Submersions fertilisantes comprenant les travaux



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Résumé. — Tel est l’ensemble des ouvrages
adoptés pour assurer l’atterrissement et la mise en
valeur des bas-fonds marécageux et graviers stériles
existant derrière l’endiguement de la rive gauche du
Var.

La rapidité des pentes longitudinales de ce torrent,


dont la moyenne, sur la ligne générale des travaux,
n’est pas au-dessous de 0m,005 par mètre (5 mètres
par kilom.) a exigé des turcies très-rapprochées et

c’est pourquoi on a dû les placer à une distance


moyenne de 100 mètres l’une de l’autre.

Comme, d’un autre côté, la vallée est très-étroite


et que la largeur moyenne desdits bassins n’est que
d’environ 300 à 350 mètres, leur superficie ne cor-
respond qu’à 3 hectares, ou 3 hectares 1/2 ; ce qui
est un cas tout à fait exceptionnel, dans cette nature
de travaux.

S’il avait fallu entreprendre l’endiguement dans le


seul but de la conquête, par colmatage, d’un millier
d’hectares en graviers ou marais, la dépense eût été
beaucoup trop forte. — Mais comme ce grand travail
était déjà motivé, par deux intérêts principaux, sa-
voir : 1° la salubrité; 2° la défense du territoire
contre les corrosions, on ne doit mettre au compte
du colmatage que la dépense spéciale qui s’y rap-
porte, c’est-à-dire les turcies, ouvrages d’art, et autres
travaux intérieurs des bassins.

Les détails, sur cet objet, se trouvent d’ailleurs


complétés au chapitre suivant.

CHAPITRE XV.

travaux d’endiguement et de colmatage sur la rive gauche

DU VAR (ALPES MARITIMES).—SUITE DES DÉTAILS TECHNIQUES.

I. — Mode d'exécution.

Une des questions les plus importantes dans une


entreprise de cette nature est celle du mode d’exé-
cution des travaux, à cause de la grande rapidité avec
laquelle ils doivent être exécutés. — La quantité de
matériaux à employer devant dépasser 130.000 mè-
tres cubes, tant pour enrochements que pour ma-
çonneries, à pierre sèche ou à mortier, et la durée
du travail étant fixée à dix-huit mois, cela représen-
tait 100.000 mètres cubes de pierres à extraire, trans-
porter et employer dans l’espace d’environ 250 jours
de travail, soit de 400 mètres cubes par jour.

Si tous ces matériaux avaient dû provenir, ainsi


que l’avaient projeté les ingénieurs sardes, des car-
rières de Baus-Roux (ou de la Roche Rouge), situées à
l’origine de l’endiguement général et à 11.400 mètres
delà tête des nouveaux travaux, il aurait fallu tripler
le développement actuel de ces carrières et placer
une seconde voie ferrée à côté de celle qui existe
déjà sur le développement de 11.400 mètres, parce
qu’une seule voie ne pouvait suffire au mouvement
qui devrait y être établi.

11 eût fallu en outre, pour l'emploi journalier


d’une pareille quantité de matériaux, entamer la digue
sur plusieurs points, en même temps, et par suite
établir des voies de fer, latéralement aux travaux, sur
les graviers mêmes du Var, où elles étaient exposées
à être souvent submergées et emportées par les eaux.
Enfin le nouveau matériel à acquérir, et qui devait
comprendre au moins 30.000 mètres courants de
voie de fer, avec 400 wagons, indépendamment de
tous les autres appareils accessoires, eût coûté au
moins un million de francs.

Ces difficultés ont été, en grande partie, évitées,


par le mode suivi pour l’exécution des travaux, en
mettant à profit les circonstances locales.

Carrières. — 11 existe sur la rive droite du Var,
en tête du territoire de la commune de la Gaude, et
même en partie sur le territoire de celle de Sainl-
Sanet, des bancs considérables de calcaires durs,
stratifiés, parfaitement disposés pour l’ouverture de
vastes carrières, et pouvant fournir à une exploita-
tion aussi considérable qu’on pouvait le désirer.

En face de ces mêmes roches, la vallée est forte-


ment resserrée entre les coteaux, et la ligne d’endi-
guement de la rive droite vient passer à 50 mètres
de distance seulement du pied desdites carrières.

Sur la rive gauche, au sommet du rétrécissement,


se trouve le vallon de Manda, pour lequel des digues
ont été projetées jusqu’à la ligne d’endiguement, et
ces digues, convenablement défendues par un fort

musoir, établi à l’amont, peuvent servir sans incon-


vénients comme point d’attache à une digue longi-
tudinale qui serait construite en aval.

Il convenait dès lors de profiter de toutes ces cir-


constances réunies pour joindre les carrières de la
rive droite avec ce point d’attache, par un pont pro-
visoire, en bois, jeté sur la rivière, et de construire
la portion de digue en aval avec les pierres de ces
mêmes carrières; et c’est ce quia été fait.

Dans cette hypothèse, l’emploi des matériaux pro-


venant des carrières de Baus-Roux a été limité à la
portion de digue comprise entre le vallon de Comba
et celui de Manda.

Mais il existe entre ce dernier vallon et la mer une


distance de 10 kilomètres, et si pour toute cette lon-
gueur, on avait dû se servir des pierres de la Gaude,
la partie d’aval, voisine de l’emplacement du pont
récemment construit pour le chemin de fer de Tou-
lon à Nice, n’aurait pu être entamée que la dernière.
Il était cependant urgent qu’elle fût établie desuite,
afin de protéger les travaux que la Compagnie du
chemin de fer avait à exécuter sur la rive gauche
et d’empêcher que son pont ne fut tourné par le
torrent. — En terminant cette digue, comme celles
d’amont, par un fort musoir en enrochements, on
a obtenu un nouveau point d’attache à l’aide duquel
on a pu commencer de suite une autre partie de digue
et atteindre promptement les travaux du chemin de
fer.

