la plus
grande partie de l’hiver.

Aussi est-ce exclusivement dans cette saison que


l’on voit la vaste plaine de la Toucques entièrement
submergée, et comme la vallée ne présente ni bas-
fonds, ni contre-pentes, le retrait régulier de ces sub-
mersions naturelles est toujours assuré avant l’époque
de la végétation; ce qui complète l’ensemble des
conditions énoncées plus haut, comme indispensa-
bles au succès des limonages.

C’est à cette cause qu’est due la richesse territo-


riale de la vallée, où l’hectare en herbage (prairie
pâturée) vaut moyennement de 5.000 à 6.000 fr.
Mais là où manquent les submersions produisant le
précieux limonage dont il vient d’être parlé, les va-
leurs du sol sont très-inférieures à ce chiffre.

De Toucques à Tourville, le sol est très-déprimé


et se trouve fréquemment en contre-bas des hautesmarées. C’est ce qui explique l’existence des marais
de Deauville, occupant la rive gauche de la rivière,
à la hauteur de Tourville. De plus les sables con-
stamment rejetés sur la plage, forment un cordon lit-
toral très-prononcé, qui tend aussi à obstruer les
écoulements. Les marais susdits ne pourraient donc
être assainis que par un colmatage énergique avec
des eaux contenant dans leurs crues environ 0,002
de leur volume de matières limoneuses, comme cela
a lieu pour l’Isère et la Durance. Mais ce cas ne se
présente pas ici. On a essayé l’établissement de buses
à clapets automobiles, permettant d’évacuer dans les
basses mers les eaux de ces marais. Mais nous ne
pensons pas que les résultats à obtenir puissent être
très-satisfaisants.

L'Orne.—Cette rivière, qui prend sa source dans


le département de ce nom, passe successivement près
des villes de Condé-sur-Noireau, Harcourt, etc.,
et traverse du sud-ouest au nord-est la fertile plaine
de Caen, avant de se jeter à la mer. Dans un par-
cours considérable, le long duquel elle rencontre
des terrains de nature variée, depuis les granits, les
micaschistes, les grès quartziques et les gneiss, cette
rivière apporte à la partie inférieure de son cours
des éléments nombreux de fertilité, qui sont soigneu-
sement utilisés. — Comme elle a plusieurs affluents
à pentes rapides, ses eaux, toujours troubles en hi-
ver, sont chargées en cette saison de matières limo-
neuses qu’on pourrait utiliser pour des colmatages
proprement dits, sur des marais dont on aurait besoin

d'exhausser notablement le niveau. Aussi, comme


depuis très-longtemps les submersions naturelles et
très-fertilisantes que procure cette rivière sont mises
à profit tous les hivers, les parties les plus déprimées
de la plaine, autrefois marécageuse, se sont peu à
peu exhaussées, et aujourd’hui elle est presque en-
tièrement occupée par de riches herbages, dont la
valeur est d’autant plus grande qu’ils ont une plus
large part à ce mode si puissant d’amendement na-
turel.

Le débit de l’Orne qui descend au-dessous de


12 mètres cubes par seconde, à l’étiage, dépasse
300 mètres cubes dans les crues moyennes d’hiver,
dont la durée ordinaire est de 60 à 70 jours; c’est
dans ce délai que doit s’opérer la bonification de toute
la plaine,

Mais comme aucun barrage ni aucune prise d’eau


artificielle ne servent à régler les submersions et
qu’on les reçoit telles qu’elles arrivent naturelle-
ment, en pratiquant seulement quelques fossés pour
en assurer l’évacuation, il arrive ici ce que nous
avons annoncé plus haut en parlant des principes
généraux de l’opération dont il s’agit. On subit tous
les quatre ou cinq ans une crue d’été qui endommage
ou détruit soit le pâturage, soit la récolte de foin.

En dehors des trois mois de mai, juin et juillet, les


inondations, quelle que soit leur époque, mais surtout
celles qui ont lieu habituellement du 1er novembre
au milieu d’avril, sont toujours fertilisantes ; par ce
motif principal que la vallée ayant partout une

pente très-prononcée, les submersions se retirent


assez promptement pour ne pas entraver la végéta-
tion des prairies.

