Congrès afsp 2009


I.2 La structuration du « parti dévot » contre les jansénistes et les parlementaires (1697-1715)



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I.2 La structuration du « parti dévot » contre les jansénistes et les parlementaires (1697-1715)

Ces querelles théologiques entre dévots devinrent peu à peu politiques, provoquant la formation de deux factions opposées. En 1697, Louis XIV accusa de quiétisme Fénelon, dévot très influent à Paris et à la Cour, et l’exila. Cette disgrâce était l’œuvre de deux dévots proches du Roi, anciens amis de Fénelon, devenus ses plus farouches adversaires : la marquise de Maintenon (« madame Louis XIV ») et le cardinal de Noailles (archevêque de Paris). Fénelon fit appel au pape qui, sommé par Louis XIV, le condamna23. Fénelon se soumit à la décision papale, alors qu’il n’avait pas cédé à Louis XIV24. Cette attitude de déférence vis à vis du Pape déplut fortement aux gallicans. En effet, le gallicanisme exigeait l’accord du roi et du clergé pour gouverner l’Eglise de France et, ainsi, limiter l’intervention papale25. Pour se défendre, Fénelon accusa, à son tour, ses ennemis dévots de jansénisme. Les conflits s’envenimant, la marquise de Maintenon voulut rester dans l’orthodoxie ; elle poussa Louis XIV à s’en prendre aux jansénistes dont elle avait été proche. Le Roi Soleil fit appel au pape pour condamner ce qu’il considérait comme une hérésie religieuse26. Le pape obéit en 1713, par la bulle Unigenitus27. Contrairement à Fénelon, les jansénistes ne se soumirent pas à la décision papale et s’unirent aux gallicans. En 1713, deux partis s’affrontaient : le « parti dévot » autour de Fénelon et de la marquise de Maintenon, deux anciens ennemis réunis contre le « parti janséniste », lui, structuré autour du cardinal de Noailles, des jansénistes et des gallicans.


Toujours sous couvert de gallicanisme, le « parti janséniste » s’étendit aux parlementaires. Sous l’Ancien Régime, les Parlements (dix-sept cours supérieures de justice réparties dans tout le Royaume) devaient enregistrer (c’est-à-dire inscrire sur un registre) les décisions royales ou papales, avant de les faire appliquer dans l’étendue de leurs ressorts. Avant d’enregistrer, ils devaient vérifier la conformité avec les coutumes, les édits ou les ordonnances précédents. Ils pouvaient signaler les éventuels problèmes par des remontrances au roi. La bulle Unigenitus souleva un tollé, auprès des jansénistes, bien sûr, mais aussi auprès des magistrats des Parlements, gallicans qui voulaient défendre le Royaume contre les empiétements du pape. Le Parlement de Paris, par exemple, refusa d’enregistrer la bulle et multiplia les remontrances au Roi. Or, il avait le ressort le plus étendu du Royaume, couvrant, par exemple, les villes d’Arras, de Lyon, de Clermont-Ferrand ou de Poitiers. Fatigué des remontrances, le 20 août 1715, Louis XIV recourut au lit de justice, c’est-à-dire qu’il vint en personne dans son Parlement et repris la justice qu’il avait seulement déléguée28.
Cette fronde du parlement de Paris s’étendit à l’ensemble des autres parlements, cristallisant ainsi les rivalités entre « parti dévot » et « parti janséniste » dans tout le Royaume. Dix jours seulement après son recours au lit de justice, le 1er septembre 1715, Louis XIV mourut. Le jeune Louis XV, son arrière-petit-fils, n’avait que cinq ans. Traditionnellement, la Régence était exercée par la mère du Roi, jusqu’à ce que ce dernier devînt majeur. Mais la mère du jeune Louis XV était décédée dans l’hécatombe des années 1711-171229 ; le plus proche parent du jeune Roi était son oncle, devenu Philippe V, Roi d’Espagne, qui avait renoncé au trône de France. Pour éviter une nouvelle guerre de Cent ans qui se profilait, Louis XIV avait décidé, dans son testament, de former un conseil de Régence présidé par son propre fils illégitime, le duc du Maine, dévot protégé de la marquise de Maintenon30. Philippe d’Orléans était le plus proche parent légitime de Louis XV, après le Roi d’Espagne31. Le 2 septembre, il conclut un pacte avec le Parlement de Paris : ce dernier cassait le testament royal, en échange le Régent abrogeait la restriction de l’usage des remontrances prise par Louis XIV en 1673. A partir de 1715, les magistrats des Parlements avaient donc le droit de discuter, de faire des propositions d’amendements ; ils pouvaient empêcher l’application des lois politiques, économiques et religieuses. Ils devinrent des pions essentiels dans la lutte politico-religieuse à laquelle se livraient le « parti dévot » et son ennemi, le « parti janséniste », parti lui aussi mal nommé par l’historiographie puisqu’il regroupait les jansénistes, les gallicans et, désormais, la plupart des parlementaires. De là, toute l’élite du Royaume fut sommée de se mobiliser, car, dans ces familles de la noblesse de robe, un fils reprenait la charge héréditaire de magistrat du Parlement, l’autre devenait ecclésiastique, les puînés embrassaient la carrière des armes ; et les filles servaient de gages d’alliances avec d’autres familles.