Mais ici les matériaux manquaient complètement ;

ou, du moins, ceux qu’on pouvait faire venir des
carrières les moins éloignées étaient d’un prix très-
élevé et surtout ne pouvaient pas être fournis assez
promptement. On a donc été obligé de les remplacer
par des pierres et enrochements artificiels, formés en
béton de chaux du Theil.

De cette manière, l’exécution du projet s’est


trouvée partagée en trois subdivisions distinctes :

La première comprise entre les vallons de Comba


et de Manda, d’une longueur de. . . . 2.755“,00

La deuxième entre le vallon de


Manda et la digue des Français; de. . 6.720”,00

Et la troisième entre cette digue et la

mer; de 2.159“,00

Longueur totale 11.634“,00

Ou a résolu de prendre les matériaux nécessaires
pour la première partie aux carrières des Baus-Roux ;
ceux de la deuxième partie aux carrières de la Gaude,
et d’employer pour la troisième partie des matériaux
artificiels, fabriqués en béton de chaux du Theil.

Cette division a permis d’apporter dans les travaux


une très-grande activité, parce qu’ils étaient entamés
sur trois points différents, complètement indépen-
dants les uns des autres; et, parce que la masse du
travail se trouvant ainsi divisée, l’exécution en a été
plus rapide et moins onéreuse que si tout eût été
réuni sur un seul point.

Les carrières de la Gaude étaient plus faciles etplus avantageuses à exploiter que celles de Baus-


Roux, ou le bardage est très-onéreux; la distance
de transport y était moins grande ; ce sont elles aussi
qui, par la disposition des lieux, avaient à fournir
la plus grande quantité de matériaux.

L’emploi de ces carrières a donc présenté une


grande économie sur celles de Baus-Roux ; la dis-
tance de transport, pour les matériaux de la
deuxième partie a été diminuée de 13 kilomètres, et
comme le prix du transport était de 0f,35 par kilo-
mètre et le cube à transporter de 80.000 mètres
environ, cette seule circonstance représentait une
économie de 340.000 fr., dont il faut déduire la
dépense du pont provisoire évaluée à 100.000 fr.

Pour la troisième partie, l’emploi des blocs arti-


ficiels en béton a été, au contraire, une cause d’aug-
mentation notable, que l’on peut estimer à 54.000 fr.
en sus de ce qu’auraient coûté les mêmes travaux
avec les matériaux venant de Baus-Roux. — Mais
cette augmentation est faible par rapport à l’économie
précédente, et surtout eu égard à la masse totale des
travaux exécutés sur ce point.

Pont de service sur le Car, pour les carrières de
la
Gaude. Le pont de service nécessaire à l’exploi-
tation des carrières de la Gaude a été construit avec
toute la solidité nécessaire pour qu’il puisse résister
aux plus fortes crues. Il a été projeté biais à 45 de-
grés, sur la direction des eaux, parce qu’autrement
il eût été très-difficile d’opérer le raccordement de
la partie de la voie ferrée, qu’il supportait avec lesparties voisines, à construire sur les deux rives, au
moyen de courbes d’un rayon suffisant. Cette obli-
quité a permis aussi de donner à la voie ferrée, sui-
le pont, une pente longitudinale de 0m,0035 par
mètre; sans placer un des côtés du tablier plus haut
que l’autre au-dessus de l’étiage de la rivière.

La longueur totale du pont a été d’après cela de


470 mètres; sur la rive droite, il se rattache aux
rochers qui forment la base des carrières; sur la rive
gauche, il s’appuie sur le massif d’enrochements du
musoir à construire en amont des digues de Manda,
pour détourner les eaux du Var, entre les lignes
d’endiguement.

La largeur a été fixée à 4 mètres (entre les garde-


fous) comprenant la voie ferrée de tm,50 de largeur,
un trottoir de 0m,85 de largeur du côté d’amont et
un second trottoir de lm,65 à l’aval. Ces trottoirs
étaient en réalité réduits à 0m,70 et l“,50 de largeur,
parce que les wagons dépassaient la voie ferrée de
chaque côté de 0”,15. Le trottoir de lm,50 est indis-
pensable pour le passage des chevaux, lorsqu’ils ne
seront pas attelés.

La hauteur du dessous des poutres longitudinales,


au-dessus de l’étiage, est de 2",25; à peu près
comme au pont actuel en charpente de la route im-
périale, n° 7.

Nous n’entrerons pas dans de plus amples détails


sur la construction de cet ouvrage d’art, bien qu’il
eût, dans le cas actuel, une importance particulière.
Il suffit de savoir que ses dimensions générales ont

été bien appropriées à sa destination, ainsi qu’au


régime du torrent sur lequel il a été établi ; de sorte
que la stabilité a pu être conciliée avec la plus grande
économie dans la construction; qu’en un mot, il a
entièrement rempli son but.

Bétons et blocs. — Le béton, avec lequel ont
été confectionnés les blocs artificiels de la troisième
subdivision, a été composé avec de la chaux du Theil
et des cailloux du Var, cassés en majeure partie et
parfaitement purgés de sable; ou de pierres, ayant
moins de 0m,03 de côté.

Les moellons, pour perrés de revêtement, et les


blocs d’enrochement, ont été fabriqués d’avance
par des ateliers installés sur les parties les plus éle-
vées des rives du Var, où ils se trouvaient le moins
exposés aux crues. Ils étaient ensuite apportés sur la
digue et mis en place, mais après une dessiccation
de deux mois au moins.

Les moellons avaient la forme de prismes rectan-


gulaires, de 0m,30 sur la face vue du perré et 0m,40
de queue.

Les blocs pour enrochements sont aussi des pris-


mes rectangulaires et ont l'”,50 de longueur, 0m,80
de largeur et 0m,S0 d’épaisseur. Avec cette forme et
ces dimensions, ils ont jusqu’à présent bien résisté à
l’action des crues.

