Enquête : Dernières nouvelles du Soleil
Fascinant, vital, mystérieux… Soleil. En mai, qui devrait voir apparaître les beaux jours, c’est le moment de lever les yeux vers cet astre. Notre étoile est à l’honneur ce mois-ci : Année héliophysique internationale jusqu’en 2009, Journée mondiale du Soleil le 3 mai, et Journées européennes de l’énergie solaire les 16 et 17 mai. Au CNRS, c’est tous les jours que cette étoile brille dans les labos. Les défis qu’elle lance aux scientifiques ? Comprendre sa vraie nature, résoudre les énigmes de son champ magnétique, et connaître son influence sur notre planète, à l’aide d’outils d’observation toujours plus pointus. Mais aussi prévenir les dangers du bronzage et exploiter cette inépuisable source d’énergie pour produire notre électricité. Rencontre avec une véritable star des laboratoires.
Sommaire de l’enquête :
L'étoile mystérieuse
L'énergie qui vient du ciel
Pour le meilleur et pour le pire
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L'étoile mystérieuse
C’est l’étoile la plus proche de la Terre. La plus étudiée aussi et ce, depuis des siècles. Et vous pensez donc que l’on connaît tout du Soleil ? Que les scientifiques ont fait le tour de ce monstre de presque 1 400 000 kilomètres de diamètre, situé à 150 millions de kilomètres de notre planète et qui représente à lui seul 99,86 % de la masse totale du système solaire ? Détrompez-vous. Même si les révélations sur notre étoile mystérieuse ont bien fleuri ces dernières années, grâce notamment au satellite Soho, véritable observatoire volant. Même si les chercheurs ont bien validé les modèles qui décrivent son fonctionnement interne, et le scénario global de son évolution, depuis sa naissance, il y a environ 4,5 milliards d’années, jusqu’à sa mort programmée prévue dans 5 milliards d’années. Mais toutes ces avancées ont aussi fait éclore de nouvelles énigmes… qui sont venues s’ajouter à d’autres, plus anciennes mais toujours irrésolues. Et elles sont de taille ! À commencer par l’origine même du champ magnétique de notre belle étoile, qui, à l’image d’un aimant géant, modifie les caractéristiques physiques de l’espace qui l’entoure (Il est à l'origine d'une force, dont l'intensité et la direction varient selon l'endroit. Elle s'exerce sur toutes les charges électriques de passage à proximité). « On sait que le champ est dû à des phénomènes qui se déroulent dans les couches internes du Soleil, probablement jusqu’à son cœur », commence Sylvaine Turck-Chièze, chercheuse du laboratoire « Astrophysique interactions multi-échelles » (AIM) ((Laboratoire CNRS Université Paris 7 CEA). Mais pour les autres certitudes, il faudra patienter. Principaux phénomènes incriminés : les mouvements de matière en fusion qui – comme dans le cas du champ magnétique de la Terre – agitent l’intérieur de l’étoile (tout ce qui se situe sous la photosphère). Celui-ci est constitué d’un plasma (État de la matière à haute température dans lequel les charges négatives (électrons) ne sont plus liées aux charges positives : protons, noyaux d'atomes) essentiellement composé de protons et d’électrons, c’est-à-dire des particules chargées électriquement, et réparti dans différentes couches selon ses propriétés : le cœur, une zone dite « radiative » et une zone dite « convective ». Les mouvements de ces particules chargées engendrent des courants électriques qui génèrent des champs magnétiques. Ceux-ci entraînent à leur tour le plasma et ainsi de suite : c’est l’effet dynamo. Plus précisément, les physiciens savent qu’un effet dynamo résulte de mouvements turbulents du plasma et du frottement – on parle de cisaillement – entre deux couches ou zones de plasma en contact, qui se déplacent à des vitesses différentes. Dès lors, avance Jean-François Donati, directeur de recherche CNRS au Laboratoire d’astrophysique de Toulouse et Tarbes (Laboratoire CNRS Université Toulouse 3), « on peut penser que l’origine de la dynamo solaire se trouve dans les mouvements du plasma de la zone convective, rendus tourbillonnants par la rotation de l’étoile. Les autres éléments importants sont probablement le cisaillement engendré dans la “tachocline”, cette frontière entre la zone radiative et la zone convective qui tournent à des vitesses différentes. Sans oublier un autre cisaillement provoqué cette fois dans la zone convective par une différence de vitesse de rotation entre l’équateur et les pôles : le plasma tourne plus vite à l’équateur qu’aux pôles. » Et d’autres phénomènes sont probablement à l’œuvre. En particulier un mouvement de surface du plasma solaire de l’équateur vers les pôles. Son nom ? La circulation méridienne. « Récemment, indique Nadège Meunier, chercheuse au Laboratoire d’astrophysique de Grenoble (Laog) (Laboratoire CNRS Université Grenoble 1), celle-ci est apparue comme essentielle à la génération du champ magnétique. Or, on ne connaît pas la structure de ce courant sous la surface. »
Pourquoi le champ magnétique s’inverse-t-il ?