Ici comme dans la vallée de la Toucques les irri-


gations d’été sont à peu près inapplicables, faute
de ressources disponibles. Mais elles n’ajouteraient
qu’un bien faible supplément à la valeur des terres,
si complètement améliorées par le limonage.

Cette valeur est la même que celle des prairies


baignées, en hiver, parla Toucques entre Lisieux et
Pont l’Evêque. Mais s’il arrive que par suite d’un
endiguement partiel ou par toute autre cause un do-
maine qui profiterait des submersions s’en trouve
privé, sa production suit une échelle rapidement
décroissante et sa valeur s’amoindrit dans les mêmes
proportions.

Comme appendice aux observations précédentes


sur la vallée de l’Orne, en amont et en aval de Caen,
il conviendrait de dire quelques mots sur la vallée de
l’Odon, affluent de la rive gauche qui a son confluent
dans la rivière principale un peu en amont de la ville.

  • Dans le pays on distingue le grand etle petit Odon.

  • Mais ce dernier cours d’eau est un canal artificiel
    ouvert principalement pour les usines, dès le temps
    de Guillaume le Conquérant. Ses pentes étant com-
    plètement absorbées par les chutes et son débit étant
    réglé par un ouvrage d’art, ce canal n’a aucune af-
    fectation agricole.

Quant au grand Odon, qui a sa source dans les ter-
rains de grès quartzique et parcourt une valléeétroite, sons des pentes rapides, il a un débit variable
entre 200 litres à l’étiage et 20 mètres cubes dans les
crues moyennes, qui pourraient être très-utilement
employées pour des submersions fertilisantes, vu
que les eaux sont aussi riches que celles de l’Orne et
de la Toucques, dont il vient d’être parlé.

Mais malgré le grand intérêt qu’ils y trouveraient,


les propriétaires ou fermiers des vastes herbages qui
longent le cours de cette petite rivière n’ont absolu-
ment, rien fait pour se procurer, à peu de frais, un
bénéfice annuel de plus de 100 fr. par hectare.

Il ne s’agirait cependant que de régulariser les sub-


mersions naturelles, par de simples bourrelets, et
d’ouvrir quelques fossés d’écoulement.

La Seulle. — Nous avons un regret bien plus


grand à exprimer sur le délaissement peu explicable
dans lequel les propriétaires et fermiers laissent les
eaux de cette rivière qui leur procureraient presque
sans frais les mêmes avantages dont on profite dans
les vallées qui viennent d’être citées.

Cette rivière, dont le cours n’a pas moins de 44 ki-


lomètres depuis sa source dans les environs de Cau-
mont jusqu’à la mer, parcourt des terrains de na-
ture variée dont les détritus enrichissent ses eaux de
tous les éléments les plus propres à entretenir et à
stimuler la végétation. Dans la partie supérieure de
son cours les phyllades, micaschistes et gneiss sont
les roches dominantes. Dans la partie moyenne elle
rencontre des terrains liassiques ; enfin la partie in-
férieure parcourt, à sa limite ouest, la vaste plaine

granitique de Caen, depuis longtemps célèbre par


ses riches cultures.

En exceptant cette partie inférieure du cours de


la Seulle, où l’on est obligé de se défendre par des en-
diguements contre la mer, et où il y a d’assez grandes
superficies marécageuses, nous pensons que, dans
tout le cours moyen de cette rivière, c’est-à-dire sur
plus de 25 kilomètres, située notamment entre
Villier-Bocage et Creully, on pourrait utiliser ses
eaux, par des submersions d’hiver, sur plus de
4.000 hectares tant en herbages qu’en autres cul-
tures, plus ou moins en souffrance; et sur lesquels
on obtiendrait des plus-values annuelles d’au moins
100 fr. par hectare.

Les résultats obtenus sur quelques propriétés qui


profitent, d’une matière purement accidentelle, des
submersions naturelles, ne peuvent laisser aucun
doute à cet égard.

Dès lors, les propriétaires intéressés ne devraient


pas hésiter à s’entendre, pour l’exécution d’un tra-
vail qui serait tout à leur profit.