Ce mode de construction, au moyen de matériaux


confectionnés en dehors du lieu d’emploi, a été pré-
férable à celui consistant à fabriquer le béton le long

de la digue et à l’employer immédiatement ; car les


ateliers de confection étant installés d’une manière
fixe, sont plus facilement surveillés, pour la bonne
exécution des bétons.

Matériel d'exécution. — Le gros matériel, qu’il a
été nécessaire d’acquérir immédiatement, s’est élevé
à la somme de 590.000 fr., non compris le pont de
service sur le Var. Il se compose, savoir :

De 22.600 mètres de voies de fer et de pièces ac-


cessoires, changement de voie et plaques tournantes,
évaluées à 386.000 fr.

De 70 waggons évalués à 119.000

Et de 14 grues évaluées à 85.000

Ensemble 590.000 fr.

La grande activité à imprimer aux travaux ne
permettait pas de faire des réductions sur ces divers
articles.

II. — Dépense générale des travaux.


Avantages obtenus.

D’après les complications qui ont eu lieu, par les


causes indiquées plus haut, l’on ne peut connaître
que d’une manière approximative le chiffre des dé-
penses correspondantes à la première section de
l’endiguement, de 11.166 mètres de longueur, com-
prise entre la Roche-Rouge et le vallon de Comha;
travail exécuté par le gouvernement piémontais, de
1844 à 1860.

A la suile du dernier arrêt de la Cour des Comptes,


en date du 16 février 1857, prononçant la résolution
du contrat de 1844, les ingénieurs locaux avaient
estimé l’achèvement des travaux restant à exécuter
à la somme de 1.899.703 fr. 14 cent., soit en nom-
bre rond, à 1.900.000 fr.

On évaluait à cette époque l’in-


demnité à payer à la liquidation
Villain, à environ 1.500.000

Total de la première section. 3.400.000 fr.

Quant aux dépenses de la se-
conde section, de 11.634 mètresa
de longueur, comprise entre le
vallon de Comba et la mer, dont
les travaux ont été exécutés par le
gouvernement français, de 1862 à
1866, elles s’élèvent, y compris les
travaux d’entretien sur la partie
d’amont, à la somme de 4.400.000 (1)

Le total général est, dès lors, de. 7.800.000 fr.

En 1858, M. Diana, ingénieur en chef de la pro-
vince de Nice, avait été chargé de rédiger le projet
de la continuation de la digue, sur la deuxième
section. — Ses estimations ne montaient ' qu’à la
somme de 2.438.000 fr.

(I) Ladite somme comprend :

1“ La dépense relative au pont de service 713.305',80

2’ Une somme d valoir de 361.676',10

Mais on n’y avait rien porté pour le gros matériel
d’exécution, dont la dépense a été, comme on vient
de le voir, de , 590.000 fr.

D’un autre côté, la dépense totale de 4.400.000 fr.


comprend non-seulement la dépense des travaux
neufs, exécutés entre le vallon de Comba et la mer,
mais aussi celle de l’achèvement de la partie déjà
commencée en amont et qui s’est élevée à plus
de 380.000 fr.

Dès lors il ne restait pour l’endiguement propre-


ment dit, que. . 1.468.000 fr.

Cette somme eût été aujourd’hui tout à fait insuf-


fisante, d’après l’augmentation de près de 30 p. 100,
qu’ont subi tous les prix, dans l’arrondissement de
Nice, depuis l’annexion; et d’après plusieurs autres
circonstances qu’il serait trop long d’indiquer ici.

Il n’est donc pas étonnant que le montant des


travaux exécutés soit environ le double del’ancienne
estimation; qui, dans aucun cas, ne pouvait être
maintenue.

Le point essentiel était que ces travaux, si impor-


tants, mais d’une exécution si difficile, fussent réa-
lisés à tout prix.

La dépense de 7.800.000 fr., bien que considéra-


ble, se trouve d’ailleurs parfaitement justifiée, par
les motifs les plus sérieux, dont les principaux étaient
les suivants :

1° La salubrité; 2° la conservation d’un territoire

exceptionnellement riche; 3° les besoins de la via-
bilité.

Quant à la conquête agricole à obtenir, par col-


matage sur les bas-fonds et graviers provenant des
anciens lits (terrains domaniaux), et sur d’autres es-
paces improductifs, elle n’est sans doute pas en rap-
port avec le chiffre élevé des dépenses faites, ainsi
qu’il vient d’être dit, clans un autre intérêt.

Mais eu égard à la valeur extrêmement élevée des


terres cultivables, dans toute la plaine de Nice, les
plus-values, à réaliser d’ici à très-peu d’années, re-
présenteront néanmoins une compensation déjà très-
notable au sacrifice susdit.

Indépendamment d’une surface d’au moins 200


hectares, précédemment aliénés, au milieu des com-
plications de l’entreprise Villain, il reste aujourd’hui
à l’actif de l’entreprise, une superficie, nette, de
655 hectares de terrains, précédemment insalubres,
et de nuiie valeur, aujourd'hui en voie de colmatage,
plus ou moins avancé.

Eu égard à ce que les terres d’alluvion, propres


aux riches cultures qui se pratiquent dans cette
région, ont une valeur vénale de 6.000 à 10.000 fr.
l’hectare, on a attribué (en 1860) une estimation
très-modérée à celles dont il s’agit en les évaluant
ainsi qu’il suit :

200 hectares à 4.000 fr 800.000 fr.

455 hectares à 5.000 fr 2.275.000

Ensemble 3.075.000 fr.

D’après les renseignements qu’ils reçoivent jour-
nellement, MM. les ingénieurs du département pen-
sent que, d’ici à trois ou quatre ans, la totalité des
655 hectares en question pourra être vendue au prix
moyen de 6.000 fr.

Soit ensemble. . . . 3.930.000 fr.

D’après les motifs d’intérêt général, de l’ordre le
plus élevé, qui réclamaient l’exécution de la digue
sur la rive gauche du Var, ce travail aurait dû s’exé-
cuter, quand même il n’y eût pas eu un seul hectare
de terrain à conquérir, par colmatage. En d’autres
termes, cette conquête n’était ici qu’un accessoire.