« On dit qu’il est cyclique car il s’inverse environ tous les onze ans », explique en préambule Sylvaine Turck-Chièze. Lors de ces inversions, le Soleil perd la boussole : pôle Nord et pôle Sud échangent leurs propriétés. Pourquoi ? Le suspense est entier. Pourtant, la question ne date pas d’hier : dès le début du XVIIe siècle, Galilée, tournant sa lunette vers le Soleil, avait constaté la présence de taches sombres sur sa surface. Depuis, on a compris qu’elles accompagnent l’intense activité magnétique qui règne dans le Soleil durant la période d’inversion des deux pôles. Mais jusqu’à présent, personne n’a su dire la raison de ce cycle et le pourquoi de sa période. Ainsi, pour Jean-François Donati, « on commence à comprendre les ingrédients responsables de l’inversion. Mais qu’elle ait lieu tous les onze ans, plutôt qu’une fois par an ou par siècle, on ne sait pas l’expliquer ». Sans l’ombre d’un doute, de nouvelles observations, notamment grâce au développement de l’héliosismologie des ondes de gravité (lire l’encadré ci-dessous), seront nécessaires pour y parvenir un jour. Et pour Éric Fossat, astronome au Laboratoire Hyppolyte Fizeau de Nice (Laboratoire CNRS Université de Nice Observatoire de la Côte d'Azur), « si Soho a permis d’observer le Soleil sur la totalité d’un cycle, il est probable que deux ou trois seront encore nécessaires pour avancer ». Ces observations viendront alimenter des modélisations numériques du Soleil, de plus en plus précises. Sylvaine Turck-Chièze explique : « Certains phénomènes magnétiques durent une minute et d’autres plusieurs mois. Le cycle solaire, c’est de l’ordre de la décennie. Quant au Soleil dans son ensemble, c’est plusieurs milliards d’années. La prise en compte simultanée de ces différentes échelles de temps est actuellement un véritable défi. D’autre part, jusqu’à il y a quelques années, on ne pouvait réaliser des simulations que dans une seule direction de l’espace. Il nous faut donc développer des modèles à deux ou trois dimensions. Ce n’est qu’à ce prix que l’on abordera de façon précise la question du cycle magnétique solaire. » Autre ruse employée par nos chercheurs : se focaliser sur d’autres étoiles, et étudier l’évolution temporelle à grande échelle de leur champ magnétique. L’objectif : comprendre comment leur masse, leur température ou leur vitesse de rotation influent sur leur cycle. « Aujourd’hui, on ne le sait pas du tout, même si on commence à accumuler les observations », indique Jean-François Donati, bien placé pour en parler. En effet, son équipe vient tout juste de réaliser une grande première : grâce aux télescopes des observatoires d’Hawaï et du pic du Midi, elle a observé l’inversion du champ magnétique d’une autre étoile que le Soleil ! « Nous avons travaillé avec deux étoiles bien plus grosses que la nôtre, caractérisées par une zone convective beaucoup plus mince, explique le scientifique. Or nous avons constaté un changement de polarité après quelques années, ce qui nous amène à envisager une périodicité plus courte. Et donc à poser la question du lien entre l’épaisseur de la zone convective et la durée d’un cycle. Finalement, regarder d’autres étoiles, c’est un peu comme changer les paramètres d’une simulation, afin de comprendre le rôle exact de chacun. »
À quoi servent les granules ?
