NATIONS UNIES UNITED NATIONS HAUT COMMISSARIAT AUX DROITS DE L’HOMME HIGH COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS Bureau en Mauritanie Mauritania Office
المتحدة الأمم
موريتانيا في لإنسانl لحقوق السامية المفوضية
Rapport de la Mission d’établissement des faits
du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies
aux Droits de l’Homme en Mauritanie
15-16 novembre 2014
TABLE DES MATIERES
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Résumé exécutif____________________________________________
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Introduction et mandat ______________________________________
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Méthodologie ______________________________________________
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Cadre juridique
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Contexte __________________________________________________
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Chronologie des événements _________________________________
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Parcours de la caravane avant le 11 novembre _________________________
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Arrivée de la caravane aux environs de Rosso le 11 novembre _____________
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Traitement et conditions de détention des détenus
pendant les gardes à vue ______________________________________________
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Arrestations en marge des événements de Rosso _________________________
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Fin de la garde à vue des 10 détenus arrêtés le 11 novembre et
conditions de détention à la prison civile de Rosso__________________________
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Observations______________________________________________
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Observations relatives aux événements précédant
le départ de la caravane_______________________________________________
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Le droit de réunion pacifique __________________________
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La liberté d’association ___________________________________________
B. Observations relatives à la dispersion de la caravane
et à l’intervention des forces de l’ordre__________________________________
C. Observations relatives au traitement des participants à la caravane
au moment de l’arrestation et pendant les gardes à vue _____________________
D. Observations relatives au traitement et aux conditions de détention
à la prison civile de Rosso ____________________________________________
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Recommandations ________________________________________
A. Respect et protection du droit de réunion pacifique et
de la liberté d’association_____________________________________________
B. Amélioration des conditions de détention et du traitement des détenus __________
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Annexes _________________________________________________
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Résumé exécutif
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Le 7 novembre, une caravane organisée par l’ONG Kawtal Yellitare (Agir pour l’Education et le Travail pour le Progrès) quittait Boghé (région de la Brakna) pour Rosso (région de la Trarza), en vue de sensibiliser la population sur le droit foncier, l’état civil et la lutte contre l’esclavagisme foncier. Le même jour, le Hakem de Boghé a notifié l’organisateur de la caravane qu’il lui était ordonné de surseoir à l’activité sur décision du Waly de la Brakna. La caravane a néanmoins poursuivi son itinéraire vers Rosso. Le 10 novembre, les participants à la caravane ont été notifiés de la décision du Waly de la Trarza d’interdire la caravane.
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Malgré l’interdiction, la caravane a pris le chemin de Rosso le matin du 11 novembre 2014. L’entrée de la ville leur a été barrée par la gendarmerie et la police de Rosso. Suite à un dernier avertissement verbal du Hakem de Rosso qui n’aurait pas été suivi d’effet, les forces de l’ordre sont intervenues pour disperser les participants à la caravane. Elles ont alors arrêté 10 participants dont certains ont plus tard allégué avoir été victimes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants1 au moment de leur arrestation et lors de leur détention.
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Les 15 et 16 novembre 2014, le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme en Mauritanie (BHCDH) a mené une mission préliminaire d’établissement des faits pour se pencher sur les allégations de violations des droits de l’homme commises au cours et à la suite de la dispersion d’une caravane contre l’esclavage foncier, le 11 novembre 2014 à Rosso. Cette initiative du HCDH fait suite à la demande expresse du Gouvernement de la République Islamique de Mauritanie de faire la lumière sur les circonstances de l’incident et sur les allégations de torture qui ont suivi, en vue de la rédaction d’un rapport accompagné de recommandations.
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Sur la base de son enquête préliminaire et des entretiens réalisés, le BHCDH n’a pas constaté l’existence d’éléments constitutifs de torture au sens de la Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants2.
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En outre, lors de sa visite à Rosso soit respectivement quatre et cinq jours après la dispersion de la caravane, le BHCDH n’a pas constaté de plaies ouvertes ou de blessures visibles à l’œil nu sur les personnes ayant allégué des mauvais traitements au moment des arrestations ou du transport vers les lieux de détention. Toutefois, le BHCDH souligne que l’absence de constatations de plaies visibles ne peut constituer à elle seule la preuve de la non occurrence de mauvais traitements. Il estime ne pas avoir eu d’éléments suffisants pour vérifier l’existence ou non des allégations formulées à ce sujet..