Et l’on voit cependant qu’elle représente à peu


près moitié de la dépense totale, accrue d’ailleurs par
des circonstances imprévues, de plus du quart des
estimations primitives.

Ainsi on peut conclure que cette grande entre-


prise aura été bonne et profitable, à tous les points
de vue.

CHAPITRE XVI.

ENDIGUEMENT ET ATTERRISSEMENTS DE LA BASSE SEINE
(SEINE-INFÉRIEURE ET EURE).

I. — Historique de l’entreprise.

Le plan général (PI. XI) représente la situation
actuelle du cours de la Seine maritime, sur la lon-
gueur d’environ 100 kilomètres qu’il occupe entre
Rouen et le Havre.

L’endiguement dont il s’agit a été ordonné il y a


vingt ans, en vertu d’une loi du 3 mai 1846, et exé-
cuté ensuite, par portions successives, dans l’intérêt
exclusif de la navigation; qui, par les causes indi-
quées plus loin, devenait de plus en plus difficile et
dangereuse dans ces parages.

On n’avait pas prévu d’abord qu’un intérêt agri-


cole, d’une très-grande importance, allait trouver,
par le fait du même travail, une solution inattendue.

Il consiste dans la création d’une vaste étendue


d’excellentes prairies qui se sont constituées spon-
tanément sur les terres d’alluvion conquises par le
colmatage, de part et d’autre des nouvelles digues.

C’est seulement à ce dernier point de vue que


nous avons à examiner ici l’importance des résultats
déjà obtenus, et aussi ceux que l’on pourrait obte-
nir encore, par l’endiguement de la basse Seine.

Nous allons d’abord exposer la situation ancienne


et les motifs qui nécessitaient les mesures prises
pour l’améliorer, au point de vue de la navigation.

Nous traiterons ensuite, séparément, de ce qui a


rapport à la question agricole.

État antérieur aux travaux. — En jetant les


yeux surleplan général déjà cité, on voit que la Seine
maritime,
entre Rouen et le Havre, décrit de grandes
sinuosités; que, de plus, dans la moitié inférieure
de ce parcours, ayant son origine un peu en amont
de Quillebeuf, le cours du fleuve ne s’effectue qu’au
milieu devastes bancs de sable vaseux, constamment
déplacés et remaniés par le flot ; de sorte que sa di-
rection, essentiellement instable, subissait de conti-
nuelles variations, par suite desquelles la navigation
était devenue périlleuse et souvent impossible.

C’est ce qui explique pourquoi l’amélioration de


la navigation de la Seine, entre Rouen et la mer, a
été, depuis le règne de Louis XV, l’objet de l’atten-
tion de tous les gouvernements.

Cette navigation se faisait en effet dans les condi-


tions les plus désastreuses, et sans la situation excep-
tionnelle de la ville de Rouen, reliée à Paris par un
fleuve d’une navigation facile, le commerce l’aurait
certainement abandonnée.

Les bancs de sable, qui obstruaient l’entrée de la


Seine, formaient à cette époque autant déposées sur
lesquelles les navires devaient venir s’échouer, à
marée basse, pour être rafloués, à l’arrivée du tlot ;

c’est-à-dire à marée haute, au risque d’être quel-


quefois brisés contre les rives.

Tels étaient les périls de cette navigation, que sur


certaines traverses qu’ils n’avaient pu franchir avec
la marée, les équipages quittaient les bâtiments
avant le passage du flot, pour les rejoindre à un ou
deux kilomètres plus haut et continuer leur route
vers Rouen, quand leurs navires n’avaient pas
sombré.

I1 fallait alors quatre jours au moins pour faire le


trajet de la mer à Rouen, et les nombreuses épaves
que la Seine renferme prouvent malheureusement
tous les dangers de cette navigation.

Le tonnage des bâtiments n’était en général que


de 100 à 200 tonneaux.

Le prix du fret entre la mer el Rouen était de


10 fr. par tonne; celui de l’assurance de 1/2 p. 100.

Diverses études furent entreprises dans le but de


remédier à cet état de choses, mais jusqu’en 1846
elles restèrent à Vétat de projets. Les uns propo-
saient de construire un canal latéral à la Seine, et
les autres d’améliorer le cours même du fleuve par
des barrages ou des épis.

M. l’ingénieur en chef Frimot imagina de resser-


rer le lit de la rivière par des digues longitudinales
parallèles à son axe et formées de caissons remplis
de pierres; M. Rleschamps émit l’idée de remplacer
les caissons par de simples enrochements.

Ce système fut mis en pratique, en 1848, pour


l’amélioration de la traverse de Villequier; haut-fond

très-élevé, cause de nombreux sinistres. — Deux


digues longitudinales, espacées de 300 mètres et
élevées au-dessus des hautes mers moyennes, de
vive eau, furent construites à partir de File de Bel-
cinac. Le résultat des travaux fut de porter immé-
diatement à 6m,50 les profondeurs d’eau qui étaient
auparavant de 3'“,50 seulement, au moment des
pleines mers moyennes, de vive eau.

Encouragé par ce résultat, on poursuivit de 1849


à 1853 l’exécution des digues de la rive droite de la
Seine, jusqu’en face de Quillebeuf; et l’on fit ainsi
approfondir de plus de 3 mètres la traverse cl' A izier.

De 1852 à 1855, deux digues furent construites


en amont de Villequier; au sud jusqu’à Caudebcc,
au nord entre Caudebec et la Mailleraye; ces tra-
vaux, joints à l’exécution de dragages sur le banc
des Meules, améliorèrent l’état de cette partie de la
rivière et assurèrent à la navigation des profondeurs
d’eau de 4m,50 à 6m,50 de pleine mer. En même
temps, l’endiguement était prolongé en aval de Quil-
lebeuf jusqu’à la pointe de Tancarville sur l’une et
l’autre rive, avec un espacement de 400 mètres entre
les digues; et un épi, construit à la pointe de Rogue,
enracinait à la côte la digue du sud, prolongée jus-
qu’en ce point. Ces travaux étaient terminés en
1859.