Pour saisir l’ensemble des mouvements turbulents de monseigneur l’astre solaire, une auscultation à la loupe est donc toujours aussi indispensable. Et pour les scientifiques, pas question de négliger le moindre élément, qu’il se déroule à l’échelle de quelques kilomètres ou de l’étoile entière, dont rien que le rayon mesure presque 700 000 kilomètres : même une petite omission dans une modélisation peut nuire aux prédictions à grande échelle. Autant dire qu’ils ont du pain sur la planche : dans notre étoile, les phénomènes sont légion, comme en témoigne ce que sa surface nous en laisse percevoir. À l’échelle du millier de kilomètres, celle-ci est composée de granules, qui sont les sommets visibles des cellules de convection de la zone convective. Leur durée de vie ? Environ 10 minutes. Et à l’échelle de 30 000 kilomètres, ces granules s’organisent aussi en supergranules. Comme l’explique Nadège Meunier, « si on comprend bien la granulation à petite échelle, ce n’est pas encore le cas de la “supergranulation”. Or, en surface, il est probable qu’elle joue un rôle dans la diffusion du champ magnétique de l’équateur vers les pôles qui se produit tous les onze ans au moment des inversions de pôle ».
D’où viennent les taches ?
Autre point d’interrogation, le rôle précis du phénomène le plus anciennement connu à la surface du Soleil : les fameuses taches. Leur nombre varie sans cesse, mais passe par un maximum environ tous les onze ans, à l’époque des inversions. Visuellement, les taches apparaissent plus sombres que le reste de l’étoile, parce qu’elles sont plus froides. Ce sont les lieux d’émergence, dans l’atmosphère solaire, de zones de fort champ magnétique : ce dernier peut y atteindre plusieurs milliers de Gauss – unité de mesure utilisée pour les champs magnétiques – contre seulement quelques Gauss en dehors des taches ! À titre de comparaison : le champ magnétique terrestre est d’environ 0,5 Gauss… Lorsque plusieurs taches se regroupent, on parle de zones actives. Ces dernières jouent probablement un rôle dans l’activité magnétique globale du Soleil, mais aussi dans l’apparition de nombreux phénomènes qui se déroulent dans l’atmosphère solaire. Et en particulier dans les éruptions solaires : « Celles-ci sont caractérisées par une augmentation de la brillance de la chromosphère, la couche se trouvant au-dessus de la photosphère du Soleil dans les régions actives, explique Nicole Vilmer, directrice de recherche CNRS au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Lesia) (Laboratoire CNRS Observatoire de Paris Universités Paris 6 et 7). On leur associe la production de particules très énergétiques dans l’atmosphère solaire. » Or celles-ci sont à l’origine d’intenses flashs lumineux de rayons X ou gamma dont l’énergie peut atteindre des millions de fois la consommation annuelle d’énergie électrique de la France.
D’où viennent les éruptions solaires ?