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Ainsi, le BHCDH s’inquiète des informations suggérant que certains détenus se seraient vu refuser l’accès à un médecin pendant la garde à vue malgré les standards internationaux applicables en Mauritanie et les dispositions du Code de procédure pénale à ce sujet. Il s’inquiète également et en dépit des dispositions du Code de procédure pénale mauritanien, de l’absence de rubrique relative à l’état sanitaire et physique des détenus et à l’alimentation qui leur est fournie dans le registre de la brigade de la gendarmerie où se sont déroulées certaines gardes à vue.
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Concernant le recours à la force pour disperser la caravane, le BHCDH n’a pas obtenu d’informations suffisantes pour vérifier s’il a été nécessaire et proportionné ou non au regard du comportement des participants. Le BHCDH rappelle que lorsque les responsables de l’application des lois interviennent dans le but de maintenir ou rétablir l’ordre dans le cadre d’un rassemblement non violent, ces derniers doivent s'efforcer de disperser le rassemblement sans recourir à la force. De même, le Bureau rappelle que toute personne qui prend part à une réunion publique doit se comporter conformément aux dispositions de la loi, de façon pacifique et sans violence.
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Concernant le respect et la protection de la liberté de réunion, le BHCDH a constaté que les dispositions de la loi n°73-008 sur les réunions publiques sont méconnues ou sujettes à différentes interprétations de la part des autorités et de la société civile. Ces divergences portent notamment sur le régime applicable i.e. simple déclaration ou demande d’autorisation ; les motifs justifiant une interdiction ; et le moment de la notification de l’interdiction. Le BHCDH a constaté que les interdictions de la caravane ont été motivées en des termes généraux et notifiés dans un délai qui paraît insuffisant. En parallèle, les organisations de la société civile ont semblé interpréter le silence initial des autorités et le laisser-faire dont ils ont bénéficié jusqu’au 10 novembre comme une autorisation implicite de la part des autorités administratives.
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Concernant la liberté d’association, les autorités judiciaires ont opté de poursuivre les militants de l’IRA notamment pour leur participation au fonctionnement d’une association sans autorisation. Ce chef d’inculpation est prévu par la loi sur les associations toutefois le BHCDH a constaté que certaines associations mauritaniennes n’arrivent pas à obtenir l’autorisation requise en vertu de la loi faute de réponse à leur demande de la part des autorités. Il s’agit notamment du cas de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA) qui en a fait la demande en 2010 mais n’a pas reçu de réponse à sa demande d’autorisation. Elle n’a donc pas de reconnaissance légale au sens de la loi mais bénéficie d’une certaine tolérance des autorités depuis sa création. Le BHCDH a constaté que cet état de fait favorise une application arbitraire de la loi sur les associations et peut constituer une entrave à la liberté d’association au regard des normes internationales des droits de l’homme applicables en Mauritanie.
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Sur la base de ces observations, le BHCDH a formulé des recommandations à l’intention du Gouvernement de la République Islamique de Mauritanie. Celles-ci ont trait notamment à une révision en profondeur du cadre législatif et réglementaire encadrant le droit de réunion pacifique et de la liberté d’association en vue d’assurer leur conformité aux standards internationaux des droits de l’homme. L’amélioration des conditions de détention fait aussi partie des actions prioritaires identifiées, en particulier la garantie de l’accès aux soins de santé aux personnes gardées-à-vue.
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Par ailleurs, le BHCDH recommande la mise en place et/ou le renforcement d’un mécanisme d’enquête indépendant au sein des forces de l’ordre susceptible d’établir les faits et responsabilités en cas de manquements à leurs devoirs.
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Introduction et mandat
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Lors d'une rencontre avec le Chef du BHCDH en Mauritanie le 15 novembre 2014, le Premier Ministre a demandé au BHCDH d'établir les faits de l'incident survenu le 11 novembre à Rosso, en particulier des allégations de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants formulées par certains des détenus, et de fournir au Gouvernement un compte rendu écrit de ses observations et recommandations en vue de prévenir des situations similaires à l'avenir et de continuer à améliorer le respect des droits de l'homme.
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Cette demande s’inscrit dans le cadre du mandat global du BHCDH qui est de promouvoir et protéger la jouissance effective par tous de tous les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux3.
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L’Accord de siège conclu entre le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme et la République Islamique de Mauritanie en 2010 précise les fonctions du BHCDH. Ce dernier a pour mission de conseiller et d'assister les autorités mauritaniennes sur les stratégies, les programmes et les mesures à mettre en œuvre pour promouvoir et protéger les droits de l'homme en Mauritanie. L’une de ses fonctions principales est également de suivre attentivement la situation des droits de l’homme à travers tout le pays et d’assister le Gouvernement dans la mise en œuvre des recommandations formulées dans les différents rapports nationaux et internationaux.
