6. Des loisirs comme les autres
La fédération Loisirs Pluriel propose des centres ouverts aux enfants valides et handicapés et l’association Jeunesse au plein air (JPA) a établi une charte de déontologie pour l'accueil des personnes handicapées dans les structures de loisirs non spécialisées.
Avoir accès aux centres de loisirs traditionnels et aux mêmes activités que les enfants valides ressemble parfois au parcours du combattant pour les parents d’enfant handicapé. Pourtant, un rapport de la Caisse nationale d’allocations familiales publié en 2005 sur “La prise en charge des enfants handicapés dans les équipements collectifs de la petite enfance” souligne que “s’il doit y avoir un processus d’égalisation des chances, celui-ci doit s’exercer le plus tôt possible, dès les premiers âges de la vie. Les soins spécialisés sont alors nécessaires pour des enfants dont la pathologie est déjà reconnue, mais les actions d’accueil, d’accompagnement, d’éducation sont aussi fondamentales pour favoriser leur développement”. Le rapport établit un bilan critique de l’accueil des enfants handicapés ou malades dans les équipements collectifs pour la petite enfance. Il souligne également que deux types d’établissements accueillent les enfants handicapés. Le premier a véritablement eu la volonté de créer une structure avec un “souci d’innovation, en accueillant tous les enfants, quelles que soient leurs différences, tout en refusant fermement la dénomination de lieu spécialisé”. Le second a été confronté à une demande et a décidé d’y répondre.
(intertite) Une charte pour l'accueil
Ce constat est partagé par Anne Carayon, chargée du comité de suivi de la charte de déontologie pour l'accueil des personnes handicapées dans les structures de vacances et de loisirs non spécialisées. « La problématique de l’intégration des enfants handicapés dans les centres de loisirs est parfois posée en amont par les municipalités, auquel cas celles-ci intègrent notre charte au cahier des charges. Mais les centres traditionnels font parfois face à une demande des familles d'enfants handicapés et décident de les accepter. Dans les deux cas, ils peuvent s’adresser à nous. La charte donne des conseils pour une bonne organisation, une formation, par exemple. Sur notre site, les centres peuvent également télécharger des outils pratiques. » La charte précise que “la personne handicapée, comme tout un chacun, mais en tenant compte de ses besoins, doit profiter de façon maximale de ses vacances dans un environnement adapté mais non spécifique à l'accueil de personnes handicapées.”
Un regard que partage Laurent Thomas, à l’origine de la création de la fédération Loisirs Pluriel. « Dans les années 90, on était une petite équipe de directeurs de séjours de vacances spécialisés avec l'Association des paralysés de France, et on avait en charge des séjours où l’on accueillait uniquement des enfants en situation de handicap, explique t-il. On a vécu des expériences intéressantes de jumelage à la journée avec des centres de vacances d'enfants valides, où on a pris conscience de l'intérêt des relations qui peuvent s'établir entre les enfants handicapés et valides dès lors qu'on a une activité ludique à leur proposer. Devant la difficulté d'aller plus loin dans cette pratique avec l'APF, poursuit-il, on a décidé de créer sur Rennes un centre de loisirs dont la vocation était de permettre à des enfants handicapés et valides de se rencontrer dès le plus jeune âge au travers d'activités de loisirs. Le premier centre a été créé en 1992. Assez vite, d'autres familles de la région Bretagne nous ont sollicité et ont voulu créer une structure identique chez eux. En 2001, on a transformé Loisirs Pluriel en fédération, et aujourd'hui on compte dix associations implantées dans quatre régions. » Les centres de loisirs faisant partie de la fédération disposent de certaines caractéristiques pour accueillir des enfants handicapés dans de bonnes conditions : les effectifs sont limités à 30 enfants par jour, la responsabilité de chaque centre est confiée à un directeur permanent qui peut suivre l’évolution des enfants accueillis et maintenir les relations avec les familles, le taux d’encadrement est important (1 animateur pour 3 enfants en moyenne), et les équipes prennent soin d’adapter les activités en fonction des enfants présents et de leurs possibilités. « On offre une formation en interne sur la connaissance des pathologies, leurs conséquences dans la vie quotidienne, l'apprentissage des gestes d'accompagnement au quotidien, tout ce qui concerne la gestion des troubles de la santé. Un accompagnement médical peut se faire sans difficulté au sein de la structure », précise Laurent Thomas.
Les centres de loisirs ordinaires aussi…
Évidemment, les centres Loisirs Pluriel sont très demandés, « autant par les parents d’enfants valides qui sont séduits par la qualité de l’accompagnement et par l’apprentissage de la différence, que par les parents d’enfants handicapés », et il y a parfois des listes d’attente pour y obtenir une place. Mais les parents d’enfants souffrant d’un handicap peuvent aussi se renseigner auprès d’un centre de loisirs traditionnel. « Ce qui se produit souvent, c’est que les centres de loisirs traditionnels ne sont pas sollicités par les familles ayant un enfant handicapé parce qu’elles n’osent pas. Cela progresse par le bouche à oreille », observe Anne Carayon. En effet, des expériences positives sont parfois possibles. Ce fut le cas, par exemple, du centre Service Jeunesse, confronté à la demande de la mère d’un enfant autiste et qui a tout mis en œuvre pour l’accueillir. « On a toujours été ouverts à l'accueil d'enfants différents », explique Renaud Hochard, directeur de l'association Service Jeunesse dans le Nord de la France. « On avait parmi nos adhérents une maman qui avait inscrit son aîné dans notre centre et qui nous a demandé par la suite d'accueillir son deuxième enfant, autiste. C'est donc une démarche de la famille. On a mis au point un partenariat avec l'université de Lille qui enseigne la méthode AVA, une méthode comportementaliste pour aider les enfants autistes à acquérir de nouvelles connaissances, afin que deux psychologues soient présents pendant l'accueil de l'enfant ». Cette expérience a été menée avec succès et renouvelée deux années de suite. « On accepte tous les enfants, en restant en priorité une structure ordinaire », précise Renaud Hochard. On le constate, parfois, il suffit de se lancer…
Cécile Blanchard
Loisirs Pluriels : 02 99 09 02 36 et www.loisirs-pluriel.com
La Jeunesse au plein air : 01 44 95 81 20 et www.jpa.asso.fr
Étude nationale de “Grandir ensemble”
La fédération Loisirs Pluriel est à l'origine de la plate-forme “Grandir ensemble” « dont le but est de réunir un certain nombre d'initiatives qui travaillent dans la même direction, que ce soit dans le secteur de la petite enfance ou dans le secteur des loisirs », expose Laurent Thomas. Cette plate-forme souhaite promouvoir et développer l'idée que si l’on veut vraiment contribuer au changement de regard sur les personnes handicapées, il faut dès le plus jeune âge favoriser la rencontre entre enfants handicapés et enfants valides. On met en place un site Internet www.grandir-ensemble.net qui présentera le recensement de toutes ces initiatives et mettra en ligne des outils, des réflexions, des publications. On a lancé également une grande étude nationale au mois d'octobre sous la direction de Charles Gardou, membre de l'Observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap... Le but de l'étude est d’évaluer les besoins des familles sur le plan qualitatif et quantitatif, et entre autres de recenser les difficultés rencontrées par les structures ordinaires pour accueillir les enfants handicapés et les pratiques qui peuvent être aujourd'hui développées. » Les résultats de l'étude sont attendus pour avril 2008.
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