Malgré toutes ces améliorations, l’embouchure du


fleuve restait encombrée de sables et dangereuse
pour la navigation, tant à cause des faibles profon-
deurs qu’elle présentait en aval des parties endiguéesque par suite du phénomène de la barre ou mas-
caret
qui s’y manifestait avec une très-grande vio-
lence (t).

Lors de l’excursion faite sur la Seine maritime


par l’empereur, le 28 mai 1861, les ingénieurs pro-
posèrent, pour détruire le double danger qui vient
d’être signalé, le prolongement immédiat de la digue
du nord, depuis Tancarville jusqu’à la pointe de la
Roque. Deux ans après, ils présentèrent le projet du
prolongement des digues sur les deux rives, entre la
Roque et Berville.

Le chenal très-sinueux et très-changeant, suivi à


cette époque sous la côte du nord, entre Tancarville
et la pointe du Mode, devait être redressé pour venir
passer sous la côte du sud, à Berville; les hauts-
fonds si dangereux d’aval devaient disparaître, et.
grâce à cet approfondissement du chenal, il étail
permis de compter sur l’atténuation du mascaret,

(1) «La barre ou mascaret consiste dans un mouvement tumultueux


des eaux produit par l’introduction du flot ou de la marée montante,
dans le lit du fleuve. Il naît d’abord dans les parties les moins profondes,
sous la forme d’une vague écumante, qui barre en effet toute la largeur
de la Seine. Elle est suivie de vagues plus courtes et réitérées présentant
des ondulations de l“,50 à 2"',00 de profondeur, et se succédant pendant
quelques minutes, sans interruption.

« Dans les parties profondes le mascaret se manifeste par des vagues


plus étendues et plus hautes, qui portent le nom d’ételles. Elles présen-
tent des dépressions de 3 mètres à 4 mètres et se développent en grandes
ondulations, qui s’étendent, le long des rives, avec une violence désas-
treuse, tant pour les bateaux et navires que pour les ouvrages de défense.

« Le phénomène du mascaret, sur la basseSeine, paraît être particulier


à ce fleuve. Les plus anciennes chroniques sur la Normandie en ont fait
mention dès le vu" siècle.» (Rapport de 1U. l'ingénieur en chef du Boulet.}

dont l’existence est due en majeure partie à la pré-


sence des bancs de l’embouchure.

Les premiers résultats obtenus par ces travaux


ayant donné la preuve incontestable de l’efficacité
du système adopté, on se détermina à le compléter
en rendant les enrochements continus sur les deux
rives; sauf dans les parties naturellement encaissées
où les rives se trouvent protégées, soit par une fa-
laise de rochers, soit par le pied d’un coteau garni
de bois ou broussailles.
Système des travaux.— Carrières. — En trai-
tant, dans les chapitres qui précèdent, de deux
autres entreprises d’endiguement et de colmatage,
récemment exécutées, dans la Savoie et les Alpes-
Maritimes, nous avons déjà fait remarquer que, vu le
cube considérable des blocs à employer pour ce genre
de travail, l’existence de carrières susceptibles de les
fournira bas prix était une condition indispensable.

Dans le cas actuel cette condition se trouvait


remplie ; puisque sur les deux rives de la Seine ma-
ritime, en aval de Caudebec, des coteaux et falaises,
de roche calcaire, d’une exploitation facile, existent
sur plusieurs points.— De plus l’exploitation de ces
bancs peut se faire à la mine, par un procédé spé-
cial d’abatage excessivement économique.

On creuse, au pied de la carrière, des chambres


ou galeries de 8 à 10 mètres de largeur et d’une
profondeur variant entre 5-mètres et 10 mètres en-
viron, jusqu’à ce qu’on rencontre une face de sépa-

ration, à laquelle les ouvriers donnent le nom de fin;


elle est généralement parallèle ou à peu près au
front de la carrière. Dans les piliers de 1 mètre à
3 mètres de diamètre, qu’on a soin de conserver à
des distances de 6 mètres à 10 mètres, les uns des
autres, on perce des trous de mine; l’explosion des
charges de poudre, déposées dans ces trous de mine,
détermine la destruction des piliers et la chute de
la partie supérieure de la falaise, par masses qui at-
teignent jusqu’à 15.000 mètres cubes.

Les blocs ainsi obtenus ont des dimensions variant


de 5 à 80 mètres cubes et même 100 mètres cubes ;
ils sont débités en blocs irréguliers de 0m,40 à 0m,60
de côté à l’aide de la mine ou seulement de la pince,
des coins et de la masse.

Leur transport à la rive s’effectue soit à l’aide des


brouettes, lorsque la distance est peu considérable,
soit quand elle devient plus grande, à l’aide de wa-
gons sur chemins de fer, à pentes régulières et à
traction de chevaux.

Les blocs sont embarqués à la brouette sur des


bateaux pontés et à voiles connus sous le nom de
bachots qui portent de 20 à 50 mètres cubes de ma-
tériaux.

Ils sont ensuite amenés à la digue, où ils sont


jetés, sur l’emplacement marqué par des balises;
sans autres précautions, quand il s’agit des parties
placées au-dessous du niveau de basse mer ; mais ils
sont débarqués à la brouette, puis posés avec soin,
aussitôt que la digue dépasse ce niveau.

D’après ce mode, très-économique, d’extraction


et de transport, on a calculé qu’en ce qui concerne
les travaux de première construction le prix du
mètre cube d’enrochement, y compris extraction,
bordage, embarquement, transport à pied-d’œuvre,
et mise en place, n’atteignait pas lf,80.