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Méthodologie et limites inhérentes au rapport
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Lorsqu’il a pris connaissance de l’interdiction faite à la caravane sur le droit foncier et contre l’esclavagisme foncier d’entrer à Rosso le 10 novembre, le BHCDH a commencé à suivre la situation à partir de Nouakchott. Il a contacté le procureur de la République de Rosso et échangé par téléphone avec des membres de l’IRA et d’autres organisations de la société civile afin d’éclaircir le déroulement des événements et faire le suivi des allégations de torture.
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Le BHCDH a envoyé deux spécialistes des droits de l’homme à Rosso les 15 et 16 novembre 2014. Sur place, le BHCDH a rencontré le Procureur de la République de Rosso, le Commandant de la Gendarmerie de Rosso, le Responsable de la brigade de la gendarmerie, le Directeur régional de la Sûreté nationale4 et les 12 personnes détenues pour des faits liés à l’incident de Rosso. Dans le cadre de sa mission, le BHCDH s’est également déplacé sur les lieux où les forces de l’ordre sont intervenues pour disperser la caravane.
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L’équipe du BHCDH comportait une personne parlant couramment le Hassanya. Les questions étaient posées soit directement en Hassanya, soit posées en français suivi d’une traduction. Tous les entretiens se sont déroulés majoritairement dans cette langue locale5 à l’exception de celui de M. Biram Dah Abeid, président de l’IRA, qui s’est déroulé en français. Les traductions du Hassanya vers le français ont été assurées par le BHCDH, excepté les entretiens de quatre détenus qui ont préféré que celles-ci soit assurées par le vice-président de l’IRA, M. Brahim Ould Bilal.
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Les 10 rencontres réalisées dans des lieux de détention (huit à la prison civile de Rosso et deux au commissariat de police de la ville), le BHCDH a conduit les entretiens hors de portée de l’écoute des agents chargés de l’application des lois ou de la surveillance des prisons. Lors des entretiens réalisés à la prison civile de Rosso, chaque détenu a été rencontré individuellement – hormis les personnes dont l’entretien était traduit par le vice-président de l’IRA. Les deux personnes en garde à vue au commissariat de police de Rosso ont été rencontrées ensemble, l’un s’exprimant en français, l’autre en Hassanya.
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Les deux personnes placées sous-contrôle judiciaire le 14 novembre ayant regagné la capitale au moment de la mission, un spécialiste des droits de l’homme du BHCDH les a rencontrées le 16 novembre au siège du BHCDH.
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De manière générale, le présent rapport est fondé sur des informations recueillies auprès de témoins directs de l'incident ainsi que des constats réalisés par la mission du BHCDH lors des visites des différents lieux qu’elle a effectuées à Rosso. Par ailleurs, ce rapport utilise délibérément la terminologie de « témoins » et de « témoignages » par souci de protéger et d’assurer la sécurité des sources..
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Le présent rapport est un document préliminaire fondé à la fois sur la visite de deux jours à Rosso et sur les informations et les données recueillies et recoupées par le BHCDH dès le 11 novembre 2014 auprès de diverses sources à partir de Nouakchott. Le BHCDH n’ayant pu vérifier le fondement de toutes les allégations reçues, des missions, entretiens et/ou recherches complémentaires s’avèrent nécessaires. Selon des allégations attribuées à l’IRA, le Dr. Saad Souleyd aurait été victime de torture et n’aurait pu avoir accès à ses médicaments pour le diabète. Toutefois, d’après les autorités, ce dernier aurait reçu ses médicaments et son alimentation de la part d’un membre de sa famille dès le premier jour.
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Mme Dieng et le Dr. Louleyd sont incarcérés depuis le 17 novembre respectivement à la prison pour femmes de Sebkha et de Dar Naïm. Au moment de la finalisation du présent rapport, le BHCDH n’avait pas encore entrepris de démarche pour prendre directement contact avec les deux personnes concernées.
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Cadre juridique
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En République Islamique de Mauritanie, les droits de l’homme sont protégés par plusieurs instruments internationaux ratifiés par le Gouvernement mauritanien tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques6 (PIDCP), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels7 (PIDESC), la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants8 (CAT) et son Protocole facultatif9 qui prévoit notamment la mise en place d’un mécanisme national de prévention de la torture (MNP), la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des Femmes (CEDEF), la Convention relative aux droits de l’Enfant (CDE) et la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP).
