Conceptualisation et éclaircissement sur les publics concernés


Chapitre II. Contexte de la formation linguistique à visée insertion-intégration



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Chapitre II. Contexte de la formation linguistique à visée insertion-intégration

La formation à visée insertion est actuellement bouleversée par de nouvelles orientations gouvernementales, notamment, le contrat d’accueil et d’intégration, le projet de décentralisation et la volonté du gouvernement actuel d’appliquer à ce secteur, le nouveau code des marchés publics de manière stricte. Au niveau institutionnel et financier, ces mutations se traduisent par une déstructuration des réseaux de formation qui agissent depuis toujours à partir d’objectifs associatifs de partage des savoirs. Ces nouvelles orientations ont des répercussions sur la pérennité des actions qui caractérisent habituellement le secteur de la formation linguistique de base.


  1. Données historiques, sociopolitiques et économiques des situations


L’enseignement du français aux adultes évolue dans son organisation et dans son contenu. Les politiques linguistiques et le contexte social et économique apportent des changements auxquels les praticiens doivent s’adapter. Les avancées de la recherche ont également contribué à faire évoluer les situations. Nous décrivons tout d’abord l’évolution de cet enseignement à travers l’histoire pour éclairer la situation présente pour le moins complexe.

1.1. Origine de la mise en place d’une formation de base


Chacun des trois secteurs, alphabétisation, lutte contre l’illettrisme et didactique du FLE trouve ses racines dans l’histoire de la langue française et de son influence sur le monde d’un point de vue politique, social et économique. Dès le XVIIème siècle, les élites intellectuelles et aristocratiques ont vécu sur l’idée que le français était leur lien privilégié. A l’étranger, la langue française a été la première à s’affirmer en termes politiques, à s’analyser en tant que langue, instrument d’unification et de prestige56. On apprend encore le français pour les valeurs qu’il a porté. La colonisation se préoccupe peu de rayonnement culturel et d’influence linguistique. La langue doit alors suffire à ce minimum de compréhension qui sert à dresser de bons ouvriers.

Les missionnaires français considéraient comme une mission sacrée d’alphabétiser de “ nouveaux chrétiens ” sur les cinq continents. L’alphabétisation a été l’un des vecteurs de la colonisation. Elle devient ensuite un vecteur de révolution. La liquidation de l’analphabétisme (toutes langues confondues) doit permettre d’élever la conscience politique et idéologique des masses et de développer leur capacité de lutte et de production culturelle. Ce fut l’ambition des dirigeants de pays comme le Brésil, l’URSS ou le Vietnam.

Aujourd’hui, dans le monde, le nombre des adultes n’ayant pas accès à une formation de base organisée, stagne autour de 870 millions depuis 1980. Notons que la proportion des femmes analphabètes est supérieure à celle des hommes57. Désormais, à l’échelle mondiale, l’analphabétisme fonctionnel, synonyme d’illettrisme en France, n’est plus limité aux besoins d’apprentissages de lecture et d’écriture mais s’étend à tous les savoirs de base.

En France, les principaux domaines d’intervention éducative (FLE, alphabétisation et lutte contre l’illettrisme) ont eu maintes fois l’occasion de se côtoyer au fil de l’histoire. Lorsque l'alphabétisation des migrants naît au début des années 60, ce sont le plus souvent, des associations caritatives qui mènent des actions de bénévolat. Citons, par exemple, l’Amicale pour l’Enseignement des Etrangers (AEE). On parle alors "d'alphabétisation de survie" dont l’objectif est d’apporter les éléments minimaux de la communication pour que les immigrés puissent s'adapter à la société. Des militants CGT et PCF et des mouvements d’inspiration chrétienne mais également des intellectuels revendiquent la reconnaissance du droit à la formation.

Au milieu des années 70, les pouvoirs publics définissent une politique spécifique en direction des travailleurs immigrés ; des lieux de formation de formateurs et de diffusion pédagogique apparaissent. C’est le cas de l’Association d’Enseignement et de Formation des Travailleurs Immigrés et leurs familles (AEFTI) et du CLAP, (Centre Liaison Alphabétisation et Promotion) par exemple qui fédère des cours privés pour migrants58. La didactique des langues étrangères mène une abondante réflexion sur la meilleure manière d’enseigner le français aux immigrés.