À quoi ces éruptions sont-elles dues ? Les chercheurs ont leur petite idée… De l’avis général, leur origine serait liée au phénomène dit de « reconnexion magnétique » qui survient dans l’atmosphère lorsque deux lignes de champ magnétique – c’est-à-dire les représentations des directions du champ magnétique dans l’espace – de polarités différentes se rejoignent : ce phénomène provoque un gros transfert d’énergie vers le plasma environnant. Ce dernier se met alors à chauffer, et les particules qui le constituent s’accélèrent… jusqu’à l’éruption. « C’est sans doute le b.a.-ba du phénomène, précise la chercheuse. Aujourd’hui, la question est de bien comprendre quelles sont les configurations qui conduisent effectivement au phénomène de reconnexion et comment les particules sont accélérées. » Lorsque ces manifestations de l’activité solaire s’étendent à une fraction importante de la surface de l’étoile, elles donnent lieu à ce que les spécialistes appellent des « éjections de masse coronale » (CME), c’est-à-dire à des éjections dans le système solaire d’une fantastique quantité de matière. Celles-ci sont au cœur d’une autre grande énigme : pour Carine Briand, chercheuse au Lesia et coresponsable de l’Année héliophysique internationale pour l’Europe, « le déclenchement de ces événements extrêmes, fréquents en période de forte activité solaire, est évidemment lié au magnétisme. Mais leur origine et les mécanismes qui les génèrent sont encore très mal connus. On en sait également peu sur les liens entre les CME et les différentes couches de l’atmosphère [chromosphère et couronne] solaire. Pour l’heure, les prédictions restent hasardeuses et le débat très vif, car les théories peinent à expliquer les observations. » À ce sujet, les scientifiques comptent beaucoup sur la mission Stereo, lancée l’année dernière, et dont les premières données ont déjà été livrées. Composée de deux sondes identiques, elle permet, grâce à une vision en « stéréo », de suivre en trois dimensions le stockage d’énergie magnétique, l’éjection puis la trajectoire de la matière coronale dans le milieu interplanétaire.
Qu’est-ce qui accélère le vent solaire ?
D’une façon générale, l’atmosphère du Soleil pose encore beaucoup de questions aux spécialistes. Outre les phénomènes violents et sporadiques, ces derniers ont un beau sujet de réflexion avec le vent ou plutôt les vents solaires, flux continu de particules chargées (protons, électrons, ions) qui s’échappent de l’étoile à grande vitesse et baignent la totalité du système solaire. Plus précisément, un vent dit rapide, partant de certains endroits, dont la vitesse est d’environ 800 kilomètres par seconde ; et un vent dit lent, aux environs de l’équateur, s’échappant à 400 kilomètres par seconde. La raison de cette différence ? La configuration des lignes de champ magnétique. Bouclées sur elles-mêmes à l’équateur, elles empêchent le vent solaire de prendre trop de vitesse. Au contraire, ouvertes au niveau de ce que les astronomes appellent les « trous coronaux », en fait des régions plus sombres et froides de la couronne, elles accompagnent le vent solaire vers l’extérieur, et l’accélèrent. Mais dans un cas comme dans l’autre, « nous pensons que les particules sont accélérées par un processus très complexe : la gyrorésonance qui met en jeu la résonance de deux fréquences ; la fréquence à laquelle ces particules s’enroulent autour des lignes de champ magnétique et la fréquence d’ondes de matières à la surface du Soleil », précise Jean-Claude Vial, directeur de recherche CNRS à l’Institut d’astrophysique spatiale (Institut CNRS Université Paris 11), à Orsay. «Pour autant, s’il n’y a pas d’objection à cette hypothèse, nous n’avons pas non plus de certitudes quant à sa validité. Pour en avoir le cœur net, des mesures in situ (champ magnétique, vitesses des particules…) seraient nécessaires, mais ce n’est pas pour tout de suite ! » Par ailleurs, le vent solaire pourrait être lié à une autre bizarrerie : la variation de la température de l’atmosphère du Soleil lorsque l’on s’éloigne de l’astre. Si dans les 500 premiers kilomètres, la température diminue (comme lorsqu’on s’éloigne d’un radiateur), elle remonte ensuite, passant de 4 500 degrés à la frontière entre la photosphère et la chromosphère à près de 1 million de degrés dans la couronne ! « On parle de température, précise Carine Briand, mais strictement, il s’agit ici d’une mesure de l’agitation des particules. Toujours est-il qu’on ne connaît pas la raison de cette augmentation, même si l’on suppose que le champ magnétique joue ici aussi un rôle important. »
Quelle influence sur la Terre ?