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Bien que la plupart de ces textes internationaux n’aient pas encore fait l’objet d’une publication officielle conformément à l’article 80 de la Constitution mauritanienne, qui dispose que : « les traités internationaux dûment ratifiés et publiés ont une force supérieure à la législation nationale », le Gouvernement mauritanien n’a pas remis en cause leur applicabilité sur cette base auprès de mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme tels que les organes de traité. Ils sont donc considérés comme faisant partie intégrante de l’arsenal juridique mauritanien.
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D’autres instruments pertinents notamment relatifs au traitement des détenus ont été adoptés par les Nations Unies. Ces derniers définissent des minima acceptables en matière de conditions de détention qui s’appliquent à toutes les catégories de détenus. Ces standards doivent être appliqués sans distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Il s’agit notamment de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, des Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus; du Code de conduite des Nations Unies pour les responsables de l’application des lois; et de l’Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement.
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Si ces textes n’ont pas de valeur contraignante en soi, la plupart des principes et standards qu’ils énumèrent, sont considérés comme faisant partie du droit coutumier international. A ce titre, ils fixent des minima en matière de traitement et de conditions de détention auxquels tous les Etats sont tenus de se conformer.
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La Constitution de la République Islamique de Mauritanie de 1991 révisée en 2006 et 2012, consacre également les droits de l’homme. A l’alinéa trois du Préambule, la Constitution stipule que : « …le peuple mauritanien proclame, en particulier, la garantie intangible des droits et principes suivants : le droit à l’égalité, les libertés et droits fondamentaux de la personne humaine… ». Elle réprime et considère comme crime contre l’humanité, la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants et garantit l’inviolabilité de la personne humaine10. Par ailleurs, la Constitution garantit et protège également la liberté de réunion et la liberté d’association11.
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Contexte
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Depuis l’ouverture de son Bureau dans le pays en décembre 2010, le BHCDH a observé des progrès significatifs en matière de protection des droits de l’homme dans les domaines législatif, politique, structurel et social. Parmi les mesures principales entreprises par le Gouvernement figure l’adoption d’une feuille de route pour la mise en œuvre des recommandations12 de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris ses causes et ses conséquences en mars 2014 ainsi que le plan d’action qui l’accompagne en septembre 2014.
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Néanmoins, la société mauritanienne demeure, selon le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, profondément stratifiée selon l’ethnie, l’ascendance, la caste et la classe. Cette stratification, qui prend ses racines dans l’histoire, est à l’origine de tensions et de conflits latents qui deviennent parfois violents.13
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Selon le Rapporteur spécial, malgré des progrès visibles, les Haratines constituent le groupe le plus mal loti, en butte à la discrimination, à la marginalisation et à l’exclusion du fait de leur ascendance. Des pratiques discriminatoires analogues affectent, à divers degrés, les autres communautés afro-mauritaniennes, en particulier la minorité Wolof. Différentes organisations de la société civile, y compris SOS-Esclave et l’IRA, plaident en faveur de l'abolition de l'esclavage qui persiste de facto en Mauritanie14, notamment au détriment des Haratines.
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L’IRA a été fondée le 23 octobre 2008. D’après ses statuts, l’organisation a pour but la protection des droits de l’homme et la lutte contre l’esclavage, le racisme et la violence. Selon les informations dont dispose le BHCDH, l'IRA a déposé une demande d'enregistrement auprès du Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation en tant qu'association civile le 15 juin 2010. Cette demande n’aurait pas été traitée par les autorités et n’aurait pas fait l’objet d’une réponse officielle de la part des autorités. Or, la loi sur les associations15 dispose que toute association de personnes qui souhaite se former ou exercer ses activités doit obtenir une autorisation préalable du Ministère de l’Intérieur16. Ainsi, l’IRA ne dispose toujours pas d’une reconnaissance légale au sens de la loi sur les associations.
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Le 23 octobre 2014, lors de la prière du vendredi à la grande Mosquée de Nouakchott, des propos de la prêche de l’Imam ont fait réagir l’un des membres de l’IRA présent. Une altercation entre fidèles s’en est suivie et s’est soldée par l’intervention de la police qui a procédé à l’arrestation de trois membres de l'IRA. Ces derniers auraient été inculpés pour « atteinte à l'islam» et «atteinte à l’ordre public». Les jours qui ont suivi l’incident du 23 octobre 2014, l’IRA a organisé des manifestations quotidiennes devant le Palais de Justice pour protester contre les déclarations de l’Imam et les arrestations de leurs membres.
