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Première partie : une politique partenariale "modèle"  La politique Semeddira (1975-1996)



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Première partie :
une politique partenariale "modèle" 
La politique Semeddira (1975-1996)

Sur l'ensemble des actions entreprises par les pouvoirs publics depuis vingt ans en matière de gestion des résidus industriels dangereux, la "politique Semeddira" pour d'implantation de décharges de classe 1, réservées aux "déchets spéciaux", apparaît rétrospectivement comme la plus volontariste qui ait été menée dans ce domaine. L'argumentaire officiel de cette politique peut schématiquement être présenté ainsi :



Les déchets industriels posent un problème d'élimination. Ce problème résulte essentiellement d'un manque de décharges satisfaisantes, particulièrement dans une région industrialisée comme Rhône-Alpes. Les industriels étant tentés, face aux coûts des retraitements, de se débarrasser de leurs déchets dans de mauvaises conditions il convient d'implanter de nouvelles décharges. Les difficultés d'implantation de ces nouvelles décharges sont liées aux oppositions des populations locales face aux initiatives privées. Une intervention publique est nécessaire pour résoudre le problème et permettre ces implantations. Cette intervention publique doit être conduite au niveau régional, être assurée par une coalition regroupant l'Etat, les industriels et les collectivités territoriales et prendre la forme d'une société d'économie mixte chargée de trouver les sites, d'étudier les conditions d'exploitation, et les compensations apportées aux collectivités d'accueil. L'exploitation de la décharge sera confiée à une société privée 175.

A la fin des années 1970, avec la mise en oeuvre progressive des lois de 1975 sur l'élimination des déchets et de 1976 sur les installations classées, les déchets industriels deviennent plus visibles, les difficultés pour leur élimination aussi. Durant cette période le problème des déchets industriels est défini nationalement comme étant celui de leur mise en décharge contrôlée. La circulaire ministérielle du 26 juin 1980 illustre parfaitement cette orientation dont les dispositifs les plus urgents et les plus concrets concernent le stockage. Pour le ministère il s'agit en effet de lutter contre la dissémination des "déchets générateurs de nuisances" 176 et contre les décharges sauvages 177. Pour les industriels "d'éviter des traitements coûteux (...) en procédant à une mise en décharge contrôlée" 178 : tel est l'objet de la circulaire du 22 janvier 1980 qui précise dans quels cas cela est possible. Les préoccupations liées à la protection de l'environnement et les intérêts économiques semblent donc coïncider. L'implantation de nouvelles décharges est alors présentée comme la principale solution, sinon la seule, au risque de dissémination des déchets 179. Cette solution devient ainsi un objectif prioritaire et la politique Semeddira, en tant que projet-pilote, une politique centrale dans le secteur.

Un modèle normatif pour les acteurs et expérimental pour les observateurs

La politique élaborée dès la fin des années 1970 au niveau national pour mettre en oeuvre cette solution devait être conduite d'abord dans trois régions françaises : Rhône-Alpes, Aquitaine et Nord-Pas de Calais180. C'est seulement dans la première qu'est expérimenté pendant plus de quinze ans un dispositif destiné à être généralisé ultérieurement à l'ensemble des régions françaises. En 1989 le Ministre de l'environnement, Brice Lalonde, confirme les orientations du début des années 1980 en faisant adopter par le Conseil des Ministres l'objectif d'implanter au moins une décharge de ce type par région. L'expérience rhonalpine se présente donc comme un modèle pour la plupart des acteurs du secteur de l'environnement industriel. En ce sens, le modèle est un exemple à imiter, une démarche à suivre réputée pour ses qualités au regard de l'objectif mis en valeur : associer par la négociation l'ensemble des intérêts concernés. Les conclusions du Député M. Destot, dans le seul rapport parlementaire écrit sur les résidus industriels durant les quinze dernières années, reflètent ainsi, en 1990, une opinion très largement partagée :



"Votre rapporteur tient à souligner une nouvelle fois le caractère réellement exemplaire de la démarche actuelle de la Semeddira. “Tête chercheuse” de l'ANRED, du Ministère de l'Environnement, de la région... dans le domaine de la maîtrise des déchets industriels, elle a bien sûr “essuyé les plâtres”. Votre rapporteur recommande que l'expérience de la Semeddira soit généralisée aux autres régions françaises, seules ou en groupement. La Semeddira est un modèle de partenariat qu'il convient d'affermir et de développer."181

Le consensus nationalement affiché sur les vertues de ce modèle fut tel que son étude a une portée générale. Cette politique est exemplaire notamment en ce qui concerne les représentations sociales et les valeurs qui la sous-tendent notamment l'extrême valorisation de la négociation.