La loi de 1971 sur la formation continue a pour objet, dans sa perspective politique, de permettre l'adaptation des actifs aux transformations et conditions de travail et de faciliter leur promotion sociale. L'action mise en place dans les quartiers ou les entreprises prévoit un traitement indépendant pour les populations immigrées et françaises. Un Secrétariat d'État à l’immigration est créé en 1974. La circulaire Granet Dijoud de 1975 précise les orientations générales de la politique gouvernementale et instaure le Fonds d'Action Sociale59 (FAS) comme financeur de l’alphabétisation. On peut noter, toutefois, que certains cours sont également financés par le patronat au moyen d’associations spécialisées comme « le cours de français du travail » dans et hors entreprise. Ce fut le cas chez Michelin.

Les cours FLE pour les enfants le mercredi après-midi débouchent sur le repérage de formateurs volontaires pour les stages CREDIF (Centre de Recherche et d’Etudes pour la Diffusion du Français) et plus tard vers les CLIN (CLasses d’INitiation).

La mise en oeuvre d’une politique globale d'intégration des enfants de migrants concerne les ministères de la ville, de l'intégration et de la culture. Cette politique vise à corriger les inégalités scolaires en faisant porter ses efforts sur la maîtrise de la langue française pour permettre une bonne poursuite d'études débouchant sur une qualification. Une note d'information du Ministère de l'Education Nationale de janvier 1995, atteste que l'on peut chiffrer à un peu moins d'un million le nombre des élèves de nationalité étrangère scolarisés en France métropolitaine soit 7,9 % de l'effectif global des premier et second degrés.

Des Classes d'Initiation (CLIN) sont encore proposées aux élèves pour leur permettre une mise à niveau de leurs connaissances. Par ailleurs, des Cours de Rattrapage Intégré (CRI) sont dispensés quelques heures par semaine à de petits groupes d'enfants scolarisés en classe ordinaire. En 1994-1995, 280 CLIN et 613 CRI ont été ouverts ; ils ne regroupent que 15 élèves au maximum.

Au niveau du collège, du lycée professionnel et plus récemment en lycée, les jeunes nouvellement arrivés en France sont scolarisés en classes d'accueil (CLA), lorsqu'un effectif suffisant est réuni, ce qui est rarement le cas. Ces classes doivent fonctionner en structures ouvertes et offrir dès le début le maximum de cours en commun avec les autres élèves. Le nombre de classes d'accueil dans le second degré est passé de 185 en 1983 à 479 en 1994-1995 et le nombre d'heures spécifiques d'apprentissage du français est passé de 100 heures supplémentaires en 1983 à 427 pour 1995 - 1996. Malheureusement, les collèges et lycées qui ne peuvent pas bénéficier de ces dispositifs sont encore très nombreux. Les classes pour les enfants non scolarisés antérieurement (CLA-ENSA) ont été créées à Paris en 1991 pour accueillir des jeunes de 12 à 17 ans. Une seule année d’adaptation est prévue alors que lorsqu’ils sont analphabètes, ils affrontent l’école pour la première fois. Même si l’objectif de ces structures est de réaliser le plus rapidement possible l’insertion des élèves dans le cursus « normal », il n’existe pas suffisamment de suivi. Les CASNAV (Centres Académiques pour la Scolarisation de Nouveaux Arrivants et enfants du Voyage) sont disparates et d’un nombre inégal d’une région à l’autre. Il existe également un gros effort associatif de soutien scolaire dans les quartiers où les primo-arrivants sont nombreux. Toutefois, on peut craindre que les mesures restrictives annoncées par le gouvernement actuel laissent peu de place au travail du secteur associatif.

Pour faciliter cet enseignement du français, le précédent Ministère de l'Education Nationale apporte son soutien à des recherches et expérimentations visant à la production de matériel pédagogique, concernant l'apprentissage du français par les élèves non francophones. Ces travaux s'attachent à divers aspects du français en tant que langue seconde (enseignement de la langue comme outil de communication dans un contexte exclusivement francophone dont les stratégies sont différentes de celles couramment pratiquées dans les cours de FLE). L'enseignement de la langue est considéré comme le véhicule de tous les apprentissages scolaires, l'instrument de socialisation de l'enfant, mais aussi l'adaptation de l'apprentissage du français lié aux langues d'origine. Ces dernières années, les efforts portent davantage sur la prévention de l’illettrisme avec, notamment, la mise en place des contrats locaux d’accompagnement à la scolarité (CLAS) créés en 1996 dont l’action consiste à apporter une aide aux devoirs pour les enfants des quartiers dits « sensibles ».

Le contexte politique et social est déterminant dans toute action de formation destinée aux enfants comme aux adultes.