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A différentes reprises, les problématiques de l’esclavage et du passif humanitaire ont ravivé la question de l’unité nationale dans le débat public. Ce débat est par ailleurs sous-tendu par la question de la réforme foncière. En 1983, le Gouvernement a adopté une législation sur celle-ci notamment dans le but «de mettre en valeur des terres pour la production agricole17». Selon la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, la loi a également suscité le mécontentement de communautés qui, « en conformité avec leurs coutumes, sont opposées à la propriété et à la vente individuelles des terres18 ». Cette situation génère des frustrations qui sont souvent à l’origine de conflits sociaux.
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Le 7 novembre, une caravane organisée par l’ONG Kawtal Yellitare (Agir pour l’Education et le Travail pour le Progrès) quittait Boghé (région de la Brakna) pour Rosso, en vue de sensibiliser la population sur le droit foncier et la lutte contre l’esclavagisme foncier. Elle devait prendre fin à Rosso le 11 novembre avec la remise d’un cahier de doléances au Waly (gouverneur) de la région. Le 11 novembre 2014, la gendarmerie et la police de Rosso, se fondant sur l’interdiction du Waly de la Trarza notifiée par écrit aux organisateurs de la caravane le 10 novembre, intervenaient pour disperser les participants. Les forces de l’ordre ont alors arrêté 10 participants dont certains ont plus tard allégué avoir été victimes de torture et de mauvais traitements au moment de leur arrestation et lors de leur détention aux mains des gendarmes et de la police.
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En outre, dans la soirée du 11 novembre, une manifestation de soutien au président de l’IRA et aux membres arrêtés, s’est déroulée aux abords du siège de l’IRA à Nouakchott. A cette occasion, le Dr. Saad Louleyd, conseiller et porte-parole de IRA, a été arrêté par la police et a été par la suite inculpé pour attroupement, incitation à l’attroupement, propos racistes et appartenance à une association non autorisée. Cette arrestation a été suivie de la fermeture du siège de l’IRA au motif qu’il s’agit d’une association sans reconnaissance légale. Selon les autorités, Mme Marième Mint Cheikh Dieng, secrétaire particulière et chargée du protocole de M. Biram Dah Abeid fut arrêtée le 12 novembre et inculpée pour attroupement, incitation à l’attroupement, propos racistes et appartenance à une association non autorisée. Elle serait venue aux abords du siège de l’IRA accompagnée d’un groupe de militants pour dénoncer la fermeture du Bureau de l’IRA. Ceci aurait par la suite provoqué de nouveaux heurts entre les militants de l’IRA et les forces de l’ordre à Nouakchott, qui ont entraîné la fermeture des marchés de la capitale et de la polyclinique à Nouakchott.
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Les jours qui ont suivi la dispersion de la caravane, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) mauritaniennes et internationales, dont l’IRA, SOS esclave et Amnesty International ont publié des communiqués dans la presse, certaines invoquant des allégations de torture infligée à des personnes détenues et d’atteintes à la liberté d’association.
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Il importe de noter que la Mauritanie a déjà eu à faire face à des allégations de violations des droits de l’homme en lien avec l’exercice du droit de réunion publique et la liberté d’association19. De même, la problématique des conditions de détention fait partie des préoccupations récurrentes en matière de droits de l’homme20. En effet, dans ces observations finales concernant le rapport initial de la Mauritanie en 2013, le Comité des droits de l’homme s’est dit préoccupé par les informations faisant état de personnes tuées suite à la répression par les forces de sécurité, lors de différentes manifestations en 2011 et 2012 et l’absence d’informations concrètes et détaillées sur les enquêtes menées sur ces faits.21
Le Comité a également relevé avec préoccupation qu’au cours de rassemblements et de manifestations, des défenseurs des droits de l’homme et des manifestants sont menacés, intimidés ou harcelés par des membres des forces de sécurité ou de police. Il a été également noté les entraves à la création et à l’enregistrement de certaines organisations non gouvernementales ou associations. Le Comité des droits de l’homme s’est également dit préoccupé des dispositions relatives à la garde à vue prévus aux articles 57 à 60 du Code de procédure pénale, tant pour les infractions de droit commun que pour les infractions terroristes, qui ne sont, selon ses membres pas pleinement conformes aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
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Le Comité contre la torture, dans ses observations finales du rapport initial de la Mauritanie en 2013, a quant à lui noté avec inquiétude que ni la Constitution, ni le Code pénal, ni le Code de procédure pénale ne définissent la torture et ne l’incriminent comme un crime spécifique.22
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De plus, dans le cadre de l’exercice de l’examen périodique universel (EPU), la Mauritanie a accepté plusieurs recommandations ayant trait aux conditions de détention et au respect des libertés publiques23.
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