L'Aure. — Cette rivière, qui coule dans la par-


tie nord-ouest du département du Calvados, se di-
vise en deux parties : l’Aure supérieure et l’Aure in-
férieure. La première partie s’étend depuis la source
jusqu’au contre-fort, dit les Fosses-du-Souci. La
seconde s’étend de ce point jusqu’à une petite dis-
tance en aval d’Isigny, où l’Aure inférieure devient
un affluent de la Vire. Mais cette dernière n’est ali-
mentée que d’une manière incertaine, puisqu’il faut

que les crues de l'Aure supérieure soient assez éle-


vées pour franchir le contre-fort susdit, qui sépare
les deux bassins.

Dans cette vallée, comme dans celles qui viennent


d’être mentionnées plus haut, les irrigations d’été
sont très-peu importantes; ou même tout à fait en
dehors des coutumes agricoles. Les débits sont trop
peu abondants et les usines ont depuis un temps im-
mémorial utilisé la presque totalité des pentes.

C’est donc seulement aux submersions ou irrigh-


gations d’hiver que l’on peut avoir recours pour en-
tretenir la fertilité du sol. Mais ici se présente un
obstacle assez sérieux qui consiste dans la trop faible
pente de la vallée; de telle sorte que, dans l’état
actuel des choses, les inondations naturelles se pro-
longeant au delà de la morte-saison sont nuisibles,
et c’est pourquoi l’on cherche à s’en préserver.

Mais, comme il est bien reconnu que, sans elles,


la force productive des terres va sans cesse en dimi-
nuant, un projet de canalisation est en ce moment
étudié par MM. les ingénieurs.

Les eaux de l’Aure, provenant de pays schisteux


et granitiques, à cultures soignées, sont très-fertili-
santes. Son débit, dans les crues ordinaires, est
d’environ 40 mètres cubes par seconde, et, de plus,
ces eaux sont habituellement troubles; ce qui les
rend excellentes, pour le limonage et même pour
le colmatage proprement dit, qui nivellerait des bas-
fonds sans écoulement, ne pouvant être assainis
d’aucune autre manière.

Le projet aujourd’hui à l’étude, dans ce but, sous


la direction de M. Olivier, ingénieur en chef du dé-
partement, à l'instar de celui qui s’exécute en ce
moment dans la vallée de la Dives, et dont nous
allons nous occuper spécialement, aura un double
but : d’abord l’assainissement des parties maréca-
geuses de la vallée de l’Aure, puis surtout l’aména-
gement des submersions ; qui seront soigneusement
maintenues et même facilitées durant l’hiver ; mais
auxquelles on procurera, par une canalisation spé-
ciale, un écoulement assuré au commencement du
printemps.

Tout fait espérer que ce deuxième projet, conçu,


comme celui de la Dives, dans des vues très-éclairées,
sera également bien accueilli par les populations in-
téressées ; et assurera, dans un avenir prochain, l’a-
mélioration la plus importante qui puisse être réalisée
dans l’intérêt de cette vallée.

III. — Travaux en. cours d'exécution dans


la vallée de la Dives (Calvados).

Situation générale de la vallée. — Cette ri-
vière, qui traverse le département du sud au nord
sur une longueur d’environ 60 kilomètres, et se jette
dans la mer près du village dont elle porte le nom,
reçoit en aval de Crève-Cœur la Vie, qui est son
aftluent principal. Traversant des vallons larges et
d'un sol fertile, dans des terrains généralement cal-
caires, la richesse de ses eaux, au point de vue du

limonage, provient presque exclusivement du bi-


carbonate de chaux, dont elles sont abondamment
chargées.

La présence de ce sel, très-favorable à la végéta-


tion, est rendue incontestable par les incrustations
qu’il laisse sur les roues et les coursiers des usines ;
mais il est également très-apparent sur les herbages
limonés, où il produit les effets d’un véritable chau-
lage. En outre un grand nombre de petits affluents
ayant de fortes pentes, apportent chaque automne,
dans le lit de la Dives, une foule de détritus orga-
niques; ce qui explique la nature si fertilisante de
ses submersions.

