Gaston Bardet


UTILISATION ET LIMITE DU GAYOGRAPHE



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UTILISATION ET LIMITE DU GAYOGRAPHE.


Muni de ce précieux instrument, on constate tout d'abord qu'avec le mode d'enregistrement utilisé, la manifestation - de caractère rythmique - s'inscrit sous forme d'un tracé ondulatoire, dont on peut étudier les différences d'amplitude, de longueur d'ondes, de morphologie. Observons tout de suite qu'au lieu du rythme moyen des ondes α, soit 10 à la seconde, nous obtenons pour le même état de relaxation une pério­dicité très longue d'environ 12 par minute, donc d'une toute autre espèce.

Plus précisément, chez des sujets normaux, les périodicités et la morphologie s'établissent ainsi suivant deux tableaux établis par MM. Caleb Gattegno et Alphonse Gay :

« - En sommeil profond, 5 périodes par minute, la manifestation est de caractère trochoïdal, avec des nœuds et des ventres comme une corde vibrante.

« - A l'état de veille, mais au repos complet, 12 périodes par minute, caractère sinusoïdal ou paraissant tel.

« - Veille mais avec sollicitation d'activité, 20 à 30 par minute, tendance cycloïdique.

« - Veille avec activité intellectuelle, cadencée, mais de mor­phologie fonction de l'activité intellectuelle. La périodicité pouvant se compter par seconde » 471.

« D'une manière générale, chez tous les sujets normaux, l'axe du tracé reste dans le champ de la caméra aussi long­temps que dure l'enregistrement.

Dans les cas pathologiques d'ordre psychiâtrique, les seuls étudiés à fond jusqu'à présent, on constate :

« - Pour un nervosisme latent, un ordonnancement harmonique instable, mais à grand axe constant avec des périodes de 30 à 70 par minute.

« - Dans l'anxiété permanente, un profil para-sinusoïdal avec des périodes de 5 à 20 par seconde.

« - Dans l'angoisse paroxystique, un profil anarchique avec des périodes de 20 par seconde et au-dessus.

« - Dans les états mentaux tels que la mélancolie, l'hypomanie, les délires paranoïdes, le profil est anarchique et les périodes supé­rieures à 30 par seconde,

mais ici encore le grand axe reste sensiblement rectiligne » 472.

Il semble, dès lors, déclare M. Gay :

a) que les périodicités rapides « refléteraient un état d'ac­tivité contrôlée si la manifestation est à caractère cadencé » ; un état d'ordre pathologique au contraire, « si la manifesta­tion a un caractère anarchique ne correspondant pas au ryth­me de l'activité ».

b) que les périodicités lentes « sembleraient réfléter plutôt les activités végétatives », ce que nous appellerions l'état de base du sujet.

L'expression de « reflet » employée est fort juste, car le gayographe ne peut enregistrer que les reflets du contenu psychosomatique ou simplement même psychologique si l'on admet, avec saint Thomas, que toute opération intellectuelle, même la plus élevée, exige toujours un recours au phantas­me, une répercussion physique, sensible, donc mesurable. C'est pourquoi l'appareil comporte des filtres susceptibles d'arrêter les fréquences élevées (appartenant à la mentalité pathologique ou contrôlée du sujet) pour ne laisser subsister que les périodicités lentes.

Plus précisément, la courbe obtenue comporte toujours trois éléments de lecture à distinguer dans les diagnostics.

a) le niveau même du courant (excitabilité 48 ou 55 par ex.)

b) les variations du niveau même de l'enregistrement et qui forment une ondulation longue : c'est à ce niveau qu'il faut chercher la stabilité diagnostique.

c) des variations rapides sur la courbe elle-même, qui pa­raissent traduire la composante psychique et en particulier l'émotivité » 473.

Quant aux morphologies il semblerait que : « la morpholo­gie symétrique, et régulière dans le temps, correspondrait à un état d'équilibre psychosomatique harmonieux ; une mor­phologie anarchique reflèterait un déséquilibre pathologique ou occasionnel : La possiblité pour le sujet de recréer une morphologie symétrique sur simple appel au calme étant le critère de ses facultés de contrôle » 474.

Le Docteur Vittoz détectait la manifestation sur le front, très probablement en raison de la table osseuse proche, qui sert de réflecteur au mouvement, mais celle-ci peut être dé­tectée par l'appareil, sur tous les points du corps. Elle est donc épisomatique comme on pouvait s'y attendre lorsqu'on n'imagine pas la pensée étroitement localisée dans le cerveau (comme trop de savants depuis Descartes), mais l'âme forme du corps, informant tout le corps.

On a donc pu rechercher à l'aide d'observations simultanées sur au moins trois points du corps s'il existait un « sens » de propagation et éventuellement si cette propagation se faisait à une vitesse constante ou non.

Voici le résumé des observations 475.

« - Tout état ou tout acte spontané dans lequel n'intervient pas de participation volontaire consciente s'exprime simultanément sur tout le corps 476.

« - Tout état ou tout acte consciemment voulu s'exprime par un déphasage de la manifestation qui, par ailleurs, reste identique à elle-même, entre la tête et les jambes par exemple. On peut donc admettre que dans ce cas, il y a propagation de quelque chose.