Parallèlement à la naissance de dispositifs destinés aux enfants, la formation des adultes profite de la recherche en ingénierie éducative de la didactique des langues et de l’enseignement initial. En effet, ce sont précisément les nouveaux publics immigrés peu scolarisés qui sont à l’origine d’une approche fonctionnelle et communicative voulant s’adapter à tous les profils d’apprenants. Le courant fonctionnel et communicatif produit des outils spécifiques qui proposent un modèle didactique mettant en avant la prise en compte des besoins langagiers. Le Centre de Recherche et d’Etudes pour la Diffusion du Français (CREDIF : dissout en 1996), initie cette conception à travers des méthodes pertinentes. Rappelons que sous l’impulsion d’une recommandation de l’UNESCO (1947) visant à faciliter l’éducation de masse dans les pays en voie de développement, le gouvernement français avait lancé dès 1951 un projet pour accélérer la diffusion du français. Ce projet avait pour nom le « français élémentaire ». Il visait un public mal déterminé.

Il faut se souvenir que la didactique du FLE est née de la pratique de l’enseignement de la langue ; elle s’est renouvelée pour s’adapter à la diversité des apprenants. C’est d’ailleurs sur ce principe qu’est né le Niveau Seuil. Les organismes de recherche comme le CREDIF et le BELC (Bureau d’Etude pour les Langues et les Cultures) ont produit les premières méthodes audiovisuelles en milieu endolingue. Ainsi, les méthodes du CREDIF que sont : Voix et images de France 1960-1968. Didier Hatier International et De vive voix 1972, sont des outils Structuro-Globaux Audio-visuels (SGAV) qui concernent les débutants et faux débutants adultes FLE (parlant déjà le français) que sont alors les travailleurs immigrés. La priorité est donnée à l’oral afin de répondre à l’urgence de leur demande. La politique linguistique de l’époque encourage l’enseignement du Français pour ce public nouveau. C’est à ce moment-là que le FLE en milieu endolingue se distingue nettement du FLE milieu exo lingue. Le Français à l’étranger s’adapte au contexte local et s’appuie le plus souvent sur une méthodologie traditionnelle (traduction-version, ou MAO, MAV) alors que le FLE en France vise une approche plus pragmatique. Jacques Cortes met au point une méthode CREDIF intitulée « Le machin » (1979) spécifiquement adaptée aux ouvriers de la Régie Renault.

Les années 80 voient naître une modification du contexte socio-économique qui rejette du marché des personnes peu qualifiées. De ce fait, l’exclusion se généralise. La politique gouvernementale veut augmenter le niveau de formation générale des salariés peu qualifiés, un nouveau concept apparaît : l'illettrisme. La formation s’oriente vers l’accès à l’écrit pour tous. Les adultes ayant besoin d'apprendre le français ne sont plus seulement les étrangers60. La formation des migrants s’intègre à la formation plus globale de publics privés d’emploi. De fait, le public concerné peut être français ou immigré, illettré ou analphabète. Les organismes de formation évoluent et élargissent leurs vocations. L’Université, de son côté, s’éloigne de la recherche spécifique pour les apprenants de bas niveau pour s’orienter vers des publics plus « compétents ». Les organismes du secteur social et/ou militant ne veulent laisser personne de côté. Ils prennent le relais et ont en charge les actions d’alphabétisation et de lutte contre l'illettrisme. Parallèlement, les classements sociaux, en faisant émerger la notion de Bas Niveau de Qualification BNQ,61 conduisent à la création de dispositifs communs aux individus sans emploi qu'ils soient français ou étrangers. De fait, une grande partie de la population immigrée participe à des actions de formation continue. La notion d’alphabétisation tend à disparaître, on préfère désormais le terme plus générique de « formation de base ».

Cette politique permet la gestion globale d’un public en difficulté. La formation accompagne l’évolution économique et avec elle, celle des technologies. Les groupes d’apprenants sont hétérogènes puisque, d’une part, on regroupe les publics de bas niveau et que, d’autre part, l'organisation (pour ne pas dire le financement) des formations se fonde sur le « statut » des apprenants. Selon qu’ils sont primo arrivants, Rmistes ou chômeurs de longue durée, les droits ne sont pas les mêmes. Leur seul point commun est qu’ils sont tous considérés comme sujets non insérés (plutôt qu'acteurs de la société).

Depuis les années 90, de nouveaux courants migratoires concernant les publics de niveau supérieur au niveau V62 viennent grossir les rangs des publics reçus en formation de base. Ce sont pour la plupart des personnes réfugiées ou des familles « rejoignantes » (terme consacré du FAS63) qui pourraient relever d’un enseignement du FLE. Cependant, leur situation sociale dans le pays d'accueil et leur difficulté d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle les rend captifs de formations de base destinées, en principe, à des publics peu scolarisés. Cette hétérogénéité, nous le verrons, a pour conséquence, une évolution pédagogique vers ce que l’on appelle le « sur mesure » et l’individualisation.