Mais les tassements inévitables de ces digues, re-


posant sur un fond de vase mobile, les fréquentes
dégradations survenues par l’effet du flot, dans leur
couronnement, ainsi que l’entraînement de beau-
coup de blocs du talus intérieur, enfin l’inconvé-
nient plus grave encore de la qualité gelive de ces
roches de calcaire tendre, qui en réduit une partie
notable à l’état de détritus, sont autant de causes
d’après lesquelles, en fin de compte, il a fallu fournir
par mètre courant un cube plus considérable qu’on
ne l’avait d’abord prévu ; ce qui s’est traduit, néces-
sairement, par une augmentation de prix du mètre
courant d’enrochement.

Mode de construction des digues. — La construc-
tion des digues se fait à l’aide de blocs naturels ex-
traits dans les bancs calcaires situés sur les deux
rives de la Seine, depuis Rouen jusqu’à la Roque,
par le procédé qui vient d’être décrit.

Transportés d’abord dans des wagons sur des rails


provisoires, ils sont ensuite chargés sur des bateaux
pontés et conduits ainsi à pied-d’œuvre.

Ainsi, le corps des digues est construit à pierres


perdues,
mais leur couronnement et leur talus sont
arrimés avec soin, de manière à offrir, par l’ab-sence des vides et des saillies, une liaison plus
complète et par suite une plus grande solidité.

La largeur des digues en couronne est en général


de 2 mètres. L’inclinaison de leur talus est de 45° du
côté de terre, de 3 de base pour 2 de hauteur du
côté du large ; toutefois cette dernière inclinaison
varie beaucoup, suivant que les digues sont plus ou
moins exposées au mascaret; elle peut aller jusqu’à
7 et 8 de base pour 1 de hauteur; mais en général,
elle reste comprise entre 2 et 3 de base pour 1 de
hauteur.

Leur crête est élevée au niveau des hautes mers


moyennes, de vive eau.

Toutefois, en aval de Tancarville, elles ont été


tenues beaucoup plus basses ; le couronnement dé-
passe de 0m,50 au sud et 1 mètre au nord le niveau
des basses mers, de vive eau. Ce système, dû à
M. l’ingénieur en chef Emmery, a parfaitement
réussi.

La largeur régulière du nouveau chenal qui est


de 400 mètres en amont de Tancarville est portée à
500 mètres en aval de ce point.

Les digues prolongées aujourd’hui jusqu’au con-


fluent de la Rille occupent une longueur totale de
70 kilomètres.

Savoir : sur la rive droite 39 kilomètres et sur la


rive gauche 31 kilomètres.

Les seules lacunes qu’elles présentent sont : sur


la rive droite 5 kilomètres, entre Caudebec el Ville-

quier, et, sur la rive gauche 9.500 mètres entre le


Vieux-Port et Quillebeuf. — Dans ces parties le
chenal se trouvait naturellement fixé, contre une
rive stable, ne réclamant aucune défense artificielle.

Malgré tout l’avantage qu’il y aurait à continuer la


même amélioration, en aval de Berville, le conseil
général des ponts et chaussées a hésité jusqu’à pré-
sent à approuver les projets, présentés dans ce sens.
Les appréhensions du commerce du Havre parais-
sent être le motif de cette hésitation.

Dépenses d’exécution. — Avantages obtenus
au point de vue de la navigation. —
Les dé-
penses faites en vertu des crédits successivement ou-
verts; à partir de 1846, se décomposent ainsi qu’il
suit :

Loi du 31 mai 1846. — Établissement de chemins de halage
entre Rouen et Duclair. — Digues entre Villequier et Quille-
becq. — Rechargements. — Balisages, etc.... 4.307.173',10


Décret du 15 janvier 1852. — Digues entre la
Meilleraye et Villequier.—
Id. entre Quillebeuf
et Tancarville 807.895',79


Décret du 3 août 1853.— Digues entre Quille-
beuf etlaRoque.—Rechargementsetbalisages. 4 339.594',21


Décret du 14 juillet 1860.— Prolongement
de la digue du nord, en aval de Tancarville.. 1.095.532',04


Décret du 12 août 1863.— Prolongement des
digues, entre la Roque et la Rille.—
Id. aux
abords de Villequier.—
Id. en amont et en aval
de Caudebec. — Rechargement successif des
digues et réparations des dommages causés par
la barre, de 1859 à 1866 3.020.376',97


Total, au 31 décembre 1866 13.570.572',! 1

En divisant cette dépense par la longueur totale


de l’endiguement, effectué au 31 décembre 1866, de
Caudebec et la Meilleraye jusqu’à la Rille, qui, d’a-
près le détail donné plus haut, est de 70 kilomètres,
on trouve que le prix de revient du mètre courant
de digue en enrochement est de 194‘,30

Dont on peut attribuer :



Aux dépenses de premier établissement.. 160',001

Aux dépenses accessoires d’entretien, che- l94r 30

mins de halage, pieux et balises, dépenses de

personnel, etc 34',30)

En admettant que chaque mètre courant de digue


ait absorbé, en moyenne, 50 mètres cubes d’enro-
chements, chaque mètre cube ressort au prix effectil
de . 3f,88

D’après le bas prix d’extraction et de transport


des blocs, les premières estimations ne faisaient res-
sortir ce prix qu’à moins de 2 fr. par mètre cube.

La différence notable sur le prix de revient défi-


nitif doit donc être attribuée aux dépenses acces-
soires indiquées plus haut, mais surtout à l’entretien
et aux grosses réparations, résultant soit des dégra-
dations des talus et couronnements, par le mascaret,
et de l’affaissement inévitable d’une pareille masse
de pierre reposant sur un fond de vase; ce qui fait
que les rechargements successifs effectués de 1856
à 1866 ont porté le cube total au moins à 60 mètres
cubes par mètre courant. — De sorte que le prix de

revient définitif du mètre cube d’enrochement dans


ce système de digues peut être considéré comme ne
dépassant pas 3‘,27

Avantages obtenus. — Les avantages obtenus en
regard de la dépense ci-dessus, dans l’intérêt de la
navigation, sont tellement notables, qu’on n’aurait
pas lieu de la regretter quand même le chiffre total
devrait rester imputable à cette partie de l’entre-
prise.