« - Tout « mouvement pensé » s'exprime par une manifestation à caractère spatialement vectoriel, orienté dans le sens du mouve­ment pensé.

« a) Ceci sur tout le corps si l'acte est spontané.

« b) Localement si l'acte est volontaire.

« - Tout état morbide s'exprime d'une manière analogue sur tous les points (les profils sont donc rigoureusement semblables entre eux), mais il n'y a pas simultanéité. Il y a donc ici encore propagation, mais nous ne connaissons pas encore avec précision les caractéristiques de ce déplacement ».

En bref, dans tout état spontané d'individus mentalement en bon équilibre, il y a simultanéité, dans tout état morbide (spontané de fait) il n'y a pas simultanéité.

L'application la plus détaillée, la plus poussé du gayogra­phe, par son auteur 477, a consisté jusqu'ici à vérifier l'action des remèdes homéopathiques aux Laboratoires P.H.R. de Lyon. Elle a montré « un parallélisme et une similitude d'ac­tion évidente entre le passage d'un courant continu et un re­mède homéopathique ».

Ces remèdes obtiennent, parfois en une demi-minute, un accroissement énergétique très considérable. Les diagrammes enregistrés permettent de calculer au moyen de l'analyseur automatique de l'Amirauté Britannique à Teddington ­construit par le cybernéticien Grey Walter - la nature éner­gétique de l'agent actif des remèdes homéopathiques.

Par la suite une rencontre internationale au Herzberg (près d'Aarau en Suisse) a permis des hypothèses fort suggestives sur l'activité intellectuelle que nous résumons brièvement:

« On peut dire que lorsque la tangente à la courbe présente des discontinuités, l'enregistrement indique une activité intellectuelle dont le matériel sensoriel est, selon la fréquence de ces disconti­nuités, soit visuel, soit tactile, soit acoustique, etc... » 478.



L'affectivité, lorsqu'elle est harmonieuse, contrôlée, est ca­ractérisée au contraire par une continuité du tracé. Nous retrouvons le caractère d'information distincte de l'activité intellectuelle et d'information générale de la volonté. (Chap. VI).

« Suivant que les tracés sont continus ou non, ils indiquent que le sujet, au moment de l'enregistrement, exerce ou non un contrôle sur ses états mentaux. Suivant que les tracés renferment ou non une onde d'amplitude plus ou moins grande, le sujet est en état de préparation affective, ou au contraire engagé dans une activité qui ne fait pas appel à des sentiments contrôlés ». Ce qui est forcément vague comme chaque fois que les psy­chologues tendent de définir la vie affective, nous l'avons dé­jà observé.

Ajoutons tout de suite que si l'étude sur l'action des remè­des homéopathiques nous semble indiscutable, il n'en est point de même, par exemple, des travaux et hypothèses du Herzberg. En effet, dans le premier cas il s'agit de saisir le moment où du fait de la prise d'un remède, à l'énergie propre du sujet vient s'ajouetr l'énergie apportée par le médicament. Nous sommes dans l'énergétique objective.

Au contraire dans les recherches du Herzberg on a cherché des explications de morphologie analogique entre la courbe enregistrée et l'acte mental du sujet. Si l'on s'en tient aux rythmes, aux cadences, il y a effectivement additivité des micro-mouvements cutanés, mais il serait plus qu'hasardeux de croire à une possibilité d'aboutir à une sorte de « lecture de pensée » ; ce serait retomber dans les illusions de l'électro­encéphalogramme à ses débuts. Cependant il n'y aurait pas violation du secret puisque les reflets enregistrés ne peuvent fournir que des indications générales, et non distinctes comme dans l'emploi de la narco-analyse. Le gayographe ne peut en­registrerque des reflets somatiques. L'observateur est comme l'homme de Platon qui ne voit que les ombres portées par les êtres réels qui passent devant la caverne.

Que signifient les frissons enregistrés 479 ? Nous avons connu, jadis, étant officier, un léger frisson lors d'un défilé de troupes à Metz ; puis deux ou trois fois, au cours d'une lecture, lors de la rencontre avec une vérité d'ordre intellec­tuel très élevée. Aujourd'hui la lecture d'un texte relatant un miracle nous produit des frissons réitérés de grande ampli­tude. Certes (pour parler en physicien) l'intensité d'énergie manifestée n'est plus de même voltage, mais elle dénote un certain caractère « sacré » commun à ces trois expériences personnellés 480. De même Thérèse de la Sainte Obéissance constate qu'elle ressent, maintenant, des frissons lorsqu'on parle de Jean de la Croix, alors que jadis elle en a éprouvé lors d'une sonate de Beethoven ou en lisant un poème de Keats. Enfin plusieurs mystiques ont constaté que certaines musi­ques (cuivres en particulier) déclenchent chez eux des ondes des pieds à la tête, comme si de telles musiques augmentant leur tonus vibratoire, libéraient des ondes en formation.

Ces quelques réflexions montrent les limites du gayogra­phe. Celui-ci ne peut détecter que la part commune d'acti­vités psychologiques fort distinctes, situées à des plans bien différents. Nous ne lui demanderons donc son appui que pour enregistrer des différences énergétiques considérables.



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