Le débit, qui n’est que de 4 à 5 mètres cubes par


seconde à l’étiage, est porté de 40 à 44 mètres cubes
dans les crues ordinaires. Le lit naturel ne pouvant
débiter que 23 mètres cubes, 21 mètres cubes eu
sortent nécessairement pour se répandre sur toute la
vallée. C’est ainsi que s’explique la constance des
submersions qui ont lieu tous les ans, très-habituel-
lement du commencement de novembre à la fin de
mars ; mais exceptionnellement en été, auquel cas
elles sont nuisibles.

D’après les observations locales, cette dernière


éventualité arrive à peu près une fois en quatre ans.

Quelques propriétaires, à la demande des fer-


miers dont la récolte s’était trouvée perdue, ont sol-
licité l’autorisation d’établir isolément des digues,
dans le but d’éviter ce dommage accidentel. Mais ils
n’ont pas tardé à reconnaître leur erreur.

Les herbages, ou autres cultures, ont été, il est


vrai, plus ou moins préservés de ces inondations,
nuisibles par leur époque. Mais la privation des li-
monages d’hiver, reconnus aujourd’hui comme la
source unique de la fertilité de cette vallée, s’est ma-
nifestée immédiatement avec des conséquences telle-
ment graves que les plus incrédules ont dû, tout au
moins, faire d’abord de sérieuses réflexions. Puis,
bientôt, en présence de l’évidence des faits, l’opi-
nion, en faveur du maintien indispensable des sub-
mersions, et par conséquent contraire à tout système
d’endiguement, est devenue une conviction générale.

En parcourant la vallée de la Dives, ainsi que


les autres vallées de ce département, avec les princi-
paux propriétaires ou fermiers de chaque localité, il
nous a été cité partout des faits aussi nombreux que
palpables venant à l’appui du même principe.

Nous avons vu, en aval de Troarn, une ferme dont


tous les herbages avaient été depuis environ six ans
endigués, dans les conditions exposées ci-dessus.
Avant l’endiguement elle était louée 8.000 fr. Au-
jourd’hui que le bail vient d’être renouvelé, on n’a
trouvé aucun fermier qui voulût en donner plus de
5.000 fr., et il est parfaitement admis que si l’on
restait encore six autres années sous ce régime d’ap-
pauvrissement, le nouveau bail n’atteindrait pas au
chiffre de 3.500 fr.

Ayant visité dans cette même vallée beaucoup


d’autres domaines, tant avec M. l’ingénieur en chef,
auteur du projet actuel, qu’avec les principaux pro-

prîétaires d’herbages, nous avons trouvé partout de


nouveaux exemples à l’appui de la nécessité de main-
tenir, le plus complètement possible, la liberté des
submersions naturelles; mais en faisant tout ce qui
sera possible pour en améliorer le régime, ainsi que
nous allons l’expliquer.

Les plus éclairés de ces propriétaires n’ont pas


attendu longtemps et ont fait détruire les digues,
qu’eux-mêmes ou leurs prédécesseurs avaient éta-
blies. Presque tous seraient assez disposés à imiter
ce bon exemple. Mais c’est une question de dépense,
et pour bon nombre d’entre eux les voies et moyens
sont d’autant moins faciles à trouver qu’ils subissent
sur leurs revenus des pertes notables, dès que l’eu-
diguement est un peu ancien.

Ayant voulu pousser aussi loin que possible cette


intéressante étude, nous avons cherché où s’arrête-
rait la dépréciation, c’est-à-dire à quel chiffre des-
cendrait la valeur d’un herbage, définitivement privé
des submersions naturelles, qui sont l’élut normal
de cette riche vallée. Nous avons alors reconnu
qu’après la période d’épuisement qu’on peut fixer à
huit ou neuf ans, la production devenait nulle;
puisque des végétaux nuisibles se substituaient
aux espèces fourragères, et qu’alors ni l’élevage ni
l’engraissement du bétail n’étaient plus possibles.

On conçoit que dans de telles conditions ou a


trouvé les propriétaires bien disposés à entrer dans
les vues nouvelles de l’administration et à concourir,
ainsi que cela était indispensable à l’exécution du

travail actuel, sur lequel il nous reste à donner


quelques détails.

Système des travaux. — 11 n’y a pas plus d’un
demi-siècle que la vallée de la Dives, comine la plu-

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