Il est très-essentiel de remarquer que celle-ci a eu


un double résultat dont le deuxième, quoiqu’il n’ait
pas été d’abord prévu, est au moins aussi important
que le premier.

Ce résultat, qui est l’objet spécial du paragraphe


suivant, consiste dans la création spontanée, sur les
nouvelles alluvions, d’une superficie de 8.600 hec-
tares d’excellentes prairies qui, dans leur état ac-
tuel, sont estimées, très-au-dessous de leur valeur,
à raison de 2.500 fr. l’hectare.

On doit donc déjà, incontestablement, déduire de


la dépense totale la somme d’environ 4.000.000 fr.
touchée, ou restant à recevoir, pour la part des
plus-values attribuée à l’État, sur une première es-
timation, portée à moins de 1.000 fr. l’hectare.

Mais nous pensons qu’il est beaucoup plus juste


de déduire des 13.600.000 fr. dépensés au 31 dé-
cembre 1866 le prix de revient effectif que l’on pou-
vait attribuer à la création de ces prairies, si elles
eussent été le but, principal de l’entreprise; c’est-à-

dire environ 1.000 fr. par hectare, prix auquel cor-


respond une plus-value encore très-considérable, re-
lativement à leur produit actuel.

En ôtant donc du total ci-dessus, 8.600.000 fr.,


pour part afférente à la création des 8.600 hectares
de prairies nouvelles, il ne reste plus à la charge de
la navigation que cinq millions.

Or, dans ces conditions, les résultats obtenus sont


encore bien plus remarquables. Les détails som-
maires indiqués ci-après peuvent faire juger de leur
importance.

Tonnage. — Malgré la concurrence très-redou-
table du chemin de fer, la navigation entre Rouen
et le Havre, ou plus exactement entre Rouen et la
mer, est encore d’une grande activité et dépasse en
moyenne un million de tonnes par année.

Quand on compare l’état où elle se trouvait avant


l’endiguement à son état actuel, on s’explique sans
peine l’importance des résultats obtenus.

Profondeurs du chenal. — De 1846 à 1852, les
passes navigables étaient incertaines et constamment
obstruées; l’action alors si redoutable de la barre,
ou du mascaret, atteignait la plupart des navires en-
gagés sur les hauts-fonds, d’où ils ne pouvaient sor-
tir qu’avecles plus grandes difficultés. Les nombreux
sinistres dont les épaves étaient devenues, dans ces
dernières années, un danger de plus pour la naviga-
tion, prouvent assez combien était grave l’état de
choses que l’on s’est déterminé à modifier.

Les premiers effets résultant de la constructiondes 31 kilomètres de digues construites de 1848 à


1852 entre Villequier et Quillebeuf furent, comme
on l’a dit plus haut, de fixer, d’une manière inva-
riable, la direction du chenal, et de doubler à peu
près les profondeurs, qui furent portées en moyenne
de 3 mètres à 6 mètres, au moment des pleines mers
de vive eau.

Mais le même effet s’est généralisé et maintenu,


sur tout le reste du parcours, dans la section endi-
guée.

Dès l’année 1861, une partie des résultats prévus


étaient déjà réalisés. En aval de Quillebeuf la pro-
fondeur du chenal, entre les digues et dans la baie,
étaient déjà de 5 mètres en pleine mer de morte eau,
et de 7 mètres en pleine mer de vive eau.

D’après les sondages faits, en 1866, l’amélioration


était encore plus marquée, puisque, entre Quillebeuf
et la mer, la profondeur moyenne du chenal entre
les digues était, en pleine mer de morte eau, de 5n',50
Id. de vive eau, de 7m,50

Mais cette même amélioration progressive se ma-


nifeste d’une manière bien plus évidente dans la
constatation des profondeurs du chenal de la Seine
maritime faites, à la demande de la chambre de com-
merce de Rouen, les 12 et 18 février 1867, et qui
a donné les résultats suivants :




PLEINES MERS

de morte eau.

de vive eau.

Entre la mer et Tancarville ..

6m,67

8m,54

De là à Quillebeuf

6 ,49

8 ,36

Traverse d’Aizier

8 ,80

10 ,13

Traverse de Villequier

7 ,65

9 ,15

Banc des Meules

5 ,98

7 ,26

Dans ces conditions la profondeur
moyenne dans le port de Rouen est
de

10 ,77

11 ,47

On doit donc admettre que, sous ce rapport, l’a-
mélioration réalisée ne laisse rien à désirer.

Avantages divers. — Au jourd’hui des navires de
500 à 600 tonneaux, remorqués par bateaux à va-
peur ou par le louage, et calant de 4 mètres à 4m,50,
peuvent remonter de la mer à Rouen, en huit à dix
heures, et faire le trajet inverse en une seule marée.

Les transports sur bateaux à vapeur s’effectuent


également en une seule marée, à la remonte comme
à la descente.

A mesure que cette amélioration se complétait, le


tonnage des bâtimentsatoujours été en augmentant.
Restreint autrefois à 200 ou 300 tonnes, il va aujour-
d’hui au double et même jusqu’à 700 tonneaux.

Le mascaret, jadis si redouté des marins dans ces


parages, a notablement diminué; ce qui se conçoit
aisément, puisque les points où il était particulière-
ment dangereux se trouvaient toujours sur les hauts-

fonds les plus élevés, là où l’eau était la moins pro-


fonde.

Le prix du fret, qui allait précédemment jusqu’à


8 et 9 fr., est descendu à 5 fr. par tonne.

Aujourd’hui, la prime d’assurance est la même


pour Rouen que pour le Havre.

Enfin, dans une notice portant la date de décem-


bre 1861, la chambre de commerce de Rouen éva-
luait à trois millions et demi l’économie annuelle
déjà obtenue, par le commerce et la navigation, à la
suite des travaux d’endiguement exécutés à cette
époque (1).