Les directives des prescripteurs sont centrées sur la dimension sociale et économique de la formation quel que soit le profil pédagogique du public. Il en résulte, qu’actuellement en formation de base, on s'exprime en termes de parcours d'insertion et non plus de besoins en langue. Le parcours est balisé et implique à la fois l’apprenant et le formateur.

De fait, la formation dite de base s’intègre dans des processus plus ou moins éphémères et gère en permanence la complexité. La formation est accompagnement, ses finalités sont multiples.

Ainsi, l’enseignement de la langue française fut et est encore conditionné politiquement par des objectifs différents : la diffusion de la langue française et son rayonnement à l'étranger (FLE exolingue), la mobilité professionnelle (FLE endolingue), l'adaptation de la main-d’œuvre immigrée dans un pays (alphabétisation) et le traitement social d’une population exclue. Les exigences en matière de lecture et d'écriture sont imposées par l’économie et associées à l'inquiétude politique devant un phénomène social mis à jour tardivement (illettrisme). Les dispositifs créés depuis les années 90 accueillent des publics mixtes. La spécificité des publics migrants est moins prise en compte qu’auparavant. Depuis la mutation du FAS (Fonds d’Action Sociale) en FASILD (Fonds d’Action et de Soutien pour l’Intégration et la Lutte contre les Discriminations) en 2001, une tendance inverse apparaît puisque le financeur se recentre sur ses publics prioritaires. Les immigrés en font partie.

La répartition des moyens attribués à l'enseignement est fonction, dans une certaine mesure, des particularités des publics mais aussi et surtout, des enjeux qui se profilent derrière ces pratiques politiques. Cette situation explique sans doute en partie le désinvestissement progressif de l’Université à l’égard des publics en insertion.

Ce qui pourrait expliquer le désinvestissement provisoire de l’Université vis-à-vis des publics migrants 

Les immigrés ont pu, jusqu’à une certaine époque, être considérés comme relevant de la didactique du FLE, mais les flux migratoires ont évolué. Ainsi, les premiers immigrés étaient issus de pays comme l’Italie ou la Pologne. Ils avaient reçu un enseignement scolaire. Les immigrés d’origine maghrébine, sous l’effet négatif de la colonisation, bien que partiellement ou totalement francophones, sont arrivés sur le territoire, dans la plupart des cas, non scolarisés.

Les premiers travailleurs immigrés intéressent la linguistique appliquée : discipline maîtresse.

Les choix politiques et économiques du moment (début des années 70) se portent sur la formation d'une main-d’œuvre adaptée. Le chômage, l’exclusion et la précarité des années qui ont suivi ne laissaient entrevoir que peu de perspectives pour ces personnes. Les associations militantes ont eu à cœur de prendre en charge ce public. Les organismes de formation créés en étaient les outils. Ils le sont encore dans la mesure où ils permettent de mettre en pratique les valeurs qu’elles défendent. Malheureusement, ils se trouvent aujourd’hui en concurrence avec les organismes de formation privés à but lucratif.

Les années 70 sont un point charnière dans la « rupture » entre la discipline FLE et l’alphabétisation. Le Niveau Seuil a permis un tournant de la formation sur le plan méthodologique. Le courant fonctionnel s’inscrit également dans le contexte de la révolte de 1968 contre l’assujettissement institutionnel.

Cette époque a encore permis la naissance de la formation continue. Les incidents des Usines de Renault Boulogne Billancourt où quelques centaines de travailleurs africains ont bloqué les chaînes ont permis de réclamer le "droit à la formation". La diversification des publics amenée par la formation continue a imposé la définition d’objectifs d’apprentissage fonctionnels. La priorité donnée au point de vue de l’apprenant et les prémisses de l’approche interculturelle vont dans le sens du mouvement de 1968.

Le contexte, la diversité des finalités d’apprentissage peuvent, par conséquent, induire des changements dans les modèles pédagogiques de la formation de base comme, par exemple, un enseignement utilitariste de type fonctionnel ou une visée insertion sociale plus nettement orientée vers la pédagogie du projet. Ceci tend à démontrer que le secteur alphabétisation a évolué à cause du changement de contexte et qu’il s’est enrichi d’un point de vue pédagogique.

Les orientations institutionnelles ont, selon nous, renforcé de telles disparités entre les secteurs. La politique d’état et la politique régionale ont permis d’envisager le pôle de la formation autrement et d’attribuer aux formateurs un rôle d’acteurs politiques.



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