I.3 Conséquences de ces conditions de naissance sur la vie interne du « parti dévot »


Les conditions de construction et de structuration du « parti dévot » retentirent sur son programme politique et sur son recrutement sociologique. Les dévots « politiques » du XVIe siècle s’étaient scindés en deux partis irrémédiablement opposés : « parti dévot » versus « parti janséniste ». Chacun se prétendait soumis au Roi et au Pape ; chacun se proclamait gallican ; chacun se proclamait catholique ; chacun se proclamait absolutiste. Mais les acceptions de ces termes différaient radicalement d’un parti à l’autre. Le « parti dévot » se soumettait aux décisions du Roi et du Pape dès lors qu’ils s’étaient exprimés. Il distinguait le temporel (le Roi possède l’autorité suprême) du spirituel (le Pape possède l’autorité suprême). Le « parti janséniste » s’opposa à la bulle Unigenitus, pour des raisons différentes. Les jansénistes refusaient de se soumettre au Pape et au Roi, car ils soutenaient que la bulle Unigenitus condamnait des propositions injustifiées et tronquées. Les « gallicans ecclésiastiques » pensaient que le concile national (c’est-à-dire la réunion des représentants de l’Eglise de France) devait décider de la validité de la bulle. Les « gallicans parlementaires » soutenaient que les Parlements devaient conseiller le Roi, car ils représentaient la nation en l’absence de réunion des Etats Généraux ; ils devaient défendre les droits de la France contre Rome, quitte à s’opposer au Roi.
Les membres du « parti dévot » et du « parti janséniste » étaient issus de la même matrice des dévots politiques. Sociologiquement, ils appartenaient à la noblesse, à l’élite de la société ; ils travaillaient au service du Roi, aussi bien à la Cour qu’aux armées, aux Parlements et autres cours royales de justice que dans les provinces (intendants, gouverneurs) ou dans l’Eglise de France. Ces partis étaient, en réalité, des factions. En effet, l’appartenance au parti se transmettait de génération en génération, dans certaines familles. La figure 1 présente l’exemple de la famille Lamoignon, aux XVIe et XVIIe siècles. En grisés apparaissent les individus appartenant aux dévots politiques : toute la famille Lamoignon appartenait au parti, jusqu’aux belles-familles. Premier Président du Parlement de Paris, Guillaume Ier de Lamoignon fut l’un des principaux dévots raillés par Molière, qui plaça certaines de ses célèbres répliques dans la bouche de Tartufe. Son père et lui appartenaient à la Compagnie du Saint-Sacrement, qu’il défendit dans toute l’étendue de son pouvoir. Pourtant, tous deux se soumirent aux volontés royales, lors de la journée des dupes, lors de la suppression de la Compagnie ou lors du procès Fouquet. Ils fréquentaient les ordres fers de lance de la Contre-Réforme catholique : outre la Compagnie du Saint-Sacrement, les jésuites via notamment la Congrégation des Messieurs, les visitandines et les carmélites, où certaines des filles Lamoignon prirent le voile.

Les dévots politiques avaient aidé le pouvoir royal à mettre fin aux guerres de Religion. Ils formaient une faction, grâce à des alliances familiales endogamiques. Ils avaient des actions locales via des associations caritatives plus ou moins secrètes. Inquiet de leur pouvoir, Louis XIV alterna contre eux la politique de la carotte et du bâton, attisa les querelles jusqu’à scinder la « cabale des dévots » en deux factions rivales et opposées : le « parti dévot » contre le « parti janséniste ».


Ces deux factions avaient une existence autonome de celle des Rois ; leur durée de vie dépassait celle de leurs dirigeants32. Elles réunissaient, donc, deux caractéristiques des partis politiques. Il leur manquait des revendications exclusivement politiques, qu’elles conquirent au cours du XVIIIe siècle.

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