Documents de l’educateur 172-173-174 Supplément au n°10 du 15 mars 1983 ah ! Vous ecrivez ensemble ! Prat ique d’une écriture collective Théor



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« Ce n'est pas difficile d'écrire

Il faut laisser aller sa main

au départ, il n'est pas besoin

D'avoir même quelque chose à dire.
« Quand les Bretonnes se choisissent une peau pour leur visage, elles prennent toujours la taille en-dessous. Et les fronts lisses se bombent ; et les pommettes saillent ; et les bouches petites se ferment. »
« Le doux, le discret, le secret, l'indicible

A basse et intelligible petite voix

Voilà ce que je voudrais que vos doigts

Transmutent en beaucoup d'audible ».
Mais il n'y eut aucune réaction ; pas même de moquerie. Non, l'indifférence la plus absolue. Cela ne faisait pas mon affaire. Alors, j'imaginai de recopier des poèmes d'auteurs modernes. Mais ce n'était pas encore cela. Puis, j'essayai d'entraîner certains étudiants dans cette aventure. J'avais repéré ceux qui avaient réagi positivement à mon agression plénière. Et je réussis à les persuader d'afficher anonymement certains de leurs poèmes anciens à côté des miens. Peine perdue : la pompe refusait obstinément de s'amorcer. Aucun poème nouveau ne venait s'ajouter aux nôtres.
Il y eut cependant une réaction. Un jour, en consultant notre panneau, nous découvrîmes une plaquette de vers avec la mention suivante : « La poésie, ça s'édite et ça se vend. S'adresser à la porte 165. »
Cela ne manqua pas d'ajouter quelques brindilles supplémentaires au feu de ma colère. Mais rien ne se nouait pour autant : mes poèmes-à-terminer restaient en attente, mes commencements d'acrostiches séchaient sur pied, mes vers-à-trous ne se remplissaient pas.
Alors, je décidai de tenter un grand coup : moi, le nouveau, l'effarouchable, la sixième roue du carrosse, j'annonçai en plénière devant une cinquantaine d'adultes intimidants, l'ouverture d'un atelier pour non-poètes, à tel jour, telle heure, tel endroit.
Au jour prévu, dans une salle un peu retirée, j'attendais sans illusion le résultat de ma dernière proposition. Evidemment, personne à l'heure dite ! Une fois de plus, c'était râpé. Il allait encore falloir que j'invente autre chose. Malheureusement, mon imagination commençait à être au bout de son rouleau.
Mais, soudain, un pas se fit entendre à l'entrée du couloir. Encore quelqu'un qui s'était perdu ! Mais non, c'était bien pour moi. Un garçon se glissa dans la salle. Et nous restâmes là un moment, tous les deux, gênés par notre silence. Mais presque aussitôt, un couple arriva. Puis des isolés. Si bien qu'assez rapidement, on se trouva à dix autour d'une grande table. C'était plus qu'il n'en fallait pour commencer. Cependant, je continuais à me taire. Je n'y comprenais rien : j'étais comme paralysé. Mais qu'est-ce que j'attendais donc pour démarrer puisque l'initiative devait venir de moi ? C'est sans doute que je n'arrivais pas à y croire suffisamment. Ils étaient pourtant là, présents, vivants, sous mes yeux. Mais ce n'était pas possible ! Il y avait quelque chose de faussé dans le système. Il était évident que seule une curiosité malsaine pouvait être à l'origine de leur démarche. Oui, ils étaient simplement curieux de voir de plus près ce mec, cet opposant aux installés. Et, en outre, ils devaient avoir le secret espoir de le « voir se casser la gueule en beauté. »
Oui mais, si je me trompais ? S'ils ruisselaient intérieurement de bonne volonté et d'attente vraie ? Alors j'étais dans de beaux draps car tous mes ruisseaux de réponse étaient à sec. Je ne savais absolument pas par quel bout prendre la chose. Après tant d'échecs, je n'avais pas dû croire à la possibilité d'un succès de cette dernière tentative. Une fois de plus, plein d'insouciance infantile, j'avais dû me dire : « On verra bien sur place ». Et j'étais sur place ; et je ne voyais rien. Je me trouvais au pied du mur, le cerveau vide, démuni.
Heureusement, alors que mon esprit en panique commençait à chercher fébrilement une issue dans le labyrinthe obscur de mon cerveau une lueur apparut soudainement. Et l'on put enfin démarrer. Je venais en effet de me souvenir, juste à temps, d'une expérience que j'avais tentée en mai 68 avec une équipe sécurisante de camarades très fortement unis par des liens politiques, syndicaux, sportifs et pédagogiques, dans cette atmosphère d'explosion de tous les possibles.
Aussi, dans l'indigence extrême de toute solution où je me trouvais, je me précipitai sur mon idée de mai. Elle était d'ailleurs d'une très grande simplicité : puisqu'il fallait, à tout prix, empêcher les gens de retomber dans l'antique ornière de la peur des jugements, il était indispensable d'éviter les productions individuelles. Tout devait rester collectif pour que personne ne puisse se sentir repérable, donc responsable et donc, naturellement, coupable.
Je proposai :
« On prend une feuille et on y écrit un mot, n'importe lequel, le premier qui nous passe par la tête. Et on donne la feuillle au voisin de droite, qui écrit à son tour un mot et qui passe au voisin de droite, etc. On s'arrêtera quand les feuilles auront fait un tour... ».
Et chose curieuse, cela marcha. Le rapprochement inattendu de certains mots éveilla même quelques légers sourires. C'était gagné. Personne n'avait été traumatisé par cette première expérience. Et un soupçon de gaieté avait même flotté. Sans perdre une seconde, je proposai :
- Si vous voulez, on va essayer de recommencer. mais avec plusieurs mots cette fois-ci.
Ils voulurent bien. Et ce fut le départ définitif.
J'ai tenu à évoquer l'atmosphère d'incertitude du début de cette aventure d'écriture pour souligner la difficulté de la levée de la parole et comment il a fallu un certain concours de circonstances et un hasard heureux pour qu'on découvre une porte de sortie.
Si le lecteur était animé d'un souci identique de déblocage de la parole des autres et de la sienne propre - il pourrait s'intéresser aux tactiques et aux techniques que les étudiants de l'I.U.T.Carrières Sociales de Rennes et moi, nous avons mises au point au fil des années. Mais il faut qu'il sache également qu'on peut prendre avec bonheur d'autres chemins que les nôtres. Cependant il se peut - mais comment le savoir vraiment ? - que nos pratiques aient une valeur générale. Personnellement, j'ai pu tester la valabilité au cours de 800 séances de trois heures que j'ai animées dans les milieux les plus divers. En outre, beaucoup d'animateurs et d'enseignants ont pu vérifier sur le terrain, la justesse de certaines de nos solutions. Ce texte est également pour eux. Il pourrait leur donner le désir de reprendre le bâton de pèlerin de la parole libre. Car il n'est pas possible de s'arrêter à un seul type d'expérience : l'oppression de la parole est si généralisée qu'il faudrait que nous soyions une multitude à nous mettre en marche pour en soulever la chappe... Et pour transformer cette affreuse réalité de l'incommunication qui fait tant souffrir les êtres. Ce document n'est pas un condensé de tout ce qu'il faut savoir mais une provocation à poursuivre l'aventure et à en multiplier les effets de façon buissonnante. Il ne cherche pas à faire de littérature mais à en généraliser l'expérience. Il se veut pratique ou, plutôt, prat... théor..., prat... théor... ique.
LA SÉANCE INITIALE TYPE


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