Si l’enquête passionne autant les scientifiques, c’est aussi parce qu’elle concerne notre bonne vieille planète. En effet, les particules énergétiques expulsées du Soleil, que ce soit par l’intermédiaire du vent solaire, des éruptions ou des CME, traversent ensuite l’espace et parviennent, pour certaines d’entre elles, jusqu’à la Terre. Grâce à son champ magnétique, ou magnétosphère, la planète bleue dévie ces particules énergétiques, et nous protège ainsi d’un flux mortel. Cependant, certaines d’entre elles atteignent la surface, en particulier là où les lignes de champ magnétique terrestre sont le plus ouvertes, c’est-à-dire aux pôles. Et donnent les fameuses aurores boréales. Mais, comme le précise Jean-Louis Bougeret, directeur du Lesia, « le bombardement de notre environnement par les particules d’origine solaire peut aussi causer des dégâts sur les satellites, les panneaux solaires, les calculateurs de bord ou les caméras CCD. La perturbation à grande échelle des courants électriques dans la magnétosphère peut également affecter les lignes à haute tension au point de causer des pannes du réseau de distribution ». Comme lors de la panne totale du réseau électrique survenue dans le Nord du Canada le 13 mars 1989. On comprend que les scientifiques tentent de mieux comprendre les phénomènes à l’origine de la pénétration de particules solaires dans l’environnement terrestre. Pour les y aider, les quatre sondes de la mission Cluster, en orbite haute autour de la Terre, scrutent la dynamique de la frontière entre le vent solaire et la magnétosphère terrestre depuis l’année 2000. Comme l’explique Vladimir Krasnosselskikh, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de physique et chimie de l’environnement (Laboratoire CNRS Université Orléans), à Orléans, « la dynamique de cette frontière est d’une incroyable complexité. Ces dernières années, nous avons notamment observé de gigantesques vortex grâce auxquels les particules solaires pénètrent dans la magnétosphère».
Quel temps fait-il sur le Soleil ?
Ce qui nous amène à un autre grand défi relevé par nos spécialistes solaires : prévoir l’évolution des soubresauts de notre étoile, afin d’anticiper d’éventuelles perturbations de notre environnement terrestre. Un objectif qui explique l’essor d’une nouvelle discipline, permis par l’amélioration des performances des moyens d’observation : la météorologie de l’espace. Une analogie avec les météorologistes de la Terre qui observent par exemple la formation d’une dépression sous les tropiques, et tentent de prédire le temps qu’il fera quelques jours plus tard dans le golfe de Gascogne. En l’occurrence, il faut quatre jours à une éjection solaire pour faire sentir son effet sur la Terre. Questions : quel sera le devenir d’un phénomène observé à la surface du Soleil ? Va-t-il s’amplifier ? Comment s’en protéger ?
Dans le cas des éjections de masse coronale, on peut par exemple observer les ondes radio engendrées par l’accélération des particules de matière. « Les ondes radio se propageant à la vitesse de la lumière, elles parviennent donc sur Terre avant les particules associées, indique Carine Briand. Leur détection permet d’anticiper le déplacement des particules et ainsi d’éventuellement déclencher des mesures de protection d’un certain nombre de systèmes. »
Une chose est sûre, les scientifiques n’en ont pas fini avec le Soleil. Pour Sylvaine Turck-Chièze, « sur l’objet astrophysique, on a beaucoup progressé. Mais concernant les interactions avec la Terre, il va encore falloir travailler longtemps ! ». Ce dont aucun chercheur ne se plaint…
Des ondes pour ausculter le soleil
