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§ 2 - La communication externe de la communauté



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§ 2 - La communication externe de la communauté


La norme sociale du secret exprimée en droit par la loi et dans les faits par les membres de la communauté gouvernante des politiques de l'environnement industriel ne s'oppose pas au développement d'activités gouvernementales de "communication publique"983. La facilité qu'il y a de confondre la "transparence administrative"984 et la "communication publique" fait de celle-ci la réponse la plus courante aux revendications sociales relatives à la précédente. Mais cette forme d'expression publique de la communauté gouvernante ne réduit pas ou à peine son degré de confinement c'est à dire le maintien en des limites étroites de la diversité des catégories d'acteurs participant à l'élaboration des décisions politiques et la rétention dans les mêmes limites des informations relatives aux conditions de formation de ces décisions. Cette parfaite compatibilité du confinement et de la communication externe apparaît très clairement en ce qui concerne les statistiques officielles relatives aux résidus industriels dangereux : les chiffres sont publics mais leur mode de production ne l'est pas, strictement cantonné au huis-clos de la communauté gouvernante (A). Une forme de communication est compatible avec le confinement : le "marketing politique"985 n'est pas l'apanage des partis en campagnes électorales, ni des ministres et autres élus du devant de la scène politique ; il prend des formes spécifiques de la part des communautés gouvernantes de politique publique : celle des plans sans contenus produits par les fonctionnaires et celle des promesses non contraignantes faites par les industriels (B).
A - La co-production des statistiques officielles

Les deux faces du phénomène de confinement se retrouvent en ce qui concerne la production des données statistiques relatives aux flux et gisements de résidus industriels dangereux. Le phénomène est accentué par la sous-traitance qui a été opérée au profit du secteur privé - et principalement des producteurs de résidus - de la production des données statistiques officielles relatives à ces résidus.

Du point de vue consensuel énoncé par le PDG de Rhône-Poulenc - "on ne gère bien que ce que l'on connaît bien"986 - les bilans dressés au début des années 1990 sur les statistiques disponibles de flux et gisements de déchets industriels présentent tous un constat très consensuel et très officiel d'inexistance de statistiques fiables. Pour les spécialistes du secteur, le constat ne date pas de cette période mais il se diffuse et prend de l'ampleur à cette époque. En 1980, A. Guérin-Henni, dans l'introduction de son ouvrage sur Les pollueurs contestait les discours officiels sur la diminution des pollutions : "tout dépend de ce qu'on appelle une pollution, et de la façon dont on la mesure (en supposant qu'elle soit effectivement mesurée, ce qui n'est pas toujours le cas). Enfin, les mesures ne sont pas toujours faites par des organismes indépendants, et certains résultats d'analyses sont secrets ou quasiment inaccessibles."987 En 1984 le premier rapport officiel sur les déchets industriels observe à propos des statistiques qu'il utilise pour sa réflexion sur "l'élimination des déchets les plus toxiques" que "les éléments chiffrés donnés résultent de compilation de nombreux rapports et d'estimations d'experts. En l'absence de recueil systématique de données, ces éléments sont incomplets, imprécis voire inexacts."988 En 1989, le Service des Technologies Propres et des Déchets du Ministère de l'Environnement constate dans son rapport annuel que "les seules données statistiques globales disponibles au niveau national le sont par le biais d'inventaires menés entre 1973 et 1979." souligne "l'imprécision des méthodes employées" et affirme : "Quant au chiffre souvent cité de 2 millions de tonnes par an de déchets toxiques et dangereux, il semble avoir été arbitrairement choisi à partir de cette synthèse."989 En 1991 le PDG de Rhône-Poulenc soutient dans son rapport que "la première nécessité est de disposer d'indicateurs précis et fiables qui nous permettent de dire où l'on en est vraiment"990. La même année, le Directeur de l'Agence de l'Eau Rhin-Meuse souligne la "connaissance incomplète du flux de déchets"991. En 1992, M. Pecqueur, Président de la Commission environnement du CNPF renchérit sur ce point : "Dans ce domaine, le premier problème, la première priorité est d'améliorer la connaissance des flux de déchets. On se base en effet sur des enquêtes du milieu des années soixante-dix..."992

Face à une telle unanimité, on ne peut que s'interroger : comment en est on arrivé là, après quinze ans d'application des lois de 1975 et 1976 et alors qu'un dispositif de suivi des déchets dangereux est en place depuis 1985 ? Qu'a-t-on fait depuis lors ? La première question est pour nous la plus importante. On pourrait se contenter, en réponse, d'une sociologie des intérêts : les entrepreneurs industriels, individuellement ou collectivement, n'ont aucun intérêt (économique) à rendre publiques des informations susceptibles de justifier la mise en place de mesures contraignantes pour l'élimination de ces résidus mais ont clairement intérêt par contre, pour éviter cette issue, à s'empresser de produire eux-mêmes des données officielles adéquates, ne justifiant pas une aggravation des contraintes réglementaires. L'argument est faible moins parce qu'il réduit l'intérêt de l'acteur au gain financier à l'exclusion d'autres types de motivations - un industriel peut aussi avoir le souci de l'environnement - que parce qu'il occulte le fait que dans d'autres domaines - pensons à l'impôt sur le revenu - l'administration est également confrontée à des acteurs qui n'ont pas intérêt à lui transmettre les informations nécessaires pour fonder son action et arrive néanmoins à obtenir, pour une large part, celles dont elle a besoin.

Notre hypothèse d'interprétation est celle d'une relation étroite entre le système de gouvernement partenarial mis en place dans ce secteur et l'incapacité des services administratifs à obtenir les informations nécessaires à la production de statistiques fiables. L'ensemble des dispositions juridiques qui instituent ce système de gouvernement, l'ensemble des facteurs sociaux qui garantissent la pérénité de son caractère partenarial, constituent autant d'obstacles à l'obtention d'informations pertinentes sur les réalités sociales et matérielles dont il est question et permettent de comprendre ainsi, d'une part, l'absence, aujourd'hui encore, de tout système tendant à un suivi administratif exhaustif de ces résidus (§1) et, d'autre part, le choix politique implicitement fait de répondre aux besoins de statistiques officielles en sous-traitant au secteur privé la production de ces données (§2).



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