II. — Colmatage.



Pratiflcation pontanéc des nouvelles allu-
vions.
— L’endiguement dont il s’agit ne se trouve
pas dans les conditions ordinaires de ceux que nous
avons précédemment décrits; pour les vallées de l’I-
sère et de l’Arc, en Savoie, et pour la rive gauche
du Var (Alpes-Maritimes).

Ces derniers consistaient en des digues insubmer-


sibles, fortement revêtues d’enrochements, et des-
tinées à encaisser le fleuve dans ses plus fortes crues,
de manière à empêcher celles-ci de se répandre dans
toute la vallée.

La Seine maritime étant soumise à l’action des


marées de l’Océan, qui s’y font sentir deux fois par

(1) Par une délibération en date du 24 novembre 1864, cette assemblée


voulant donner un témoignage de sa reconnaissance à M. l’ingénieur en
chef. Ëmery, pour tout le zèle apporté par lui dans la direction des tra-
vaux, lui a décerné une médaille d’or, grand module;

jour, avec une intensité variable, suivant les in-


fluences astronomiques, on n’aurait pu y établir,
surtout dans la partie inférieure, en aval de Quille-
beuf, de pareilles digues, qui auraient dû avoir une
hauteur exceptionnelle, et dont l’effet eût peut-être
amené de graves perturbations dans les conditions
de l’écoulement.

Comme il ne s’agissait d’obtenir qu’un chenal


stable et profond, que réclamait impérieusement
l’intérêt de la navigation, on a agi à la fois avec pru-
dence et discernement en n’établissant, à l’aide de
simples enrochements, que des digues plus ou moins
submersibles, mais pouvant être exhaussées succes-
sivement, au fur et à mesure que le besoin s’en ferait
sentir.

Les résultats constatés ci-dessus prouvent qu’au


point de vue de la navigation ces prévisions ont été
complètement justifiées.

Mais un intérêt d’une autre nature et d’une im-


portance incontestable se trouvait engagé dans la
question, c’était l’intérêt agricole.

En effet, les atterrissements, formés par voie de


colmatage, sur les bas-fonds et les portions des an-
ciens lits délaissés par suite de l’endiguement, se
trouvant ainsi fixés, n’ont pas attendu que la main
de l’homme vînt les féconder. Spontanément et sans
le secours d’aucun travail, ils se sont de suite cou-
verts d’un gazon fin et serré composé de graminées
et des autres plantes, constitutives des meilleures
prairies naturelles.

Ce résultat n’était nullement fortuit, mais pou-


vait être prévu comme conséquence immédiate des
travaux projetés. En effet, des enrochements con-
struits dans ce système ne sont autre chose que le
procédé hollandais pour la conquête des lais de mer.
El l’on sait à quels grànds résultats on est arrivé
dans ce pays.

La surface de ces nouvelles prairies est d’en-


viron 8.600 li.

Le plan général (Pi. XI) indique leur répartition


sur les deux rives de la Seine, dans les deux dépar-
tements de l’Eure et de la Seine-Inférieure.

Leurs superficies exactes sont indiquées dans le


tableau ci-après :

DÉSIGNATION

des lieux.



DÉPARTEMENTS

SURFACES

totales.


Seine-lnfre.

Eure.

Rive droite.

De la Meilleraye à Ville-


quier

93h,00

»

93,00

De Villequier à Tancar-
ville

2.020 ,98

»

2.020 ,98

De Tancarville au Hode.

3.169 ,20

»

3.169 ,20

Rive gauche.

De la Meilleraye à l’île


de Belcinac...

108 ,00

»

108 ,00

De l’île de Belcinac à
Quillebeuf

359 ,25

14",84

374 ,09

De Quillebeuf à la pointe
de la Roque

»

2.313 ,00

2.313,00

De la pointe de la Roque
à Berville

»

522 ,90

522,90




5.750\43

2.850",74

8.601",17

Les bancs mobiles qu’ont remplacés ces prairies


n’étaient susceptibles d’aucun produit, et dès lors
n’avaient pas de valeur vénale. Dans leur nouvel
état ils en ont une très-grande.

Mais on sait que pour toute prairie naturelle, de


nouvelle formation, il faut un certain temps pour at-
teindre à l’état normal, de production et de valeur
foncière, qui n’est jamais obtenu dans les premières
années.

Estimation des nouvelles prairies. — Par-
tage des pins-values. —
Les 8.600 hectares de
bancs mobiles, aujourd’hui conquis par le nouvel
endiguement, sur les deux rives de la Seine, en aval
de Caudebec, étaient, en grande partie, occupés
par d’anciens lits du fleuve. Ils auraient pu être
classés comme terrains domaniaux ; et à ce titre
aliénés, après la bonification achevée, au compte de
l’Etat. C’est ainsi qu’on a opéré, tout récemment,
dans les vallées de l’Arc et de l’Isère, en Savoie.

Ici, on a admis l’interprétation la plus librrale,


en considérant les terrains en question comme des
alluvions naturelles, qui, aux termes de l’art. 556
du Code Napoléon, profitent au propriétaire riverain,
lors même qu’il s’agit d’une rivière navigable ; à la
charge seulement, de maintenir, toujours, le chemin
de halage, conformément aux règlements.

L’article susdit ne soumettant à cette règle que


les alluvions et accroissements qui se forment,
« successivement et imperceptiblement, » aux fonds

riverains ne s’applique pas au cas où lesdites allu-


vions sont dues exclusivement à un endiguement,
ou autre ouvrage de main d’homme. Par conséquent
cette question préalable aurait pu être soulevée. —
On ne l’a pas fait ; ou plutôt le gouvernement s'est
empressé d’accepter le mode de règlement le plus
favorable aux propriétaires.

On s’est donc borné à réclamer l’application du


principe de la plus-value, consacré par la loi du
16 septembre 1807.

Deux décrets, en date du 15 janvier 1853 et


15 juillet 1854, ont déclaré applicables aux allu-
vions de la basse Seine les art. 30, 31 et 32 de la loi
susdite.

On est tombé d’accord sur le règlement de la



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