Pour percer les mystères du Soleil et en savoir notamment un peu plus sur la dynamique à l’œuvre dans le cœur de notre étoile, les astronomes disposent depuis peu d’un nouvel outil : les ondes de gravité. Explications : L’héliosismologie est à l’étude du Soleil ce que la sismologie terrestre est à celle de la structure interne de la Terre. Comme le raconte Éric Fossat, pionnier du domaine, « jusque dans les années 1960, l’intérieur du Soleil n’était qu’une vue théorique. On voyait bien des vagues sur sa surface, mais l’on a mis longtemps à comprendre qu’il s’agissait d’ondes provenant de l’intérieur ». Depuis, les ondes acoustiques (ou sonores) ont livré moult informations précises et précieuses, aussi bien sur la structure de l’étoile que sur sa dynamique interne. « Elles permettent de déterminer les profils de vitesse du son à l’intérieur du Soleil, détaille Sylvaine Turck-Chièze. On en déduit les profils de pression, de densité et de température, ainsi que des informations sur la dynamique interne. » Problème : les ondes acoustiques, engendrées à la surface du Soleil, ne permettent pas d’accéder à la dynamique du cœur de l’étoile. Celle-ci reste donc invisible. Pour la sonder, les astrophysiciens ne peuvent compter que sur un autre type d’ondes qui se propagent à l’intérieur : les fameuses ondes de gravité. Elles prennent naissance lorsque des bulles de la zone convective pénètrent dans la zone radiative, beaucoup plus dense. Le retour à l’équilibre provoque des oscillations. Or si les ondes acoustiques sont déjà d’infimes pulsations qui se déplacent à quelques dizaines de centimètres par seconde, les ondes de gravité se propagent 100 fois moins vite et sont quasi indétectables en surface. Résultat : il aura fallu les dix ans d’observation de la surface de notre étoile par la sonde Soho pour enregistrer les premières. De leur analyse toute récente, il ressort que le cœur du Soleil tournerait trois à cinq fois plus vite que la zone radiative. Ce phénomène serait un vestige de l’époque où le Soleil s’est formé. Autrement dit, une meilleure compréhension de la dynamique du noyau ouvrirait une nouvelle fenêtre sur les débuts du système solaire.
Chaud et froid sur le climat
Le Soleil a-t-il une influence sur le climat ? La question peut paraître triviale. Néanmoins, les conséquences sur le climat de l’activité solaire et de ses variations, notamment le cycle de onze ans, fait encore l’objet d’intenses débats. Comme l’indique Édouard Bard, du Centre européen de recherche et d’enseignement de géosciences de l’environnement (Cerege) (Centre CNRS Universités Aix-Marseille 1et2 IRD Collège de France) d’Aix-en-Provence, «nous savons désormais que le réchauffement mondial des trente dernières années n’est pas lié aux petites variations de l’éclairement solaire observées sur cette période. Par contre, il apparaît que l’activité solaire est corrélée avec certains épisodes climatiques des derniers siècles et millénaires ». Le plus célèbre est le Petit Âge glaciaire, période froide qui a touché l’Europe entre 1450 et 1850, et succédé à l’Optimum médiéval, période plus chaude entre 900 et 1400. Mais comment les chercheurs ont-ils retracé l’évolution de l’activité solaire au fil des siècles ? Grâce notamment au carbone 14 contenu dans les cernes des vieux arbres, ou dans les carottes de glace. En effet, quand le Soleil faiblit, la Terre est frappée par davantage de rayons cosmiques qui donnent naissance à du carbone 14 dans l’air. Concernant le Petit Âge glaciaire et l’Optimum médiéval, les climatologues s’interrogent encore sur les causes additionnelles comme l’activité volcanique, sur le caractère mondial ou régional de ces événements, et enfin sur les mécanismes amplificateurs qui expliqueraient pourquoi de faibles variations de l’éclairement solaire ont eu des répercussions significatives sur le climat.
Mathieu Grousson
Contact
Sylvaine Turck-Chièze, sylvaine.turck-chièze@cea.fr
Jean-François Donati, donati@ast.obs-mip.fr
Nadège Meunier, nadege.meunier@obs.ujf-grenoble.fr
Éric Fossat, eric.fossat@unice.fr
Nicole Vilmer, nicole.vilmer@obspm.fr
Carine Briand, carine.briand@obspm.fr
Jean-Claude Vial, jean-claude.vial@ias.u-psud.fr
Jean-Louis Bougeret, jean-louis.bougeret@obspm.fr
Vladimir Krasnosselskikh, vladimir.krasnosselskikh@cnrs-orleans.fr
Édouard Bard, bard@cerege.fr
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