La politique Semeddira se présente également comme un modèle du genre d'innovations évoquées par le diagnostic global du phénomène partenarial rendant compte du déclin des formes classiques de gouvernement et de l'émergence des actions négociées, souples, associant de manière consensuelle des acteurs de toutes catégories statutaires. La politique Semeddira est une politique officiellement partenariale, justifiée par la volonté de ne pas imposer mais de négocier et fondée sur le recours systèmatique et ostentatoire aux AGC associant d'abord l'Etat et les industriels puis certaines collectivités locales ainsi qu'un ensemble d'acteurs aux motivations et compétences diverses (autres organismes publics, scientifiques, consultants, associations...). Pour des raisons que nous éluciderons, il n'a jamais été sérieusement envisagé de recourir aux attributs classiques de la puissance publique pour atteindre l'objectif visé 182. Au contraire, des AGC multiples et diverses sont impulsées : préliminaires et consultations politiques, missions d'étude consultatives, initatives privées dites spontanées mais négociées en fait avec les pouvoirs publics, conventions juridiquement indéfinies et fortement médiatisées, avenants spécifiques aux contrats de plan Etat-Région, société d'économie mixte, associations mixtes financées par fonds privés et publics, réseaux partenariaux, comités consultatifs auprès de telle ou telle autorité... Toute la gamme des AGC est mobilisée pour atteindre un consensus très large entre l'ensemble des intérêts concernés. Si, comme l'affirme Max Falque, "la tâche prioritaire est l'expérimentation afin de faire face, le moment venu, à l'inévitable déclin du système de régulation centralisé et autoritaire"183 alors la politique Semeddira remplit parfaitement cette tâche et peut être considérée expérimentation de ce genre.

Politique partenariale, délibération politique et représentation des intérêts

La solution partenariale soulève un certain nombre de problèmes relatifs aux conditions de la délibération politique telle qu'elle a été définie. Nous nous sommes interrogés sur les formes qu'elle prend en ce qui concerne la politique Semeddira. Où ont lieu les confrontations d'idées et d'arguments ? Qui peut y participer et qui ne le peut pas ? Selon quelles règles se déroulent-elles ? Quelle publicité est donnée aux diverses propositions exprimées ? Comment sont rendus les arbitrages décisionnels entre des positions alternatives ou contradictoires ? Comment peuvent être amendées les décisions prises ? Plus généralement, quelles garanties de régularité et de lisibilité offrent les AGC en tant que processus de choix politique ? Dans quelle mesure est-il possible de connaître et de discuter la façon dont s'est construite l'orientation donnée à l'action publique dans ce cadre ? Qu'elles peuvent être les conséquences politiques et institutionnelles à long terme d'une multiplication et d'une systématisation du recours aux AGC sous forme de politiques partenariales ?

L'étude montrera que le débat politique régional verse alternativement soit sur la pente des "délibérations confinées" aux cercles des acteurs centraux (1980-1989 et 1990-1993, 1996), soit sur celle des "controverses ponctuelles" impliquant un nombre beaucoup plus important d'acteurs (automne 1989 et hivers 1993-1994). Ces deux modèles de débat politique peuvent être distingués à l'aide de cinq variables:

1/ le nombre et les catégories d'acteurs impliqués dans les débats: un nombre limité d'acteurs interviennent dans les délibérations confinées tandis que la controverse se traduit par l'irruption massive de nouveaux venus.

2/ Les types de forums où ont lieu les débats: d'un côté les informations circulent par des réseaux d'organismes dans des cercles restreints, de l'autre ont lieu des confrontations publiques par voie de presse.

3/ Les modèles de conduite des débats : dans un cas chacun privilégie la formation d'un consensus sur l'expression ouverte des différences et des positions dissidentes (l'ajustement mutuel) dans l'autre les prises de positions publiques radicales sont courantes (la polémique).

4/ Les enjeux objets de débats : une fois définis (au tout début des années 1980 par des instances ministérielles et des représentants d'industries), les principes centraux de l'argumentaire de projet ne sont jamais remis en question dans la délibération confinée tandis que la controverse remet en cause l'ensemble de l'argumentaire y compris, et parfois surtout, dans ses éléments les plus fondamentaux.

5/ Les conclusions des débats : une forme de débat débouche sur des décisions collectives traduisibles immédiatement en actes concrets ou sur des non-décisions; l'autre forme est essentiellement destructive et ne débouche, dans l'immédiat, sur aucun projet alternatif.

Le problème général auquel on est confronté est celui de la mise en relation éventuelle entre ces deux types de débat politique. Cette relation pourrait être liée aux caractéristiques de toute politique partenariale : celle-ci affiche une ambition (associer à la négociation les différents intérêts concernés) toujours susceptible de lui être retournée dès lors que certains intérêts considéreraient avoir été exclus, sciemment ou non, du processus de délibération politique. Un tel écart entre la finalité intégrative de la politique partenariale et la réalité discriminante du processus de délibération politique sera nommée "distorsion de représentation" (chapitre 1). De ce point de vue, les controverses publiques peuvent être interprétés comme des "effets de résurgence", des réapparitions inattendues et violentes d'acteurs et d'intérêts tenus à l'écart des "délibérations confinées" (chapitre 2). L'effet de résurgence ne sera pas présenté comme une conséquence nécessaire de la distorsion de représentation : celle-ci aurait pu passer inaperçu et la résurgence des tiers-exclus dans le jeu politique ne pas avoir eu lieu. En revanche, la distorsion de représentation semble accompagner toute politique partenariale : l'extrême valorisation de la négociation, la volonté de ne rien fixer a priori dans des règles de procédure, le souci de l'efficacité à tout prix conduit les promoteurs d'une politique partenariale à prendre des décisions en cercles restreints et à huis-clos. Ils se trouvent alors en situation d'orienter à leur avantage le processus de délibération politique. Même lorsque le partenariat est une fin en soi, il y a toujours, dès l'origine et tout au long du processus d'une politique partenariale certains intérêts privilégiés.



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